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Pétrole et taux d’intérêt 2014-2024 : Quelle perspective pour les États-Unis, l’Europe, les pays émergents et les pays exportateurs de pétrole ?

  A Ankara, lors de la réunion des ministres des finances et banquiers centraux du G20, le 4 et 5 septembre 2015, les cahots boursiers et économiques en Chine et les inquiétudes suscitées d’un durcissement monétaire américain ont constitué l’essentiel des discussions entre les participants.

 Comme il a été maintes fois reproché à la Chine, le secrétaire américain au Trésor, Jack Lew, a demandé explicitement, lors d'une rencontre avec le ministre chinois chinois Lou Jiwei, à Pékin de « s’abstenir de toute dévaluation compétitive ». La Chine doit progresser vers un « système de taux de change davantage déterminé par le marché », a souligné M. Lew dans un communiqué diffusé après l’entretien. Il faut rappeler qu’en pleine débâcle boursière, en août 2015, la Chine a procédé à une dévaluation brutale pour gérer le ralentissement.

 Aux États-Unis, la Réserve fédérale américaine a laissé entendre qu’elle pourrait relever ses taux pour la première fois après 10 ans lors de la prochaine réunion de son comité de politique monétaire les 16 et 17 septembre. A ce relèvement du taux d’intérêt, la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) a déclaré : « La Réserve fédérale des Etats-Unis (Fed) ne doit pas précipiter sa décision quant à un prochain relèvement des taux d'intérêt et elle ne devra agir que lorsqu'elle aura la certitude de ne pas devoir faire machine arrière par la suite. La Fed devrait le faire pour de bon, si j'ose dire, en d'autres termes, ne pas essayer pour voir puis devoir revenir en arrière. » (1)

 Christine Lagarde a poursuivi : « Le FMI pense qu'il est préférable de s'assurer que les indicateurs économiques sont absolument confirmés, qu'il n'y a aucune incertitude, ni sur le front de la stabilité des prix, ni sur le front de l'emploi et du chômage, avant qu'elle prenne effectivement cette initiative. Et cela nécessiterait d'être sur la vague, plutôt que nécessairement devant la vague ou en fait derrière la vague.  »

 « Les ministres des Finances et banquiers centraux du G20 ont beaucoup discuté de cette question lors de leur réunion à Ankara », a précisé Christine Lagarde.

 

  1. Une situation économique mondiale peu réjouissante

 Mais, compte tenu des troubles survenus depuis la mi-août sur les marchés financiers en raison du ralentissement de l’économie chinoise, et la forte baisse des prix de pétrole et des matières premières, une atmosphère qui reflète une situation économique mondiale dégradée, la Fed a décidé de maintenir ses taux directeurs à un niveau proche de zéro. En tout cas, pour l’instant, un relèvement n’est pas exclu dans les mois qui viennent ou au début de l’année 2016.

 La prudence a prévalu et elle est amplement justifiée par le ralentissement de l’économie mondiale. Pourtant le taux officiel de chômage américain est tombé à 5,1%, soit son plus bas niveau depuis avril 2008. La Fed anticipe d’ailleurs que le chômage baisse jusqu’à 5% d’ici la fin de l’année et à 4,8% en 2016. Le point qui n’est pas bon, par contre pour l’économie américaine, demeure le « taux d’inflation ». L’objectif de tendre vers les 2%, comme se l’est assigné la Fed, ne devrait être atteint qu’en 2018, soit un an plus tard que ce qui était anticipé. De négatif entre janvier 2015 à mai 2015 (-0,09% à – 0,04% en base annuelle), il est passé de 0,12% en juin 2015 à 0,19% en août 2015. L’inflation moyenne en 2014 est 1,62%, elle est passée à 0,01%, en 2015, Une situation pour ainsi dire « déflationniste », principalement due à la « chute des cours du pétrole » et des « matières premières ».

 Et si on regarde la courbe d’évolution du taux d’inflation américain depuis les années 1950 à nos jours, on s’aperçoit que l’inflation n’a jamais été aussi basse durant ces soixante cinq années excepté la « Grande récession » qui a suivi la crise immobilière et financière et dont l’inflation annuelle moyenne aux États-Unis a été de -0,39%, en 2009. (2) Et là, on peut se poser la question, et à juste titre, pourquoi le taux d’inflation américain est proche de zéro, et pourquoi il a été négatif (en base annuelle) durant tout le premier trimestre de 2015 ?

 Toujours est-il, la situation économique mondiale n’est guère réjouissante. Sept années sont passées après la Grande Récession, en 2008-2009, et la situation économique mondiale devenant plus morose ne s’est toujours pas dénouée. Pire, le monde risque d’aller vers des blocages. Le commissaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici, qui a affirmé à l’AFP que « Nous sommes vigilants mais pas inquiets » (3), traduit en fait l’existence de dissensions entre les pays riches et les pays émergents. Et le sentiment d’inquiétude, que laissent paraître les grands argentiers du G20 qui tentaient en Turquie de serrer les rangs face aux deux défis majeurs, le ralentissement chinois et une probable hausse de taux américaine, ne peut tromper sur l’évolution des enjeux qui divisent les puissances.

 Il est évident qu’une hausse des taux d’intérêt américains, après des années de largesse monétaire, enverrait une onde de choc dans les pays émergents, dont certains, comme la Russie et le Brésil, sont déjà mal en point. Et par ricochet aussi les pays en développement qui sont aussi mal en point par la chute des prix de pétrole et des matières premières. Donc c’est tout l’ensemble du monde hors-Occident qui risque de pâtir de ce qui s’assimile aujourd’hui à un virage à 180 degrés de la politique monétaire américaine.

 « Les politiques monétaires accommodantes ne mèneront pas à une croissance économique équilibrée et les taux d'intérêt vont devoir remonter à mesure que l'activité reprend », ont estimé les Etats membres du G20 réunis à Ankara. Et c’est une vérité. Il faut rappeler que plusieurs milliers de milliards de liquidités ont été déversés depuis 2007 afin de sauver le système financier occidental. Or, la crise des subprimes et celle du financier étaient largement dues à une politique trop accommodante, dès 2001, et qui a favorisé la prise de risque. De nouveau une politique accommodante après la crise financière peut engendrer une nouvelle crise, et ce sont toujours les Banques centrales qui se trouvent en première ligne dans les crises.

 

  1. Les problèmes économiques et financiers de fond qui divisent les puissances

 La Réserve fédérale américaine a été conduite, après la crise en août 2007, à réagir rapidement et à innover radicalement en matière de soutien financier du système bancaire. La Fed a commencé par utiliser un outil traditionnel de stimulation de l’activité. Les taux directeurs ont été ramenés, en quelques mois, sous la barre des 0,25 %. Mais, face à la dégradation continue de la situation, elle est passée à des politiques d’assouplissement quantitatif, appelées par leur acronyme anglo-saxon « QE » (Quantitative easing). Cette politique monétaire dite aussi « non-conventionnelle » consiste à faire tourner la planche à billets pour permettre à la Banque centrale de racheter aux banques des dettes publiques et privées. Cette injection massive de monnaie permet à l’État et au système bancaire de se financer, ce qui doit en mettant des liquidités à la disposition des agents économiques, faire, escompte-t-on, repartir la machine. Et c’est ce qui s’est produit, après sept années de ce régime, l’économie américaine est bien repartie. En 2014, la croissance a frôlé 2,5%, le taux de chômage est descendu des 10% en octobre 2009 à 5,1%, aujourd’hui. (4)

 Pourtant, si la stratégie de la Fed s’est jusqu’ici révélée payante, elle présente aussi certains risques dans la durée. En effet, sous les effets conjugués des programmes d’assouplissement quantitatif et des mouvements de spéculation de grande ampleur, les bourses sont à leur plus haut depuis la crise des subprimes. Un niveau jamais vu et que certains craignent l’éclosion d’une nouvelle bulle spéculative. La présidente de la Fed, Janet Yellen, qui a décidé de jouer la prudence et après avoir annoncé la fin du « quantitative easing » en octobre 2014, a prévenu que les taux directeurs ne seraient relevés qu’en fonction des données économiques. Précisément, l’amélioration de l’économie américaine laisse entrevoir un relèvement du taux américain avant la fin de l’année 2015, ou au début de l’année 2016.

 Ces quantitative easing ont aussi été employées par la Banque centrale européenne (BCE), la Banque d’Angleterre et la Banque du Japon (quoique cette dernière plus tardivement). Ces Banques centrales avec la Fed sont les principales banques dans le monde, à émettre des monnaies de réserve et de compte internationales.

