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Quand le vote populaire - bloqué à l’extrême gauche en 1958 - revient par l’extrême droite un demi-siècle plus tard

Il y a maintenant une trentaine d’années qu’ont été publiés, par la Documentation française, les "Documents pour servir à l’histoire de l’élaboration de la Constitution du 4 octobre 1958". Nous y découvrons comment a été construite la cage dans laquelle nous sommes enfermé(e)s depuis cinquante-sept ans...

 Comme de coutume dès qu’il s’agit d’éléments historiques qui se rapprochent de la personne de Charles de Gaulle, les spécialistes se heurtent à certaines impossibilités. C’est le constat qu’a dû faire François Luchaire lui aussi après avoir été désigné comme président du Comité scientifique qui avait reçu la charge de rassembler et de présenter les documents d’archives. Il explique avoir pu atteindre toutes sortes de papiers essentiels :
 « Par contre, sont demeurées vaines les recherches d’écrits de la main du général de Gaulle ou dictés par lui ; la famille, ses proches ou ses collaborateurs, de même que l’Institut Charles de Gaulle, n’ont pu, à leur grand regret, retrouver des documents de cette nature ; en existe-t-il ou ont-ils disparu ? » (Volume I, page IX)

 Contentons-nous, pour l’instant, du peu dont nous disposons, car nous allons comprendre très vite que c’est beaucoup, beaucoup plus qu’espéré. Et courons tout de suite, sans plus d’explications, à la séance du Comité consultatif constitutionnel datée du 31 juillet 1958, au matin.

 Ce Comité rassemble 39 membres dont 16 sont issus de l’Assemblée nationale, 10 du Conseil de la République (le Sénat de l’époque) et 13 choisis pour leur compétence par le chef du gouvernement, Charles de Gaulle.

 Écoutons ce que déclare - hors la présence du Général - l’homme qui avait permis à François Mitterrand d’obtenir son premier siège de député : Edmond Barrachin. C’était dans le département de la Nièvre en octobre 1946. Nous le retrouvons douze ans plus tard :
 « S’agissant de l’article 23, relatif à la fixation du régime électoral par des lois organiques, j’adjure que l’on n’inclue pas, dans la Constitution, un régime électoral ; le régime électoral est affaire de circonstances, nous le savons tous, et de tactique. Nous risquerions le pire si nous étions prisonniers d’un régime électoral que nous aurions introduit dans une constitution. » (page 90)

 Ce qui revient à dire que les modalités d’exercice du suffrage universel - ce que l’on présente toujours comme l’essence de la démocratie - doivent demeurer manipulables…
 « […] et vous seriez sans excuse si vous ne profitiez pas du temps qui vous est donné et des pouvoirs qui vous sont confiés pour ne pas mettre en application ce que nous ne parvenons pas à faire voter par l’Assemblée nationale : la règle électorale qui domine tout dans le pays. Il n’y a pas de grandes fluctuations d’une élection à l’autre et, cependant, la composition des Assemblées est très différente d’une élection à l’autre à cause du régime électoral. » (page 91)

 Autrement dit : le suffrage universel peut dire ce qu’il veut, c’est le filtre du régime électoral qui fait le tri définitif… et qui écarte ce qu’il veut.

 Et Barrachin d’enfoncer le clou en offrant la mise en place de ce filtre au bon plaisir de qui vous savez :
 « Eh bien, profitez de cette occasion pour instituer un régime électoral qui remettra à leur place les partis qui sont hors de la République et qui combattent tout ce qui se fait de pratique et de productif dans nos Assemblées parlementaires. » (page 91)

 Monsieur Barrachin ne pourrait-il pas préciser la pensée qui l’anime ici, et désigner le personnage qu’il vise ? Mais si, bien sûr :
 « On a dit que le Gouvernement [du général de Gaulle qui vient de demander les pleins pouvoirs] devrait profiter de ses pouvoirs pour formuler un régime électoral qui permettrait à tous les partis nationaux, toutes opinions confondues, sauf les communistes, de s’unir autour de scrutins décisifs contre le candidat du parti communiste, cela reviendrait à peu près au même. » (page 91)

 Au Général, donc, de barrer la route aux communistes… en offrant le régime électoral adéquat.

