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Accueil du site > Tribune Libre > Le « Printemps arabe » et les aléas de l’Histoire

Le « Printemps arabe » et les aléas de l’Histoire

 Comment comprendre l’apparition en Syrie de plusieurs groupes djihadistes, changeant, s’alliant et se désalliant, faisant jonction avec le Deach, et au premier rang desquels Jabhat-al-Nosra ou Front de la victoire ? Depuis la fin du califat ottoman, en 1924 par Atatürk, le monde musulman a complètement changé. Ce sont les États-nations qui président aujourd’hui aux destinées des peuples musulmans. Le « Califat islamique », par conséquent, relève de l’Histoire. Cependant, le califat islamique dont s’est «  paré » le Daesh qui s’est rebellé contre l’autorité de Bagdad a certainement un sens. Il ne peut être le fait d’une dénomination prise à la légère s’il n’y avait des impératifs très sérieux. C’est précisément là l’énigme. D’autant plus que l’Arabie saoudite, en tant que gardien des Lieux Saints, est probablement mieux placée pour le proclamer. Elle ne l’a pas fait pour la simple raison qu’elle ne peut assujettir des puissances régionales telles l’Egypte, l’Iran, l’Irak, la Syrie, l’Algérie… bien plus armées et aguerries sur le plan militaire, et une autre puissance encore plus redoutable, Israël, disposant de l’arme nucléaire (une puissance nucléaire non déclarée).

 Au-delà du Daesh, tentons de comprendre l’imbroglio moyen-oriental, dans les racines récentes des maux arabes. 

 

  1. Aux origines de la crise actuelle

 Tout remonte à la dernière intervention américaine en 2003. La guerre menée par les États-Unis contre l’Irak, depuis la dislocation de l’URSS dès les années 1989-1990, a bouleversé le fragile équilibre et ouvert la voie à l’éclatement de l’Etat irakien. Cette guerre menée par les États-Unis, sans le feu vert des Nations Unies, a été « fatidique ». En quelque sorte une intervention du destin puisqu’elle a déstructuré une mosaïque ethnique et religieuse parcourue de tensions récurrentes entre Arabes et Kurdes, chiites et sunnites, sans compter les minorités chrétiennes, turkmènes, yézidies. Ensuite, elle les a ensuite restructurées en trois communautés distinctes, toutes engagées dans une lutte armée pour conquérir toujours plus de territoires dans le but évident de préparer les assises futures d’Etats politiquement et économiquement viables.
 Dès l’occupation, les États-Unis ont mis aux commandes de l’Etat irakien les Arabes de confession chiite. C’est ainsi que l'armée irakienne et les forces américaines ont dû faire face dès 2004 à « une très vive opposition de groupes sunnites, pour beaucoup radicalisés et recrutant des djihadistes étrangers dans leurs rangs ».Les sunnites, précédemment aux commandes du pays aux côtés du parti Baas, et qui furent tenus à l'écart de tout le processus de transition après 2003, ont nourri un ressentiment qui se comprend par leur déclassement alors qu’à l’époque de Saddam Hussein, ils étaient au pouvoir. Fatalement, les chiites prenaient leur revanche. En s’accaparant de tous les leviers du pouvoir, ils ne laissaient qu’un strapontin pour les sunnites. Ce qui sera forcément mal vécu et entraînera des troubles incommensurables. Insurrection, contre-insurrection et guerres confessionnelles ont alors miné la légitimité d’un gouvernement d’obédience chiite qui coopère la avec les États-Unis. La continuation de la guerre en Irak, après la forte baisse des hostilités contre l’occupant américain, est due très largement au comportement du gouvernement radical du premier ministre Nouri al-Maliki contre la communauté sunnite en minorité dans le gouvernement.

