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Accueil du site > Tribune Libre > Un « printemps républicain » de pacotille

Un « printemps républicain » de pacotille

 Si l'on en croit ses partisans, le « printemps républicain » est une initiative citoyenne qui entend restaurer l'esprit républicain et refonder la gauche par un retour aux sources laïques. Il s'agit de pourfendre « le communautarisme, le racisme et l'antisémitisme » en réaffirmant haut et fort les valeurs de la République. Fort bien. Au fond, qui n'y souscrirait ? Mais force est de constater que l'invocation des nobles principes y côtoie étrangement des mots d'ordre qui les contredisent.

 Ainsi, lors du premier meeting du mouvement, le 20 mars, l'un des orateurs adresse une injonction dont le courage, par les temps qui courent, sera apprécié à sa juste valeur : « N'ayez pas peur du mot islamophobe, car c'est nous le rempart contre les extrémismes » ! (Libération, 21/03). On voudrait formuler un appel explicite à transgresser les règles dont on se réclame, qu'on ne s'y prendrait pas autrement. Car le mot « islamophobie » a un sens, et l'on ne fera pas l'injure au « printemps républicain » de penser qu'il l'ignore. Selon le dictionnaire Larousse, ce mot désigne « l’hostilité à l’égard de l’islam et des musulmans ». La « phobie », du grec « phobos », désigne la terreur inspirée par quelque chose d’épouvantable. Et en français, la « phobie » accolée à ce qui la provoque désigne sans ambiguïté une hostilité viscérale, une répugnance instinctive.

 L’ « islamophobie » n'est donc pas un terme neutre, passe-partout, démonétisé parce qu'il serait utilisé à tort et à travers. Ce terme désigne une attitude de rejet des musulmans en tant que musulmans, à l'instar de la « judéophobie » qui désigne à son tour le rejet, tout aussi détestable, des juifs en tant que juifs. En assumant le discours islamophobe, le « printemps républicain » se précipite dans l'abîme de ce qu'il prétend dénoncer, il jette le soupçon sur sa propre démarche. Car il brandit avec emphase l'étendard de l'universalisme républicain, mais il prend soin, aussitôt, d'extraire les musulmans de son bénéfice. Portant la contradiction à l'extrême, il désigne comme bouc-émissaire des maux de la société une population assignée à son identité supposée, tout en prétendant conjurer les affres du « communautarisme ».

 Cet universalisme de pacotille, au demeurant, ne pèche pas seulement par son incohérence manifeste. Il est aussi à géométrie variable. Apparemment sans concession, la dénonciation du péril communautaire admet en effet une exception notable. A l'évidence, le « printemps républicain » ne condamne les entorses à la laïcité que lorsqu'elles viennent de l'islam, oubliant au passage les compromissions de l’État républicain avec une instance communautaire dont l'influence politique est nettement supérieure. Il est vrai que la moindre critique à son égard, ainsi qu'à l'égard de l’État étranger dont elle défend bec et ongles les intérêts coloniaux, est désormais passible de sanctions et poursuites en tout genre. Cet accroc de taille au principe de la neutralité confessionnelle de l’État, visiblement, ne suscite aucun embarras chez ces partisans intraitables de la laïcité républicaine.

 Enfin, leur détermination affichée à lutter contre le « terrorisme islamiste » laisse perplexe. Tout en se prévalant de ce purisme idéologique à l'égard de l'hydre islamiste, le « printemps républicain » soutient un pouvoir politique qui a livré des armes aux factions djihadistes en Syrie et accordé des distinctions honorifiques à ses bailleurs de fonds saoudiens. Une fois encore, ses affirmations doctrinales sont le reflet inversé de ses pratiques effectives. Comme Guy Mollet dans les années Cinquante, il soutient, à grand renfort de phrases pompeuses, le contraire de ce qu'il fait au pouvoir. La prochaine fois que le « printemps républicain » enfourchera ce cheval de bataille, le gouvernement sera inspiré d'éviter, la veille, les distributions de Légions d'Honneur aux dynasties esclavagistes et misogynes qui constituent désormais les « meilleurs alliés » de la France au Moyen-Orient.

 On avouera en effet que, pour un public non averti, cette contribution « républicaine » à la diffusion des Lumières et à l'émancipation de la femme est difficilement intelligible et passablement obscure. Mais fort heureusement, une hirondelle républicaine ne fait pas le printemps ! Et la République, la vraie, se passera aisément de ces zélotes à l'intransigeance sélective et à l'échine courbe.


