SNCF : un déraillement sans couverture médiatique et sans... responsables ?
Une « séquence de freinage tardif » aurait causé l'accident, le 14 novembre dernier, d'un TGV lors d'une circulation d'essai technique, ayant provoqué la mort de 11 personnes. Le drame a largement été sous-traité dans les médias du fait de l'horreur des attentats de Paris ayant eu lieu la veille. Pourtant, ce déraillement pose de nombreuses questions de premier ordre. Alors que les explications avancées par la SNCF, techniques pour ne pas dire absconses, peinent à convaincre, le sujet de la sécurité des trains à grande vitesse (TGV) doit faire l'objet d'une radiographie scrupuleuse. Surtout, les responsables de cette tragédie doivent être poussés à en assumer les conséquences, seule façon de les responsabiliser et de faire en sorte que nos trains ne deviennent pas des corbillards roulant... à tombeau ouvert.
La SNCF devait inaugurer le nouveau tronçon à grande vitesse en Alsace le 3 avril prochain. Le déraillement d'une rame de train lors d'une circulation d'essai sur cette section près de la commune d'Eckwersheim (Bas-Rhin) ayant causé la mort de 11 personnes et fait 42 blessés remet en cause le planning de la SNCF, et pour cause ! Aujourd'hui encore, les explications avancées par la compagnie peinent à convaincre. Le train a déraillé à 243 km/h, après avoir abordé la portion de raccordement entre la LGV et la ligne classique à 265 km/h au lieu de 176 km/h, ont détaillé les dirigeants du groupe ferroviaire, citant les premiers constats de l'enquête de la direction des audits de sécurité de la SNCF. L'accident du TGV, en Alsace, serait bien le fait d'une vitesse excessive, ayant elle-même pour origine une « erreur humaine », nous disait le premier communiqué. La direction n'a néanmoins donné aucun élément susceptible d'expliquer dans le détail les raisons qui ont conduit le conducteur à freiner trop tard. Quelques jours plus tard, le président de la SNCF Guillaume Pepy, pour sa part, réfute l'idée d'erreur humaine, sans en dire plus sur ce revirement.
L'analyse de la SNCF, superficielle, s'arrête là. La Justice nous en apprendra sans doute plus, avec l'ouverture d'une information judiciaire pour homicides et blessures involontaires. Le calendrier malheureux n'a pas permis à l'entreprise d'échapper à l'accident ferroviaire, mais il lui a évité une catastrophe médiatique. Il s'agit là du plus grave accident de l'histoire du train à grande vitesse depuis son lancement en 1981. On se souvient que l'accident de Brétigny-sur-Orge, qui avait causé la mort de 7 personnes en juillet 2013, avait donné lieu à une couverture médiatique exceptionnelle et suscité de nombreuses questions de fond. Prenant soin de ne pas dramatiser, mais décidée à ne pas garder le silence, la direction propose une réponse mi-figue, mi-raisin. Ainsi apprend-on que "des procédures disciplinaires vont être engagées" et « conduiront, dès que l'enquête le permettra, aux sanctions justifiées ». Tu m'en diras tant.
Alstom, constructeur des TGV a insisté sur le fait que l'enquête n'a révélé aucune défaillance de son matériel. Il s'agirait donc d'un problème interne à la SNCF. Un certain nombre de points contentieux apparaissent alors : un retard de freinage estimé à 11 secondes ne constitue-t-il pas l'aveu implicite que les marges de sécurité ne sont pas assez élevées ? Est-il normal que les dispositifs actionnant l'arrêt automatique du train en cas de survitesse aient été déconnectés pour procéder à des essais ? Sept personnes se trouvaient dans la cabine de conduite lors de l'accident, aussi l'hypothèse de l'erreur d'un humain seul ne peut être retenue, et il s'agit donc d'une erreur de gestion globale du projet. Rémi Sulmont, journaliste chez RTL, estime ainsi qu'il « risque d'y avoir, dans l'avenir, d'autres accidents, pas forcément sur le TGV prioritairement entretenu, mais sur le réseau classique. La SNCF est dans une série noire, il y a eu Brétigny, il y a eu Denguin, près de Pau en 2014, 40 blessés, il y a eu, il y a quelques jours, un TER fou qui a perdu ses freins après avoir percuté deux vaches. La culture de la sécurité de la SNCF s'est affaiblie au fil des années. »
Gilles Dansart, patron de Mobilettre (site de presse spécialisé qui explore l'actualité des transports) explique que « si l'accident du TGV avait eu lieu hors contexte d'attentats dramatiques pour la France, il est très probable que le gouvernement aurait sanctionné le président de la SNCF. » Ça n'a pas été le cas. L'idée ici n'est évidemment pas d'avancer que le seul moyen de régler la crise sécuritaire grave touchant la SNCF est de faire tomber des têtes. Mais simplement de dire que, sans sanctions adaptées, les responsables de ce drame, Pepy en tête, seront entretenus dans un sentiment d'impunité néfaste pour la sécurité des voyageurs.
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