QUO VADIS/où vas-tu, Allemagne souveraine ?
Que veut pour l'U.E. notre souveraine Allemagne, sinon sa Croissance et sa Compétitivité, selon toute la rigueur et l'austérité qu'elles impliquent ?
Mais au sein d'un monde qui voit la suprématie occidentale (et européenne)être contestée tant par la Russie orthodoxe, que par la Chine officiellement athée et par le nationalisme terroriste musulman, l'Allemagne et l'U.E. toute entière n'ont-elles pas le devoir moral et politique, au nom même de leur Liberté (d'Esprit), d'aller voir un peu au-delà de ce credo ordo-libéral ?
Et donc le devoir de délibérer et décider démocratiquement d'autre chose que de la supposée nécessaire "loi du Marché" ? Thomas Piketty, quoique différemment de votre serviteur (il mise encore en partie sur les partis politiques anciens alors que je crois qu'il faut re-créer la démocratie à la base) nous l'assure également.
mardi 23 juin 2015
11:32
L'influence prépondérante de l'Allemagne sur le destin de l'Europe ne peut être niée par personne.
Et surtout pas par l'Allemagne ordo-libérale dirigée par ce qu'on peut appeler le couple germano-allemand "MerkGabriel" (CDU et SPD, "gauche" de droite et droite de "gauche", tout comme ici quoi…).
Et la preuve en est que l'Allemagne s'interroge, ou plutôt fait mine de s'interroger, sur cette "qualité" régalienne qui lui échoie (on ne devient pas "primum inter pares" de l'U.E. sans grande responsabilité).
Et donc sur les buts qu'elle, en tant que nouveau "Prince" d'Europe ( rappelons que feu Ulrich BECK parlait il y a peu de Frau "MERKIAVELLI"…) doit fixer à l'Europe pour ce XXI° siècle déjà vieux de 15 ans.
Or, si je dis que l'Allemagne fait mine de s'interroger sur ce pouvoir historique qui est désormais le sien, c'est que je pense, et c'est là ma thèse et là ma position, qu'elle possède déjà la réponse essentielle et fondamentale à cette question.
Le Credo allemand
L'Allemagne, sans feinte aucune, s'affirme bien comme cette "liberté qui est l'intelligence de la nécessité elle-même" (mot de Hegel repris par Karl Lamers cité plus bas). Elle possède bien une volonté certaine d'elle-même, une certitude éthique unique, et un "impératif catégorique" qui déterminent globalement le sens de son action et le fond de son pouvoir.
En un mot, l'esprit allemand c'est la "Réforme". En tant que d'elle est né le capitalisme (selon la thèse fameuse de Max Weber) aujourd'hui triomphant et à quoi il faut nécessairement se soumettre. Et en tant que la "réforme" (structurelle) est la seule méthode et l'unique instrument exigés par le "Weltgeist", l'esprit du Monde et de MAMMON (cf. mon texte précédent sur l'Europe du Diable ou du Bon Dieu)).
Pour l'Allemagne (autant que pour nous qui en acceptons les thèses et la laissons mener notre barque…Et Thomas Piketty a ici bien raison de souligner qu'une coalition du Sud Europe pourrait renverser la donne. Cf. http://www.liberation.fr/economie/2015/06/07/thomas-piketty-on-a-besoin-de-reformes-fiscales-et-sociales-de-fond-pas-de-cette-improvisation-perma_1324837. ) est vrai ce que la "Réforme" lui a appris, sinon révélé...
A savoir : le Salut (aussi bien privé que public, terrestre que céleste), ce n'est plus ni du côté de l'Eglise (Rome, cette "Putain"), ni même du côté du Prince et de l'Etat (les Etats nationaux peuvent et même doivent dépérir quand l'économie mondiale pousse à la roue…), mais du côté de la Richesse gagnée à la sueur de son rigoureux Travail. C'est elle, et elle seule, qu'il nous faut absolument rechercher.
Et en effet, s'il est bien une hégémonie idéologique (au sens où l'entendait Antonio GRAMSCI) dont puisse réellement se targuer aujourd'hui l'Allemagne, c'est bien celle qui a pour noyau intellectuel comme pour unique objet d'une foi absolue : la Croissance.
Avec tout ce qu'elle implique : la soumission totale aux exigences rigoureuses de compétitivité provenant de et retournant à une mondialisation qu'il ne faut surtout remettre en question (surtout quand on sait combien "l'opinion publique allemande craint que les gouvernements étrangers n'en profitent pour esquiver les réformes nécessaires et ne relâchent leur discipline budgétaire", K. Lamers encore).