  La BCE a mis en œuvre plusieurs programmes « non conventionnels » et, à chaque étape, a dû, pour soutenir les États membres, requérir l’approbation de l’Allemagne qui, très attachées à ses statuts, s’opposent au financement des déficits publics. Mais, compte tenu des crises en cascades, et le risque de faillite de plusieurs pays de la zone euro (Irlande, Portugal, Chypre, Grèce…), des soutiens financiers ont été autorisés jusqu’à la mise en œuvre d’un fonds financier commun, le Fonds européen de stabilité financière (FESF), puis son remplacement par le Mécanisme européen de stabilité (MES). Dès le printemps 2010, pour apaiser la flambée des taux grecs, la BCE s’est mise à acheter des obligations grecques sur le marché secondaire, où elles s’échangent une fois émises. Elle le fera ensuite pour d’autres pays. À l’automne 2011, Mario Draghi, nouveau président de la BCE, lance des prêts quasi gratuits à destination des banques. L’idée est de leur fournir des liquidités pour qu’elles achètent, à leur tour, des dettes d’État.

 La BCE baisse aussi ses taux directeurs jusqu’à les porter en territoire négatif, et répète qu’ils resteront durablement bas. Elle devient également responsable de la supervision bancaire en Europe, un rôle central pour encadrer la prise de risques de ce secteur. Pourtant, la situation économique de la zone euro reste mauvaise. Elle se trouve désormais au seuil de la déflation, comme le sont aussi les États-Unis, depuis le début de l’année 2015. Pour soutenir encore l’économie de la zone, et malgré la baisse des prix du pétrole, la BCE lance un nouveau programme de quantitative easing qui va de mars 2015 à septembre 2016, à raison de 60 milliards de rachats de titres publics et privés de la zone euro.

 La banque centrale d’Angleterre (Bank of England, BoE) a pareillement évolué face à la crise de 2007. Dans ses programmes de quantitative easing, la BoE détient aujourd’hui 25% de la dette publique britannique. Comme Ben Bernanke, gouverneur de la Fed jusqu’à janvier 2014 (remplacement par Janet), le Canadien Mark Carney, nommé le 1er juillet 2013 à la tête de la BoE, partisan d’une politique monétaire agressive, a affirmé que le « quantitative easing » restera en place au moins jusqu’à ce que le chômage tombe sous les 7 %. (5) L’emploi devient ainsi, comme pour la Fed, un indicateur surveillé par la BoE. Au Cepii, l’économiste Michel Aglietta s’inquiète toutefois de ce que « la BoE (ne soit) pas assez vigilante quant aux risques de formation de nouvelles bulles ». 

 La banque centrale du Japon ne s’est jointe aux autres banques centrales à l’assouplissement quantitatif que tardivement, à partir de 2013, sous la dénomination de « abénomics », une politique économique et financière prônée par le Premier ministre du Japon Shinzo Abe, en fonction depuis le 26 décembre 2012.

 Si ces programmes successifs de « quantitative easing » ont joué un rôle crucial dans la relance des économies occidentales, il est important de comprendre l’impact qu’ils ont eu sur les économies des pays émergents (surtout la Chine) et les pays en voie de développement, en particulier les pays exportateurs de pétrole. Ils ont provoqué des dysfonctionnements qui, aujourd’hui, ne sont toujours pas réglés entre les puissances.

 Pour comprendre, il faut d’abord rappeler que les pays émergents et les pays exportateurs de pétrole ont bénéficié, juste après le 11 septembre 2001 et l’entrée en guerre des États-Unis en Afghanistan et en Irak, d’une décennie particulièrement nourrie par les formidables liquidités monétaires déversées par les États-Unis pour financer ses déficits courants et publics constamment en hausse. Les causes : soutenir financièrement la consommation intérieure et les dépenses de la guerre. L’essentiel donc de la politique monétaire américaine a été le soutien à la guerre, la création d’emplois par le dopage de l’immobilier (construction de logements) et l’effet de richesse dû au au renchérissement de l’immobilier stimulant la consommation. Tout était parfait, même les déficits extérieurs et la dette américaine en hausse (qualifiées d’insoutenables par pratiquement tous les analystes) n’étaient pas un problème puisqu’ils sont libellés en monnaie du pays émetteur, c’est-à-dire le dollar. Evidemment cette masse gigantesque d’argent a profité aux pays émergents, aux pays exportateurs de pétrole, aux États-Unis et même à l’Europe, surtout pour les pays de la périphérie (Irlande, Espagne, Grèce…) qui ont massivement investi dans l’immobilier grâce aux capitaux des pays occidentaux excédentaires.

 Donc une décennie de forte croissance pour l’ensemble du monde. Mais si on regarde comment la croissance mondiale s’est articulée, on constate que l’Europe et les États-Unis ont investi surtout dans l’immobilier, ce qui, par ces investissements, a dopé leur consommation intérieure alors que les pays émergents et les pays en développement, dont les économies reposent sur le tout exportation (produits made in china par exemple pour la Chine, exportations de pétrole et de matières premières pour les autres) ont non seulement financé des investissements intérieurs colossaux (construction de logements par millions, d’aéroports, de nouvelles villes créées par la Chine, d’autoroutes, d’implantations de nouvelles usines, etc.) mais se trouvent encore à la tête de formidables réserves de change accumulées, années après années, pendant plus d’une décennie, grâce précisément à leurs excédents commerciaux alors que l’Europe et les États-Unis accumulaient surtout des déficits et donc une augmentation de leurs dettes vis-à-vis du reste du monde. Ce qui signifie que l’Occident a nourri la croissance du reste du monde par cette masse monétaire gigantesque créée par ses Banques centrales, par sa consommation, donc à son détriment.

 

  1. Des dysfonctionnements dans l’équilibre du commerce mondial

 La crise immobilière de 2007 suivie de la crise financière en 2008 mit à nu toute l’artificialité de la croissance américaine et européenne. L’artifice financier des « subprimes » se solde par une débâcle financière. Presque comme dans les années 1920, des millions de ménages américains perdent leurs logements et leurs économies. Le taux de chômage passe d’environ 5% à 10,5%, des millions d’emplois sont détruits. Bien que la crise se soit étendue à l’Europe, elle eut beaucoup moins d’impact sur le reste du monde. La Chine a continué d’enregistrer des taux de croissance élevés. 9,6% de croissance en 2008, 9,2% en 2009, 10,4% en 2010, 9,3% en 2011. Ce n’est qu’en 2012, que le taux de croissance a chuté à 7,8%. Il est de moitié par rapport au taux de croissance de 2007 qui a battu un record à 14,2%. (6)

 Comment expliquer cette vigueur des pays émergents et des pays exportateurs de pétrole qui ont vu le prix du pétrole bondir d’environ 55 dollars au 1er janvier 2007 à 147 dollars en juillet 2008 alors qu’au même moment le dollar enregistrait un record de faiblesse : 1,60 dollar pour un euro. Et cette période coïncide avec le début de la crise immobilière suivie de la crise financière au début de l’été 2008. La seule explication logique qui vient répondre à ce chassé-croisé de hausse du pétrole et baisse du dollar, c’est que le pétrole du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord étant facturé en dollar, les formidables liquidités en dollars injectées par la Fed pour sauver le système financier américain (lors de l’éclatement de la crise) exigeaient une forte hausse du prix du pétrole pour augmenter la demande de dollar (crée ex nihilo ou planche à billet) dans le monde. Comme la demande de dollars (par les pays acheteurs pour régler leurs importations pétrolières) était insuffisante, le surplus non absorbé était naturellement sanctionné à la baisse par les marchés monétaires.

 Précisément, si le prix du baril de pétrole a fortement baissé à la fin de l’année 2008, et a atteint dès le début 2009 un cours plancher d’environ 40 dollars, c’est que l’Europe et les États-Unis avaient basculé dans la récession. Et les injections de liquidités se sont raréfiées, ce qui explique la chute des cours. Mais le prix du pétrole va remonter et atteindre près de 80 dollars à la fin de l’année 2009. A la fin de l’année 2010, le prix du baril de Brent est non loin des 100 dollars. En 2011, il dépasse les 120 dollars, et le prix moyen annuel du baril se situe entre 110 et 115 dollars. En 2012, bien qu’il ait baissé en juin, le Brent enregistre un nouveau plafond en mars, à 128 dollars. En 2012, 2013 jusqu’à juin 2014, le cours reste toujours élevé, et se situe entre 105 et 115 dollars.