 Cette dégradation de la situation politique et sécuritaire de l’Etat irakien n’était pas négative pour la superpuissance. Une division conflictuelle du monde musulman arrangeait la stratégie américaine pour au moins deux raisons. D’abord le désengagement américaine opéré conformément à l’accord-cadre du 16 novembre 2008 (Status of Forces Agreement ou Sofa) et le retrait des dernières des forces américains en décembre 2011 a laissé un arrière-goût amer de défaite. Ressenti comme un échec, il sera néanmoins compensé par un conflit politique interne qui divise et perdure en Irak. Cette situation laisse ouverte la stratégie américaine dans cette région centrale du monde. Les parties en conflit ayant toujours besoin d’un arbitre, dusse-t-il être l’ancien occupant. Le deuxième motif est l’emprise américaine qui est toujours présente sur le Moyen-Orient, que convoitent les autres grandes puissances, la Russie et la Chine.

 Cette désaffection des sunnites envers Bagdad et les actes terroristes qui n’ont pas cessé malgré les accords de retrait des Américains va être contrebalancée par une nouvelle donne qui changera complètement les rapports de force en Irak. Plus encore, elle aura à forcer le processus de décantation sortie de la déstructuration-restructuration de cette mosaïque d’ethnies et de religions, engagés dans une situation de ni guerre ni paix. Des actes de terrorisme alternant avec des représailles du pouvoir sans fins.

 Cette donne, c’est le « Printemps arabe », en janvier 2011. Là encore, ce sont les Américains qui donneront le coup de pouce à cette révolution arabe. On sait très bien que l’immolation du marchand ambulant Mohamed Bouazizi le 17 décembre 2010 n’a été qu’un « évènement contingent », c’est-à-dire qu’il pouvait être un simple fait divers sans suite comme il pouvait mettre le feu aux poudres dans cette région. Mais pour que la tragédie vécue par Bouazizi puisse être l’étincelle du Printemps arabe, il aurait fallu qu’un « autre événement contingent » survienne et donne réalité aux bouleversements qu’allait vivre la rue arabe dès janvier 2011. Précisément, cet événement viendra du coup de pouce que les États-Unis ont donné en ordonnant discrètement à l’armée tunisienne de ne pas intervenir, de ne pas bouger, de laisser faire les masses populaires tunisiennes. « Peut-on croire un instant que ce sont les régimes autoritaires arabes qui ont laissé la rue arabe bouleverser l’ordre public et politique intérieur ? » Si ces régimes autoritaires avaient comme d’habitude tué dans l’œuf l’agitation populaire, rien ne serait arrivé qui amènerait le président tunisien déchu à quitter précipitamment la Tunisie pour l’Arabie saoudite, ni que Moubarak venir à démissionner de son poste de président. Force de dire que grâce à ce coup de pouce, les armées de ces deux pays ont évité un bain de sang à leurs peuples.

 Les pays réfractaires à la politique américaine – où le coup de pouce n’a pas joué – l’ont payé à un prix cher. Comme cela a été pour la Libye et la Syrie.

 Trois remarques sont cependant à faire dans ce processus historique. Tout d’abord, les États-Unis. S’ils ont aidé les peuples arabes, ils l’ont fait avant tout pour leurs intérêts immédiats et aussi à long terme. Pour eux, ce qui compte, c’est leur puissance impériale et l’hégémonie qu’ils veulent maintenir sur le monde. Les États-Unis ne font pas dans le sentiment, ni dans la dentelle, ils sont prêts à tout. Par le nombre de vecteurs stratégiques, ils ont une puissance militaire capable de désintégrer une grande partie de l’humanité. Quant aux régimes autoritaires arabes, à cette période, ils apparaissaient contreproductifs pour les Américains, des boulets qui n’apportaient pas le soutien nécessaire au leadership américain. « Ils nageaient pour ainsi dire entre deux eaux, l’Amérique et la chine.  » Par conséquent, il était intéressant pour eux de « faire bouger la rue ».

 La deuxième remarque, c’est que le système politique libyen n’était pas viable. Il a vécu le temps de la guerre froide, et le monde changeait alors que celui-ci est resté monolithique, rigide sans renouveau. Quant à la Syrie, son destin était lié à celui de l’Irak. Les mêmes troubles politiques et confessionnels en Irak se retrouvaient mais en état d’hibernation aussi en Syrie.

