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Le sens profond de la réaction qui a abouti à la Constitution de la Cinquième République

Confronté à la montée du Nombre - le suffrage universel (masculin) - dans le schéma institutionnel de la France de la Troisième République, André Tardieu se met donc en quête de ce que peut bien être la "nature humaine".

Pour ce faire, il se range sous la bannière d’Ernest Seillière (le futur grand-père de l’Ernest-Antoine du M.E.D.E.F. de l’an 2000) pour s’inquiéter des folies induites par la révolution de 1789 à travers des personnages aussi peu recommandables que Marat et Robespierre.

Ce n’est pas dire qu’Ernest et André auraient tendance, comme Charles Benoist, à virer de bord vers la monarchie. Ce sont des républicains, mais de la République que voulait ce brave Adolphe Thiers  : conservatrice, et rien que conservatrice.

Malheureusement, depuis le temps de monsieur Thiers, la République avait eu une fâcheuse tendance à dériver dans le sens de ce que, peu à peu, le suffrage universel était en mesure d’exiger. Il devenait urgent, non seulement de freiner celui-ci, mais de le disqualifier de façon intrinsèque, et de refaire le cheminement inverse de celui qui avait débouché, entre autres phénomènes redoutables, sur le Comité de salut public.

Selon André Tardieu, la faute principale des révolutionnaires excessifs de 1789-1794 était d’avoir osé ce pari :
« Une humanité nouvelle naîtra, qui sera l’humanité raisonnable. » (André Tardieu, La Révolution à refaire, I, Flammarion 1936, page 78)

…et non plus l’humanité atone conduite par ses élites.

La vague paraît avoir été irrésistible, constate l’ancien député, ministre et président du Conseil penché sur l’Histoire, sur la philosophie politique, voire sur l’anthropologie :
« Sauf Montesquieu, tout le monde est d’accord sur le perpétuel passage du mal au bien, c’est-à-dire sur l’infinie perfectibilité de notre espèce. » (page 80)

La racine elle-même serait-elle à prendre pour ce que Jean-Jacques Rousseau nous en a dit ? André Tardieu constate que c’est effectivement ce qui se raconte depuis 1789 et ses suites :
« Bon par nature, perfectible par destination, l’homme raisonnable sera doté des attributs, qui définissent son caractère : liberté, égalité, souveraineté. » (page 80)

Ici, il est assez clair qu’André se relâche un peu : il nous modifie notre chère formule des frontons des bâtiments de la République. C’est que le suffrage universel est passé par là. Plutôt que frères, s’afflige-t-il, nous voici devenus souverains en masse !... André s’étrangle :
« Bons, libres, égaux, les hommes, en outre, seront souverains. Il en sera, pour la fabrication des lois, de même que pour leur application. Cette fonction de faire la loi se dégage logiquement des notions de progrès, de bonté naturelle, de liberté et d’égalité. » (page 81)

Ce sont donc bien ces quatre dernières notions qu’il faut bannir à tout prix si l’on veut faire renaître la véritable souveraineté, celle des meilleurs d’entre les meilleurs. Mais ici, André ne se sent pas seul :
« Les plus solides esprits du XIXème siècle n’ont pas cru à cette loi du progrès. » (page 94)

Donc, du point de vue de la théorie, tous les instruments sont là. Mais, dans la pratique, qui est aussi une question de force, qui est surtout une question de force, il y a, depuis 1848, quelque chose qui ressemble à un os :
« Reste la question de la souveraineté nationale - de la souveraineté exercée par le suffrage universel, c’est-à-dire par la loi du nombre. » (page 99)

Pour nous qui avons, comme André Tardieu, étudié cette problématique auprès de Charles Benoist, tout ceci est parfaitement clair : à force de sous-tendre la pensée politique qui anime le nombre, le travail va bien finir par s’imposer au capital, et c’en sera fini de l’exploitation par nos chères élites bourgeoises.

Ce qui serait dire adieu à la souveraineté "nationale", qui ne peut être que la souveraineté des intérêts bourgeois… Or, par force, voilà que le suffrage universel s’est maintenant incrusté dans l’Histoire de France, et que, par conséquent, se désole le brave Tardieu :
« La majorité des votants est invitée à trancher des questions qu’elle ignore. » (page 101)
…mais que, sans doute, la bourgeoisie connaît par cœur…

Alors, le remède prescrit par cette même bourgeoisie ?... André Tardieu saura-t-il le transmettre aux Bardoux, Debré et autres De Gaulle  ?...

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André Tardieu

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1 réactions à cet article    


  • Hervé Hum Hervé Hum 4 mai 2015 21:15

    Sans doute le meilleur reste à venir !

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