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Accueil du site > Actualités > Citoyenneté > Indonésie : un nouveau compte à rebours ?

Indonésie : un nouveau compte à rebours ?

« L’État n’a pas le droit de juger en dernier ressort du destin ultime de la personne humaine. (…) Au fond de chaque homme civilisé se tapit un petit homme de l’âge de pierre, prêt au vol et au viol, et qui réclame à grands cris un œil pour œil. Mais il vaudrait mieux que ce ne fût pas ce petit personnage habillé de peaux de bêtes qui inspirât la loi de notre pays. » (Albert Camus, "Réflexions sur la peine de mort",1955).



Il y a un peu plus d’un an, le 29 avril 2015, des exécutions avaient été organisées en Indonésie. Dix condamnés à mort, principalement des étrangers (neuf sur dix), étaient sur la liste pour subir le sort réservé à ceux qui sont reconnus coupables, au cours d’un procès, de trafic de drogue.

Le Président indonésien Joko Widodo (en fonction depuis le 20 octobre 2014) avait rompu le moratoire sur les exécutions en recommençant les exécutions le 18 janvier 2015 (six condamnés avaient alors été exécutés dont cinq étrangers). Au cours de sa campagne électorale, il s’était engagé à être très ferme contre les trafiquants de drogue au point de vouloir appliquer très strictement les verdicts des juges.

Au dernier moment, deux personnes furent exclues de la funeste liste, Mary Jane Veloso, une jeune Philippine visiblement manipulée par des trafiquants de drogue, et Serge Atlaoui, un Français dont j’avais évoqué l’insoutenable légèreté de son avenir.

Les huit autres condamnés ont été exécutés par balles, ce qui a provoqué de fermes protestations internationales mais n’a rompu aucune relation diplomatique, notamment avec l’Australie, autre puissance régionale, qui n’avait rappelé son ambassadeur que de manière provisoire (deux condamnés exécutés étaient de nationalité australienne), comme l’avaient fait sans effet les Pays-Bas et le Brésil en janvier 2015.

Les deux condamnés sauvés à titre temporaire avaient clamé en vain leur innocence et aucun recours ni grâce n’a accordé depuis cette date et ils sont donc, comme les soixante-deux autres condamnés à mort en Indonésie pour trafic de drogue, passibles d’une exécution à tout moment. Pour Serge Atlaoui, le recours a été rejeté d’abord le 22 juin 2015 par la cour administrative puis le 14 juillet 2015 par la Cour suprême.

Et justement, ce mercredi 4 mai 2016, une mauvais nouvelle est venue de ce pays. Aloysius Lilik Darmanto, porte-parole de la police de Java a en effet annoncé que de nouvelles exécutions auraient lieu bientôt. Il avait reçu l’ordre du parquet général de Jakarta, il y a un mois, de préparer les lieux pour faire de nouvelles exécutions.

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Condro Kirono, l’inspecteur général de la police de Java centre, a confirmé que tout était maintenant en place : « C’est juste une question de temps. Nous sommes prêts à procéder aux exécutions. (…) Nous avons déjà sélectionné le personnel affecté à cette tâche. ». Aloysius Lilik Darmanto a complété : « Il nous faut aussi préparer les endroits où nous entreposerons les corps avant de les rendre aux familles. (…) Chaque condamné fait face à dix militaires armés et un commandant. Nous les sélectionnons consciencieusement et les entraînons. ». Comme en 2015, tout se passera dans le complexe pénitentiaire de Nusakambangan, petite île au large de Java, au sud.

Aucune date n’a encore été fixée et surtout aucun nom n’a encore été annoncé, ni même le nombre d’exécutions prévues ni si des étrangers en feraient partie ou pas. Un des avocats de Serge Atlaoui a voulu se rassurer en disant que d’habitude, les autorités indonésiennes avertissent l’ambassade des pays dont sont ressortissants les personnes qui devraient être exécutées. Et l’ambassade de France à Jakarta n’a été informée d’aucune exécution concernant Serge Atlaoui. Le dernier Français exécuté fut l’assassin Jérôme Carrein il y a presque quarante ans, le 23 juin 1977 (il fut guillotiné à Douai).

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Même si Serge Atlaoui passait au travers des mailles de cette nouvelle vague d’exécutions, il n’en reste pas moins que les autres condamnés d’infortune qui subiront ce funeste sort, aussi coupables soient-ils, aussi cruel soit leur crime, seront les sujets d’un véritable scandale qu’est le principe de la peine de mort et qui existe aussi, entre autres, dans des pays comme la Chine, l’Iran, les États-Unis, l’Arabie Saoudite, le Pakistan, les Maldives, etc.

Hikmahanto Juwana, professeur de droit international à l’Université d’Indonésie, avait expliqué le 19 janvier 2015, après la première vague d’exécutions : « L’Indonésie ne sera pas isolée parce que nous exécutons des prisonniers. ». Les réactions diplomatiques notamment du Brésil et des Pays-Bas (ancien pays colonisateur de l’Indonésie) avaient été somme tout très timorées.

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La réaction de la France le 22 avril 2015, avant la deuxième vague d’exécutions, avaient été beaucoup plus ferme mais peut-être contre-productive dans la mesure où la diplomatie française mettait en cause la pertinence des juges indonésiens et toute pression extérieure pourrait au contraire, par nationalisme, renforcer la volonté politique actuelle de poursuivre les exécutions. Grand pays de 250 millions d’habitants et puissance économique de l’Asie et de l’Océanie, l’Indonésie considère qu’elle n’a de leçon à recevoir d’aucun autre pays.

