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Accueil du site > Tribune Libre > Friedrich Nietzsche. L’éternel retour de l’incompris... (...)

Friedrich Nietzsche. L’éternel retour de l’incompris... 2/2

Suite et fin des aventures Nietzschéennes...

- L'ERRANCE ET LA DECOUVERTE DU SUD :

PNG En octobre 1876, il obtient son congé de l'enseignement avec maintien de son traitement. Avec Paul Ray, un jeune philosophe qui suivait ses cours depuis deux ans, il quitte la suisse pour gagner l'Italie. C'est le début d'une longue errance qui va durer douze ans. La découverte du sud est pour lui un choc culturel, social et intellectuel. Tout oppose ce sud lumineux, foisonnant, berceau de l'hellénisme triomphant. Au nord, froid. Le chant du coq au petit matin brumeux. Wotan et toutes les allégories qui jadis lui donnèrent le frisson. C'est pour lui l'occasion de faire évoluer son écriture. Il lit les moralistes français : La Rochefoucauld, La Bruyère, La Fontaine. L'école française des moralistes est pleine de substances philosophiques. Nietzsche est sensible au fait qu'une bonne réflexion morale doit passer par une forme d'observation. Chez lui, les fables ne s'appellent pas des fables, mais des généalogies. La morale selon Nietzsche et les moralistes Français, n'a rien à voir avec un énoncé des devoirs et des obligations. Mais plutôt d'une observation des conduites humaines. De leurs caractères. Des faiblesses, des forces, des talents qui s'expriment dans la littérature.

" On a mal observé la vie si l'on a pas vu aussi la main qui, avec mille ménagements, assassine."

" Maturité de l'homme : cela signifie avoir retrouvé le sérieux que l'on mettait dans ses jeux, enfant."

" Les hommes se pressent vers la lumière, non pour mieux voir, mais pour mieux briller. Celui devant qui on brille, on le prend volontiers pour lumière. "

Maximes, apologues, fables, réflexions, aphorismes, cours essais de deux à trois pages et même poèmes... Les ouvrages de Nietzsche donnent un impression d'éclatement. De discontinuité. Pourtant, tout cela est savamment élaboré. Ce n'est pas un fragment au sens où il manquerait le reste de l'œuvre. La pertinence de ce qu'il dit repose sur le fait qu'une observation a été faite. Cette observation, elle est ingénieuse. Elle est profonde. Elle est instructive. Des leçons peuvent être tirées. Si on a fait tout ça, la pensée peut être donnée. Elle est accomplie. Elle n'a nul besoin de fondation, ni de servir de principe à des déductions. Elle se suffit à elle-même. Il avait le sentiment que la conscience introduisait le mensonge dans l'expression. Qu'il fallait être au plus près du jaillissement. Or l'aphorisme, le fragment, ne nécessitent qu'un peu de mise en forme, mais sont au plus près de l'expression immédiate.

 

- L'ARISTOCRATE ET L'ESCLAVE :

Nietzsche passe de longs moments à se promener sur les plages. Dans les rochers. Dans les pinèdes. Il ne se déplace jamais sans un carnet sur lequel il note tout ce qui lui passe par la tête. Il remplira de très nombreux carnets qu'il recopiera au propre dans des cahiers. "Humain trop humain" sous titré "Un livre pour esprits libres", a été composé de cette manière. Il est dédié à Voltaire et paraît en 1878 pour le centenaire de la mort du philosophe Français. Dans "aurore", Nietzsche entame une analyse de la morale. Ainsi Platon dans ses dialogues, a mis en scène Socrate comme porte parole principal. Avec Socrate, a commencé la décadence de la philosophie. La pensée n'est plus un vécu. Elle juge la vie. Elle la condamne. Ou la limite au nom de valeurs dites supérieurs... La vraie... Le bien... Le beau... L'état... La religion. L'histoire de la philosophie vue par Nietzsche, devient donc l'histoire de la soumission des hommes. Vont suivre au cours des années, une critique systématique de l'idéalisme Allemand, à travers les figures de Kant, de Hegel et de Schopenhauer.

