L’abstentionniste, ce pelé, ce galeux !
« Je le dis dans tous mes meetings : c’est quand même étrange de constater le niveau élevé de nos taux d’abstention quand on voit l’envie que suscite la France dans certains pays qui aimeraient avoir le droit de vote. La démocratie, ça s’entretient et le vote est une manière de l’irriguer. Trop nombreux sont ceux qui ont tendance à l’oublier ».
De qui, cette belle envolée lyrique ? De Claude Bartolone, le Président de l’Assemblée Nationale interviewé dans Ouest France.
Un expert, puisque dans son Département, on ne compte pas moins de 63 % d’abstentions ! C’est sans doute pour cela que le Président de la République lui a confié une mission sur l’engagement citoyen.
Les pompiers pyromanes
On aimerait tout d’abord que M. Bartolone prenne conscience que lorsqu’on demande son avis au citoyen, celui-ci souhaiterait qu’il soit respecté. L’exemple désastreux du référendum sur le traité européen en 2005, rejeté par les électeurs et voté ensuite par le Parlement ne constitue certainement pas un signal fort pour le citoyen qui y a vu déni de démocratie.
On souhaiterait également que M. Bartolone prenne en compte la cacophonie et les revirements successifs de l’exécutif sur la réforme territoriale pour analyser le taux d’abstention aux dernières élections départementales. Car enfin, entendre hier M. Valls ne dire que du bien de ces conseils départementaux pour inciter les électeurs à aller voter, alors même qu’il y a quelques mois il jugeait le conseil général inutile et proposait même sa disparition à l’échéance 2020, peut provoquer des allergies bien compréhensibles.
Il n’est donc pas étonnant que ce soit aux élections européennes et aux élections départementales que les taux d’abstention soient désormais les plus élevés.
Ce questionnement sur l’abstention parait d’autant plus suspect qu’il émane d’un parti qui vient (et qui va) de subir une déculottée aux élections départementales. Notons que l’UMP ne paraît pas plus que cela affecté de la désaffection des urnes, pas plus que le FN, les deux revendiquant le titre de premier parti de France, alors que c’est le parti des abstentionnistes qui détient ce titre.
Il y a donc une bonne et une mauvaise abstention, la mauvaise étant celle qui fait perdre, la bonne étant celle qui permet de gagner des sièges dans les assemblées départementales avec seulement 25 % du corps électoral !
La détérioration des taux de participation
Elle touche actuellement deux scrutins, mais ne nous faisons pas d’illusions, lors de la prochaine présidentielle, le taux de participation sera en chute libre, compte tenu des promesses non tenues, des renoncements ou des promesses irréalistes qui elles également ne seront pas mises en œuvre.
Il est clair que le fameux discours du Bourget aura laissé des traces parmi l’électorat de gauche, dans un premier temps en favorisant l’élection de François Hollande, puis dans un second son rejet dans l’opinion publique.
Pas mieux pour Nicolas Sarkozy dont le retour met cruellement en relief les promesses non tenues qu’il réitère pour son éventuel futur quinquennat et pour le coup porté à la fonction de Président avec les affaires, ses conseillers sulfureux et sa propension à draguer les électeurs du front national.
Pour Marine Le Pen, nul besoin d’être devin pour dire que son programme économique qui tient davantage de l’extrême gauche que de la droite classique nous emmènera droit dans le mur. Lorsque son parti, une fois bien intégré dans le paysage (Mairies, Conseils départementaux, Parlement européen,…), aura trouvé que la soupe est bonne, l’heure des renoncements aura sonné et le FN contentera de quelques mesures symboliques et médiatiques en abandonnant ce qui fâche (sortie de l’Europe et de la PAC par exemple).
Mais il ne serait pas logique de ne fustiger que les têtes de gondoles, les chefs de rayons ayant aussi une responsabilité très forte dans la progression des taux d’abstention, en ce sens où, eux également se sentent bien dans leurs mandats nationaux et locaux qu’ils cumulent allègrement encore (pas après 2017, paraît-il…) et que le cumul des mandats locaux, qui lui n’est pas interdit, constitue un vrai sport national pour ceux qui veulent bien vivre et longtemps aux crochets de la société, tout en fustigeant les « assistés » ou en prenant des décisions visant à diminuer les droits des plus faibles.
Mention spéciale également aux partis politiques qui vivent bien sur la bête grâce aux financements publics et dont les petites mains peuplent toutes les assemblées élues qui les payent grâce à vos impôts et qui permettent aux « grands hommes » de vivre mieux leurs cumuls de mandats et de déserter les bancs des assemblées.
L’abstention, c’est tout cela…
Des élus et des partis décrédibilisés et hors sol, un spectacle affligeant dans les hémicycles où l’absentéisme et le lobbysme règnent et où se trouvent parfois des parlementaires en délicatesse avec la justice ou le fisc et qui siègent toujours et touchent leurs indemnités.
Ce sont des lois qui mettent un temps infini à être votées alors que l’urgence est là, au quotidien pour les personnes privées d’emplois, de logements, de citoyenneté, en fait : ne soyons pas étonnés que la courbe de l’abstention suive celle de l’exclusion.
Ajoutons à ce constat que c’est dans les quartiers périphériques aux grandes villes, les grands ensembles où le taux de chômage est un des plus importants, que le taux d’abstention est le plus important.
L’abstention, c’est également un Sénat réactionnaire et obsolète, qu’il soit de gauche ou de droite, et qui freine l’action publique, et qui n’est rien d’autre qu’une maison de retraite pour élus finissants.
L’abstention, ce sont aussi les tergiversations ou les reniements des hommes politiques en place sur la question de la laïcité, l’un pour ne pas froisser un électorat communautaire qu’il souhaite conserver, l’autre pour piquer l’électorat d’un troisième, alors que la laïcité demande à être appliquée sans que la main tremble et qu’elle ne doit pas être instrumentalisée.
C’est enfin la multiplication des structures locales dont les compétences se chevauchent et qui demanderaient à être rationnalisées pour ne pas dire supprimées pour certaines
Que va-t-il en sortir de la mission confiée à M. Bartolone ?
Hormis un beau rapport remis en grandes pompes au Président de la République, il n’en sortira pas grand-chose, mais le plus grand danger, serait qu’il fasse l’économie d’une analyse complète des causes pour ne proposer que quelques moyens, comme le calamiteux vote obligatoire.
Soyons clairs, je me suis abstenu dimanche et je ferai de même dimanche prochain, pas par gaité de cœur, parce que je suis convaincu que la participation citoyenne est essentielle, mais les conditions démocratiques ne sont plus réunies aujourd’hui pour que je participe à ce que je qualifie désormais de mascarade démocratique.
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