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5 réactions à cet article    


  • eric 4 avril 2016 12:17

    C’est révoltant ! Tant d’argent gaspillé dans l’éducation nationale pour arriver à cela !

    L’auteur et le Larousse dans le même sac du reste.
    La définition de la phobie est d’abord celle d’une crainte injustifiée, d’une aversion instinctive,mais dans le cas de l’Islam, on se demande pourquoi, on transforme en « hostilité ».

    http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/phobie/60302
    http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/islamophobie/186470

    Hostilité « condamnable » à en croire certain.

    On nous a déjà fait le coup avec l’homophobie. « Ce n’est pas une opinion, c’est un délit ». Non les gars, cliniquement, c’est au pire une maladie. Votre idée sous-jacente de mettre en asile psychiatrie, voire en prison, les gens qui auraient une aversion instinctive pour l’islam a bien du mérite mais se heurte à des question budgétaires mais également au manque de spécialistes formés. Quoi que, il y a des pistes ; On pourrait aussi faire caresser des hamsters aux islamophobes réel ou supposés et commencer à titre préventif à l’école maternelle.

    C’est taper sur les gens qui est mal ; La raison invoqué est elle importante ? Est il plus grave de casser un manche de pioche sur la tête de quelqu’un parce qu’il est musulman, homo, militant du front national ou pour lui voler son portefeuille ? J’espère que non, parce qeu cela voudrait dire qu’il y a des cas ou c’est moins grave ! Justifié ? Pardonnable ?

    On ne le redira jamais assez Soljenitsyne et Primo lévy convergeait dans le constat que les langages des camps totalitaires consistait toujours à changer le sens des mots pour les rendre absurdes.


    • exocet exocet 4 avril 2016 13:49

      Un « printemps républicain » de gauche ?

      Je croyais que « Les Républicains » était un parti de droite, et il l’a bien démontré.

      Ce serait bien de connaître les noms des initiateurs de ce « printemps républicain » qui résonne aux oreilles étrangement similaire à « printemps Arabes ».

      Les électeurs pourraient ainsi se faire une idée précise quant aux opinions et actes de ceux qui se présenteront devant les urnes un de ces jours....


      • legrind legrind 4 avril 2016 17:59

        C’est vrai que l’islamophobie est responsable de carnages l’année dernière, l’islamophobie qui règne tellement en France que les musulmans se barrent (en Belgique lol), sinon cet algérien qui a fui l’islamisme dans le années 90 assiste à son essor (irrésistible ?) ici, à St-Denis.

        Bref un édito qui fleure bon la collaboration, la soumission même.

        • Esprit Critique 4 avril 2016 18:14

          « .....A l’évidence, le « printemps républicain » ne condamne les entorses à la laïcité que lorsqu’elles viennent de l’islam,..... ».

          Un minimum d’honnêteté, SVP , merci .

          Le totalitarisme islamique est déja bien présent et nuisible partout dans notre société, et selon vous c’est mal d’en parler ! ?


          • Pierre Régnier (---.---.60.77) 5 avril 2016 12:28

            Pierre Régnier :

             

            Ayant regretté par écrit que le grand philosophe Marcel Gauchet se soit laissé convaincre de signer cet appel à un « printemps républicain de pacotille », je ne peux que me réjouir de trouver ici un article qui le présente comme tel.

             

            Mais je reproche vivement à l’auteur d’alimenter, une fois de plus, l’odieuse assimilation de l’islamophobie à la peur, au rejet, à la détestation des musulmans.

             

            L’islamophobie est parfaitement justifiée parce que la phobie, la crainte de l’islam exprime le rejet d’une religion particulièrement dangereuse, comme chacun peut désormais le constater, en France et en Europe, de manière quasi-quotidienne depuis des années.

             

            Mais les musulmans, eux, sont des victimes et, contrairement à ce que prétendent les tricheurs qui entretiennent l’assimilation, il est aussi de plus en plus manifeste qu’ils sont des victimes, avant tout de leur religion, laquelle les enferme dans une prison spirituelle, théologico-politique, leur interdisant de penser et de s’exprimer librement, de quitter leur communauté de croyance criminogène sans risquer le pire dans leur vie personnelle.

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