L'esprit libre selon Nietzsche, c'est celui qui se sera libéré de l'optimisme de la tradition philosophique. C'est à dire, de la croyance dans un monde idéal. Dans un dieu. Dans des valeurs supérieurs. sans pour autant partager le pessimisme de Schopenhauer. Nietzsche oppose " l'Aristocrate" : Indépendant. Artiste orgueilleux. Créateur de valeurs. A " l'Esclave" : Conformiste. Médiocre. Obnubilé par de fausses valeurs modernes comme : Le progrès. La politique. Le travail. La démocratie. Mais "aristocrates " et "esclaves'. Forts et faibles. Ne sont pas des termes consacrés par les divisions sociales. Ce sont les étapes d'un devenir qui se gagne dans la lutte contre les forces réactives. Des maitres, des puissants, peuvent êtres des "esclaves" au sens de Nietzsche. Pour lui, dans un monde vivant, c'est à dire multiple, ouvert sur l'inconnu. Il y a de nombreux points de vue possibles. La perspective, est l'art de faire varier ces points de vus, afin d'enrichir notre regard sur les choses, et d'échapper ainsi aux dogmatismes. En particulier ceux des grands systèmes philosophiques ou religieux.

 

- LA REVELATION DE " L'ETERNEL RETOUR " :

été 1881. Séjour de trois mois à Sils-Maria près de Saint-Moritz. Environnement bucolique. La montagne. Le lac. La forêt. Les rivières. Il n'a pas mal à la tête et se sent tout à fait bien. Début août, alors qu'il longe le lac de Silva plana, il fait une halte auprès d'un gros rocher pyramidal. Il a soudain la révélation de "l'éternel retour"...

" Que dirais-tu si un jour, une nuit, un démon se glissait jusque dans ta solitude la plus reculée et te dise ; Cette vie, telle que tu l'as vécue...Tu devras la vivre encore un fois. Et d'innombrables fois. Il n'y aura rien de nouveau en elle. Si ce n'est que chaque douleur et chaque plaisir, chaque pensée et chaque gémissement et tout ce qu'il y a d'indiciblement petit et grand dans ta vie, devront revenir pour toi. Et le tout dans le même ordre et la même succession. (...) L'éternel sablier de l'existence ne cesse d'être renversé de nouveau. Et toi avec lui...Ô grain de poussière de la poussière...".

La conception d'un cycle cosmique et répétitif de l'univers existaient déjà dans les mythes Grecs ou Indiens. C'était une sorte de justification apaisante de la condition humaine. "L'éternel retour" de Nietzsche, est au contraire un mythe personnel qui traduit la pure explosion de la volonté de vie. Ce n'est pas un concept. C'est plutôt une épreuve par laquelle il propose de passer. Si on choisit un état de l'existence. Par exemple un état de bonheur absolu. Il faut être conscient que cet état est lié par nécessité à tous les autres états. Alors il faut les accepter. L'épreuve est difficile. Il a d'ailleurs lui-même dit qu'on peut devenir fou. Il a même écrit que l'objection fondamentale contre "l'éternel retour" était pour lui l'existence de sa mère et de sa sœur... C'est très dur. Très violent. Très personnel... Et ce n'est pas conceptuel.

 

- LOU VON SALOME :

Lou Von Salomé {JPEG} En cette fin d'année 1881, après l'illumination de "l'éternel retour", Nietzsche vit dans une exaltation intense. Il quitte Sils-Maria et s'installe à Gêne ou il passe tout l'hiver. Rédigeant les textes qui composeront "le gai savoir". Il assiste à une représentation de la "Carmen" de Bizet. Il y voit le meilleur opéra qui soit. Un antidote à la musique de Wagner. Précisément à ce moment là, il va rencontrer sa propre "Carmen"...