 Précisément ces hausses du prix du pétrole, depuis 2009, ont comme au plus haut de la crise 2007-2008, soutenu comme « contreparties physiques » les politiques d’assouplissement monétaire quantitatif occidentales. Les injections monétaires massives procédées par les banques centrales (Fed, BCE, BoE) pour lutter contre la crise financière ont été contrebalancées par la hausse des prix de pétrole et des matières premières. Le même processus a joué pour le dollar qui s’est fortement déprécié par rapport à l’euro, et cela en égard du surplus de liquidités injectées par la Fed américaine qui étaient sans comparaison avec les liquidités injectées par la BCE. Le surplus de dollars non absorbé par le marché pétrolier s’est traduit, comme en 2007-2008, par une forte dépréciation du dollar face à l’euro. Entre 2009 jusqu’à juillet-août 2014, le taux de change euro/dollar a fluctué entre 1,20 et 1,45 dollar pour un euro. Et « un cours très élevé du prix du pétrole depuis près de 6 ans après la crise financière ».

 On comprend dès lors que « ces quantitative easing opérés pars les pays occidentaux ont encore dopé les excédents commerciaux des pays émergents et les pays exportateurs de pétrole. » En effet, l’Occident, on opérant massivement des rachats de dettes publiques et privées à travers les QE, nourrissaient forcément, à travers la consommation, le commerce mondial. La croissance certes est repartie, le taux de chômage américain est loin des 10%, aujourd’hui environ 5%, mais cette reprise aux États-Unis le doit essentiellement aux politiques ultra-accommodantes de la Fed. Bien moins en Europe qui a faiblement usé des QE.

 Le problème avec les QE est qu’il crée un « paradoxe difficile à surmonter ». En effet, en soutenant leurs économies en crise à travers les QE, les Occidentaux dopent en même temps le commerce mondial. Puisqu’ils ont permis aux pays émergents et aux pays exportateurs de pétrole d’accumuler des réserves de change considérables. Une telle situation traduit « un dysfonctionnement dans l’équilibre du commerce mondial ». Ainsi, se présente d’un côté un Occident certes riche, dont la croissance s’est faite essentiellement sur fond de dette, mais s’appauvrit, et de l’autre, les pays émergents et pays exportateurs de pétrole certes pauvres mais deviennent riches. Enregistrant sans cesse des excédents commerciaux, via les QE, et accumulant des réserves de change, ces pays viennent de surcroît acheter (par l’argent que l’Occident a émis) la dette occidentale. Un Occident endetté et un reste du monde qui s’enrichit devenir son créancier.

 

  1. Les déficits des États-Unis en guerre explosent et idem pour les réserves de change des pays émergents et pays pétroliers. Les Quantitative easing explosent dès la crise financière et idem pour les réserves de change des pays émergents et pays pétroliers

 Après les attentats du 11 septembre 2001, la riposte américaine qui a suivi en Afghanistan et en Irak a été foudroyante. Elle a remis en question tout l’équilibre géostratégique moyen-oriental. Cela est un fait. Cependant elle a bouleversé aussi l’équilibre géoéconomique mondial. La guerre menée par les États-Unis imposaient aux autorités monétaires américaines d’accroître les liquidités (masse monétaire) à un degré tel qu’elles ne devaient avoir pour cap que l’effort de guerre et la croissance américaine même si elles devaient opérer par des montages artificiels financiers comme le furent les « Subprimes ». Le soutien à l’effort de guerre et à la croissance était la « feuille de route » pour la Réserve fédérale américaine.

 C’est ainsi que les déficits courants américains passèrent de -395 milliards de dollars en 2001 à -687 milliards de dollars en 2008. Le pic a été atteint en 2006, avec un total de -807 milliards de dollars – au plus fort de la guerre en Irak, les tensions étaient extrêmes et les États-Unis menaçaient d’étendre la guerre à l’Iran. Ce n’est qu’à partir de 2007 – la crise immobilière a fait son apparition aux États-Unis – que le déficit courant a commencé à diminuer. -719 milliards de dollars en 2007, -687 M$ en 2008. (4) 

 Le même processus a joué pour les déficits publics américains. Annulé en 1999, puis positif en 2000 à +0,8% du PIB américain (sous l’ère Clinton), le déficit public américain de nouveau augmente. En 2001, il passe à -1,4% du PIB, en 2002 à -4,8% du PIB, en 2003 à -5,9% du PIB pour arriver en 2008 à -7,2% du PIB (-1042,416 milliards de dollars). (4)

 La dette publique américaine baisse fortement sous l’ère de Bill Clinton. Elle passe de 70,6% du PIB en 1993 à 48,1% du PIB (4646,941 M$) en 2000. En 2001, sous l’ère Bush, la dette publique remonte. De 50,7% du PIB (5214,495 milliards de dollars) en 2001, elle passe à 78,1% du PIB (11307,318 milliards de dollars) en 2008. (4)

 Après la première phase qui s’est terminée par l’éclatement de la crise immobilière et financière, commence la « deuxième phase des quantitative easing » déjà employée durant la crise (QE1) et mise en œuvre massivement sous forme de programmes de rachats de titres publics et privés (subprimes) à partir de 2009 pour faire repartir l’économie américaine. Cette phase se termine en octobre 2014, date à laquelle le programme de réduction à raison de 10 milliards par mois sur les 85 milliards mensuels de rachats de titres américains depuis 2012 (QE3) devait définitivement mettre fin aux politiques monétaires non-conventionnelles.

 Le déficit courant américain baisse fortement avec la récession en 2009 et passe à -381 milliards de dollars. Il atteint en 2010, 2011, 2012, 2013, 2014, respectivement -444 M$, -459 M$, -461 M$, -400 M$, -411 M$, Pour 2015, le déficit courant prévu est donné à -410 M$. (4)  

 Le déficit public américain, en revanche, explose. En 2009, il est à -12,8% du PIB, soit 1884,032 milliards de dollars. Baissant en 2010, 2011, et 2012, il reste néanmoins élevé, respectivement à -12,2% du PIB, -10,7% du PIB, -9,0% du PIB. Ce n’est qu’en 2013 qu’il baisse fortement, il est à -5,7% du PIB, soit -921,291M$. En 2014, il est à -5% du PIB. En 2015, il est prévu un déficit public de -4% du PIB, soit -696,76 M$. (4)

 Quant à la dette publique (sous le poids des déficits publics), elle augmente fortement. Elle passe de 78,1% du PIB (11307,318 milliards de dollars) en 2008 à 92,5% du PIB (13615,075 M$) en 2009. EN 2010, 2011, 2012, la dette publique américaine augmente encore et s’établit respectivement à 101,8%, 107,7% et 110,5% du PIB. Elle diminue sensiblement en 2013. En 2014, la dette publique s’établit à 110,1% du PIB, soit 18461,568 M$. La dette publique en 2015, selon les prévisions américaines, atteindra 111,4% du PIB, soit 19404,766 M$. (4)

 Pour résumer, nous constatons que les deux phases, c’est-à-dire celle des « subprimes » et celle des « quantitative easing » (QE1, 2, 3), ont porté, sous l’ère Bush et Obama, la dette américaine de 48,1% du PIB, en 2000, à 110,1% du PIB, en 2014. La dette publique américaine a plus que doublé en une décennie et demie. Les déficits de la balance courante ont été colossaux. Ils ne se sont rétablis à l’ère de Clinton qu’en 2014 à -411 M$ (en 2000, le déficit courant s’élevait aussi à -411 M$). Pour les déficits publics, le sommet a été atteint en 2009, à -12,8% du PIB. Il reste cependant très loin de l’année 2000 où les États-Unis ont annulé leur déficit public en 1999 et enregistré un surplus de 0,8% du PIB en 2000.