 Enfin, la troisième remarque, les bouleversements en Tunisie et en Egypte nous rappellent un cas historique déjà vécu. Le shah lâché par les États-Unis, et une armée muselée de l’intérieur, a laissé libre cours à la rue d’agir pour instaurer une « république islamique » en Iran, en 1979. Ce n’est pas la Savak, la police politique, ni l’armée du shah qui ont été pris en défaut, mais la superpuissance américaine, bien introduite dans le système militaro-sécuritaire du shah, qui a « intimé » de ne rien faire, et laisser la rue agir. Un tournant dans l’histoire d’Iran qui préparera le terrain aux guerres qui allaient engendrer, une décennie plus tard, un « nouvel ordre mondial ». De même, aujourd’hui, un tournant de l’histoire qui engendrera probablement un autre « nouvel ordre mondial », doit-on comprendre.

 En réalité, en prenant tous les événements qui ont surgi depuis 1979 dans leur ensemble, on constate en fait un agencement très logique, très intelligent des événements dans le processus de développement de l’histoire. Toute subversion, tout conflit armé, toute crise participe en fait à la marche de l’histoire dont la finalité échappe aux hommes. On ne comprend cette finalité qu’après-coup et encore, si on veut bien l’admettre.

 

  1. Une situation de ni guerre ni paix en Irak va être bouleversée dès 2011

 Le « Printemps arabe », en provoquant une série de révolutions pacifiques et de conflits armés au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, aura transformé politiquement l’échiquier de cette région. Il conduit à l’effondrement de la Libye en 2011, la Syrie dès 2012, le Yémen depuis 2011 jusqu’à la guerre civile en 2015. Le déchirement intercommunautaire est à son comble dans ces pays. Le schéma de contestation en Syrie est pratiquement identique à celui de l’Irak. Une opposition entre les alaouites, une branche proche des chiites, et les sunnites, comme en Irak, l’opposition entre les sunnites et les chiites.

 A partir de mars 2011, la répression sanglante du mouvement de contestation par Damas aboutit à la constitution d'une Armée syrienne libre (ASL). Le soutien occidental à l’ASL et l’afflux de candidats d'origine étrangère au djihad se soldent par la suite par la formation de nombreux groupes djihadistes islamistes. L’Armée syrienne libre dépassée, le conflit armé s’installe dans la durée entre l’opposition islamiste et le pouvoir loyaliste syrien.

 L’opposition syrienne est constituée désormais d’un front sunnite rigoriste contre les forces chiites, alaouites et chrétiennes qui sont la minorité du pays. Une situation inversée de l’Irak où la minorité est sunnite. Précisément, cette situation inversée en Syrie vient en renfort à la rébellion sunnite irakienne qui développe une collaboration de guerre avec les djihadistes syriens.

 Pour comprendre l’imbroglio moyen-oriental, tentons de saisir l’apport du « Printemps arabe » à la rébellion sunnite. Le premier élément de l’équation de l’équilibre des forces en Irak a été d’abord l’intervention américaine en 2003 qui a provoqué un transfert de pouvoir des sunnites arabes aux chiites arabes. Le strapontin politique offert à la communauté sunnite ne satisfaisait pas, d’autre part, les postes politiques dans les régions sunnites occupés à un fort pourcentage (par mesure de prudence) par des personnalités chiites, et quelques sunnites choisi par allégeance au pouvoir de Bagdad créait une situation d’occupation chiite des ces régions de confession sunnite. Ce qui a été très mal vécu par les sunnites irakiens. La situation de l’Irak devenait extrêmement instable, ou terrorisme sunnite était contrebalancé par des représailles ordonné par le pouvoir chiite à Bagdad.

