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Accueil du site > Culture & Loisirs > Sports > Puissance et performance en cyclisme : Evaluation du champ des (...)

Puissance et performance en cyclisme : Evaluation du champ des possibles

Cette étude a pour objet d’apporter un nouvel éclairage sur les puissances que les coureurs cyclistes sont en mesure de fournir pour une certaine durée d’effort. Elle fait écho aux analyses de performances basées sur les calculs indirects de puissances développées lors des ascensions de cols, souvent sources de polémiques pendant les grandes épreuves de courses à étapes. Ces données théoriques pourront ainsi être comparées aux performances de terrains relevées sur le tour de France, et aux seuils fixés comme des limites humaines, avancés par certains experts.

Une fois les résultats posés, on ne pourra pas échapper à la question suivante : est-il possible de déterminer un niveau de puissance à partir duquel de sérieux doutes peuvent entacher la performance d’un coureur cycliste ? Quelques éléments de réponse seront alors donnés en conclusion. Précisons que pour comparer les coureurs entre eux, il est fait usage d’un coureur étalon d’un poids de 70kg.

Les doutes et les certitudes …

En physiologie, on côtoie à la fois les certitudes et les doutes. Côté certitude, nous avons les lois de la physique, tout à fait applicables pour calculer l’énergie produite en présence d’oxygène, les acquis de connaissances en physiologie de l’effort et de l’exercice, les conditions de course qui aident à évaluer les effets négatifs sur la performance ; côté doute, nous avons les facteurs humains, les aptitudes individuelles, l’efficacité du geste (qui joue sur le coût énergétique), obligeant à raisonner en ayant toujours en tête les notions de vraisemblance, d’incertitude, de doute.

Pour illustrer ces aspects, on peut évoquer les expériences en laboratoire et de terrains qui ont permis aux physiologistes de modéliser l’effort et de déterminer les pourcentages de V02max qu’il est possible de maintenir selon la durée de l’exercice.

LE MODELE UTILISE

L’étude se restreint aux coureurs ayant un très fort potentiel aérobie, avec comme hypothèse majeure que l’effort se produit à une intensité relativement constante (effort sans à-coup, ou non fractionné) pour éviter toute intervention superflue de la filière « anaérobie lactique » qui compliquerait les calculs.

L’approche théorique que j’utilise implique en arrière-plan un « modèle simplifié » offrant un environnement conceptuel sur lequel va reposer l’étude.

CARACTERISTIQUES DU MODELE

A) Le coureur et le type d’effort

  1. Un cycliste « étalon » d’un poids de 70 kg. Le coureur "étalon" permet de comparer les puissances entre différents coureurs de gabarits différents.
  2. Un potentiel aérobie très élevé, limitant ainsi le potentiel anaérobie
  3. Le cycliste se maintient à une intensité la plus haute possible en fonction de la durée d’effort qui lui est imposée. C’est un effort régulier type « contre la montre »
  4. Durée de l’effort : 30 minutes

B) Données physiologiques

  1. Le V02max.
    Valeurs retenues pour l’étude : 80 et 85 ml O2/minute/Kg (observables au « top niveau » mondial).
  2. La fraction de V02max que le coureur est capable de soutenir sur 30 minutes
    Valeurs retenues pour l’étude : 88, 90 et 92%
  3. Le rendement énergétique (sur la part aérobie)
    Valeurs retenues pour l’étude : 21 et 22%. (Observables notamment lors de tests d’effort avec prise d’O2)
  4. Contribution de la filière anaérobie.
    Valeur retenue pour l'étude : 3% de l’effort global

REMARQUES :

