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« Qui a peur de Virginia Woolf ? » 5 nominations Molières en Tournée Françon

Auréolée de cinq nominations aux Molières 2016, la réalisation d’Alain Françon vient donc de quitter le cocon de sa création trois mois plus tôt, à savoir le Théâtre de l’Œuvre, pour débuter sa tournée en trois représentations au Théâtre de Suresnes.

Trois des comédiens sur les quatre en scène ayant ainsi été distingués par cette sélection honorifique, la quatrième, Julia Faure, pourrait paradoxalement tirer les marrons du feu puisque, d’évidence dorénavant, la véritable surprise ne pourrait venir que de sa propre prestation.

En effet, les trompettes de la renommée ayant célébré l’exemplarité du jeu de Dominique Valadié, Wladimir Yordanoff & celui, dans un second rôle, de Pierre-François Garel, tout en magnifiant l’épure scénographique liée à l’une des meilleures créations de la saison au Théâtre privé, le parti pris du spectacle vivant haut de gamme est donc déjà bien assuré !

De là, bien sûr, à faire oublier Elisabeth Taylor et, pourquoi pas, Richard Burton dans leurs rôles cinématographiques du couple légendaire d’Albee, peut-être que certains critiques professionnels se sont laissés emporter par leur enthousiasme spontané, fort compréhensible par ailleurs !

Ceci dit, sans remonter au film culte des sixties, beaucoup plus près de nous, soit vingt années seulement auparavant, Niels Arestrup mettait en scène cette célèbre pièce à la Gaîté-Montparnasse avec un retentissement à rebonds multiples d’ordre artistique, médiatique et judiciaire qui apportait à sa manière dans l’opinion d’alors un piment incontestable et, de surcroît, permettait à Myriam Boyer de gagner, à la fois, son procès mais aussi le Molière de la meilleure comédienne 1997.

Évidemment, c’était une autre époque où une paire de gifles de trop sur scène pouvait embraser le monde du Théâtre ainsi que, dans un même élan passionné, ses spectateurs aficionados et ses détracteurs bien pensants !

Mais tout ceci n’a jamais été le registre d’Alain Françon qui, loin d’être attiré par les forces autodestructives systématiques, n’a monté ce projet, à la demande des deux comédiens principaux, qu’à la suite d’une relecture analytique inversant la dynamique des motivations conjugales en présence :

Selon cette thèse, Martha & Georges ne seraient pas sous l’effet de pulsions de mort réciproques, mais bel et bien dans une démarche salvatrice qui, a contrario, les amèneraient, en une simulation feinte, à ne composer ce jeu de rôles d’apparence hostile que pour maintenir la réalité complémentaire de leur couple à laquelle, de fait, ils tenteraient de s’arrimer en toute priorité malgré les aléas existentiels.

Dans cette perspective, la course contre la destinée ne serait pas tant de se nuire mutuellement que d’explorer toutes les limites au-delà desquelles l’intégrité pourrait basculer cruellement de l’autre côté du miroir, là, sans doute, où se situe la fameuse problématique virtuelle de leur progéniture.

Le couple invité jouerait, lui, à son insu dans cette configuration spécifique, une fonction de garde-fou à l’égard de leurs hôtes Martha & Georges, mais, néanmoins, fort périlleuse pour eux-mêmes Nick & Honey.

Bref, en faisant de la pièce d’Albee la bouée de sauvetage symbolique d’un couple en désarroi manifeste, c’est donc moins l’odeur du soufre qui dicterait la direction d’acteurs que le texte, mis à nu, devant être exalté à la face du public.

C’est ainsi que, grâce à une logorrhée articulée en vitesse accélérée par Wladimir Yordanoff la débitant avec la pression d’un métronome, se met en place la détermination à foncer tête haute dans une dialectique sans faille… à laquelle vont répondre, en toute complicité, les superbes fulgurances de Dominique Valadié.

En conséquence, un spectacle, fort, intense mais sans violence démonstrative, laissant à l’imaginaire le soin de compter les coups éventuels de ce match de boxe symbolique, uniquement en hors champ, à cour et à jardin.

Le décor totalement rudimentaire et décati, composé exclusivement d’un canapé et d’un escalier permettant toute dérobade éventuelle, vient ainsi authentifier la volonté du metteur en scène de placer l’enjeu dramaturgique à hauteur de l’abstraction nécessaire à une « renaissance » mentale prise à contre-pied de la version traditionnelle « rentre dedans ».

Alors, à l’issue de la cérémonie fin mai, que restera-t-il des cinq nominations glanées sur réputation consensuelle… mise à l’épreuve aléatoire des Molières au second tour des votes ?

En tout état de cause, qu’importent les trophées, puisque toute l’équipe réunie autour d’Alain Françon aura su s’extraire des ondes négatives et des rails nuisibles pour découvrir, de facto, un purgatoire artistique bénéfique à tous et, qui plus est, à cette réalisation fort plébiscitée par le public et la critique !

photo 1 & 2 © DR. Dunnara Meas

photo 3 © Theothea.com

QUI A PEUR DE VIRGINIA WOOLF ? - ***. Theothea.com - de Edward Albee - mise en scène Alain Françon - avec Dominique Valadié, Wladimir Yordanoff, Julia Faure et Pierre-François Garel - Théâtre de Suresnes / en tournée 2016

 

 


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