 Quant aux forces américaines, depuis la signature de la Sofa en décembre 2008, ils évoluaient entre les deux communautés, affichant une plus ou moins neutralité, mais en apparence seulement. D’autant plus qu’ils étaient en conflit avec l’Iran sur le problème nucléaire mais aussi sur l’aide que l’Iran avait octroyée aux insurgés irakiens qui ont accéléré l’enlisement de l’armée américaine et imposé ensuite le retrait de l’armée américaine d’Irak. Ces derniers faits étant restés en mémoire.

 Si la libération de l’Irak est un fait acquis, le déséquilibre entre les sunnites et les chiites dans la gestion politique et économique était en revanche criant. Les Kurdes, dans leurs régions du Nord de l’Irak, moins mélangés aux sunnites et aux chiites, avaient une place privilégiée dans les rapports de force intercommunautaires, au point qu’un Kurde a été choisi comme président de l’Etat irakien, un choix qui arrangeait les deux communautés en conflit.

 Dans cette situation de ni guerre proprement dite ni paix, les actes terroristes, contre-terroristes et représailles n’en discontinuaient pas. D’autant plus que le pouvoir irakien à forte coloration chiite était soutenu par deux puissances régionales, l’Iran et la Syrie, elles-mêmes soutenues par deux grandes puissances, la Russie et la Chine. C’est ainsi qu’un axe « Chine-Russie-Iran-Syrie-pouvoir irakien chiite » se trouvait face à un axe antagoniste « sunnite d’Irak-Arabie saoudite-Turquie-États-Unis-Europe », mais celui-ci est très affaibli. Les pays sunnites du reste du monde arabe de l’Afrique du Nord (Algérie, Tunisie, Maroc, Libye, Égypte) et et du Moyen-Orient (les pays du CCG hors Arabie saoudite, Yémen) étaient pratiquement effacés de la scène politique moyen-orientale. Une position de prudence depuis l’intervention américaine en Irak en 2003.

 Justement le « Printemps arabe » sortira ces pays de la léthargie dans laquelle ils se trouvaient. Il s’offrira comme une carte maîtresse non seulement pour les sunnites d’Irak mais arrivera jusqu’à renverser l’équilibre politique au profit de la communauté sunnite, donc à rééquilibrer l’axe sunnite avec l’axe chiite sur le plan national et international. Au point qu’aujourd’hui, « la Russie est entrée en scène avec les frappes aériennes pour secourir son allié syrien  ».

 Le Printemps arabe qui génèrera un conflit armé de haute intensité en Irak et en Syrie le permettra grâce à la montée en puissance de l’opposition djihadiste contre le pouvoir loyaliste en Syrie et le pouvoir irakien, à partir de 2012. Les cartes extérieures qui se joindront au conflit concernent d’abord l’afflux de djihadistes en Syrie. La question se pose du pourquoi et du comment de l’afflux massif d’étrangers djihadistes surtout en provenance d’Europe, à partir de 2012. La seule réponse rationnelle est qu’un travail de propagande parrainé par les puissances occidentales et les pays du Golfe grâce aux pétrodollars dans les mosquées a permis d’endoctriner les musulmans d’Europe et des autres nations et les pousser à se rendre dans ces théâtres de combat pour aider leurs frères sunnites massacrés en Irak et en Syrie. Le matraquage médiatique occidental sur les atrocités commises par le régime dictatorial de Damas a terminé le reste. La deuxième carte, c’est la profusion d’armements et la logistique mis à la disposition de l’opposition armée.

 Ainsi se comprend le retournement de situation en Irak et l’impact qu’a eu le « Printemps arabe » sur les guerres au Moyen-Orient.

 

  1. Le « Printemps arabe », un véritable « Pearl Harbour » ?

 Si le conflit sunnite-chiite initialement est limité à l’Irak, jusqu’en 2010, avec l’irruption du « Printemps arabe », il s’internationalise. On comprend dès lors que l’action des États-Unis comme l’événement contingent de l’immolation de Bouazizi Mohamed ont été une véritable réponse de l’histoire. Qui aurait cru qu’une explosion populaire loin du conflit armé irakien allait influer précisément sur ce conflit ?

