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Accueil du site > Actualités > Société > Un long 11 septembre et le suicide durable de l’humanité

Un long 11 septembre et le suicide durable de l’humanité

L’intitulé de ce billet provient d’un clin d’œil adressé au court 20ème siècle instauré par l’historien Hobsbawm. Le 11 septembre 2001 n’est toujours pas achevé. C’est ce que l’on peut penser au vu des événements récents, avec des carnages qui n’ont pas affecté que Paris, puisque Ankara et Beyrouth ont été touchés. Paris a été en quelque sorte une caisse de résonance internationale. Avant il y eut le métro de Londres et les trains de Madrid. Néanmoins, les actes de guerre perpétrés contre des civils sont monnaie courante en Syrie, Afghanistan, Yémen, Nigeria, Irak, Niger. On ne décompte plus les morts. Dans quel monde sommes-nous ? Quel est le signe du 11 septembre ? Deux tours du WTC se sont effondrées mais l’essentiel n’est-il pas ailleurs. Ce 11 septembre à New-York a-t-il joué un rôle symétrique de l’attentat de Sarajevo pendant l’été 1914 ? Déclenchant de ce fait l’intervention en Afghanistan puis en Irak. Pourtant, rien ne permet de rapprocher la Guerre de 14-18 avec ce conflit qu’on ne peut pas désigner comme une guerre classique et qui oppose l’Occident à des mouvances islamistes aux intentions pas vraiment claires. Une seule chose est certaine. Avant 1914, des tensions étaient palpables et les camps avaient envie d’en découdre. Avant 2001, les activistes conduits par Ben Laden et financés par les pétrodollars avaient des intentions malveillantes à l’égard du monde occidental. Mais les Etats-Unis n’ont pas joué une partie claire, avec leur idéologie messianiste adossée au rôle de gendarme du monde. Pas plus claires sont les interventions européennes depuis quelques années.

A part ça, quoi de nouveau ? Le soleil crépusculaire se prête à quelque rêveries littéraires improvisées en écoutant des musiques extraordinaires comme le sont les concertos de Rachmaninov ou bien l’acte préalable de Scriabine en résonance avec les mystères de l’univers. L’homme disparaîtra-t-il de cette terre avant d’avoir percé les mystères de la création ? Et reçu le contenu final de la révélation en créant les conditions pour le recevoir ? Les gadgets technologiques et autres fumisteries produisant l’homme augmenté n’ont aucun intérêt face aux grandes questions. L’ordre de la gravité, l’origine de la vie, l’émergence de la conscience et l’essence de l’homme. En parcourant les revues scientifiques ainsi que les quelques sites intellectuels présentant les nouvelles de l’édition savante comme par exemple Nonfiction, je suis saisi par un épais brouillard.

Comme l’impression d’un corpus de connaissance qui fait du surplace, n’avance plus, en résonance avec les recherches médicales qui stagnent. Très peu d’innovation thérapeutiques mais beaucoup de perfectionnements. Et en matière de connaissances sur la nature et l’homme, des impressions contrastées. Mais une certitude gnostique sur un état des savoirs comparable à l’époque de la scolastique tardive. En ces temps achevés mais néanmoins lumineux, les interminables disputes et autres décortications casuistiques occupaient les universitaires tout en signant la fin d’une ère. Depuis 1970, nous assistons aussi à un crépuscule, celui de l’Université française. Les productions en sciences sociales n’ont que peu d’intérêts à part entretenir une dynamique dans la fonction universitaire. Seuls, quelques travaux spécialisés s’avèrent utiles pour ouvrir nos consciences. C’est comme la politique. Les débats tournent en rond avec des politiciens cabotinant autour d’os idéologiques souvent tendus par les journalistes de masses mais aussi qu’ils se refilent mutuellement. La science ne va pas mieux. Les poncifs éculés et autres lieux communs sont servis au grand public.

Politiciens : gens qui essayent de se parler alors qu’ils n’ont rien à se dire.

Journalistes : gens qui n’arrêtent pas de parler alors qu’ils n’ont rien à dire.

Pendant ce temps, les physiciens ne cessent de produire des réflexions sur la physique quantique, la cosmologie, la dynamique des réseaux, la computation, la nature du temps. Rien de décisif n’est pour l’instant sorti de cet alambic où fermentent les idées et où sont distillées les pensées les plus essentielles. Je nage depuis deux ans dans cet alambic et mon âme se noie, submergée par ces kilomètres de formules mathématiques et de savantes gloses qui présentent la plupart un intérêt mais au final, je finis par me demander si ce jeu scientifique n’est pas infini. Et si l’on va sortir du brouillard.

On peut imaginer ce jeu comme une construction de pièces formelles dont chaque assemblage est analysé, un peu à l’image de ces modèles moléculaires plastifiés que l’on utilise en chimie. On finit par s’apercevoir que ce jeu de la physique mathématique est sans fin, qu’il n’a aucune issue et qu’il permet de confirmer chaque joueur dans sa propre partie. Un seul univers et des tas de joueurs qui pensent pouvoir gagner la partie alors qu’il n’y a qu’une seule solution. Etrange. Il doit y avoir une porte de sortie. Comme dans une caverne de Platon. Au lieu de rester dans une même sphère, il faut sortir de cette sphère. Cela s’appelle le chemin. Le sage sait que le jeu est un piège et que l’issue est dans le chemin. Jouer est différent de cheminer. Qu’est-ce que le temps, l’espace, la matière, l’information, la gravitation ? Je suis perdu mais c’est sans importance. Seule compte la participation de Benzéma dans l’équipe de France. Cette focalisation des médias sur une banale affaire de sextape illustre parfaitement le lent suicide de l’humanité. Les médias conduisent l’homme de la raison à la bêtise et parfois la bestialité.

