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Faire la plonge

L'autre côté des choses …

Dans ma chère association caritative, le plongeur est à rude épreuve. Il découvre l'autre versant des choses ; le repas terminé, le passage à la desserte dévoile bien souvent la face cachée des individus, leurs travers et leurs faiblesses. Ils viennent d'avoir obtenu ce qu'ils désiraient : ce repas précieux qui leur permet de tenir une journée de plus et peuvent se laisser aller à certaines facilités.

Fort heureusement, la plupart des bénéficiaires se montrent courtois et respectent la procédure de débarrassage et rangement de leur plateau. Mais comme dans toutes collectivités, il y a les incurables de la règle, les autonomes des principes communs. On les retrouve partout ; ils sont les virtuoses de la combine, les rois de l'entourloupe, les princes de l'évitement. Tout est prétexte pour eux à ne ne pas jouer le jeu du collectif.

Oh, rassurez-vous, ils sont, comme l'attestent les statistiques, les représentants d'un type d'individus qui échappent à la bonne éducation et leur situation précaire n'exclut nullement cette façon de faire que l'on trouve dans toutes les classes sociales. On les nomme malotrus ; il se trouve curieusement que l'on pardonne à ces derniers d'autant plus leur manque d'éducation et de civisme qu'ils disposent de ressources. Quant aux autres, le regard de la société leur impose quasiment un comportement exemplaire sous prétexte qu'ils devraient être redevables …

Alors j'explique que la pauvreté- le manque de tout ou bien de beaucoup- n'évite pas les travers inhérents au manque d'éducation, à l'irrespect de l'autre, à l'égoïsme, à l'indifférence et que ces étranges défauts sont parfaitement bien répartis dans toutes les catégories humaines. La pauvreté ne rend ni meilleur ni pire, et je le remarque derrière mon bac de plonge …

Il y a d'abord ceux qui jouent les filles de l'air. Quand ils ont le ventre plein, ils se lèvent et partent, laissant leur plateau sur la table sans se soucier de savoir qui le rangera ; ils s'en moquent. Ils ont eu ce qu'ils étaient venus chercher et s'en vont, une fois que, de leur point de vue, le contrat est rempli. Ils n'ont de compte à rendre à personne ; ils vont leur chemin, indifférents à tous les autres.

Il y a ceux qui disposent d'un peu plus de sens du collectif. Ils portent leur plateau sur la desserte, simplement pour faire comme tous les autres : les gens respectueux. Mais on voit bien à leur mine exaspérée que la contrainte leur pèse, qu'ils aimeraient avoir le cran des indéboulonnables de la resquille. Ils font semblant, posent le tout en vrac et profitent du moindre prétexte pour ne pas respecter la procédure commune.

Il convient surtout de ne pas les rappeler à l'ordre : ils s'indignent qu'on puisse penser qu'ils l'ont fait exprès ; ils prétendent qu'ils allaient revenir, qu'ils avaient autre chose à faire dans l'instant. Tout est bon pour se donner bonne conscience. Leur mauvaise foi est colossale et malheur à qui la pointe du doigt.

Il y a les éternels pressés, ceux qui n'ont pas le temps de poser les couverts dans le seau prévu à cet effet, qui ne peuvent vider convenablement leur plateau dans la poubelle et qui éparpillent sur la desserte, verre, couverts, bol et ramequins. Ceux-là donnent encore plus de travail : ils rendent la tâche du plongeur très délicate. Leur négligence est mépris ; ils sont incapables d'empathie.

Ils sont les prototypes d'une société où l'effort est désormais prohibé. Le client est roi, même quand il ne paie pas. Cette règle stupide conduit à bien des travers, à des postures prétentieuses, hautaines, indifférentes. Ne plus se soucier de l'autre semble être devenu le code, le principe de survie dans la jungle qu'est devenue notre société.

Il y a encore ceux qui systématiquement vont se plaindre, réclamer un verre alors qu'ils viennent de le poser, demander une pochette ou un récipient pour emporter chez eux des restes et ne prennent jamais la précaution d'apporter de quoi stocker ce qu'ils n'ont pas consommé. Ceux-là exigent, réclament, attendent qu'on laisse tout en plan, séance tenante, pour les servir. Peu leur importe que la vaisselle s'empile, que vous ayez autre chose de plus immédiat à faire ; il faut les servir sur le champ. Mystère que ces gens qui réclament, qui ne savent pas dire merci et attendre leur tour ! On les trouve partout, ils sont les plus redoutables, les plus insidieux : ceux qui vous font perdre patience.

Heureusement, il y a les autres, ceux qui sourient, qui vous remercient, qui font tout leur possible pour bien vider leur plateau, qui rangent parfaitement leurs couverts, qui attendent leur tour et qui ont toujours un mot gentil. Je crains que ceux-là ne soient plus adaptés à notre société : ils vont continuer à être du mauvais côté de la barrière : les gentils, les bons, les respectueux, les patients, les attentifs, les affables n'ont plus leur place dans cette jungle.

Qu'ils se rassurent, je suis dans le même cas , moi qui viens donner mon temps et fais la plonge pour des gens qui ne seront jamais en mesure de me renvoyer l'ascenseur ou bien de me faire connaître quelqu'un d'important. Ce monde appartient aux loups et nous ne sommes que de gentils agneaux. Nous n'avons vraiment rien compris …

Rinçagement vôtre.