A Rome, dans un salon littéraire, Paul Ray a rencontré une jeune Russe de vingt ans. Lou Von Salomé. Elle est belle, cultivée, intelligente. Ray en tombe amoureux. Il la demande aussitôt en mariage. Elle l'éconduit. Nietzsche, à l'invitation de son ami, se rend à Rome. A son arrivée, sachant qu'ils se trouvent en ville, il part à leur recherche et les retrouve dans la basilique Saint-Pierre. Rien de moins... Coup de foudre de Nietzsche, qui en outre découvre que la jeune femme est arrivée aux mêmes conclusions philosophiques que lui. Il la fait demander en mariage par Ray. Refus de Lou. Elle leur propose une amitié intellectuelle à trois.

Plus tard Nietzsche retrouve Lou à Lucerne. Il lui donne rendez-vous au pied du lion blessé, le monument aux gardes suisses de Louis XVI. Nouvelle demande en mariage. Nouveau refus de Lou, qui maintient l'idée d'un cénacle. Toujours amoureux, Nietzsche se résigne pourtant à accepter l'amitié purement intellectuelle imposée par Lou. Ils passent de longs moments ensemble. Moments d'où est totalement exclue Elisabeth la sœur de Friedrich, qui de ce fait déteste Lou et commence à le faire savoir. Lou et Nietzsche dissertent et philosophent intensément des nuits entières. Ils se promènent dans la campagne et selon la légende, Lou aurait même accepté un baiser de Nietzsche... Lou s'en va, emportant avec elle "le gai savoir", dont la première édition vient d'arriver et qui finit par cette phrase : "...Commence la tragédie." Friedrich, Lou et Ray se retrouvent en octobre à Leipzig. Ils envisagent de s'installer à Paris, alors la capitale intellectuelle de l'Europe. Mais le projet n'aboutit pas. Chacun part de son coté. Nietzsche ne reverra jamais ses deux amis.

Malgré ses voyages qui ressemblent de plus en plus à des fuites. Nietzsche ne parviendra jamais à rompre la tutelle de sa mère et surtout de sa sœur, qu'il a surnommée le Lama. Comme pour souligner le coté obstiné, voire buté du personnage. Il passe avec elle tantôt par des périodes d'amitiés confiantes. Tantôt par des moments de brouilles. Voire de haine. Avec les femmes les rapports sont complexes. Le comportement de Nietzsche avec Lou n'est pas unique. A plusieurs reprises il propose le mariage à des femmes, quelques heures seulement après avoir fait leur connaissance. Il avait manifestement un problème dans ces rapports avec la gent féminine. Il en fût toujours malheureux. Lou restera à jamais un amour inabouti.

 

"AINSI PARLAIT ZARATHOUSTRA" :

L'échec de l'aventure avec Lou, précipite à nouveau Nietzsche dans la fuite. Il retourne dans le sud de l'Italie. Prolongeant l'inspiration de "l'éternel retour", il commence à rédiger la première partie d' "Ainsi parlait Zarathoustra". Le livre prophétique met en scène, parmi une foule de figurant, un prophète inspiré par la figure de Zoroastre, le fondateur de la religion Perse. Mais, paradoxe, le Zarathoustra de Nietzsche professe des idées à l'exact opposé de celle du personnage historique. Ainsi, Zarathoustra dépasse l'antagonisme classique entre le bien et le mal. Il propose d'aller au-delà. Toutes les philosophies et les religions ( et surtout le Christianisme) ont jusqu'a présent nié la vie. Zarathoustra prône un acquiescement à la vie. La pensée clé du Zarathoustra de Nietzsche, est qu'en nous, l'être humain, existe un potentiel singulier d'hostilité envers nous-mêmes. Ce potentiel, Nietzsche voulait le faire éclater. Le dissoudre. Voilà pourquoi il a dit... Je vous enseigne le OUI. Vous êtes emplis de poison. Vous êtes emplis de NON. Penchez-vous sur votre philosophie, vos pensées, vos religions dit Zarathoustra. Le "NON" que vous vous adressez vous encercle de toutes parts. Il vous faut apprendre le "OUI". Le "OUI" est donc le message qu'il fait porter par Zarathoustra. Il doit devenir le maitre qui enseigne l'affirmation de la vie. L'intensification de la vie.