 Le Printemps arabe a été comme un « Pearl Harbour ». Le 7 décembre 1941, les Japonais ont attaqué les Américains à Pearl Harbour. C’est un événement qui a eu un retentissement mondial. Non seulement pour les États-Unis mais pour l’humanité entière. Deux déclarations de guerre ont suivi à quelques jours d’intervalle. Le 8 décembre 1941, les États-Unis entrent en guerre contre l’empire du Japon. Le 12 décembre 1941, l’Allemagne et l’Italie déclarent la guerre aux États-Unis, conformément au pacte tripartite.

 Précisément, à partir de 2011, la situation va progressivement changer. Avec l’apport massif d’armements transitant par les pays frontaliers surtout par la Turquie, l’afflux de djihadistes du monde entier, la formation de groupuscules de djihadistes, la Syrie sera mise à feu et à sang. Au point que le Hezbollah dont des troupes se joignent au conflit syrien pour soutenir le régime chiite-alaouite déclare : « La position officielle du « parti de Dieu » est que le voisin syrien est victime d' « un complot ourdi par les Etats-Unis, avec la complicité d'Etats du Golfe, pour servir les intérêts d'Israël ». Le président Bachar el-Assad est qualifié de « résistant  », qui a appuyé « politiquement, matériellement et moralement les mouvements de résistance anti-israéliens libanais (Hezbollah) et palestiniens (Hamas et Jihad islamique) ». Hassan Nasrallah est allé plus loin, le 18 juillet, en révélant que la majorité des 4 500 roquettes et missiles tirés sur Israël lors de la guerre de juillet 2006 « ont été livrés par la Syrie » ». (1)

 Evidemment, la position du Hezbollah se défend et on peut penser qu’un complot est ourdi par les États-Unis et les pays du Golfe, ce qui n’est pas faux dans la démarche saoudo-américaine. Mais il demeure que la situation des sunnites irakiens est une réalité. Et que s’il y a complot du coté des États-Unis et l’Arabie saoudite, il y a forcément un autre complot antagoniste qui unit le pouvoir chiite irakien au pouvoir chiite iranien et son prolongement à la Syrie et au Hezbollah libanais. Donc deux axes stratégiques tous deux soutenus par des grandes puissances s’opposent, et dont l’enjeu est la lutte pour le pouvoir. D’autant plus que cette région est très convoitée par ses richesses pétrolière et sa position géostratégique.

 Ce qui explique aussi pourquoi la communauté sunnite mal représentée dans les instances nationales irakiennes est poussée à la lutte armée. Tout rejet d’une communauté par une autre met en danger inévitablement l’unité nationale d’un pays. Et la configuration politique de ces pays, par les allégeances, par une supériorité d’une communauté sur une autre, prend beaucoup des systèmes de type médiéval. L’Irak comme la Syrie se trouvent précisément, à travers ces conflits armés, dans une phase de déstructuration-restructuration géographique, démographique, politique et territoriale historique. Depuis leur sortie de tutelle des empires coloniaux, ces pays ont vu leurs systèmes politiques, économiques et idéologiques basés sur une configuration politique tribale et confessionnelle, donc du type médiéval.

 Le problème aujourd’hui est que ces pays, avec la mondialisation et les heurts des grandes puissances sur la mainmise des richesses minières dans le monde, sortent de ces structures encore médiévales, de ces greffes d’organisation moderne sur des corps politique et social restés encore à l’état médiéval. Ce qui ne peut répondre aux exigences de la nouvelle constitution du monde. Dépassés par l’accélération de la configuration politique, démographique et territoriale du monde – l’exemple le plus frappant est la nouvelle organisation de l’Europe, l’Union européenne –, ces pays continuent à exister sur des structures basées sur l’allégeance de communautés et sur les pressions politiques et économiques d’une communauté sur une autre, a fortiori lorsque celle-ci est minoritaire.