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10 réactions à cet article    


  • foufouille foufouille 12 février 2016 11:59

    c’est marrant car quand je bossais, le mercredi je faisais un goûter pour les enfants de la maison pour tous. pour payer le gâteau et le sirop qui servait de jus de fruits, il fallait payer un truc comme 2FF.
    comme certains n’avaient pas d’argent, je leur avais proposer de m’aider, mettre la table, débarrasser et faire la vaisselle. au bout de quelquefois, les autres enfants qui payaient ont voulu faire pareil.
    c’était des gamins de moins de onze ans d’un village, il y a plus de vingt ans.


    • C'est Nabum C’est Nabum 12 février 2016 15:13

      @foufouille

      Les enfants sont capables, les adultes beaucoup moins


    • Radix Radix 12 février 2016 12:58

      Bonjour Nabum

      Votre billet m’a remis en mémoire un épisode qui m’est arrivé en Irlande dans les années quatre-vingt.
      C’était dans l’auberge de jeunesse de Cork, chacun préparant son repas dans la cuisine commune, j’avais soigneusement nettoyé tous les ustensiles que j’avais utilisé ainsi que le plan de travail.
      Le lendemain on m’indiqua qu’avant mon départ je devais accomplir une tâche ménagère pour participer à la bonne tenue de l’auberge. N’y voyant aucun inconvénient je suivis le patron, un ancien militaire, qui me dit que je devais nettoyer la cuisine.

      Arrivé à la cuisine j’ai constaté qu’un cyclone avait du s’y abattre ! Cuisine qui était impeccable la veille au soir, en effet j’avais dîné tôt pour partir très vite (je faisait du stop).
      Comme je demandais combien étaient désignés pour cette tâche, on me répondit que j’étais seul !
      Au vu de l’ampleur du travail à effectué, j’ai calculé que je ne serais pas sur la route avant... Midi !
      Profitant d’un moment ou le cerbère s’était fait remplacé à l’entrée par sa femme, je récupérais mon passeport et mis les voiles !

      J’espère que les irlandaise qui avaient mis la cuisine dans cet état l’on nettoyée !

      Radix
       


      • C'est Nabum C’est Nabum 12 février 2016 15:15

        @Radix

        « Veuillez laisser l’endroit aussi propre en partant que dans l’état où vous l’aviez trouvé en arrivant »

        Parfois ce n’est pas facile de salir exprès


      • Radix Radix 12 février 2016 17:23

        Bonsoir Nabum

        J’ai eu le fin mot de l’histoire dans l’auberge de jeunesse de Dublin où j’ai rencontré un australien qui était passé à Cork.
        Il m’a expliqué que les irlandaises préparaient les repas pour leurs petits copains et donc les petits copains en questions étaient chargés de nettoyer derrière. Il faut dire qu’une irlandaise qui prépare des pommes de terres bouillies, peut salir toute une batterie de cuisine !
        Quand je lui ai expliqué que je n’étais pas irlandais, que j’avais préparé mon repas tout seul et qu’il n’y avait aucun irlandais en vue pour m’aider, il a ajouté que le patron qui avait fait l’armée dans l’armée anglaise... N’aimait pas les français !

        Je crois que je l’avais déjà compris !

        Radix


      • juluch juluch 12 février 2016 13:15

        Se que vous voyez dans votre association se voit dans la vie de tous les jours : LES ASSISTES !!!!


        On le voit dans les IME, pole emploi, sécu etc....

        Pas tous bien sur....mais suffisamment pour le dénoncer.

        Merci Nabum.

        • foufouille foufouille 12 février 2016 13:53

          @juluch
          Des emmerdeurs et des feignasses, tu en as partout. que ce soit payant ou pas.


        • C'est Nabum C’est Nabum 12 février 2016 15:17

          @juluch

          Le terme assisté renvoie à l’idée de difficulté financière

          Ces comportements transcendent hélas les niveaux de revenus
          Les malotrus sont partout


        • hervepasgrave ! hervepasgrave ! 12 février 2016 13:54

          Bonjour ;
          Tu fais là un bon article . Oui ! c’est désolant surtout que les braves gens qui restent des invités, pour donner un petit coup de main se retrouvent gênés devant ce comportement de cochon, vulgairement de salope et cela n’est que fréquent et ce depuis toujours. Être invité ne signifie pas être au-dessus des règles de l’hospitalité ? C’est une vision pitoyable, mais nous met la réalité en place... Mais c’est comme en famille entre amis, ils restent les meilleurs. Voilà la seule chose à retenir malheureusement.
          Et puis cela devrait nous inciter à faire une chose qui ne ce fait jamais ,"Le choix, eh oui ! il faut faire un choix des personnes. Les gens bien éduqués n’ont pas à subir cela. Cela est un affront intolérable de mon sens. Le seul moment où ce n’est pas évitable, c’est devant des étrangers, car c’est difficile de savoir leurs comportements futurs !
          C’est toujours difficile pour moi de voir quand il y a un vin d’honneur, ou un buffet de voir cette foule de cochons se précipiter et de se gaver sans discernement, sans retenue. Des porcs ! oui cela fait mal au c....


          • C'est Nabum C’est Nabum 12 février 2016 15:18

            @hervepasgrave !

            Les cochons ne sont certes pas les plus nombreux mais les dégâts qu’ils font sont considérables.

            Il faut hélas les supporter, ce sont les plus visibles de tous

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