 Qu’en est-il pour les pays émergents et les pays exportateurs de pétrole ? La Chine d’abord : ses réserves de changes s’élevaient en 2000 à 165,574 milliards de dollars. Elles passent, lors de la première phase, en 2001 à 212,165 M$, en 2005, elles quadruplent et sont à 818,872 M$. A la fin de la première phase, ce quadruplement a tout simplement plus que doublé, les réserves de changes de la Chine s’établissent à un niveau record, à 1 966,200 milliards de dollars. En 2009, l’Occident en pleine récession, ses réserves passent à 2 453,177 M$ (500 milliards de dollars engrangés pratiquement en une année). En 2010, ses réserves passent à 2914,154 milliards de dollars (plus de 450 milliards de dollars en une année). Les réserves de la Chine continuent d’augmenter et, en 2014, elles s’établissent à 3 952,130 M$. (4)

 Les réserves de change de la Russie qui étaient de quelques dizaines de milliards de dollars en 2000 sont passées à 124,541 M$, en 2004. A la fin de la première phase, les réserves de changes de la Russie sont multipliées par trois fois et demie. Elles s’établissent à 427,080 M$. Elles culminent à 537,618 M$ en 2012, lors de la deuxième phase. (4)

 L’Algérie est partie très bas, en 1999. Endettée à 58,3% du PIB, disposant très peu de réserves de change, elle redoutait même un nouveau programme d’ajustement structurel (un PAS sous l’égide du FMI, après celui de 1994). Le baril de pétrole est tombé très bas, à 10 dollars en 1998. La crise asiatique de 997 qui s’est étendue à la Russie et au Brésil, s’est soldée d’un minikrach pétrolier en 1998. Mais, à partir de 2000, la situation pétrolière se retourne et le baril est coté à 36 dollars à l’été de cette année. Après une chute des cours entre 2001 et 2003 au cours desquels il a évolué entre 20 et 30 dollars, le prix du baril de nouveau repartait et en hausse sans interruption sauf très brièvement à la fin de 2006. Les États-Unis, en pleine guerre au Moyen-Orient, enregistraient des déficits jumeaux record.

 Dès 2006, la position financière de l’Algérie s’est confortée considérablement. Ses réserves de change atteignaient 77,781 milliards de dollars fin 2006. L’année suivante, elles passaient à 110,180 milliards de dollars, et la dette extérieure qui a été remboursée en grande partie a pratiquement fondu. De 58,3% en 1999, passant à 34,2% en 2003, la dette extérieure ne représentait plus que 3,6% du PIB en 2007. Un record grâce à la hausse des cours pétroliers. (7)

 Les réserves de change augmentaient encore en 2008, et à la fin de l’année, atteignaient 143,102 M$. Fin décembre 2009, elles augmentaient encore et passaient à 148,95 M$. A la fin de la deuxième phase, c’est-à-dire fin juin 2014, l’encours des réserves de change de l’Algérie s’élevaient à 193,269 milliards de dollars. Quant à la dette extérieure, elle est restée très basse, à 3,719 milliards de dollars à cette date. (7)

 Un autre pays pétrolier, l’Arabie Saoudite, premier producteur et premier exportateur des pays de l’OPEP, a vu aussi ses réserves de change fortement augmenter depuis l’année 2000. Ses réserves s’établissaient à 743 milliards de dollars, en 2014. Les autres monarchies arabes du Moyen-Orient (CCG), pays pétroliers, ont tous enregistré des excédents commerciaux, et donc accumulé des réserves de change.

 

  1. Le risque du basculement du monde pour l’Occident

 Il s’est produit une situation de déséquilibre entre d’un coté, les pays émergents (la Chine en premier) et les pays en développement (principalement les pays exportateurs de pétrole) et, de l’autre, l’Occident, principalement les États-Unis qui nourrissaient ces déséquilibres par les quantitative easing (rendus quasi nécessaires pour relancer leur économie). La zone euro, le Royaume-Uni et le Japon qui détiennent des monnaies internationales contrebalançaient par des politiques monétaires non-conventionnelles les QE américains. Un « effet de balançoire » s’établissant entre les États-Unis et le reste de l’Occident nourrissait paradoxalement en liquidités le commerce international. Si les pays occidentaux ont stimulé leurs économies en injectant des masses de dollars, d’euros, de livre sterling et de yens dans le cadre des QE, il demeure qu’ils ont aussi fortement contribué par ces QE à la croissance économique des pays du reste du monde. Ce qui a permis aux pays d’Asie et pays exportateurs de pétrole et de matières premières d’engranger des excédents commerciaux et d’accumuler des réserves de change. 

 Mais, dès l’été 2014, l’évolution de l’emploi devenue positive aux États-Unis – le taux de chômage a pratiquement été divisé par deux, passant de 10% en 2009 à moins de 6% à partir de septembre 2014 (4) –, amènera la Fed à changer de politique monétaire. Elle décide de rompre avec les QE et de revenir aux politiques monétaires conventionnelles. C’est ainsi que la « réduction mensuelle programmée de 10 milliards de dollars de l’assouplissement quantitatif (QE3) » début 2014 arrivait à son terme sans heurt sur le plan économique en octobre 2014. Et ce que l’on constate, c’est qu’avant même la fin du QE3, donc la fin de l’assistance financière qui était en bonne voie, la baisse du prix de pétrole a commencé à poindre à l’été 2014. Il est évident qu’avec la fin du QE3, il ne restait que les deux ou trois réductions de 10 milliards de dollars pour terminer avec les 85 milliards que la Fed injectait depuis 2012 mensuellement. Ce qui signifie que la Fed n’a plus besoin d’un prix de pétrole haut pour servir de contreparties physiques à ses injections monétaires ex nihilo. Surtout que les déficits courants sont revenus au niveau de 2000, et que le déficit public a beaucoup diminué par rapport à ses hauts entre 2009 et 2012.

 Le prix du pétrole entamait donc sa course descendante. Sans la politique monétaire ultra-accommodante, et sans les injections massives de liquidités, la hausse des prix pétroliers n’avait plus raison d’être. Les liquidités américaines se raréfiaient et le dollar s’appréciait par rapport à l’euro, le yen, etc. Le basculement de la conjoncture économique et financière internationale était d’évidence prévisible. Tôt ou tard, la Fed devait arrêter les quantitative easing. Elle ne pouvait continuer indéfiniment et artificiellement injecter et des milliers de milliards pour doper l’économie américaine. Et servir de modèle à ses consœurs européennes et japonaise pour que, à leur tour, usent des QE.

 Si les perfusions avaient continué, elles n’auraient eu pour effet qu’alimenter le reste du monde en surplus de liquidité et donc à accumuler des réserves de change. La Chine et les pays pétroliers astreints à financer en retour le « consumérisme en Occident ». L’arrêt du QE3 répondait à cette question cruciale que se posaient les banquiers centraux américains : « Que faire pour arrêter cette hémorragie financière qui, si elle rendait des services pour la croissance domestique, allait aussi nourrir le reste du monde en liquidités ? » Et durant les deux phases, Alan Greenspan comme Ben Bernanke, deux gouverneurs américains, ont nourri en liquidités via le système bancaire américain l’économie mondiale.

 Le « consumérisme effréné de l’Occident et les dépenses de guerre » ont provoqué un grave déséquilibre économique mondial. Les excédents commerciaux pour le reste du monde qui se transforment en réserves de change (qui s’accumulent) et retournent aux États-Unis et en Europe, ont provoqué une spirale d’endettement pour l’Occident. Un processus qui ne fera que condamner l’Occident à augmenter son endettement auprès du reste du monde puisqu’il n’arrive pas à réduire ses dépenses. Conséquence : « le reste du monde devenant alors son créancier pourra s’imposer dans toutes les grandes institutions internationales (FMI, BM, BRI, etc.) et même investir dans les grandes firmes occidentales, devenant même progressivement majoritaires dans le capital de ces firmes ». Et ce cas de figure peut arriver si les États-Unis ne changent pas de politique monétaire. Le danger pour l’Occident est le risque que les rôles s’inverseront, les pays émergents, dans ce basculement du monde, prendront alors la direction de l’économie mondiale.

 D’autant plus que l’histoire est là pour rappeler que c’est la situation désastreuse des finances et l’endettement qui ont fait éclater le glacis européen (pays d’Europe centrale et orientale) et mis fin à l’Union soviétique (une puissance qui a pesé pendant un demi-siècle sur les destinées du monde). Une fin sans guerre de l’URSS. 

 

  1. L’endettement extérieur net, un danger pour l’Occident

 Tout va basculer à partir de l’été 2014. Mais avant d’aborder ce début de basculement cette fois en faveur de l’Occident, il est important d’avoir une idée précise de l’endettement occidental. Et il ne s’agit pas pour nous de s’appesantir sur la situation de la dette publique ou privée américaine ou européenne qui, ces dernières années, ont fortement augmenté. « Nous nous fixerons essentiellement sur les dettes extérieures nettes de l’Europe et des États-Unis », parce qu’elles expriment mieux la dépendance que l’Occident a envers les pays du reste du monde. Il est évident que plus la position extérieure nette d’un pays est négative envers ses créanciers étrangers, plus sa situation économique et financière est vulnérable. C’est ce qui s’est passé d’ailleurs avec les pays émergents et les pays en développement lorsqu’ils se sont trouvés en cessation de paiements. Ils ont tous subi des programmes d’ajustement structurels extrêmement douloureux sur le plan politique et social (instabilité, chômage de masse, paupérisation, etc.). Le Fonds monétaire international avait ce rôle ingrat d’appauvrir encore plus des pays déjà pauvres et surtout mal gouvernés. 