Sous-titré mystérieusement "un livre pour tous et pour personne". Ecrit dans une langue prophétique, qui parodie les grands textes sacrés, comme la bible ou les évangiles. Zarathoustra est souvent obscur et même quelque peu emphatique. Il en est un peu du Zarathoustra, comme du Parsifal de Richard Wagner. Il y a là tout de même, un peu du pathos de la fondation d'une religion. Ce n'est certainement pas le livre le plus fort de Nietzsche.

 

Il poursuit la rédaction de "Zarathoustra" à Sils-Maria, puis à Nice. En 1883 il apprend que Richard Wagner vient de mourir à Venise. Sous le coup de l'émotion il est d'abord très malade. Puis dit-il "se sent comme soulagé...". Nietzsche publiera la 4ème partie du livre à compte d'auteur l'année suivante. "Zarathoustra" sera son livre le plus lu. Il y développe des grands thèmes qu'il avait abordés dans d'autres ouvrages. Parmi ces thèmes, celui formulé par sa phrase la plus célèbre... « Dieu est mort... » Phrase reprise par les anarchistes comme par le mouvement de mai 68. Mais derrière la mort de dieu et à défaut de trouver mieux. Un substitut pour s'élever. Il y a la mort programmée de l'homme. Le dernier homme de "Zarathoustra"...

 

SURHOMME... VOLONTE DE PUISSANCE...

Dans ce livre, d'autres concepts ont à eux seuls résumé toute la philosophie Nietzschéenne. Parfois source de malentendus, de confusions et de contre-sens. Il en est ainsi du "surhomme', de "la volonté de puissance", comme de "l'éternel retour". Les trois mots sont dans le "Zarathoustra". Evidemment "surhomme" et "volonté de puissance" feront le potager des nazis. C'est la seule chose qu'ils ont retenu. Ils n'ont pas lu une ligne de tous ces cahiers compliqués. Surtout il n'avait pas les œuvres complètes. Avec ce cheminement sans cesse critique des aperçus. D'abord "volonté de puissance" est une mauvaise traduction française. Parce que ce n'est pas "Will der macht"...C'est pas la volonté de prendre la puissance pour soi. C'est "Will Zur macht"..."Zur" ...C'est à dire "Chemin vers..." ..."Contribution à ...". Contribution à la puissance de la vie. Se mettre dans le chemin du plus vivant...

 

NIETZSCHE... ANTISEMITISME ET NIHILISME...

Au cours des années 1885 à 1887, les livres se succèdent : "Par delà bien et mal" - " La généalogie de la morale"...Nietzsche commence à avoir des lecteurs en Europe. On le traduit en Français, en Anglais. Dans "la généalogie de la morale" il critique l'état qu'il désigne comme le plus froid des monstres froids. Il dénonce la société fondée sur la peur. La faiblesse et la démission collective. Il appel de ses vœux un corps social qui serait fondé sur l'esprit critique et par la force solitaire des esprits libres. Certes, on peut trouver dans ses écrit nombre de déclarations terribles. Des apologies de la guerre...De l'eugénisme ou de l'esclavage. Mais il tient aussi des propos qui contredisent ceux-là et peuvent être lus comme pacifistes, émancipateurs et généreux. C'est vrai, il n'est pas démocrate. Il ne croit pas en l'égalité entre les hommes. Mais, et ça peut paraitre un paradoxe, il n'était pas assez démocrate pour devenir fasciste... Parce que pour être fasciste il faut croire aux masses Hors, si on n'est pas démocrate, on ne croit pas aux masses !... Nietzsche n'a eu de cesse de s'élever contre le règne du troupeau. Ainsi, pendant ses années de maturité, il voit naitre et se développer un nouveau courant populaire dont il se démarque très rapidement.... L'antisémitisme. Il était notamment écœuré par l'antisémitisme notoire de Wagner. Il était "Anti-antisémite", parce que ce comportement idéologique haineux, qui donnait au citoyen lambda le sentiment d'être supérieur, juste parce qu'il était aryen, était pour lui totalement insupportable. Il disait : " L'antisémitisme, c'est la révolte de la médiocrité" . Sous la bannière de l'antisémitisme, des gens très ordinaires, s'octroient une supériorité qu'ils n'ont vraiment pas.