  1. La fraction de V02max que le coureur est capable de soutenir : Les pourcentages résultent d’un travail de compilation entre différentes théories souvent citées, et des expériences de terrains.
  2. Le rendement énergétique : le cadre tel qu’il est défini permet d’être assez précis sur le rendement, tout simplement parce qu’il est calculé pour des niveaux de puissance où la contribution de la filière anaérobie est assez faible pour des coureurs ayant un V02max élevé, et les variations interindividuelles très faibles (rendements validés par les tests d’effort). Nous aurions beaucoup plus d’imprécisions si nous prenions comme c’est bien souvent le cas, un rendement brut global qui inclue les 2 filières. Les valeurs choisies (21 et 22%) ne sont pas des maximums, mais des valeurs très probables ; il est tout à fait possible d’observer des rendements légèrement supérieurs. Elles tiennent compte des besoins en O2 autres que l’effort, tels que le métabolisme de base et les gestes parasites
  3. Calcul de l’énergie produite par la filière aérobie (en présence d’oxygène) : voir annexe
  4. Contribution anaérobie : les coureurs ayant un V02max très élevé ont un système anaérobie peu développé (peu de fibres rapides ; on ne peut pas tout avoir !) qui se « met en route » très tardivement dans l’effort, apportant une très faible contribution. De plus, l’intervention anaérobie n’a pas la même cinétique chez tout le monde (niveau supportable à l’effort et vitesse d’accumulation d’acide lactique propre à chaque individu). Le contexte d’effort régulier type « contre la montre » permet de s’affranchir de cette difficulté. La part anaérobie est évaluée entre 2 et 4% de l’effort global (vérifié par des tests d’effort et autres techniques d’évaluation et admis par certaines études, voir par exemple le modèle de Newsholme).

Cette approche fournit une échelle de performances la plus vraisemblable pour le cas étudié. L’étude se borne à un effort de 30 minutes ; néanmoins, il sera facile de transposer les résultats pour des efforts plus courts ou plus longs en ajustant les pourcentages de V02max qu’il est possible de maintenir, et en corrigeant légèrement la part anaérobie.

RESULTATS DE L’ETUDE

  1. Puissances fournies par le système aérobie

A ces puissances purement aérobies doit être ajouté la contribution de la filière anaérobie.

  1. Puissance totale (système aérobie + système anaérobie)

PROJECTION SUR LE TERRAIN

A ce stade de l’étude, nous avons pu calculer les puissances possibles dans un monde parfait, pour un effort idéal, sans tenir compte de l’environnement dans lequel évolue le coureur, à savoir :

  • chaleur, froid, pluie,
  • altitude (sensible au-delà de 1600 mètres),
  • difficulté de l’étape
  • défaut de ravitaillement en eau sur les derniers kilomètres, alimentation en cours d’étape,
  • etc.

Ces facteurs environnementaux, auxquels s’ajoutent la stratégie de course, la protection du coureur, la capacité à gérer un effort au-dessus du seuil anaérobie, entraînent des modifications physiologiques qui affectent la performance :

  • Une dérive cardio-vasculaire
  • Une hypoxie liée à l’altitude
  • Une fatigue musculaire entamant les propriétés élastiques et contractiles du muscle,
  • Une baisse des réserves de glycogène (les réserves sont très importantes pour la production d’énergie car lorsque les réserves baissent, le débit énergétique baisse également),
  • Une éventuelle déshydratation
  • Une dérive du flux sanguin vers la peau pour refroidir le corps (aux puissances extrêmes, beaucoup de chaleur doit être évacuée par convection)
  • Etc.

Il est donc nécessaire d’apporter des correctifs en essayant de tenir compte de tous ces éléments afin de rendre le modèle aussi cohérent que possible avec un environnement de course de fin d’étape. Vu le nombre de facteurs susceptibles d’intervenir, il est impossible de prendre arbitrairement un ou plusieurs facteurs de correction. On peut cependant noter que lorsque l’environnement est très défavorable, les baisses de performances peuvent être significatives et dépasser 10% par rapport à un effort produit dans les meilleures conditions, au niveau de la mer et sans fatigue.

De ce constat, prenons simplement à titre d’exemple une réduction des puissances de 5% (cas assez favorable).

  1. Puissance totale avec une correction de 5% (A titre d’exemple)

On notera que lors d’une ascension, le coureur fait varier constamment son niveau d’effort pour exécuter par exemple des relances après un virage, pour répondre à une attaque, ou pour récupérer. Il est difficile évidemment de prendre en compte cet aspect dans un modèle. Cependant cela joue assez peu dans l’évaluation globale. Il faut avoir à l’esprit que les muscles ont une réserve d’énergie (ATP/PCr) qui permet de tamponner les différences entre la production énergétique et la consommation par le muscle. Les variations d’effort sur quelques secondes font davantage appel au système anaérobie alactique provoquant une dette d’oxygène qui sera « remboursée » par le système aérobie dans les minutes qui suivent, en reconstituant la réserve PCr (Phosphocréatine). Il est donc tout à fait possible de lisser les variations de puissance.