 La position extérieure nette d’un pays est donc un indicateur macroéconomique très important qui reflète assez la santé économique d’un Etat, et par ricochet la stabilité politique de ce pays. Aussi qu’en est-il de la position extérieure nette des deux grandes économies de l’Occident, i.e. l’Europe et les États-Unis ?

 La position extérieure nette de l’Europe a commencé à se détériorer dès le début de la première phase. Autour de -5% du PIB en 2001, la position extérieure nette (PEN) s’est dégradée et a dépassé -10% en 2004. La PEN s’est réduite en 2005 à environ -9% du PIB. La position extérieure nette de nouveau s’est dégradée, elle a atteint environ -17% du PIB en 2008. En 2011, la position extérieure nette s’est réduite, elle est à -14% du PIB (zone euro de 9 444 milliards d’euros). (8)

 Pour la fin 2014, la Banque de France écrit : « Le compte des transactions courantes de la zone euro a affiché un excédent de 212,7 milliards d’euros (2,1% du PIB de la zone) en 2014. A fin 2014, la position extérieure de la zone euro enregistrait des engagements nets de 1300 milliards d’euros, soit 13% environ du PIB de la zone. » (9) Le constat de l’évolution de l’endettement extérieur net de la zone euro qui a enregistré 1300 milliards d’euros en 2014 montre que la situation est loin de celle de 2001 où la dette extérieure n’a représenté qu’environ « 360 milliards d’euros » pour un PIB de la zone euro de 7300 milliards d’euros, soit 0,049% (moins de 5%).

  Mais le plus frappant est la position extérieure nette des États-Unis. Entre 1998 et 2002, la position extérieure nette des États-Unis était de -15% du PIB, soit une dette extérieure comprise entre 136 et 159 milliards de dollars. Elle a très peu fluctué durant cinq années (1998, 1999, 2000, 2001, 2002) et surtout elle est restée très faible.

 A partir de 2002, la PEN explose et passe au bout de six années à environ -38% du PIB en 2008, soit 5501 milliards de dollars. Après une brève remontée, « la dette extérieure nette plonge de nouveau avec la phase des quantitative easing et passe à environ 43% en 2013, soit 6950 milliards de dollars (PIB américain : 16163 milliards de dollars en 2013) ». (10)

 En 2014, la position extérieure nette américaine baisse. Elle est environ de 40% du PIB, soit 6707 milliards de dollars (PIB : 16 768 milliards de dollars en 2014). Le déficit de la balance courante parallèlement a fortement baissé. (Voir § 4) Il représente environ à -2,45% du PIB. (Source : réserve fédérale américaine). Les prévisions donnent un déficit courant à 2,35% du PIB en fin 2015. (4) et (10)

 Quant à l’épargne nationale des États-Unis, elle est très faible, environ 4% du PIB. Sur la constitution de la dette extérieure américaine, une grande part était détenue, en 2008, par les Banques centrales étrangères, environ 40% du montant total. La réserve fédérale n’en détenait qu’environ 7%, à cette époque. En 2013, la part détenue par banques centrales étrangères a baissé, elles n’en détiennent qu’environ 33% du total. Alors que la Fed a vu son bilan en titres étrangers augmenter, et passer à 17%, et cela eu égard à son programme de rachats de titres publics et privés dans le cadre des programmes d’assouplissement monétaire quantitatif (QE1, 2, 3). En 2014, les Banques centrales étrangères détiennent environ 32%, la Fed environ 18% de créances étrangères. Il demeure cependant que la Fed doit rembourser à terme les créanciers étrangers non banques centrales, soit environ un cinquième du volume total de la dette extérieure nette américaine. (10)

 Cette situation de l’endettement extérieur net de l’Europe et surtout des États-Unis fait ressortir que des dangers réels pèsent sur l’Occident. Dangers auxquels ni l’Occident ni le reste du monde et encore moins la Chine qui détient les plus grandes réserves de change du monde et donc le premier créancier de l’Occident, n’en sont responsables. Cette situation est simplement l’aboutissement de conjonctures successives antérieures qui finalement sont en train de se résoudre par une « nouvelle phase historique du monde ».

 

  1. Estimation de la diminution des réserves de change des pays du reste du monde entre 2014 et 2015

  Trois-quarts des réserves de change mondiales se trouvaient en Asie, la Chine détient 3952,130 milliards de dollars (4), le Japon vient juste après la Chine. Viennent ensuite les fonds souverains arabes. Et ces réserves de change sont investis surtout aux États-Unis et en Europe (sous forme d’actions, obligations et bons de Trésor). Les États-Unis en détiennent la plus grosse part de ces placements.

 A l’été 2014, les cours pétroliers avaient commencé à baisser. La baisse du baril de pétrole s’est poursuivie pour atteindre en novembre 2014, un cours inférieur à 50 dollars. Janvier 2015, le pétrole WTI passe à 45 dollars le baril. Entre avril et mai 2015, le pétrole remonte – l’économie américaine subit un trou d’air de courte durée – à 60 dollars, mais dès juin, le cours du baril de pétrole revient à moins de 45 dollars. Le Brent et le Blend saharien subissent la même évolution avec quelques dollars de plus sur le WTI. Le 21 août 2015, le Brent touche un bas historique à 44 dollars, loin des 115 dollars en juillet 2014.

 « La crise pétrolière est désormais une réalité. » Il est visible que ce ne sont ni le pétrole et le gaz de schiste américain ni la politique pétrolière de l’Arabie saoudite qui, bien qu’ils aident à accentuer la crise, n’en sont les vraies causes de la crise pétrolière. La baisse importante des déficits courants et publics américains et la fin des quantitative easing constituent l’origine par où est partie la crise pétrolière. Et l’Occident comme d’ailleurs les pays d’Asie ont profité des bas coûts du pétrole.

 Mais la crise pétrolière est allée de pair avec la réduction de de liquidités américaines du QE 3. La Russie, par exemple, qui est un grand pays exportateur de pétrole et de gaz et dont les réserves de change représentaient 509,595 milliards de dollars en fin 2013 n’a plus que 385,460 milliards de dollars fin 2014. (4) Au 15 mai 2015, ses réserves se chiffrent à 362,3 milliards de dollars. (11) Des pertes financières dues à la chute des prix du pétrole mais aussi aux attaques spéculatives menées contre le système bancaire russe durant le deuxième semestre de 2014. Ces pertes s’évaluent à 147,295 milliards de dollars.

 Les pays du Golfe devraient perdre 300 milliards de dollars, titre un journal européen. (12) L'Arabie saoudite qui disposait des réserves évaluées à quelque 750 milliards de dollars n’en possède aujourd’hui que 666,66 milliards de dollars, soit une perte d’environ 84 milliards de dollars. (13)

 L’Algérie a enregistré de fortes pertes de réserve de change depuis 2014. (Voir § 4) Ses réserves de change passent de 193,269 milliards de dollars a fin juin 2014 à 159,027 milliards de dollars à fin juin 2015 (7), soit une baisse de 34,233 milliards de dollars.

 La Chine avec la décélération de son économie et ses krachs boursiers successifs en 2015, et malgré les avantages tirés d’un bas prix du pétrole a vu ses réserves de change passer de 3952,130 milliards de dollars à 3557,381 milliards de dollars en août 2015 (13). Soit une perte de 394,749 milliards de dollars.

 Si maintenant on fait le décompte des pertes pour ces seuls pays, i.e. la Chine, la Russie, l’Arabie saoudite et l’Algérie, on aurait une diminution des réserves de change de 660,374 milliards de dollars. On peut estimer que le manque à gagner des pays d’OPEP et des pays exportateurs de matières premières suite à la chute des cours pétroliers et matières premières, et la décélération des économie des pays émergents (Chine…) et globalement tous les pays du reste du monde, impacteraient les réserves de change des pays hors Occident dont les pertes se chiffrerait probablement à 1000 milliards de dollars, voire plus, fin 2015. Cela équivaudrait à une diminution du même montant de la dette extérieure nette occidentale.

 Les pays hors-Occident se trouvent donc astreints à puiser dans leurs réserves de change pour couvrir leurs dépenses publiques et soutenir leurs économies.

 

  1. Le pétrole et les déficits colossaux américains sans gain probant

 Forcément la situation économique a changé complètement depuis l’été 2014. Le monde est entré dans une troisième phase, après celle les « subprimes » et les « quantitative easing ». Le resserrement quantitatif ou « Quantitative Tightening » par la Fed a provoqué une vente massive des réserves de change, et le monde n’est qu’au début d’un nouveau processus.

