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Guinée équatoriale : Développement infrastructurel jusqu’à la fracture sociale

A n’en pas douter, la Guinée équatoriale a changé son paysage urbain ces dernières années. Jusqu’à l’année 2014 de vastes chantiers de construction ont été entrepris, dans une perspective « horizon 2020 » devant permettre un accès à un plein développement. Routes, cliniques, stades, logements dits sociaux, bâtiments publics, centres de réceptions luxueux, ville nouvelle à Oyala, qui n’était qu’un petit village de quelques maisonnettes en planches, associée à une future université internationale, la liste est longue de ces réalisations qui ont remanié le décor de la Guinée équatoriale.

La crise économique due à la chute brutale du prix du baril de pétrole a stoppé net cet élan, faisant apparaitre un autre facteur de crise, celui-ci systémique. Tout d’abord la gestion de l’ensemble du patrimoine de constructions récentes s’est déclinée en deux axes :

1/ Les équipements nécessaires au développement (Routes, productions d’énergie, modernisation urbaine etc.)

2/ Les équipements de prestige non nécessaires (Hôtels luxueux, Villes nouvelles de Sippopo ou Oyala, bâtiments publics surdimensionnés etc.).

Ceci de façon schématique, certains équipements nécessaires ont aussi été surévalués, comme l’autoroute Bata/Mongomo, ne servant aujourd’hui quotidiennement qu’à quelques centaines de véhicules. Avant la crise pétrolière, le budget de l’état étant conséquent, cette situation impactait positivement le paysage économique et social, ces réalisations étant pourvoyeuses d’emplois. Mais à dépenser sans compter, le retour de bâton, au fait de la crise économique, est d’autant plus fort, montrant le contraste qui existe entre cette vitrine flamboyante et la réalité qui la soutient.

Tout d’abord on peut parler d’incohérences patentes entre les besoins strictes de développement dont la Guinée équatoriale avait tant besoin et les choix de dépenses inutiles. Pour exemple, si aujourd’hui une ville nouvelle, Oyala, est bien en œuvre, personne ne saurait dire à quoi elle va servir tant la démesure caractérise ce projet. Par contre, Bata la capitale économique, se retrouve dans le même temps en pénurie d’énergie électrique depuis plusieurs mois, laissant ses habitants dans l’inconfort et paralysant partiellement l’activité de cette ville. La raison en est relativement simple, la centrale hydroélectrique de Djibloho [1] devant desservir Bata et la partie continentale a été sous-évaluée, elle reste sujette aux fluctuations du débit du fleuve, n’ayant pas une retenue d’eau suffisante. Ainsi nous avons pu voir le Ministre des mines de l’industrie et de l’énergie, Monsieur Gabriel Mbega Obiang Lima, « comparaitre » devant le Sénat pour donner des explications embarrassées [2], 8 mois après les premiers délestages pour cause de « saison sèche » la pénurie est toujours d’actualité, un comble en zone équatoriale.

D’autres exemples sont aussi emblématiques. La création de centres hôteliers luxueux en prévision du développement d’un tourisme haut de gamme ou d’affaires, ces établissements restent vides, le climat politique de la Guinée équatoriale n’en faisant pas une destination attractive. Pendant que des cliniques modernes se sont érigées, les hôpitaux publics anciens et vétustes sont restés en l’état, or les citoyens équato-guinéens n’ont pas les moyens d’accéder à ces nouvelles structures. Il apparait aussi que les logements sociaux sont disponibles finalement pour location vers ceux qui ont des revenus à la hauteur des loyers proposés. En bref, la vitrine, tant revendiquée par les autorités, contient en coulisse un creuset d’inégalités sociales.

La motivation de ces choix porte en elle une autre forme d’iniquité, le « clan Obiang » a créé un maillage de sociétés dans le domaine du BTP, permettant de s’octroyer les marchés et les budgets attribués. De la même façon d’autres marchés ont connu des coûts surévalués, permettant un turn-over de l’argent dans des circuits très fermés.