Je poursuis ces méditations hivernales qui mériteraient un petit livre sur la situation du monde. Un livre qui trancherait avec les poncifs véhiculés par les médias de masse. Les évocations précédentes indiquent que penser après le 13 novembre 2015 revient à penser après le 11 septembre 2001. Le contexte social a peu évolué, il s’est juste accentué, avec la place dominante prise par Internet et la médiocrité ambiante des médias de masse. Qui font le succès des faits à grand spectacle, que ce soit dans la quête du boson de Higgs ou dans les vulgarisations scientifiques sur le big bang en montant sur les épaules de Darwin ou le plus souvent dans ces émissions dites de télé réalité qui n’ont rien de la réalité, pas plus qu’une bière sans alcool ne remplace une bonne Grim.

Le monde d’hier, celui des années 1970, fut marqué par la technique, cet enjeu du siècle selon Ellul, cette structure de dévoilement à l’essence énigmatique selon Heidegger, ce dispositif normatif déstructurant le surmoi et les idéologies anciennes selon Habermas, ce dispositif faisant émerger la figure métaphysique du Travailleur (du technicien) selon Jünger. La technique qui était considérée était celle qui a propulsé le complexe militaro-industriel avec ses guerres et la dernière qui fut froide.

Le monde à partir des années 1990-2000 est différent car se sont ajoutées les technologies numériques et les réseaux de communication à la puissance inédite et quasiment infinie. La figure du Travailleur n’est plus la seule sur le devant de la scène. On a vu apparaître la figure du Communicant. Une transformation de la politique s’en est suivie. Après le pouvoir des militaires (deux figures, Eisenhower et De Gaulle) et celui des technocrates (Nixon, Giscard, Carter), on a vu apparaître des gens habiles dans la communication. Blair, Sarkozy ou Obama pour n’en citer que quelques-uns avec Valls et Hollande. Les généraux, puis les gestionnaires, puis les agents de communication. Cette évolution a changé le monde.

Le monde des techniques s’est aussi transformé. Les anticipations de Jünger ou même Heidegger sont dépassées. L’univers des objets connectés et des réseaux de communication s’agrandit et n’a plus aucune limite. La situation de l’homme a changé et nous ne savons pas encore quelque monde va émerger d’ici une ou deux générations. Les tendances narcissiques et névrotiques se sont amplifiées, affectant l’ensemble des couches sociales. La diffusion intempestive d’information, d’idées, d’image, de tweets, de jeux vidéo, de séries TV, semble produire un effet de déréalité chez beaucoup de sujets. Un réel falsifié occupe les cerveaux alors qu’au niveau des instances dirigeantes, le déni de réalité est flagrant.

Les capacités de responsabilité, de liberté, de connaissance, de raison, de spiritualité, sont des ressorts indispensables au développement des civilisations. Ces quelques notes déclinées sur fond de crépuscule hivernal suggèrent qu’il faut être attentif à la décomposition de ces ressorts humains sur fond de contrôle technique des citoyens et de diffusion d’information désintégrant le cerveau. Il n’est pas exclu que l’on assiste à un suicide durable de l’humanité au cours d’une séquence historique que je nommerais « un long 11 septembre ». L’homme ne semble plus en capacité de s’extraire de la fin de la technique. Les technocrates croient au développement durable et ne voient pas que nous sommes dans un suicide durable. Déni de réalité !


Cette méditation hivernale s’achève sur l’état des connaissances et la résistance de la communauté scientifiques face à un changement de vision du monde.

Ce sera pour une prochaine fois.


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7 réactions à cet article    


  • Clark Kent M de Sourcessure 12 décembre 2015 11:08

    Le suicide, d’une manière générale, est tellement durable qu’il débouche sur l’éternité !


    • clostra 12 décembre 2015 13:03

      « au final, je finis par me demander si ce jeu scientifique n’est pas infini »

      coquille de noix

      Oui le chemin plutôt que le casse-noix

      (ça va ? je ne dis pas trop la même chose que vous ?)


      • julius 1ER 12 décembre 2015 19:19

         Un réel falsifié occupe les cerveaux alors qu’au niveau des instances dirigeantes, le déni de réalité est flagrant.

        @Dugué,

        je ne crois pas que les dirigeants soient dans le déni, ils sont là un point c’est tout ....
         la lutte des places a succédé à la lutte des classes, les dirigeants et les Zélites gardent des positions acquises ces dernières décennies ... les réformes sont pour les classes moyennes et populaires pas pour les classes supérieures !!!!!
        d’où le fossé creusé ces dernières décennies qui n’est pas près d’être comblé !!!
         

        • Pyrathome Pyrathome 12 décembre 2015 21:13

          Quel est le signe du 11 septembre ? Deux tours du WTC se sont effondrées mais l’essentiel n’est-il pas ailleurs.
          .
          Non ! pas deux, mais TROIS....le WTC7 touché par aucun avion...
          Je vous laisse seul juge de l’emploi du verbe « effondrer » dans ces cas là.....


          • pemile pemile 12 décembre 2015 21:42

            @Pyrathome
            Comme quoi, 15 ans après, ce WTC7 a toujours disparu « subrepticement » smiley


          • Eezniaw 13 décembre 2015 04:57

            Très beau texte

            ps : la transition à Benzema était violente


            • Le p’tit Charles 13 décembre 2015 08:11

              Les sciences et les peuples...deux incompatibilité comme l’eau et le vinaigre...Notre histoire le démontre très bien... !

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