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Accueil du site > Tribune Libre > La CPI, un berger en disgrâce avec ses brebis en Afrique

La CPI, un berger en disgrâce avec ses brebis en Afrique

La cour pénale internationale (CPI) et l’Union Africaine (U.A) ne sont plus sur une même longueur d'onde . La pomme de discorde est le refus pour l’Afrique du sud, soutenu par tout le continent, de livrer à la juridiction pénale internationale le président Soudanais, El Omar Béchir, sous le coup d’un mandat d’arrêt à charge pour des crimes de génocide, des crimes contre l’humanité et des crimes de guerres commises au Darfour, au cours de la guerre civile déclenchée en 2000 .

 « Ici, ce n’est pas le siège de la CPI… on n’en veut plus dans la région… », cette affirmation du président de l’UA, Robert Mugabe, à l’occasion du point de presse sanctionnant le 25 ème sommet de l’instance africaine en Afrique du sud prouve à suffisance que, entre l’UA et la CPI le divorce est en voie de se consommer. Taxée par les Africains de "justice de blancs qui ne poursuit que les noirs", cette juridiction internationale n’inspire plus confiance à leur égard. La preuve, la Côte d’ivoire a refusé de lui livrer l’épouse de son ancien président, Simone Gbagbo pour la juger elle-même.

L’affaire El Béchir n’est donc que l'arbre qui cache la forêt et, en clair, l’expression d'un malaise existant entre la juridiction pénale internationale et l’Union Africaine, pour la simple et juste raison que cette dernière n’ait instruit que des cas africains depuis son existence (Ouganda, République Démocratique du Congo, Centrafrique, Soudan et Kenya). Cinq pays auxquels, il faut maintenant ajouter la Libye, premier pays arabe à être poursuivi .Ce qui s’apparente, aux yeux de tous, comme, un nouvel outil de contrôle de l’occident sur l’Afrique.

Cette sorte d' union sacrée de l’Afrique autour de Béchir constitue une véritable leçon à l’endroit de la communauté internationale pour que sa juridiction fasse son autopsie de fond en comble . Déjà en 2013, Jacques Goba, un jeune africain lançait une pétition appelant les Chefs d’Etat Africains à se retirer de la CPI. A cet effet, 2300 personnes avaient souscrit à cette proposition qui continue à susciter de grands débats dans le milieu des intellectuels africains. Tout en soutenant qu’il fallait laisser l’Afrique juger elles-mêmes « ses monstres « ou encore appliquer la même justice pour tous.

Justement, c’est ce nationalisme avéré imbu d’africanité et de panafricanisme qui a permis également aux chefs d’Etat du continent de porter à la présidence de l’U.A, Robert Mugabe, bien que jugé par l’occident comme « un mauvais signal envoyé par l’organisation sur les valeurs de démocratie et de gouvernance. » Pourtant, le président Zimbabwéen, en dépit de cette diabolisation à outrance, n’a fait que extérioriser ce que l’ensemble des africains pensait tout bas. Allusion est faite ici au pillage des ressources naturelles du continent, au néocolonialisme, et surtout au combat acharné pour le rééquilibrage du conseil de sécurité des Nations Unies afin que l’Afrique devienne membre permanent avec droit de véto.

Comme on peut le constater aisément, les Etats africains qui ont signé le traité instituant la CPI n’ont plus le cœur dans cet ouvrage aux allures d'un "Léviathan" car, à ce jour, seulement 114 membres sur les 192 que reconnaît l'ONU l’ont signé et ratifié , 139 l'ont uniquement ratifiée ; la Russie et la Chine, à l'instar de la Libye, ne l’ont jamais signé, et dans le monde arabe, seule la Jordanie a adhéré à la Cour, signant et ratifiant le traité. Les Etats-Unis et Israël ont signé le traité mais ne l'ont jamais ratifié de peur de se voir inculper.

Voilà pourquoi, la thèse du soutien ou de l’aide du président Jacob Zuma au président Béchir pour quitter l’Afrique du sud ne souffre d’aucune contestation. Derrière cette action, l’UA veut tout simplement prouver son indépendance vis-à-vis de la communauté internationale et de son corolaire la CPI. Cette Communauté Internationale qui tire souvent les ficelles pour que le continent s’embrase davantage pour tirer ses dividendes par la vente des armes et les opérations humanitaires. Les cas de la Libye, du Mali, de la RDC et de la RCA sont des exemples patents.

Face à cette attitude inamicale, l’Afrique veut prouver qu’elle est désormais capable de prendre son destin en main. Une façon, sans doute, de dire à la face du monde que « il ne faut plus laisser l’occident nous dicter une conduite ». Une attitude parfaitement cohérente, de l’avis certains observateurs, car une cour de justice internationale à «  l’occidentale » est loin de servir ses intérêts. Même si l’U.A a fait un incident de parcours en livrant l’ancien président Ivoirien Laurent Gbagbo, du moins Omar El Béchir a le soutien de ses pairs africains.

En définitive, l’affaire Béchir est une sonnette d’alarme pour que la juridiction pénale internationale se remette en cause en appelant aux reformes, sinon la thèse selon laquelle, elle ressemble aujourd'hui à "un berger sans brebis en Afrique" aura force de loi. Et la décision prise par l'Afrique du sud d'y claquer la porte n'est qu'un " buldozer télécommandé pour la démolition de la juridiction internationale" Sans vouloir donner un quelconque jugement de valeur,le départ de l'Afrique de la CPI fragilisera , de fond en comble cette institution, car les Etats africains constituent le groupe le plus important avec 34 Etats membres sur les 54 que compte le continent. Il est suivi du groupe de 27 Etats d’Amérique Latine et des Caraïbes, du groupe de 25 Etats d’Europe Occidentale, du groupe de 18 Etats d’Europe de l’Est, et enfin du groupe de 18 Etats d’Asie et du Pacifique.


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