L'Allemagne peut bien évoquer ici et là l'avenir politique de l'Europe, comme par exemple l'idée de "noyau dur franco-allemand" déjà affirmée parWolfgang Schaüble et Karl Lamers (CDU) dans leur "Réflexions sur l'Europe politique" publiées le 1 IX 1994. Ou encore, plus récemment, l'idée d'une U.E. concentrée sur des compétences précises et laissant aux Etats, voire aux régions une certaine latitude. Ou enfin d'un "Parlement de la zone-euro" et de l'élection d'un président de l'Europe au suffrage universel.
Mais au fond, sur l'essentiel rien de neuf et rien qui doive "changer la vie"
Car, une fois réaffirmé que "chacun sait que le noyau du noyau, c'est le duo franco-allemand…et qu'il n'y a pas d'alternative" (K. Lamers, interrogé par J.M. Demetz, l'Express 22/06/2013, je souligne), et que l'on ne peut pas plus "démondialiser" l'Europe qu'européaniser la mondialisation (ce qui serait imposé des contraintes à des puissances extérieures qui ne veulent pas de nos valeurs), TOUT EST DIT, mais rien de neuf ne nous est dit.
Qu'est-ce que cette "rudesse germanique", déjà critiquée par "Le Monde en septembre 1994, qui interdit a priori toute nouvelle compréhension, toute vision alternative de l'U.E., sinon un acte d'obéissance permanente et quasiment aveugle à cette "destruction créatrice" qu'est le capitalisme. La crise actuelle, et le désordre européen ambiant qu'elle engendre, se régleront par lui et elle. Amen !
L'Allemagne : un pouvoir sans nom.
C'est évident, aucun Chef n'a à s'interroger devant ses sujets et subordonnés. Mais cette explication psychologique du" mutisme" du Chef ne suffit pas. Plus profondément, si l'Allemagne est bien au service exclusif du capitalisme dominant (qu'il vienne de l'Est ou de l'Ouest, puisque Pékin attire autant sinon plus que Washington…), alors l'Allemagne ne peut tout simplement plus s'interroger sur ce que représente au juste un tel service du KAPITALISMUS.
Car sa vision et son esprit politiques ont été engloutis par la gestion et le calcul économiques.
Jürgen Habermas (cf. http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/06/24/la-scandaleuse-politique-grecque-de-l-europe_4660360_3232.html) a donc bien raison de dénoncer, à la fin de son long article, une classe politico-médiatique qui n'a plus rien à faire du Citoyen, puisqu'elle l'a subrepticement transformé en Client (confort et "Profil" numérique inclus ; et n'oublions pas que la "gouvernementalité algorithmique", déjà en partie à l'œuvre en Chine, a une vocation globale).
Certes, le pouvoir d'influence de l'Allemagne sur l'U.E. peut aussi être jugé simplement ambigu et flou (cf http://www.project-syndicate.org/commentary/german-power-vision-for-europe-by-giles-merritt-2015-06Gile ).
Mais c'est bel et bien le Pouvoir, tout nimbé du Numineux impénétrable, de cet "Hegemon wider Willen" qu'elle a bien dû pourtant vouloir devenir quelque part puisqu'elle l'est devenue en effet…
HEGEMON.
Arrêtons-nous pour conclure sur ce qu'est ce CHEF (racine "Gémon" = commandant en chef, mais aussi Guide, ou "Duce", ou "Führer") qui n'est pas si "MALGRE LUI" que ça.…
Et sur les histoires bien réelles et les idées bien gravées qu'il évoque et appelle à lui.
J'ai déjà cité GRAMSCI et son idée de domination idéologique sans partage. Ajoutons-y le Parti Communiste forcément hégémonique, notre fameux Ponce Pilate (il est ainsi nommé en grec). Puis le poète comique ainsi prénommé qu'Aristote qualifie de premier auteur de pièces de pure parodie, et la période des "Printemps et automnes" de l'antique Chine, avec ces "cinq hégémons" chinois du VI-V° siècle av. J.C. Enfin un autre poète grec mais de style épique et du III° siècle av. J.C. narrant les guerres et les exploits militaires.
Or, considérons cette liste : des guerres en Chine et en Grèce antiques, une présente domination idéologique en Europe, une irresponsabilité totale devant ce qui va se passer et qu'on ne veut pas voir ; des communistes (chinois et peut-être même russes) qui contestent clairement la suprématie américaine ; et enfin ce goût de la parodie généralisée, et du nihilisme cynique, qui peut conduire demain à la mort spirituelle de cette "Grande POLITIQUE" (celle qu'ont rêvée à leur manière les Pères spirituels de l'Europe, de Platon à Nietzsche et Husserl ou Heidegger, en passant par Rabelais, More, Campanella, l'abbé de Saint-Pierre, Novalis).
Ne nous donne-t-elle pas, cette liste, tous les éléments et aliments de et pour notre interrogation collective sur l'Allemagne et l'Europe telle qu'elles ne se disent pas ?
In the next issue.
Suite au prochain numéro
Fernand T. Isolda
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