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Fin de vie : la loi n°2016-87 du 2 février 2016, dite loi Claeys-Leonetti, est votée (1)

« Après la loi du 9 juin 1999, qui visait à garantir à tous le droit d’accès aux soins palliatifs, celle du 4 mars 2002, qui mettait le malade au centre du dispositif de soins, et celle du 22 avril 2005, qui affirmait pour la première fois le refus de l’obstination déraisonnable, nous avons souhaité, Jean Leonetti et moi, aller plus loin. (…) Une seule chose nous a guidés tout au long de ces mois : permettre à chacun de disposer de sa vie jusqu’à son ultime moment et de bénéficier d’une mort apaisée. (…) Malgré les légitimes différences d’approche, chacun, conscient de l’enjeu et de sa responsabilité, a cherché à construire et à dépasser ses préventions. » (Alain Claeys, le 27 janvier 2016). Première partie.



Le processus législatif sur la fin de vie a abouti à la promulgation par le Président François Hollande de la loi n°2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie. Le texte intégral de cette loi est consultable à ce lien.

J’ai déjà longuement évoqué ce texte lors de nombreux précédents articles. Après une opposition entre les deux assemblées (Assemblée Nationale et Sénat) en deuxième lecture, une commission mixte paritaire avait trouvé un accord le 19 janvier 2016 pour adopter un texte commun dont j’ai évoqué les grandes lignes ici.

La discussion générale et le vote à la troisième lecture n’ont pris qu’une seule journée pour les deux assemblées, le mercredi 27 janvier 2016, le jour de la démission de Christiane Taubira (aucun amendement n’était possible). Les députés ont adopté la loi dans l’après-midi et les sénateurs dans la soirée, et cela dans les mêmes termes. Aucune saisine du Conseil Constitutionnel n’ayant eu lieu, le texte pouvait désormais devenir loi de la République française après la signature du Président de la République le 2 février 2016 et sa publication au Journal Officiel de la République française le lendemain.

C’était un long processus puisqu’il a commencé par la lettre de saisine du Premier Ministre Manuel Valls du 20 juin 2014 pour demander aux députés Alain Claeys et Jean Leonetti de remplir la mission d’élaborer un texte consensuel sur la fin de vie. Leur rapport a été remis le 12 décembre 2014 au Président de la République François Hollande et les deux députés ont déposé le 21 janvier 2015 sur le bureau de l’Assemblée Nationale leur proposition de loi désormais loi en vigueur un an plus tard.

Je me propose dans ce premier article d’indiquer la teneur des débats à l’Assemblée Nationale dans sa séance du 27 janvier 2016. Dans un deuxième article, la teneur des débats au Sénat dans la séance du même 27 janvier 2016. Enfin, dans un troisième article, je rappellerai très succinctement le contenu du texte qui a été définitivement adopté et promulgué.


Débat au Palais-Bourbon

Le rapporteur de la commission mixte paritaire pour les députés, Alain Claeys, a insisté sur l’interprétation qu’il faudra donner à la loi lors de son application : « Le sens de notre proposition de loi est limpide : chacun doit pouvoir décider en conscience de la façon dont il entend vivre ses derniers moments et cette volonté doit être appliquée par ceux qui en ont la charge. Notre texte est dicté par une seule volonté : combattre le mal-mourir qui règne encore trop souvent en France. » (27 janvier 2016).

Alain Claeys s’est aussi fixé deux objectifs pour la suite à donner à cette loi : d’une part, veiller à la rédaction des décrets d’application, notamment concernant le modèle standard à proposer pour rédiger ses directives anticipées ; d’autre part, faire la promotion de cette loi auprès du grand public, qu’elle soit connue par toutes les personnes concernées, soignants et soignés : « La publicité de la loi est indispensable. Elle décidera de sa réussite ou de son échec, et si ce dernier devait advenir, ce serait celui non de quelques-uns mais de notre société tout entière. ».

Cette dernière séance a été aussi l’occasion pour la Ministre des Affaires sociales et de la Santé Marisol Touraine de rappeler son plan lancé le 3 décembre 2015 : « Le 3 décembre, j’ai présenté un plan national pour les soins palliatifs et l’accompagnement en fin de vie, pour lequel nous mobiliserons 190 millions sur trois ans. L’objectif est de garantir l’égal accès de tous aux soins palliatifs. ». L’objectif est de créer six nouvelles unités de soins palliatifs en 2016 avec pour horizon que dans chaque région, il y ait au moins un lit pour 100 000 habitants d’ici à 2018.