Ce que Nietzsche nomme le "nihilisme", c'est la haine de la vie. Le rejet de l'existence. Vouloir un au-delà métaphysique, est une démarche nihiliste. Le ressentiment, ou volonté de vengeance, lié à l'idéal ascétique, est caractéristique de la morale Judéo-chrétienne. Nietzsche lui oppose la volonté de puissance, qui n'est pas une volonté de dominer, mais une volonté de dépasser les antagonismes classiques...Bien-Mal...Vrai-Faux...En laissant s'épancher la dynamique de la vie.

 

DU GENIE A LA FOLIE :

Eté 1888, retour à Sils Maria. Il nourrit ses cahiers en vu d'un ouvrage qui résumerait toute sa philosophie. "La volonté de puissance. Essai de transvaluation de toutes les valeurs. ". Il en refait plusieurs fois le plan, avant d'abandonner le projet et le titre. Il gagne Turin fin septembre. A partir des matériaux amassés pour la "volonté de puissance", il écrit en quelques semaines toute une cascade de livres, qu'il envoie aussitôt à son nouvel éditeur... "Le cas Wagner"... "Ecce homo"... "Nietzsche contre Wagner".

Le ton poétique, exalté, véhément, prophétique de ses derniers ouvrages, fait irrésistiblement penser à celui d'un poète français alors encore inconnu et qui partage avec lui un grand nombre d'intuitions... Arthur Rimbaud. Pourtant, certains nietzschéens n'ont pas hésité à attribuer ces ultimes titres, à la folie de leur auteur. Mais à bien y regarder, ces livres ont une telle puissance de forme, d'écriture, de projet, qu'il est difficile de les imaginer écrit par fou...

La crise toutefois survient début janvier. Selon la légende, le 3 janvier, en sortant de chez lui, il aurait aperçu à la station de fiacre, un cochet qui frappait son cheval. Il se serait interposé, puis se serait écroulé en pleure, avant d'être ramené dans sa chambre par son logeur. Il entre alors dans un profond délire et finit par être interné dans une clinique psychiatrique de Bâle. Pour témoin, cette dernière lettre à Cosima, où Nietzsche, en plein délire, tombe tous les masques...

" A la princesse Ariane, ma bien-aimée,

C'est un préjugé que je sois un homme. Mais j'ai déjà souvent vécu parmi les hommes et je connais tout ce que les hommes peuvent éprouver. Du plus bas au plus haut. J'ai été Bouddha chez les Indous. Dionysos en Grèce. Alexandre et César sont mes incarnations...De même que le poète Shakespeare... Lord Bacon... Enfin je fus encore Voltaire et Napoléon. Peut-être Richard Wagner... Mais cette fois j'arrive tel le Dionysos vainqueur, qui va transformer la terre en jour de fête. Non pas que j'aurais beaucoup de temps... Les cieux se réjouissent que je sois là... J'ai aussi été pendu à la croix..."

 

JPEG Sa mère le ramène en Allemagne et le place dans une autre clinique à Iéna. Il y reste un an. alternant période de confusion et épisode délirant, avec cris, cabrioles et danses. Puis il se calme. Mai 1890, Friedrich est de retour à Naumburg dans la maison familiale. Vivant au ralenti dans un mutisme presque complet. Le regard interrogateur et lointain, selon les rares témoins à avoir pu l'approcher. D'après certains d'entre eux, il continuait à jouer du piano et à improviser des heures durant. Il ne pouvait plus parler. Plus écrire. Mais il jouait du piano... La revanche de Dionysos... Friedrich Willem Nietzsche s'éteint le 25 août 1900 d'une pneumonie à l'âge de 56 ans.

 

"A Malvida. A Rome.

Sils Maria, 24 septembre 1886.