Il est évident que ce contexte de dépenses non projectives ne pouvait être propice à ce qui apparait aujourd’hui comme le talon d’Achille de la Guinée équatoriale à savoir, le développement d’une économie non diversifiée. Pour résumer, l’économie reste dépendante à plus de 90% des revenus pétroliers qui, au summum de la baisse des prix du baril, laisse la Guinée équatoriale avec une économie mortifère, devant pourtant continuer à se plier à l’exercice engagé au temps de la richesse, c’est-à-dire l’importation de la quasi-totalité des produits les plus vitaux.

Pendant un temps donné, il eut un effet positif pour l’emploi avec une offre soutenue dans tous les chantiers engagés. Cela a abouti à une situation pernicieuse, ces emplois ont créé un climat de quasi fonctionnarisation pour les équato-guinéens qui se sont retrouvés, du jour au lendemain, brutalement débarqués et éjectés de ce système, le taux de chômage grimpant en flèche. Il faut aussi considérer que l’ensemble de ces chantiers a propulsé des budgets considérables hors de la Guinée équatoriale. En effet, à part la masse salariale injectée dans l’économie, la quasi-totalité des matériels et matériaux de construction a été importée. Pour exemple, il n’a pas été envisagé de créer au moins une cimenterie afin de produire dans le pays cet élément de base.

Au bout du compte, depuis la création de ces infrastructures non planifiées dans un plan d’ensemble cohérent et structuré et au détour de cette crise économique, c’est une fracture sociale qui apparait soudainement, proportionnelle à la fragilité d’une situation de plein emploi et de développement relativement factice

Certains pourront en retenir pourtant un paysage équato-guinéen changé, d’autres que la situation de crise engagée depuis 2 ans risque de se prolonger dans le temps et d’accentuer une crise sociale et de mécontentement. Pour le moment on ne voit aucun signe de réelle prise de conscience de la part des autorités que ce soit sur le plan politique où la situation d’ouverture, à l’approche des élections présidentielles, se fige une fois de plus, de même sur le plan économique avec aucune dynamique nouvelle. Cette dernière situation semble liée au climat politique particulier qui n’incite pas les acteurs internationaux à s’engager plus avant en Guinée équatoriale.

Dans une telle situation c’est l’ensemble des « énergies vives » qui devraient être sollicitées pour redresser une économie qui sera très vite exsangue, cela demande ouverture et climat social apaisé, toute chose qui font cruellement défaut à ce jour.

[1] http://www.france-guineeequatoriale.org/News/1051.html

[2] http://www.guineaecuatorialpress.com/noticia.php?id=7458


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6 réactions à cet article    


  • alinea alinea 23 avril 2016 15:36

    C’est pitié de voir que tout le monde fait les même conneries, tout autour de la planète !
    Cette politique de l’offre, mortifère !


    • Michel Solo Michel Solo 23 avril 2016 15:57

      Nous sommes « simplement » dans le moule de la mondialisation Alinea, il est assez normal de retrouver les mêmes façons, les mêmes acteurs, ici ou là, c’est un turn-over parfaitement réglé avec des connotations particulières suivants les lieux, les histoires, les cultures.


      • alinea alinea 23 avril 2016 17:19

        @Michel Solo
        Bien sûr, mais c’est partout aussi absurde : les autoroutes en Grèce, aéroports en Espagne qui n’ont jamais vu d’avion, et des villes vides en Andalousie !
        Je crois que Chavez ou Kadhafi ont fait autre usage de l’argent de leur pétrole ; c’est vrai, ils ont mal fini !!


      • Michel Solo Michel Solo 23 avril 2016 17:26

        C’est ce qu’on appelle des « éléphants blancs » et on en retrouve à tous les coins du monde, c’est un animal qui n’a pas de frontières, oui bien sur..


        • xavier dupret xavier dupret 26 avril 2016 20:46

          Très intéressant article sur un pays trop méconnu. je vous ai twitté. Continuez comme ça. J’adore. 


          • Michel Solo Michel Solo 27 avril 2016 15:51

            Merci de l’appréciation Xavier.

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