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Je ne suis pas sûr que le montant indiqué soit suffisamment (40 millions d’euros ont été votés pour 2016) pour rendre concret à tous ceux qui en ont besoin ce droit d’accès aux soins palliatifs. Certes, les objectifs vont dans le bon sens, comme celui-ci : « Nous comptons (…) développer les prises en charge au domicile, y compris pour les résidents des maisons de retraite ou des établissements médico-sociaux. Dès 2016, trente nouvelles équipes mobiles de soins palliatifs seront déployées sur l’ensemble du territoire. Un financement spécifique sera accordé aux projets territoriaux innovants. ».

Pour l’ancienne ministre Michèle Delaunay, c’est une avancée émouvante : « Il s’agit d’un moment important, voire un peu émouvant : nous allons toucher d’une main tremblante à la loi dans un domaine qui est fondamentalement humain, un domaine que les législateurs que nous sommes abordent obligatoirement avec le poids de leur expérience humaine, personnelle, familiale, amicale, quelquefois avec leur expérience professionnelle et aussi, dans tous les cas, avec la singularité de leur vie spirituelle. » (27 janvier 2016).

Parmi les opposants au texte, il y a eu ceux qui ont trouvé qu’il n’allait pas assez loin, prônant le suicide assisté et l’euthanasie, comme Véronique Massonneau, Jean-Louis Touraine et Olivier Falorni (le tombeur de Ségolène Royal à La Rochelle en juin 2012). Jean-Louis Touraine a rappelé que Manuel Valls, à l’époque simple député, avait déposé une proposition de loi en 2009 pour légaliser l’euthanasie, signée par dix membres du gouvernement actuel.

Il y a aussi ceux qui ont trouvé que le texte allait trop loin et ne constituait qu’une étape qui allait forcément aboutir à l’euthanasie, comme Xavier Breton : « Nous faisons bien face à deux conceptions : l’une fondée sur la prééminence de l’individu qui revendique haut et fort son autonomie comme l’alpha et l’oméga de la vie en société ; l’autre, que je défends, fondée sur le respect de chaque personne et qui s’attache à prendre en compte les fragilités et les vulnérabilités qui peuvent affecter la vie de chacun d’entre nous. Sont alors privilégiés, dans une prise en compte spécifique de chaque situation, l’accompagnement, le dialogue et les relations. (…) En reconnaissant parallèlement un droit à une sédation jusqu’au décès, ce texte bascule très clairement, sinon vers une pratique tout au moins vers une logique euthanasique. C’est d’ailleurs vous, madame la ministre [Marisol Touraine], qui l’affirmiez ici même, en octobre dernier : "Ce texte permettra de franchir une étape considérable. L’opposabilité des directives anticipées, couplée à la reconnaissance de la sédation profonde et continue jusqu’au décès, renverse, et c’est bien là l’essentiel, la logique de la décision : c’est le patient, et non plus le médecin, qui devient le maître de son destin". Ce texte (…) est une étape qui en appelle d’autres, comme vous l’aviez avoué, madame la ministre, en disant que, je vous cite de nouveau, "c’est à partir de ce texte que d’autres évolutions seront envisageables un jour". Nous ne pouvons, à ce sujet, qu’être inquiets de la nomination d’une cardiologue militante de l'euthanasie [Véronique Fournier] à la tête du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie, comme de la propagande que vous venez d’annoncer dans la mise en œuvre de cette loi. Dans ce contexte, vous comprendrez, madame la ministre, le refus de certains d’entre nous d’être complices des évolutions annoncées, que nous ne pouvons voter en conscience. » (27 janvier 2016).

À 17 heures 50 de ce 27 janvier 2016, les députés ont adopté l’ensemble de la proposition de loi.

Dans le prochain article, j’évoquerai le débat au Sénat pendant la séance de la soirée.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (29 février 2016)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Texte intégral de la loi n°2016-87 du 2 février 2016.
La loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016.
Dernier round de la loi Claeys-Leonetti.
Consensus à la commission mixte paritaire du 19 janvier 2016.
Consensus sénatorial.
La leçon du procès Bonnemaison.
Les deux rapports des commissions sénatoriales en deuxième lecture (à télécharger).
Retour synthétique sur la loi Claeys-Leonetti.
La loi Claeys-Leonetti en commission au Sénat pour la deuxième lecture.
Les sondages sur la fin de vie.
Les expériences de l’étranger.
Verbatim de la deuxième lecture à l’Assemblée Nationale.
Indépendance professionnelle et morale.
Fausse solution.
Autre fausse solution.
La loi du 22 avril 2005.
Adoption en deuxième lecture à l’Assemblée Nationale.
La fin de vie en seconde lecture.
Acharnement judiciaire.
Directives anticipées et personne de confiance.
Chaque vie humaine compte.
Sursis surprise.

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4 réactions à cet article    


  • njama njama 29 février 2016 10:10

    Il y a aussi ceux qui ont trouvé que le texte allait trop loin et ne constituait qu’une étape qui allait forcément aboutir à l’euthanasie,...