Chère amie,

Derniers jours à Sils maria. Tous les oiseaux ont déjà pris leur vol. Le ciel est d'humeur automnale et sombre. Le froid gagne. Il faut que l'ermite de Sils maria se mette en route. J'envoie donc ces lignes à Rome, ou je vous ais envoyé il y a peu un livre dont le titre est "Par delà bien et mal"...Prélude à une philosophie de l'avenir...Pardon, mais vous n'êtes pas censé le lire. Encore moins de faire part de vos impressions. Disons qu'il sera loisible de le lire aux environs...De L'an 2000..."

 Friedrich Nietzsche.


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7 réactions à cet article    


  • ZEN ZEN 6 novembre 2014 09:36

     Nietzsche n’a eu de cesse de s’élever contre le règne du troupeau. Ainsi, pendant ses années de maturité, il voit naitre et se développer un nouveau courant populaire dont il se démarque très rapidement.... L’antisémitisme. Il était notamment écœuré par l’antisémitisme notoire de Wagner. I

    Merci de l’avoir précisé
    Il y a tant de malentendus à ce sujet
    La soeur de Nietsche n’ a pas été pour rien dans la distorsion de la pensée de son frère sur ce sujet


    • Gollum Gollum 6 novembre 2014 11:37

      Voilà pourquoi il a dit... Je vous enseigne le OUI. Vous êtes emplis de poison. Vous êtes emplis de NON.


      Il a eu un précédent en cela. Et ce en plein moyen-âge chrétien. Ce fut le théologien dominicain Eckhart qui écrivit : Et troisièmement il faut que tu sois devenu affranchi du « Non ». On dispute sur ce qui brûle dans l’enfer. Les maîtres répondent unanimement : c’est la volonté propre. Mais j’affirme : c’est le « non » qui brûle dans l’enfer.

      Mais il est vrai que le christianisme officiel n’a jamais été dans cette optique là. Et est resté confiné dans un dualisme mortifère. Dire toujours oui, c’est en effet accepter les hérétiques les cathares, et de ce fait refuser un christianisme idéologique de puissance pour se tourner, ou revenir, vers un christianisme de connaissance. Rome ne l’a pas voulu. Les dés étaient jetés depuis longtemps déjà.

      Pour ce qui est du Par delà Bien et Mal, le cardinal Nicolas de Cues a élaboré la coincidentia oppositorum et fut lui aussi un précurseur de Nietzsche. Coïncidence des contraires remise au goût du jour par Mircea Eliade et CG Jung.

      Sur la morale, le grand mérite de Nietzsche fut de montrer que bien loin de rechercher le bien celle-ci sert de masque à tout un tas de penchants non avoués, et bien humains, purement humains.. Un bon exemple : l’éloge de la chasteté cachant mal une peur panique de la chair.. En ce sens il fut un précurseur de Freud mais surtout Jung qui d’ailleurs accorda une grande importance à Nietzsche dans son œuvre. Au contraire de Freud qui l’ignora.

      Quant au Dieu est mort, il n’avait pas tort dans la mesure où le christianisme se cantonnant à un Dieu bon, voulant donner au bon peuple une « image » simple de Dieu, privilégiant la théologie positive au détriment de la théologie négative, a fait de telle sorte qu’on en arrive à ce résultat. La solution étant, à mon sens, le Brahman indien, dont on ne peut rien dire sinon qu’il est l’Absolu, solution que Nietzsche rejeta.

      Le surhomme n’est lui rien d’autre qu’une image du libéré vivant de l’Inde ou de l’homme véritable du Taoïsme. Là aussi le christianisme de masse en nous proposant seulement des saints, bien souvent de piètre envergure (encore récemment : Jean-Paul II et Jean XXIII), mais pas toujours (François d’Assise, Joseph de Cupertino, en fait une grande quantité de mystiques de haut vol, idem en Orthodoxie : Saint Séraphin de Sarov, mais quasiment rien chez les protestants (moins qu’en Islam c’est dire..))