 Les explications données par Mr Poloz, gouverneur de la Banque centrale du Canada, sur l’effondrement du prix de pétrole, qui a durement touché l’économie canadienne tient-elle la route ? Le Canada est le 5ème pays producteur exportateur de pétrole et de gaz et quatrième exportateur de gaz au monde.
A la question « Pourquoi les prix du pétrole se sont-ils effondrés ? Le gouverneur répond : « Les prix du pétrole ont chuté à cause de l'augmentation de l'offre. Il attribue cela en grande partie aux Etats-Unis, qui depuis leur entrée sur le marché, n'ont cessé d'accroitre leur production. Cette dernière atteint même 4,2 millions de baril par jour en 2014 soit environ la totalité de la production canadienne en un an. Concernant la chute de la demande, le gouverneur l'impute au ralentissement économique de la Chine et de l'Inde. Les deux pays restent cependant encore une source de demande importante et le problème ne devrait pas se reproduire trop souvent maintenant qu'ils se développent tous deux à un rythme, certes plus modéré mais sans doute, plus durable.  » (14)

 Il y a effectivement l’augmentation de l’offre de pétrole et le ralentissement économique mondial qui a impacté les prix du pétrole. Mais mettre tout sur l’entrée des États-Unis sur le marché pétrolier ne tient pas la route. L’extraction du pétrole et gaz non conventionnel (schiste) nécessite un cours d’au moins 60 à 70 dollars de baril alors que les cours actuels évoluent entre 40 et 50 dollars. Ce qui a entraîné la fermeture de nombreux puits aux États-Unis. D’autre part, les puits de pétrole et gaz de schiste s’épuisent rapidement, ce qui nécessite toujours plus de forages.

  A la question, quel sera l'avenir du Canada et de son pétrole ? « Le gouverneur de la banque centrale du Canada n'a pas donné d'indications prospectives concernant le pays et l'orientation future des prix du brut. Il a souligné que les progrès technologiques n'ont historiquement pas vraiment permis de déterminer avec tant de précision la direction des cours des matières premières. Il a d'ailleurs cité en exemple le fait que dans les années 70 on prédisait que le monde serait à court de cuivre d'ici l'an 2000, en raison de la demande insatiable et puis les câbles en fibres optiques sont apparus et le problème fut réglé.  » (14)

 L’histoire du cuivre que le gouverneur cite donne un peu plus de sens à la donne pétrolière. Et si le monde se dirige vers un nouveau paradigme où le pétrole devient une matière première ordinaire, à l’instar du charbon ou toute autre énergie. Les États-Unis ont compris que la crise financière de 2008 et la montée en puissance de la Chine le doivent essentiellement aux guerres menées au Moyen-Orient dont l’enjeu était la mainmise sur les gisements de pétrole de la région. Ces guerres sans gain au Moyen-Orient ont mis à nu les limites de la puissance militaire. Ce qui nous fait dire que toute guerre de grande envergure menée par les États-Unis se traduirait inéluctablement par des déficits colossaux et surtout sans gain probant. Ce qui ne feraient que nourrir économiquement et financièrement les grandes puissances adverses. La Chine est devenue en une décennie deuxième puissance économique mondiale, et en parité du pouvoir d’achat (PPA), première puissance économique du monde, grâce précisément aux dépenses faramineuses de guerre de la première puissance du monde.

 On conclut donc que les guerres, désormais contre-productives pour la puissance américaine, amènera probablement les États-Unis à éviter tout conflit direct, et tout soutien d’un allié passerait par une aide militaire limitée (drones, raids aériens ciblés, formation, approvisionnement en armes, renseignements, etc.). Les États-Unis préservant leur économie, on peut déduire ce qui résultera pour la situation économique mondiale à venir.

 

  1. 2014-2024, une décennie d’incertitude et d’austérité

 Cette troisième phase qui s’est ouverte en été 2014 n’est encore qu’au commencement. Même les tergiversations de la Réserve fédérale ne trompent pas. La Fed est décidée d’aller jusqu’au bout, et sa gouverneure, Mme Janet Yellen, le dit clairement.

 « La plupart des membres du Comité, dont moi-même, prévoyons pour l'instant que les conditions (...) vont probablement permettre une première hausse des taux sur les fonds fédéraux plus tard cette année, suivie par un rythme graduel de resserrement des taux ensuite ». Elle a indiqué que « la banque centrale surveillait « les développements à l'étranger » (Comprendre les krachs boursiers en Chine) mais ne prévoyait pas « pour l'instant que leur impact sur l'économie des Etats-Unis soit suffisamment important pour avoir un effet significatif sur la trajectoire » de la politique monétaire. » (15)

 Mme Janet Yellen poursuit : « La plupart des membres du Comité, dont moi-même, prévoyons pour l'instant que les conditions (...) vont probablement permettre une première hausse des taux sur les fonds fédéraux plus tard cette année, suivie par un rythme graduel de resserrement des taux ensuite (…) Ce qui importe pour l'environnement financier, c'est la façon dont est anticipée par le public et les marchés la trajectoire des taux à court terme dans son ensemble », a-t-elle poursuivi, ajoutant que cette trajectoire reflèterait « un rythme (de hausse) tout-à-fait graduel au cours des prochaines années ».

 Elle donne des indications sur la stratégie de la Fed : «  Les membres de la Fed ont confiance dans le fait que l'inflation annuelle, actuellement proche de zéro, remonterait vers l'objectif de 2% de la Fed « d'ici deux à trois ans ». Elle a réitéré le caractère « passager », selon elle, des bas prix de l'énergie et de l’appréciation du dollar (+15% sur un an) et leur impact sur la faiblesse de l'inflation.  »

 Le message de la Fed est dans un certain sens sobre tant celui-ci a été répété sans pour autant que la Fed passe à l’acte. Elle le répète depuis des mois qu’elle va remonter le taux directeur à court terme qui est à son plancher à 0,25% depuis sept ans, et n’a pas été relevé depuis dix ans. L’extrême prudence dont fait part la Fed se comprend à plus d’un titre. Les conséquences d’un relèvement du taux directeur, le plus souvent, mené à son terme (fin de la phase de hausse du cycle), se termine par une crise mondiale. Puis de nouveau une phase de baisse de taux d’intérêt du cycle (expansion monétaire). Sauf qu’aujourd’hui, cette insistance de la Fed de relever le taux directeur ne concerne pas une lutte contre l’inflation qui est voisine de zéro (Voir § 1).

 Le message que la gouverneure veut transmettre sur la stratégie de la Fed concerne d’abord les fortes hausses des indices boursiers, donc une spéculation en bourse qu’il faut dégonfler, ensuite le problème du déséquilibre mondial qui est toujours là, toujours persistant, entre la Chine et les États-Unis, auquel il faut ajouter la manipulation du yuan par la Banque de Chine qui crée un autre déséquilibre entre les deux puissances (compétitivité commerciale).

 Précisément, une première hausse des taux cette année, ou au début de l’année prochaine, suivie par « un rythme (de hausse) tout-à-fait graduel au cours des prochaines années » (selon la gouverneure) va provoquer un afflux rapide de liquidités internationales vers les États-Unis. Et provoquer dans un premier temps une hausse des indices boursiers des places financières occidentales. Pour les pays émergents, ce sera une fuite de capitaux massive qui aura les mêmes conséquences que ce qui s’est produit avec la crise du rouble au deuxième semestre 2014, ou des krachs boursiers en Chine de l’été 2015, au cours desquels les Banques centrales russe et chinoise ont consacré des montants considérables en réserves de change pour l’un, pour soutenir leur monnaie – le rouble s’est néanmoins fortement dépréciée –, ou pour la Chine, acheter des actifs pour limiter la chute des valeurs boursières. Processus analogue aux krachs des années 1990.

 Evidemment, la situation va ensuite se stabiliser mais après de lourdes pertes de changes. S’ensuivra une baisse de la croissance. Du côté occidental, un régime de hausse de taux qui va durer et une inflation, par une politique monétaire restrictive, qui va en s’accentuant se transformer en déflation rampante – rareté de liquidités internationales pour l’économie mondiale – impacteront forcément les places boursières en Occident et dans le monde. Une correction à la baisse des marchés boursiers.

 Les pays du reste du monde confrontés à la crise pétrolière et à la chute des matières premières, à l’austérité en Europe et au relèvement des taux d’intérêt américains, vont aussi se mettre à l’austérité. La faible demande mondiale se traduira pour les pays exportateurs de pétrole et de matières premières à rationner leurs réserves de change, donc à diminuer les dépenses publiques, pour éviter de se trouver dans une posture économique et financière difficile. Mais le recours à l’endettement est inéluctable pour les pays qui ne disposent pas suffisamment de réserves de change.