 À chacun(e) de transposer ce qui doit l’être pour atteindre la situation d’aujourd’hui, mais il faut reconnaître que, plus généralement, cette préparation de la Constitution de 1958 est une véritable mine d’or. Promettons-nous d’y revenir et gare aux surprises !

 (À propos de la trajectoire d’écriture de Michel J. Cuny et Françoise Petitdemange, consulter : http://www.cunypetitdemange.sitew.com)


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17 réactions à cet article    


  • Séraphin Lampion P-Troll 23 mars 2015 09:51

    Merci pour ces éléments explicites à propos des manipulations électorales.

    Edmond Barrachin était un parangon de politicard du 20ème siècle dont le parcours est éloquent :

    -  1934 élu député des Ardennes, Gauche radicale.

    -  Non réélu aux élections générales de 1936.

    -  Engagé volontaire en 1939, fait prisonnier, il s’évade et gagne l’Afrique du Nord. Il s’engage dans les Forces françaises libres (FFL)

    -   À la Libération, il est élu à la Deuxième Assemblée nationale constituante dans le département de la Seine comme PRL,

    -  réélu à l’Assemblée nationale sous la même étiquette en 1946.

    -  Il est élu député RPF en 1951

    -  Fonde l’Action républicaine et sociale (gaullistes dissidents).

    -  réélu en tant que CNI en 1956.

    -  en novembre 1958, il est distancé par le candidat UNR.

    -  En 1959, il est élu au Sénat où il siège jusqu’à sa mort d’abord comme Républicain indépendant puis comme membre de l’Union centriste.

    Tout était acceptable pour lui pourvu que les communistes soient écartés.

    Il connaissait très bien le fonctionnement du « piège à cons ».


    • lsga lsga 23 mars 2015 11:57

      bienvenu en France, ce pays de merde, remplis de Dupont Lajoie. 


      • Séraphin Lampion P-Troll 23 mars 2015 12:02

        @lsga

        vous vous reconvertissez ?
        vous devenez ibrahimovicien ?

      • lsga lsga 23 mars 2015 12:06

        sur ce point là, je l’ai toujours été smiley

         
        La France est un pays de merde, peuplé de gros enculés qui n’en ont rien à foutre que leur armée sème la terreur aux quatre coins du monde tant que leur pouvoir d’achat augmente. Je me réjouis de voir les libéraux écraser énergiquement cette merde puante et réactionnaire.

      • Séraphin Lampion P-Troll 23 mars 2015 13:15

        @lsga

        merci d’avoir montré votre vrai visage

      • Baasiste 2 23 mars 2015 13:31

        isga il est génial il montre le vrai visage du gauchisme et il réduit à 0 la crédibilité du marxisme 


      • Baasiste 2 23 mars 2015 13:32

        isga l’agent de l’ultra-libéralisme, du mondialisme et du capitalisme 


      • lsga lsga 23 mars 2015 16:52

        le libéralisme : l’autoroute vers la Révolution. 



      •  Un monde Sankara Un monde Sankara 23 mars 2015 13:05

        Il y a tout de même l’article 4 de la constitution alinéa 3 :

        « La loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation. »

        Qui garanti un scrutin proportionnel à l’élection de toute assemblée. Encore faudrait-il que le conseil constitionnel soit saisi. Par une question prioritaire ce constitutionnalité, peut être ?


        • Michel J. Cuny Michel J. Cuny 23 mars 2015 13:39

          @Un monde Sankara

          Merci pour votre commentaire.
          L’article 4 que vous citez est effectivement celui qui est en vigueur actuellement. Mais il est issu d’une modification constitutionnelle dite « de modernisation des institutions de la Ve République » décidée le 23 juillet 2008. 
          Pour ma part, je m’en tiens au texte de 1958, pour en comprendre le mode d’apparition.
          Ce qui ne m’empêche pas d’avoir besoin d’informations comme celle que vous me donnez ici.
          Je vous en suis donc reconnaissant.