      En fait Nietzsche fut un mystique ou un gnostique qui se scratcha en plein vol, un feu d’artifice non maîtrisé. Son refus de la métaphysique véritable fut sa grande erreur. Une erreur que ne fera pas René Guénon. Mais Guénon est-il arrivé à une transformation véritable ? Rien n’est moins sûr. On peut supputer que CG Jung en laissant les forces inconscientes le guider sans jamais le dominer est arrivé, au moins partiellement, là où voulait aller Nietzsche...

      • attis attis 6 novembre 2014 15:02

        En fait Nietzsche fut un mystique ou un gnostique qui se scratcha en plein vol, un feu d’artifice non maîtrisé.

        Exactement. Je dirais que c’était un mystique à qui il a manqué l’essentiel : l’expérience mystique.
        Je me demande parfois si ses accès de folie n’ont pas été des substituts inconscients à cette absence d’expérience mystique, s’il ne s’agissait pas pour lui de combler un manque, un vide existentiel. Son discours sur la vie entravée dans son expression, sur « les sources de vie » qu’il faut découvrir, est probablement un constat (conscient ou pas ?) qu’il porte sur ses propres entraves et limitations.
        En même temps, on peut comprendre qu’il ne se soit pas engagé sur la voie d’un mysticisme classique ; ce n’était tout simplement pas dans l’air du temps, plus porté sur le matérialisme et le darwinisme.
        Ce pauvre Nietzsche était, à mon sens, un Esclave qui prenait des postures d’Aristocrate. Les contradictions ont été trop fortes, trop dures à supporter, et l’ont envoyé tout droit à Ste Anne.
         
        @ l’auteur de l’article :
        l’excès de ponctuation nuit grandement à la lisibilité du texte, et le rend parfois inintelligible.


      • Hermes Hermes 6 novembre 2014 16:57

        Bonjour Gollum et bonne analyse concernant Nietzsche.

         La levée des voiles (apocalypse) nécessite une bonne préparation, et quand on s’y attaque avec un psychisme bien encombré de contradictions familiales ou sexuelles (par exemple), cela ne peut que renforcer l’inadaptabilité et la séparation en final de la réalité que l’on cherche à réintégrer. Il est difficile de supporter le choc et de maintenir la vision des autres dans ces conditions. Nietzsche disait lui-même : « nous supprimerons les esclaves car leur vue nous insupporte ».

         En effet c’est ce que l’on recherche le plus, mais ce que la personnalité redoute le plus, car cela signifie la fin de son règne despotique, et la personnalité est d’autant plus forte que les contradictions sous-jacentes sont ancrées !

         L’homme qui touche cette dimension n’est par un SUR-homme, car il sait qu’il n’a rien de plus que les autres. Tout au plus pourrait-on dire qu’il a réalisé sa complétude en mourrant à sa propre légende (ou tragédie) dans l’instant.

         Pour cela il faut voir comment on entretient soi-même, ces habits de légende illusoires, avec toute l’énergie des contradictions, et le plaisir des sensations fugitive qu’ils procurent (*). Finalement c’est comme réaliser un striptease intérieur psychologique, et il faut savoir « danser » sur une petite surface sans avoir le trac, juqu’a ce que seule la lumière nous habille.... à l’intérieur.

        Bonne soirée. smiley

        (*) au passage, on « habille » aussi l’autre pour l’hiver bien sûr.....


      • Eduardo Sintès Eduardo Sintès 6 novembre 2014 19:07

        Il semble que l’éternel incompris ait encore de l’influence aujourd’hui, cf l’article de Le Pan ici
        http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/manifeste-nocturne-159008


        • Passante Passante 6 novembre 2014 21:58

          vous faites bien, d’entrée de jeu, de signaler les Français, 

          mais vous oubliez une passion de Nietzsche : Stendhal.

          la route du sud, ne sera pas seulement choc intellectuel, mais physique, 
          & Nietzsche n’hésitera pas à formuler que toute pensée qui ne vient pas en marchant ne vaut rien.

          la pensée en fragments n’est pas simplification, mais surtout aussi pour lui ordonnancement de la méditation, l’ordre des fragments, cette suite, il y travaille beaucoup.