Partout dans le monde (j’ai rappelé quelques pays), une exécution capitale reste un scandale et une véritable insulte aux droits humains. Ceux qui ne comprennent pas cela ne comprennent pas que ce n’est pas en étant aussi cruels que les condamnés qui sont supposés l’avoir été qu’on combat efficacement la cruauté. Pour preuve, cela ne dissuade aucun candidat aux futurs crimes… et encore moins aucun innocent, ou du moins, aucun complice non consentant d’un trafic qui le dépasserait, qui, de toute façon, n’avait eu aucune intention de commettre des crimes.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (07 mai 2016)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Compte à rebours ?
L'insoutenable légèreté de son avenir.
Les droits de l'Homme.
Vers un moratoire en Indonésie ?
Le pape résolument contre la peine de mort.
Les valeurs de la République.
Le rejet du dernier recours de Serge Atlaoui.
Serge Atlaoui échappe de peu à l'exécution.
Encore la peine de mort.
Chaque vie humaine compte.
Rapport d’Amnesty International "Condamnation à mort et exécutions en 2014" (à télécharger).
Il n’y a pas d’effet dissuasif de la peine de mort (rapport à télécharger).
Peshawar, rajouter de l’horreur à l’horreur.
Hommage à George Stinney.
Pourquoi parler des Maldives ?
Maldives : la peine de mort pour les enfants de 7 ans.
Pour ou contre la peine de mort ?
La peine de mort selon François Mitterrand.
La peine de mort selon Barack Obama.
La peine de mort selon Kim III.
La peine de mort selon Ali le Chimique.
Troy Davis.
Les 1234 exécutés aux États-Unis entre 1976 et 2010.
Flou blues.
Pas seulement otage.
Pas seulement joggeuse.
Nouveau monde.
Le 11 septembre 2001.
Chaos vs complot.

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5 réactions à cet article    


  • berry 7 mai 2016 12:20

    La gauche aime bien défendre les criminels en les faisant passer pour des victimes de la société, même si c’est en dépit des évidences.
     
    Patrick Henry, l’assassin du petit Philippe Bertrand, a bénéficié de ce traitement de faveur, il est devenu un symbole de la lutte de la gauche contre la peine de mort.
    Manque de pot, à sa sortie de prison il a replongé pour trafic de drogue...
    J’ai découvert récemment qu’il avait également tué un motard avec sa voiture dans les années 70.
    Le personnage falot prend des airs de tueur en série stoppé dans son élan.
     
    http://www.egaliteetreconciliation.fr/Patrick-Henry-portrait-of-a-serial-killer-tue-dans-l-oeuf-26948.html


    • César Castique César Castique 7 mai 2016 15:26

      Ceux qui ne comprennent pas cela ne comprennent pas que ce n’est pas en étant aussi cruels que les condamnés qui sont supposés l’avoir été qu’on combat efficacement la cruauté.« 



      Dans un Etat de droit, il n’y a aucune cruauté dans la peine de mort. Nul n’étant censé ignorer la Loi, le transgresseur sait ce qu’il joue à prendre le risque. A la différence de la victime, qui n’a joué à rien, mais qui est exécutée quand même...


       »Pour preuve, cela ne dissuade aucun candidat aux futurs crimes…« 

      Certaines études ont démontré le contraire, mais Rakotoarison ne veut pas le savoir. 

      Camus, lui, il le savait mais il s’en foutait de ceux qui étaient susceptibles d’être sauvés par la perspective d’une exécution.

      Dans ses Réflexions sur la guillotine, il a écrit :

       »Mais, après tout, pourquoi la société croirait-elle à cet exemple puisqu’il n’arrête pas le crime et que ses effets, s’ils existent, sont invisibles ? La peine capitale ne saurait intimider d’abord celui qui ne sait pas qu’il va tuer, qui s’y décide en un moment et prépare son acte dans la fièvre ou l’idée fixe, ni celui qui, allant à un rendez-vous d’explication, emporte une arme pour effrayer l’infidèle ou l’adversaire et s’en sert, alors qu’il ne le voulait pas, ou ne croyait pas le vouloir. Elle ne saurait en un mot intimider l’homme jeté dans le crime comme on l’est dans le malheur. Autant dire alors qu’elle est impuissante dans la majorité des cas.« 

      Cela signifie qu’elle peut être »puissante« dans une minorité de cas, le grand humaniste a choisi de s’asseoir. C’est son droit. Comme c’est son droit de citer un cas de figure foireux à l’appui de sa démonstration - »...alors qu’il ne le voulait pas, ou ne croyait pas le vouloir..." -, parce quand on veut simplement effrayer, intimider, on ne charge pas, c’est aussi con que ça !

      • César Castique César Castique 7 mai 2016 18:25

        @César Castique



        Complément :
        « Cela signifie qu’elle peut être »puissante« dans une minorité de cas, le grand humaniste a choisi de s’asseoir dessus. »

      • Breizh Atao 7 mai 2016 18:00

        Qu’en pensent les indonésiens, qui sont en fait les premiers concernés ?


        • sls0 sls0 8 mai 2016 07:11

          Je viens de regarder une vidéo qui m’apprend que du fait que j’ai un smartphone, je suis responsable de la mort de personnes et de travail d’enfants. Bon, ils étaient un peu responsables, quelle idée de vivre dans un pays pauvre.
          D’accord c’est hors sujet et c’est des gens originaires de pays pauvres.
          J’ai apprécié le commentaire ci-dessus, qu’en pensent les indonésiens, ils sont chez eux il me semble.
          Je vis à l’étranger, il y a des choses qui me dérangent, comme je ne suis pas chez moi, je ne l’ouvre pas de trop. Quand je l’ouvre c’est que je suis persuadé que ça va apporter un plus et une adhésion.
          Je passe toujours par l’exemple si possible.

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