INTERPRETATION DES RESULTATS

En résumé : Pour une fenêtre de V02max allant de 80 à 85 ml/min/kg les puissances théoriques et sans correction vont de 373 à 435 watts. Avec une correction de 5%, on obtient alors une fenêtre de 354 à 412 watts (watts-étalon)

Il ressort de ces données qu’il est à priori possible d’atteindre des puissances autour de 410 watts lors des ascensions de fin d’étape, seuil critique utilisé par A.Vayer (ancien entraîneur de l'équipe Festina) pour qualifier les performances comme suspicieuses. Cela est d’autant plus vrai que les durées d’ascension sont courtes, s’approchant par exemple des 20 minutes (où la part anaérobie est plus importante). Cependant on voit que les puissances au-delà de 410 watts sont de l’ordre de l’exceptionnel, requérant des aptitudes physiques hors du commun avec un V02max proche de 85 ml/kg/min, un bon rendement musculaire et une capacité à maintenir un fort pourcentage de V02max.

CONCLUSION

L’interprétation des puissances doit se faire avec d’infinies précautions, car si la physiologie offre un cadre théorique de plus en plus dense et éclairant, on ne peut ignorer toute la part d’incertitude qui entoure les calculs, les caractéristiques physiologiques propres à chaque individu, la dimension de l’exception.

Le fait de définir un seuil à 410 watts (ou tout autre seuil, en watts-étalon) pose le problème de la bascule d'un monde où tout est blanc à un monde où tout est gris, le problème du passage d'un monde où il n'est pas certain d'être "propre" ou non dopé à un monde où la certitude ou la quasi-certitude de l’être est affichée. Le seuil pose ainsi réellement un problème d'interprétation et fait aboutir à des conclusions peu rigoureuses d'un point de vue scientifique (sauf s’il est exagérément surévalué, mais dans ce cas il ne présenterait plus d’intérêt)

Gardons l’esprit critique, mettons en lumière les puissances qui manifestement relèvent du grotesque et laissons de côté tous les arbitraires qui pourraient disqualifier tel ou tel coureur pour quelques watts de trop.

Alain Desert
Philippe Velo

ANNEXE

  1. L’énergie produite par la filière aérobie (présence oxygène) :

On sait qu’un litre d’oxygène consommé par le muscle permet de fournir une énergie comprise entre 19600 et 21000 joules selon les substrats énergétiques utilisés. En pleine puissance aérobie, le muscle utilise exclusivement les glucides (glycogène et glucose) ; la production énergétique sera proche de 21 Kilojoules pour 1 litre d’O2 consommé. En estimant la quantité d’oxygène consommé, on peut donc calculer l’énergie globale produite au sein de l’organisme par la filière aérobie.

  1. Calcul des puissances théoriques

Pour calculer la puissance théorique fournie par le système aérobie, dans le cadre de l’effort proposé, il est nécessaire de connaître les paramètres suivants :

  1. Le V02max et le poids du coureur
  2. Le pourcentage de V02max maintenu
  3. Le rendement brut aérobie à la roue arrière

Exemple : durée d’effort de 30 minutes avec coureur étalon de 70kg :

V02max : 85 ml/kg/min ; % VO2max maintenu : 90% ; rendement brut aérobie : 22%

Consommation globale d’O2 :  70*85*0.90 = 5,355 litres d’02/minute (organisme entier)
Energie produite :   5,355*21000 = 112455 Joules
Puissance totale   :  112455/60 = 1874 watts 
Puissance développée à la roue  : 1874*22% = 412 watts


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4 réactions à cet article    


  • Le421... Refuznik !! Le421 18 novembre 2014 20:49

    Ceci dit, dans ma jeunesse, les suiveurs avaient des vieilles 125 Motobécane et c’était bon.
    Maintenant, une 1500 Gold Wing a du mal à suivre !!
    Cherchez l’erreur.
    Les types, ils se penchent en avant en sortant des virages pour ne pas cabrer en reprise !!  smiley


    • Le p’tit Charles 19 novembre 2014 08:58

      Ma tante qui pesait 70Kg et faisait du vélo....si elle avait eu des roupignoles elle aurait zété mon tonton de 70Kg..même en en montée !

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