 Pour les pays émergents, la Russie et le Brésil qui sont déjà en récession doivent, comme les pays en développement, puiser sur leurs réserves de change. La Chine n’échappe pas à la conjoncture. Déjà ébranlée par le ralentissement de son économie, le président Xi Jumping a donné une réponse lors d’une conférence de presse commune avec son homologue, Barack Obama, à la Maison Blanche, à Washington. « La Chine est sous la pression croissante d'un ralentissement économique et de certaines fluctuations boursières. Les défis et les difficultés se sont évidemment accrus mais nous avons une politique budgétaire proactive et une politique monétaire prudente », a argumenté Xi Jinping devant son hôte américain, pour sa première visite d'Etat aux Etats-Unis. « Maintenant, a souligné le président chinois, l'économie chinoise est passée d'un taux de croissance rapide à un taux de croissance plus lent et nous passons d'une économie tirée par les exportations à une économie tirée par la consommation et la demande intérieure (…) Nous appelons cela la nouvelle normalité de l'économie chinoise », a expliqué M. Xi. (16)

 La Chine bascule donc d’une économie tirée par les exportations vers une économie tirée par la consommation et la demande intérieure. Ce qui signifie en clair « puiser dans les réserves de change ».

 Le point crucial de cette situation : « combien aura à durer ce processus enclenché à l’été 2014 par la Fed ?  » Citons la gouverneure de la Fed : l’inflation remonterait vers l’objectif de 2% de la Fed, « d’ici deux à trois ans ». On doit comprendre comme la gouverneure l’affirme : « le caractère « passager » des bas prix de l’énergie et l’appréciation du dollar et leur impact sur la faiblesse de l’inflation » que le prix du baril va remonter en 2017, ou 2018. Tout d’abord de combien ? Il est évident qu’il ne remontera que « moyennement », probablement à environ 70 dollars pour éviter que de nouveau l’économie mondiale reparte fortement, et « que ce sont encore les pays émergents, plus compétitifs, qui en seront les bénéficiaires et à leur suite les pays exportateurs de pétrole et des matières premières ».

 Dès lors, il est hors de question pour les États-Unis de revenir à la case départ. D’autre part que peut-on comprendre d’ici « deux à trois années » ? La Fed pense-t-elle réellement éliminer le déséquilibre financier mondial en deux ou trois années ? Un relèvement de taux qui se terminera dans ce délai ? La Chine suivra-t-elle l’échéancier établi par la Fed ? La « nouvelle normalité » qu’affirme Xi Jumping à Washington reflète-t-elle un recours massif à la demande intérieure pour compenser la faiblesse des exportations.

 La certitude est que la prudence va primer pour la Chine. D’abord, sur le plan monétaire, elle n’est pas intéressée par un yuan internationalisé flottant au gré des marchés mais vise un yuan internationalisé et toujours administré. Ce qui lui permettrait d’« agir sur sa monnaie, i.e. déprécier si c’est nécessaire pour gagner plus de parts dans le commerce mondial ». Et cela signifie aussi que tout dépendra de la conjoncture comment elle se présentera. Par conséquent, ni le président chinois Xi Jumping ni le gouverneur de la Banque centrale de Chine, Zhou Xiaochuan ne peuvent être assurés de la stabilité à venir du yuan et de l’économie mondiale. Et la promesse des autorités monétaires chinoises contre toute dévaluation ultérieure du yuan ne peut être tenue que pour le court terme.

 Une politique américaine restrictive par les taux et par les limitations d’émissions de liquidités monétaires par la Fed poussera inévitablement la Chine, comme pour les pays en développement, à « rationner l’utilisation des réserves de changes » pour couvrir les dépenses publiques et tirer si possible la demande intérieure. Et ce processus a déjà commencé. Pour la Chine, « deux à trois années » apparaîtront trop courtes pour un pactole de 3500 milliards de dollars environ que la Chine détient en bons du Trésor américain, européen… Il semble plus juste pour sur les réserves de change de la Chine de raisonner sur plusieurs années, une décennie au moins. Ce qui est loin de la projection de la Fed. D’autre part, les États-Unis sont confrontés à la stature de la Chine avec ses parts de marché en Afrique, en Amérique latine et en Asie. Et cet avantage, affaiblissant l’Occident, aura des conséquences sur relations commerciales internationales et la croissance économique mondiale. 

 Il est certain que les pays qui seront touchés économiquement sont avant tout les pays en développement. Et là, on peut dire, pour l’Algérie, que la décennie en cours et à venir sera difficile, que la gouvernance comme l’économie basée sur la rente pétrolière aura certainement à connaître de grands changements. Sur le plan des réserves de change, s’ils auront à diminuer fortement, un recours à l’endettement même avec une faible dette ne signifie pas pour autant que l’Algérie est solvable. Surtout si la crise pétrolière aura à perdurer, et tout porte à le penser. Les garanties exigées par les créanciers risquent d’être drastiques. Et c’est peut-être une opportunité pour l’Algérie de commencer à se libérer d’une rente qui ne fait que retarder son développement. L’Algérie doit s’ouvrir au monde, doit chercher des investissements, doit établir des partenariats innovants avec des pays étrangers industrialisés d’autant plus qu’elle a un formidable réservoir de main-d’œuvre à faible coût. Qu’elle prenne exemple sur les pays asiatiques et ne pas rester accroc au pétrole, et aux fluctuations des prix. Ce sera toujours la crise qui la guetterait en cas de chute durable des cours. Sans que le pétrole n’apporte une réponse sérieuse à l’emploi, une grande partie de la population ne trouve pas de débouchés à sa sortie d’école. 

 « A défis nouveaux, un ordre politique, économique et social nouveau », doit-on dire.

 D’ailleurs, il ne faut pas attendre trop de la rente pétrolière, l’Arabie Saoudite a abattu ses cartes. Le ministre saoudien du pétrole Ali al-Nouaïmi a prévenu fin décembre 2014 que « l’Arabie Saoudite s'est dite prête récemment à tenir « au moins huit ans » avec un pétrole bon marché. « Il n'est pas dans l'intérêt des producteurs de l'OPEP de réduire leur production que ça descende à 20, 40, 50 ou 60 dollars le baril ». (12)

 Enfin, l’Europe comme les États-Unis vont ressentir cette décélération de l’économie mondiale. Seront-ils touchés ? Certainement. Ce qui explique les hésitations de la Fed depuis un an sur la hausse du taux directeur. Lui arrivera-t-elle à ce qui est déjà arrivé à Jean-Claude Trichet, le gouverneur de la Banque centrale européen, qui a augmenté malencontreusement, en 2011, le taux directeur (par deux fois à 0,25%) à 1,5%, puis remplacé par Mario Draghi, en novembre 2012, qui a, dès la prise de fonction, abaissé précipitamment le taux à 1%. Et c’est ce que craint la directrice Christine Lagarde, un retour en arrière de la Fed. (1)

 Il y a évidemment un risque sur la croissance américaine et l’emploi pour la Fed dans le relèvement des taux, mais il y a aussi l’enjeu du déséquilibre financier et monétaire avec la Chine. On peut penser qu’il existe une forte probabilité que les États-Unis iront jusqu’au bout dans leur politique monétaire. Et aussi dans leur politique pétrolière. Et même si le prix du baril de pétrole venait à remonter, il ne sera que temporaire. Ce sont les enjeux auxquels les États-Unis font face qui dicteront un prix du pétrole faible aux décideurs américains.

 Pour les pays européens, ils bénéficieront d’un prix de pétrole bas, ce qui contribuera positivement à leur croissance. Moins de dépenses consacrées aux importations pétrolières. Mais cela ne suffira pas. La crise immobilière et financière de 2007-2008 a été un désastre pour l’Europe. Le chômage de masse a frappé les pays du Sud, et la croissance économique a pris un coup. Par ricochet, les pays du Nord de la zone euro ont aussi décéléré, certes moins que les pays du Sud, mais ils l’ont été, ce qui a nécessité plusieurs programmes de soutien financier. Le dernier programme d’achats de titres publics (QE) a été lancé en mars 2015, à raison de 60 milliards d’euros par mois. (17) Et, l’institution de Francfort (BCE) a annoncé d’aller plus loin si nécessaire que la date de fin du QE prévue en septembre 2016. 

