Martine fait ses courses à Euralille
En entrant dans Euralille, le centre commercial en plein Lille avec son hypermarché et ses 120 boutiques, deux hotesses m'ont accueilli avec des prospectus - des flyers en français contemporain - en m'annonçant l'inauguration du nouveau centre avec au programme : art battle, DJ set et offres exclusives lors d’une nocturne shopping !
Pour ses 20 ans, le centre avait reçu un cadeau de près de 50 millions d’euros pour se refaire une beauté.
Quelques pas et j'arrive à la hauteur d'un ingénieur du son avec un matériel à faire palir un DJ. A l'étage du dessous un homme discourt. Voix inaudible. Une dame à ses côtés sur l'estrade attend debout les mains jointes au bout de ses bras tombants.
Puis c'est à elle. Le brouhaha général enrobe sa voix comme le chocolat la noisette. On devine qu'elle parle, mais on ne la comprend pas. Peu importe. Ce genre de discours n'est pas de la littérature. C'est un rite. Il n'a pas besoin d'être écouté, mais juste entendu. A la limite, ce serait mieux qu'il ne soit jamais intelligible. Je suggère qu'il soit dorénavant prononcé en latin, puisque cette langue est exclue de l'école et qu'après avoir été une langue morte elle est une langue assassinée et qu'elle sera dorénavant obscure pour tous. La cérémonie en gardera son mystère et tiendra l'auditoire en respect.
Un jeune m'approche et me dit du bien de Martine - c'est elle, vous l'aviez reconnue - et me parle de son action sociale. Il se méprend alors de mon air surpris, moi qui ignore tout de cette ville et de ses édiles, et pense que je suis un contradicteur. Il insiste, presque en s'excusant. Il me dit que son opinion n'a rien de politique et se fonde sur des actions. En voyant la face habituellement renfermée de Martine, je n'avais pas envisagé qu'elle eût des partisans ailleurs que dans la politique.
Lassé de cette célébration dont je ne perçois que des décibels, j'entre dans l'hypermarché. Je tournicote à la recherche des articles qui jouent à cache-cache dans les rayons et passe devant un stand de soda où les clients font la queue pour obtenir gratuitement une surprise et un verre plein.
Et revoila Martine, avec ses gardes du corps, ses conseillers et sans doute la direction du magasin. Elle marque la pause devant le stand de soda. Va-t-elle faire la queue pour la surprise et le verre ?
Non. Une jeune femme l'a arrêtée pour lui demander un selfie. Le selfie a la particularité d'être une dédicace faite par l'admiratrice avec elle-même et accessoirement avec la vedette. Il a d'autant plus de succès que la société s'est individualisée et que le centre du monde de chacun est devenu son propre nombril. L'espace d'un instantané, j'ai cru voir sur son visage un sourire sincère, et non pas commercial. Quelle est donc sa vraie personnalité ?
Puis Martine continue. Un jeune sort d'un rayon, le nez sur son MP3 et les oreillettes bien enfoncées. Il marche vite. Il bouscule Martine au nez et à la barbe de ses gorilles et disparait. La pauvre vieille femme accuse le coup et continue. L'impertinent ne saura jamais qui il a failli renversé.
A la dégustation de fromage la démonstrative me confie "On ne la voit pas derrière ses gardes du corps. Elle est plus petite que la télévision le donne à penser.
- Elle fait 1,60 m. Pas plus.
- Sans doute.
- Je parlais de son tour de taille.
Ce n'est pas vrai. Elle n'est pas grosse. Mais elle n'est pas grande. La télévision sait tromper son monde sur la taille de ses stars.
En est-il de même sur leurs idées ?
Je bute sur un cordon de sécurité. Elle est au rayon "dégustation". Martine, j'ai dit que vous n'étiez pas grosse, mais n'abusez pas.
En sortant, je vois toutes sortes d'uniforme de policiers et de militaires. Si elle a fait des courses, quoique je n'ai pas vu son caddie, elle ne risque pas de se les faire dérober.
C'était la veille des élections internes du PS, qui ont battu un record d'indifférence général. J'avais cru comprendre qu'elle était du côté des frondeurs mais elle s'est ralliée au gouvernement. Que comprendre ? Que tout est dérisoire ? D'ailleurs, les frondeurs n'ont-ils pas accepté la loi du gourvernement. En pensant à leur meneur, on sort le proverbe "Les siens aboient et le car de Vals passe". Dans leur fronde, ils n'avaient mis que des boulettes en papier. Ce n'est pas avec elles qu'on prend la citadelle de Bercy ni qu'on change de politique. Et qu'on accroit sa crédibilité auprès des électeurs.
Le lendemain, dans la presse locale, je ne l'ai vue ni en photo ni citée dans l'article. Par contre on parlait beaucoup de cette chaine de café américaine qui allait s'installer dans le centre commercial.
Cette chaine avait batti son succès en proposant aux Yankees un café qui ressemblait au café européen. La voilà donc qui vient en France vendre du café comme on en boit chez nous, embaucher quelques personnes pour le servir et rapatrier nos devises de l'autre côté de l'Atlantique. La presse s'émeut de joie que la chaine va créer des emplois.
Dehors, les Lillois, qui sont des gens sympatiques, se rassemblent aux nombreuses terrasses devant une bière. Est-ce judicieux d'accueillir un concurrent à nos troquets alors que les panneaux "à louer" et "à vendre" se multiplient ?
Pauvre Martine ! La fédération PS du Nord, l'une des plus importantes de France, a tourné vendredi 12 juin la page Martine Aubry en préférant Martine Filleul au candidat qu'elle soutenait. Un an après les municipales, ce sont déjà celles de 2020 qui sont en jeu. Elle souhaite laisser la mairie à François Lamy, ex ministre. Mais les vieux Mauroyistes ne veulent plus de Martine et la rancoeur est un plat qui ne se mange pas dans la tiédeur.
Après une bataille aussi âpre perdue, c'est la retraite qui se profile et qui rime avec défaite.
Le Nord était un bastion socialiste. Les industries traditionnelles se sont effondrées. Les batiments sont à l'abandon et l'économie en friche. Les électeurs se détournent du PS. L’IFOP a réalisé un sondage sur un échantillon de 876 personnes interrogées par téléphone dans la grande région Nord - Pas-de-Calais - Picardie entre le 4 et le 8 juin. La Voix du Nord révêle que le FN arrive en tête, mais en léger repli par rapport aux départementales où ses scores atteignaient 35 %. Xavier Bertrand récolterait 28 % le PS entre 17 % et 24 % suivant les alliances. La décadence, c'est maintenant.
Un instant, songeons au climat boute-en-train apporté à l'Europe si celle que la rumeur présentait comme le premier ministre de 2002, avait travaillé de concert avec Madame Merkel.
En attendant, dans un coin VIP de l'hypermarché d'Euralille, celle qui pensait gouverner la France depuis la place de Matignon se contentait de commander un café dans l'espace de dégustation.
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