 Forcément, ce type d’organisation aboutit à un clash national dès lors qu’une crise par sa gravité ébranle voire brise les piliers de l’ossature du système. Et c’est pourquoi les institutions internationales appellent ces pays à une meilleure gouvernance. D’autant plus que ces pays face aux aléas de l’Histoire, doivent préparer l’avenir de leurs pays à l’après-richesse naturelle, à l’après-pétrole. A la fois une condition et une exigence pour la survie d’États stables.

 

  1. Conclusion

 C’est précisément dans ces enjeux d’aujourd’hui et à venir, que le « Printemps arabe », qui est apparu comme un véritable « Pearl Harbour », mais aussi une « prise de conscience », a non seulement commencé à rebattre les cartes politiques et géostratégiques du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord mais montré les limites des systèmes politiques et économiques des pays arabes et non arabes.

 Ces pays en retard politiquement et économiquement vivent aujourd’hui comme un peu ce qu’ont vécu les Empires européens au XIXe siècle et XXe siècle quand ces derniers s’entredéchiraient pour leurs colonies jusqu’à provoquer deux guerres mondiales avec pour conséquence des destructions inimaginables et des dizaines voire plus d’une centaine de millions de morts pour les deux conflits. Sauf que les empires européens se sont élevés au statut de grande puissances alors que les pays musulmans sont restés très faibles sur la plupart des plans dont l’essentiel « l’économique » fait qu’ils dépendent de la technologie occidentale pour leurs équipements, de l’économie occidentale en tant que pays importateurs de pétrole pour leurs économies jusqu’au système financier et monétaire occidental dont dépendent leurs monnaies. L’écart entre l’Occident et le monde musulman est considérable. Et pour le rattraper, un siècle suffira-t-il ?

 Aussi peut-on dire que les crises terribles qui s’y jouent dans ce monde apparaissent comme une période transitoire à l’instar de ce qu’a vécu l’Europe. Aussi pour conclure, peut-on s’interroger : « Les pays musulmans dans cette gestation difficile pourront-ils, retrouveront-ils la stabilité un jour ? Pourront-ils dépasser les aléas de l’Histoire ? Pourront-ils comprendre qu’ils ont tout à gagner à mettre fin aux conflits armés ? Pourront-ils sortir des clivages dans lesquels ils se sont mis et qu’ont encore approfondis les grandes puissances ? Pourront-ils cesser d’être des marionnettes manipulées par les grandes puissances ? Pourront-ils cesser de brandir l’islamisme comme le salut pour leur existence ? Pourront-ils s’asseoir un jour en tant que pays qui se respectent par leur stabilité politique, par leur puissance économique, par leurs institutions démocratiques ? Pourront-ils s’entendre et unir leurs forces dans une synergie pour s’arrimer en tant que nations qui comptent dans la nouvelle donne du monde, la Mondialisation ? Ou tout simplement dans le train de l’Histoire ? » Ce sont là les défis qui les attendent dans ce XXIe siècle.

 

 Notes de renvoi :

1. « La crise syrienne provoque des remous au sein du Hezbollah libanais. RFI Les voix du monde » Par Paul Khalifeh, le 03 août 2012

http://www.rfi.fr/moyen-orient/20120803-crise-syrienne-provoque-remous-sein-hezbollah-syrie-liban-israel-nasrallah


Moyenne des avis sur cet article :  3.4/5   (5 votes)