 Probablement, ce programme d’achats d’actifs publics et privés ne suffira pas. Si jusque là, ces programmes antérieurs et actuel ont aidé les croissances de plusieurs pays d’Europe, dont l’Irlande, l’Espagne, la France, l’Italie et même l’Allemagne, la situation à venir sera certainement plus préoccupante. Elle aura encore à se détériorer avec la décélération de l’économie mondiale. Les réserves de change des pays en développement qui vont fondre en deux ou trois années, une Asie avec une croissance tout juste acceptable, et certainement le QE européen sera prolongé après 2016 voire même augmenté (plus de 60 milliards de dollars par mois) pour compenser la décroissance et éviter une dérive de l’économie de la zone euro. Ce surplus d’injections monétaires de la BCE se fera au détriment de l’euro et au profit du dollar. Il reste que par la dépréciation de l’euro, de la baisse du pétrole accroîtra la compétitivité de la zone euro.

 Le Japon, en tant que détenteur d’une monnaie internationale, le yen, et du droit de seigneuriage qui lui revient dans le système monétaire international, suivra à peu près la même trajectoire que l’Europe.

 Enfin, l’Allemagne, premier moteur de la zone, qui appelle à l’austérité. « Quelle austérité si elle s’étend à l’ensemble du monde ? » Une austérité compétitive ? Quelles réformes structurelles que le gouverneur de la BCE appelle de ses vœux pourraient épauler l’action du QE de 2015. Il est évident que le monde entier est concerné par le déséquilibre mondial. Et le monde ne pourra échapper à une période d’incertitude et d’austérité dont la durée sera probablement de l’ordre d’une décennie 2014-2024, voire plus. Des grands changements vont probablement s’opérer dans le monde.

 Les gouverneurs centraux des grandes puissances économiques trouveront-ils un « modus vivendi » pour atténuer la crise qui va frapper surtout les peuples, sans distinction des pays riches comme des pays pauvres. Qui créera encore plus de misère et de chômage. Les décideurs du monde pourront-ils aplanir les difficultés et trouver un terrain d’entente, en évitant une énième crise au monde ? Telles sont les perspectives à venir pour l’humanité.

 

Notes :

1. Lagarde invite la Fed à ne pas précipiter la hausse des taux. 6 septembre 2015.

https://fr.news.yahoo.com/lagarde-invite-la-fed-ne-133347697.html

2. Inflation États-Unis 2009. http://fr.inflation.eu/taux-de-inflation/etats-unis/inflation-historique/ipc-inflation-etats-unis-2009.aspx

 Inflation Etats-Unis 2015. http://fr.inflation.eu/taux-de-inflation/etats-unis/inflation-historique/ipc-inflation-etats-unis-2015.aspx

3. Le G20 Finance face à la Chine, la Fed et la crise des migrants 60. 4 septembre 2015 http://lexpansion.lexpress.fr/actualites/1/actualite-economique/les-grands-argentiers-du-g20-face-a-l-onde-de-choc-chinoise_1712455.html

4. États-Unis. Balance des paiements courants-Déficit/surplus public-Dette publique-taux de chômage-Réserves de change-Taux de chômage-PIB en milliards de dollars

http://data.lesechos.fr/pays-indicateur/etats-unis/balance-des-paiements-courants.html

http://data.lesechos.fr/pays-indicateur/etats-unis/deficitsurplus-public.html

http://data.lesechos.fr/pays-indicateur/etats-unis/dette-publique.html

http://data.lesechos.fr/pays-indicateur/russie/reserves-de-change.html

http://data.lesechos.fr/pays-indicateur/etats-unis/taux-de-chomage.html

http://data.lesechos.fr/pays-indicateur/etats-unis/pib.html

5. Face à la crise, les Banques centrales en première ligne. www.la-croix.com › Actualité › Economie & Entreprises › Economie 12 janv. 2015

6. La croissance chinoise au plus bas depuis 13 ans. 18 janvier 2013. http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2013/01/18/20002-20130118ARTFIG00299-la-croissance-chinoise-au-plus-bas-depuis-13-ans.php 

7. Tendances monétaires et financières au second semestre 2007-au second semestre 2008- au second semestre de 2009-au premier semestre 2014-au premier semestre 2015
http://www.bank-of-algeria.dz/html/notes7.htm
http://www.bank-of-algeria.dz/html/notes5.htm

http://www.bank-of-algeria.dz/html/notes1.htm

http://www.bank-of-algeria.dz/pdf/notedeconjoncture_n45.pdf

http://www.bank-of-algeria.dz/pdf/nc49.pdf

8. Graphique 1e Zone euro : position extérieure nette. Natixis. Flash économie. Recherche économie 23 avril 2013. N°235

http://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=69658

9. Banque centrale européenne. Balance des paiements trimestrielle et position extérieure de la zone euro (quatrième trimestre 2014). 9 avril 2015, par la Banque de France.

https://www.banque-france.fr/fileadmin/user_upload/banque_de_france/Eurosysteme... pdf

10. Le déficit courant américain se réduit. BNP PARIBAS 14 mars 2014.  

http://economic-research.bnpparibas.com/html/fr-FR/deficit-courant-americain-reduit,23863

11. Les réserves de la Russie ont augmenté de 5 milliards de dollars pour la semaine. Mai 2015

http://latestnewsresource.com/fr/news/rezervy-rossii-vyrosli-na-5-milliardov-dollarov-za-nedelju

12. Pétrole : Les pays du Golfe devraient perdre 300 milliards de dollars. Le Figaro, 23 janvier 2015

http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2015/01/23/20002-20150123ARTFIG00298-petrole-les-pays-du-golfe-devraient-perdre-300-milliards-de-dollars.php

13. Arabie Saoudite – Réserve de Change, Chine – Réserve de change

http://fr.tradingeconomics.com/saudi-arabia/foreign-exchange-reserves

http://fr.tradingeconomics.com/china/foreign-exchange-reserves

14. Leçons à tirer du discours du gouverneur de la Banque centrale du Canada. 23 septembre 2015

http://www.latribune.fr/bourse/les-lecons-a-tirer-du-discours-du-gouverneur-de-la-banque-centrale-du-canada-507713.html 

 15. États-Unis : La perspective d’une hausse des taux avant fin 2015 de nouveau évoquée. 25 septembre 2015

https://fr.news.yahoo.com/etats-unis-perspective-dune-hausse-taux-avant-fin-062108136—finance.html

 16. Economie chinoise : Xi « confiant » dans la poursuite d’une croissance saine. 25 septembre 2015
http://lexpansion.lexpress.fr/actualites/1/actualite-economique/economie-chinoise-xi-confiant-dans-la-poursuite-d-une-croissance-saine_1719724.html

17. Mario Draghi muscle son QE pour masquer son impuissance. 03 septembre 2015-09-28

http://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/mario-draghi-muscle-son-qe-pour-masquer-son-impuissance-502460.html


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2 réactions à cet article    


  • Lisa SION 2 Lisa SION 2 3 octobre 2015 17:39

    Bon ! Ça y est, elle a rendu son dernier souffle la crise, elle est morte la bête, on va pouvoir y aller ? Je vends immédiatement, séance tenante, sans plus attendre, incessamment !
    _ Un dessin « coin de table  » de Picasso trente euros. Oui, j’ai bien dit ( 3O $ )
    _ Un autre « page de garde » d’Andy Warhol, quarante euros... ( 4O $ )
    _ Un dollar du trois janvier 1913, signé chépaquid...( 1 $ )
    _ Une formidable collection d’emprunts russes de 1917 au plus offrant.
    _ A venir des palettes d’obligations étasuniennes au rabais, soldées ( -O,25 % )
    _ Pendant que j’y suis, Peugeot 3O4 cabriolet 1978, état bœuf...
    Faire offre avant la hausse vertigineuse au troisième top . . . .


    • Gilles Mérivac Gilles Mérivac 4 octobre 2015 09:12

      L’article est fouillé et très intéressant. Une remarque concernant le chômage aux USA, car il me semble y voir une contradiction entre la baisse du chômage de 10% à 5% et la période actuelle de déflation.
      En effet, la croissance économique devrait entraîner à la fois une certaine inflation et la résorption du chômage, or ce n’est pas le cas, pourquoi ?
      En réalité, beaucoup d’américains en fin de droit ne prennent pas la peine de s’inscrire sur les listes de demandeur d’emploi, ils sortent tout simplement des statistiques et ne sont pas comptabilisés.
      La reprise existe, mais les gains de productivité sont dus aux machines et ne profitent pas aux salariés, on constate par la même occasion que les inégalités s’accroissent.
      Même en Angleterre, les jobs à 0 euros masquent le non-emploi et ne permettent pas de comparer notre taux de chômage avec le leur.

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