          l’anti-platonisme devenant anti-idéalisme, sera, pour heidegger, à la fois le génie de Nietzsche, et son piège : parce qu’il clôt la métaphysique, il y reste attaché dans l’antithèse, et donc n’en sort pas complètement.

          on ne doit pas tenir pour un détail que plus d’une fois la terre va trembler côté Nice, lorsque Nietzsche y rédige certaines parties du Zarathoustra.

          votre jugement sur cette oeuvre n’est pas recevable, il ne fait pas de « poésie », il insiste que c’est là son sommet, bien des années après, il n’y a donc nul mystère sur la formule « pour tous et pour personne », c’est la porte d’entrée, en forme d’énigme : tout un chacun y est invité, mais peut-être plus en tant que singularité classique, voire en tant que personne ;
          sans parler de l’inaccessible logique : 
          celui qui pourrait le lire ne le lirait pas, 
          n’ayant pas besoin de le lire, ne pouvant que l’écrire, 
          c’est donc une expérience d’écriture de l’au-delà de l’écriture, 
          une énormité que vous piétinez sur un jugement hâtif, on ne comprend pas.

          de même qu’à bien relire les opinions du bonhomme ainsi que sa correspondance question femmes et mariages, on le voit mal courir après Lou, 
          mater photos avec Ray, la charette, 
          le coup de saint-pierre, la cohabitation, cet ensemble repensé empêche de tomber dans le piège de l’image de ce suppliant qui aurait un problème avec les femmes, 
          sinon que justement sans illusions, y compris l’illusion Lou. 

          cette manière de poser nietzsche qui se dit « le plus grand psychologue du féminin » comme en problème avec les femmes relève du même réductionnisme qui consiste à faire de rimbaud un figurant de la gaypride, 
          le but non-dit, il faut s’en méfier, est de concaténer une pensée, de réduire une parole, et une liberté, même si son discours sur les femmes demeure très discutable. 

          pas une preuve sinon Ray, tellement intéressé dans le conflit autour de Lou, c’est mince.

          réduire le Zarathoustra à un dépit amoureux est le plus irrecevable, c’est nier des pages entières de ce qu’il en dit lui-même, comme s’il était possible d’atteindre ces sommets de langue et de pensée en dépression de perte amoureuse, 
          cette joie, 
          ça ne tient pas...

          considérer zarathoustra comme parallèle à parsifal en qualifiant de pathos l’intégralité de ce texte dont tout le but est d’en finir avec le pathos, c’est franchement difficile à comprendre.

          par contre le parallèle avec rimbaud sur les oeuvres finales est très judicieux, 
          oui c’est le même courant, presque le style, bien vu.

          question volonté de puissance, la lecture heideggerienne propose de l’entendre comme un pléonasme : toute volonté est déjà puissance, toute puissance est volonté, 
          le tout est donc question de définition de l’être via une définition de la vie comme volonté, 
          le retournement de schopenhauer n’est pas loin.

          enfin, il faut considérer, je sais que là, nul ne me suivra, 
          que tout ce qu’il raconte à cosima dans cette lettre que l’on croit folle, 
          peut être : vrai - hypothèse.

          un dernier point, pourquoi je commence par le choc physique et la marche ?
          je ne pense pas du tout que Nietzsche devient fou, pas une seconde, 
          sinon volontairement (paradoxe sublime au regard de l’axiome lacanien 
          « ne deviens pas fou qui veut ») ; 
          on rapporte que dans la période où il est un danger pour lui-même 
          c’est que dès qu’on le lache, il court tout droit, 
          se prenant barrières, murs, parapets, il se splache, 
          et court le risque de tomber dans le vide.

          je trouve ce détail splendide d’éloquence, c’est, attention, du jamais vu, 
          il a vaincu l’espace et le visible, il n’y a vraiment plus rien, 
          et la mort qui s’en fout, 
          ce détail est géant, sublime, c’est le grand signe de la victoire, 
          une liberté telle, 
          que plus rien, même le système perception-conscience ne saurait l’arrêter.

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Delphus

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