Le blasphème du forgeron
Apostasie, ce mot résonne un peu à nos oreilles comme un doux prénom, un peu suranné, mais en cette contrée où l'on ne badine pas avec les mœurs et encore moins avec la religion, flirter du bout des lèvres ou du bout des doigts sur son clavier avec l'apostasie, lui déclarer une flamme même vacillante, peut nuire gravement à la santé.
Car en République Islamique de Mauritanie, où malgré l'abolition de l'esclavage en 1981, celui ci perdure encore, l'apostasie tout comme le viol, l'adultère, ou encore l'homosexualité sont passibles de la peine de mort.
Mohamed Cheikh Ould Mohamed est un jeune mauritanien appartenant à la caste des forgerons (Sounaa), forgeron c'est plutôt un beau métier, au Mali, les Kanté et autres Doumbia font d'excellents bijoutiers, je suppose qu'il en est de même en Mauritanie.
Mais dans cette société mauritanienne stratifiée en nobles et non nobles, appartenir aux gens de castes, c'est être encore de nos jours considéré comme un paria, peu importe le métier exercé enseignant, ingénieur etc.
Heureusement la jeunesse s'identifie de moins en moins à ce schéma classique censé définir les rôles assignés à chacun et perpétuer ainsi la stigmatisation sociale.
Le jeune homme a donc écrit sur Internet son ressentiment sur le traitement qui est réservé aux castes dites inférieures dans son pays en reprochant à la société mauritanienne de perpétuer « l'ordre social inique hérité de l'époque du Prophète »
Le juge n'a pas manqué de lui rappeler qu'en parlant avec une telle légèreté du prophète, il avait commis le crime d'apostasie. Défendu par deux avocats commis d'office, Mohamed Cheikh Ould Mohamed a été condamné à mort malgré son repentir par la Cour criminelle de Nouadhibou dans la soirée du 24 Décembre.
L'annonce du jugement a été suivie de bruyantes scènes de liesse dans la ville de Nouadhibou où cette sentence a été saluée par un joyeux tintamarre de klaxons digne d'une qualification en Coupe du Monde de Football.
Il faut dire qu'en janvier 2014, alors que des milliers de manifestants convergeaient vers le palais présidentiel, pour réclamer la mort du blasphémateur, le Président Mohamed Ould Abdel Aziz les avait rassurés en déclarant "La justice s'est saisie de cette affaire et elle fera son travail mais soyez certains que l'islam est au-dessus de tout, de la démocratie et de la liberté".
Contrairement à notre hexagone où selon l'expression célèbre du petit père Queuille " Les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent" l'engagement à été tenu à la hauteur des attentes du bon peuple vociférant.
Seule note positive dans cette triste affaire, la dernière exécution en Mauritanie date, selon Amnesty International, de 1987 malgré plusieurs sentences de peine capitale prononcées, on peut donc espérer pour le malheureux forgeron qu'il en soit ainsi.
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