        •  Un monde Sankara Un monde Sankara 23 mars 2015 16:01

          @Michel J. Cuny
          Du coup, je cite votre article dans unautre encore en modération «  »les élections départementales annulées ?"

          A bientôt,

        • Michel J. Cuny Michel J. Cuny 23 mars 2015 16:30

          @Un monde Sankara

          Je viens de m’y rendre.
          Voulez-vous prendre directement contact avec moi ?
          ([email protected])


        • Captain Marlo Fifi Brind_acier 23 mars 2015 19:44

          @Michel J. Cuny
          Bonjour, en somme, vous rendez la Constitution responsable du manque de démocratie ?

          1- Vous citez Mitterrand, qui a utilisé à fond la Constitution de 1958, alors qu’il la critiquait avant d’arriver au pouvoir, et n’y a rien changé.


          2- Vous oubliez juste de dire que Mitterrand a propulsé le FN dans le vie politique et médiatique pour pourrir toute la vie politique française.

          3- Vous oubliez que l’article 4 est constamment violé.
          L’UPR est censurée depuis 8 ans : 0 heure, 0 minute, 0 seconde sur les grands médias.
          Alors qu’elle a 2 ou 3 fois plus d’adhérents que les Verts ou le NPA.

          4 - Vous oubliez que c’est l’ UE qui a supprimé la démocratie.
          En 1969, De Gaulle est parti le lendemain du referendum qui lui était défavorable.
          En 2005, le NON s’est miraculeusement transformé en OUI.
          Et on a fait revoter les pays récalcitrants.

          Dans l’ UE, les électeurs peuvent bien voter pour X ou Y, unker a expliqué que « les élections ne changent pas les Traités », en clair, on continue à appliquer les directives de la Commission européenne.

          Bref, cela fait beaucoup d’oublis...

        • Michel J. Cuny Michel J. Cuny 23 mars 2015 21:47

          @Fifi Brind_acier

          Effectivement, je crois que j’ai oublié, dans ce texte, tout ce qui s’est passé après 1958.
          Ce doit être que j’ai la mémoire qui flanche.

          Mais je n’oublie pas que je vous ai déjà trouvé très primesautier, et que c’est un vrai plaisir.


        • Le421... Refuznik !! Le421 24 mars 2015 08:45

          Dites-moi deux secondes...
          C’est quoi pour vous l’extrême gauche ??
          C’est la vraie, celle des trotskistes révolutionnaires ou celle de Pujadas, c’est à dire le PCF et autres composantes du FdG...
          Parce que pour le moment, j’appartiens à la gauche, j’ai des copains extrèmistes*, mais je ne partage pas leur point de vue. Pour le moment...

          De gauche. J’ai aussi des copains plus UMP qu’eux, tu meurs. Mais je ne mélange pas l’amitié et la politique. Mieux, je me sers de leurs arguments pour développer les miens. Un peu comme une équipe de foot qui étudie l’adversaire en vidéo pour contrer son jeu.

          Pour finir, qu’on me traite d’extrèmiste de gauche, je m’en tapes un peu. Va dire à un type du FN qu’il est d’extrème droite...


          • Michel J. Cuny Michel J. Cuny 24 mars 2015 09:10

            @Le421
            Le titre que j’utilise réunit deux périodes.
            L’extrême gauche en 1958, c’est manifestement le parti communiste de ce temps-là.
            L’extrême droite d’aujourd’hui, c’est le Front national pour autant qu’il continue Jean-Marie Le Pen... ce qui est très éloigné d’être une certitude.

            En ce qui concerne Trotski, pour avoir écrit « Les entretiens avec Karl Marx, Friedrich Engels, Vladimir Ilitch Lénine » (http://marxengelslenine.canalblog.com), je suis très éloigné de lui faire la moindre confiance sur quelque point que ce soit.

            Merci, en tout cas, pour votre commentaire tout en finesse.

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