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5 réactions à cet article    


  • Gilles Mérivac Gilles Mérivac 4 novembre 2015 13:55

    L’article documente très bien les détails de ces rivalités de clans et l’influence des USA dans le développement des conflits mais passe sous silence d’autres faits tout aussi révélateurs.
    Ce ne sont pas les USA, ni aucune puissance analogue, qui ont incité à fomenter les attentats de Boko Haram au Nigéria, ni ceux des Philipines ou d’Indonésie, pas plus que les troubles occasionnés par les Ouïghours en Chine. Ils n’ont pas non plus poussé Erdogan à tenter de déstabiliser l’Europe à l’aide des réfugiés.
    Il s’agit donc d’une très vaste offensive à dimension planétaire sous la bannière de l’islam. Comme il est dit dans l’article, "Ces pays en retard politiquement et économiquement vivent aujourd’hui comme un peu ce qu’ont vécu les Empires européens au XIXe siècle et XXe siècle", ils sont même probablement bien plus en retard politiquement et moralement, mais cette situation instable risque de pas durer et un chef charismatique peut apparaître à tout moment (Erdogan se verrait bien dans ce rôle).
    Dans ce cas, le monde s’embraserait dans une nouvelle guerre impitoyable. L’Afrique serait probablement déjà conquise et l’ Europe occidentale tomberait comme un tronc pourri, infiltré comme il est de l’intérieur et faible militairement. Le front réel se déplacerait à l’est avec la Russie et la Chine.


    • MagicBuster 4 novembre 2015 15:29


      Nom de Zeus - C’est Mouloud MacFly depuis son pays du moyen age qui a trouvé la delorean, il a fait un tour dans le futur . . . et s’est rendu compte des conséquences de la régression religieuse sur le long terme.

      Du coup, sans se préoccuper du paradoxe spacio-temporel, il revient dans le moyen-age pour tenter de changer quelque chose.

      Trop tard car quelqu’un (moshé/abraham/david) lui a piqué sa caisse et est reparti 2.000 ans en arrière pour changer le fil du temps.

      En 2015 - Mouloud MacFly est finalement totalement bloqué dans un pays des sables et se croit au moyen-age ; alors qu’il est dans le futur.

      NB : Toute ressemblance avec la réalité serait vraiment pas de bol.


      • sls0 sls0 4 novembre 2015 17:20

        J’ai appris des choses et d’autres éléments ont confirmé ma façon de voir les choses.
        L’article et trop long pour reprendre les éléments ou interprétation qui n’ont fait tiquer, je laisse le soit de développer à d’autres.


        • Ben Schott 5 novembre 2015 04:21

           
          Les Printemps arabes, c’est bon pour qui ?
           
           


          • Jonas 6 novembre 2015 09:30

            Excellent article , bien documenté. 

            Le seul petit reproche que je peux faire est celui de l’occultation d’un fait très important pour les pays arabo-musulmans la Religion. 
            Les pays arabo-musulmans , tous sans aucune exception s’appuient sur la religion , tous sans aucune exception , utilisent la religion et la favorise ., pour se maintenir au pouvoir. 
            Il suffit pour cela de compter le nombre de moquées édifiées de puis les indépendances par rapport à la construction d’ écoles, d’universités et d’ hôpitaux., et la course effrénée , pour chaque pays de construire la plus grande mosquée, à l’exemple du Maroc, Algérie, Turquie , Indonésie etc. 
            Donc pour bien comprendre ces pays , il faut , revenir à l’empire ottoman et à la religion. 
            sans cela ,on est a côté de la plaque. 
            Même la Turquie , que certains spécialistes qualifiaient ,de pays démocratique et même laïc , ont passé sous silence , l’organisme que Kemal Ataturc a créé le Diyanet qui était la courroie de transmission entre le pouvoir et la mosquée. Juste un petit rappel. En dehors de la fameuse petite phrase d’Erdogan , « les mosquées sont nos casernes , les coupoles nos casques et les minarets nos baïonnettes etc, il avait déclaré » Que la Turquie ne pouvait pas être laïque du fait que 99% des turcs sont musulmans. Ou la déclaration de feu Hassan II « Un chef d’Etat musulman, ne peut pas être laïc, s’il est laïc , il ne peut pas être musulman ». 
            Quant au reste , c’est Gamal Al-Banna , frère de Hassan Al-Banna fondateur des « Frères » , lui a eu le courage de déclarer que les musulmans ont quatre siècles de retard. ( il a payé cette déclaration d’un ostracisme , jusqu’à sa mort). 

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