     Démocratie Sanitaire mes couilles
    Marisol Touraine réinvente la démocratie à la mode soviétique
    22 février 2016, par Dr Dominique Dupagne (bien connu sur Agoravox)
    Un évènement assez rare est survenu ce week-end. Un jeune fonctionnaire en charge d’une instance sanitaire nationale a démissionné en claquant bruyamment la porte et en faisant savoir à quel point sa mission s’était transformée en mascarade. Ce sont habituellement des retraités qui se risquent à une telle franchise suicidaire.
    [...]
      « La démocratie en santé n’est pas la reine de l’échiquier ; elle en est le fou. Et avec elle, tous ceux qui y croient ; ces bénévoles, usagers, professionnels de santé, élus, partenaires sociaux, qui donnent de leur temps et de leur énergie dans des instances nationales (...) ceux-là même qui croient que la réflexion issue du terrain fera évoluer notre système de santé, alors qu’elle ne servira que de faire-valoir.

      S’il faut user d’une expression quelque peu triviale, j’emploierais celle de mascarade. J’en suis désormais convaincu : la démocratie en santé n’est qu’une vaste mascarade montée par les hommes et les femmes politiques pour faire croire à une certaine horizontalité de la décision publique en santé - alors qu’elle n’a jamais été aussi verticale. Et tout ceci au détriment des citoyens, dont on utilise les deniers pour mettre sur pied des instances consultatives qui, comble du cynisme, ne doivent à aucun prix remplir le rôle qui leur a été assigné par la loi. »
    (...)
      « L’avis de la CNS sur la proposition de loi « fin de vie » fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase. La Ministre rentra dans une colère noire à l’encontre de la CNS, qualifiée par des membres du cabinet d’instance « inutile » et « incontrôlable ». »
    [.........]
    http://www.atoute.org/n/article337.html


    • njama njama 1er mars 2016 13:06

      « L’avis de la CNS sur la proposition de loi « fin de vie » fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase. La Ministre rentra dans une colère noire à l’encontre de la CNS, qualifiée par des membres du cabinet d’instance « inutile » et « incontrôlable ». »

      voilà ce qui aurait mis dans une colère noire la Ministre !

      « Nonobstant, la C.N.S. formule plusieurs vœux et propose des amendements afin d’améliorer la proposition de loi sur les sujets suivant : »

      voir pages 5 à 11 :
      Conférence nationale de santé
      Avis du 25.09.2015 sur la proposition de loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie

      PDF > > http://www.cns.social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/avis_cns_proposit_loi_droits_fin_de_vie_rel_2809 _modif_051015_jol.pdf


    • foufouille foufouille 29 février 2016 10:31

      on va revoir les chocottes qui se suicident par peur d’une colostomie temporaire.


      • njama njama 1er mars 2016 13:09

        Les missions officielles de la CNS, organisme consultatif rattaché au Ministère de la Santé, sont les suivantes :

        « Art. L. 1411-1-1. - La Conférence nationale de santé a pour missions :
         1° D’analyser les données relatives à la situation sanitaire de la population ainsi que l’évolution des besoins de celle-ci ;
         2° De donner un avis au Gouvernement sur le rapport annuel prévu à l’article L. 1411-1 ainsi que sur toute autre question qu’il lui soumet et de formuler des propositions en vue d’améliorer le fonctionnement du système de santé ;
         3° D’élaborer, sur la base des rapports établis par les conseils régionaux de santé, un rapport annuel, adressé au ministre chargé de la santé et rendu public, sur le respect des droits des usagers du système de santé ;
         4° D’organiser ou de contribuer à l’organisation de débats publics permettant l’expression des citoyens sur des questions de santé ou d’éthique médicale.

        En créant cet espace de débat et d’expression des parties prenantes de la santé, la Loi de 2004 a lancé le concept de Démocratie Sanitaire qui fait florès depuis et ne quitte pas la bouche de Marisol Touraine.

        Malheureusement pour Marisol Touraine, en démocratie, le peuple n’est pas obligé d’être en accord avec la feuille de route de la Ministre. Le législateur avait pourtant verrouillé le dispositif : les 120 membres bénévoles de la Conférence doivent être adoubés par le Ministère et ne peuvent effectuer plus d’un mandat de 3 ans.

        Malgré ces garde-fous, la CNS a émis des opinions ou des recommandations qui n’ont pas plu à la Ministre. Situation banale. Que fait habituellement un ministre dans cette situation ? Il ignore ces recommandations ou fait semblant de les avoir lues. Mais Marisol Touraine a été plus loin, et c’est là que ça devient intéressant : elle a envoyé ses sbires remonter les bretelles du Secrétaire Général du CNS, Thomas Dietrich, coupable d’avoir permis l’expression de recommandations n’allant pas dans le sens voulu, notamment sur les vaccinations.

        [................]

        http://www.atoute.org/n/article337.html

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