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Accueil du site > Culture & Loisirs > Étonnant > Vingt-quatre heures pas ordinaires

Vingt-quatre heures pas ordinaires

L’Allier ne fut pas le nôtre.

Vous nous avez quittés le jeudi en fin d’après-midi à Apremont, le village qui sait accueillir les canoëtistes. Nous avons reçu de la visite pour le dîner ; des paniers se sont ouverts et ce fut une belle tablée chaleureuse qui nous permit de partager nourriture et contes. Marie, Brigitte, Jef, Dominique, Malik et Jean-François se pressent autour de la table de pique-nique. Nous nous régalons de récits des uns et des autres …

Gérard vient nous saluer en voisin. Il habite la superbe Capitainerie située en amont du village. C’est une maison du quinzième et j’ai le privilège de visiter la pièce d’entrée avec son escalier à vis, taillé dans la pierre d’Apremont, et une cheminée d’époque. Gérard se confond en excuses : il ne peut nous héberger car il prépare une exposition qui aura lieu à Beaugency dans le Loiret du 10 au 25 juin.

Ses œuvres me font étrangement penser à l'univers des Chamaloires. Des personnages fantasmagoriques, des touches de couleur, du relief donnent une impression d’étrangeté et de douceur, de mélancolie et de tendresse. Il est également sculpteur et réalise des personnages étonnants sur des bois flottés d’Allier auxquels il ajoute quelques éléments pour tirer sur le figuratif.

Il nous offre néanmoins de nous installer dans son jardin afin de nous éviter la traversée de la rivière la nuit. C’est avec plaisir que nous acceptons cette aimable proposition. Au petit matin, il aura même la délicatesse de nous porter le café juste au moment de notre embarquement pour ce qui va s’avérer être une expédition périlleuse et arrosée …

En attendant, la soirée s’achevait avec les gens de Nevers qui repartaient avec deux Bonimenteries. Journée faste pour les éditons du jeu de l’Oie. Parmi nos visiteurs, un auto-éditeur qui s’est spécialisé dans les ouvrages techniques des motos spécifiques. Vous pouvez vous renseigner plus amplement en tapant Jef 2 Nevers.

Et ce fut le quatrième jour : nos adieux à monsieur Allier et surtout deux obstacles redoutables. Tous les riverains nous avaient prévenus, certains mis en garde, d’autres se voulant rassurant et même parfois confiants. L’écluse ronde des Lorrains avait été aménagée, affirma un promeneur qui instilla une certaine dose d’insouciance dans l’esprit de mon Georges. J’avais été échaudé en cet endroit il y a deux ans déjà et j’en gardais quelques craintes …

Je n’eus pas le temps de transmettre mes appréhensions à mon coéquipier qu’il se lançait à l’aveugle dans le saut de chaussée en dépit du bruit tonitruant qui envahissait le secteur. J’étais en train d'accoster en un endroit pas très commode quand je vis son bateau plonger puis exécuter une volte-face scabreuse accompagnée d’un grand bruit.

Le temps d’attacher mon canoë, je vis Georges se sortir tant bien que mal de son embarcation qui gisait en travers des chutes d’eau. J’étais rassuré sur son compte mais pas sur le contenu de l'embarcation ; en effet, ses affaires, dont l'indispensable pagaie filaient dans le courant, . Je passai aussi vite que je pus mon esquif pour aller repêcher ce qui pouvait l’être.

En revenant, une ou deux minutes plus tard, je découvris mon ami en état de sidération, regardant son bateau passer véritablement à la lessiveuse, tournant sur lui-même et menaçant de se rompre sous la force incroyable du courant. Un bidon étanche finit par s’ouvrir, libérant son petit linge dans les eaux de l’Allier.

Que faire ? Retourner à la pêche ou intervenir pour sauver le bateau. Je préférai la seconde solution tout en me demandant si mon camarade était en état de me donner un coup de main. Il finit pas réagir quand je jouai le garçon vacher américain, lançant une corde tel un lasso. Après de vaines tentatives, le miracle eut lieu et je réussis à faire revenir le pauvre canoë rouge près de la rive. La suite fut alors une longue liste de désolations. Nous mesurions au fur et à mesure ce qui avait été perdu ou endommagé.

Les appareils photographiques ne termineront pas le voyage, le téléphone non plus mais Georges n’est pas homme à se laisser aller. Le périple continuera avec ce qui reste. L’aventure pouvait donc reprendre après une pause-baignade de plus de deux heures. Mais un autre monstre nous attendait : le pont-canal du Guetin dont la double chaussée est envahie d’arbres morts avec une déclivité qui en refroidirait plus d’un.

Cette fois mon camarade était moins hardi et, somme toute, assez transi pour ne plus tenter à nouveau le diable. Nous approchâmes prudemment de la chute d’eau et c’est là que nous commîmes la seconde folie de notre journée. Georges affirmait qu’il y avait un passage plus sûr sur la droite, que nous l’avions manqué par précipitation.

Je ne voulus pas contrarier celui qui avait été tant éprouvé il y a peu et nous nous lançâmes dans une folle remontée du courant, très violent en cet endroit. Nous remontâmes jusqu’au pont de chemin de fer pour constater, épuisés et dépités que nous avions fait tout ça pour rien. Le retour à la case barrage se fit facilement puis ce fut un nouveau portage entre orties et gadoue pour notre plus grand plaisir …

Nous en avions enfin terminé avec ces passages sportifs qui nous avaient pris, au bas mot, cinq bonnes heures. Il était temps de quitter l’Allier qui nous avait joué vilain tour à sa façon.Voici que nous débouchions sur la Loire au bec d’Allier tout émerveillés par ce spectacle grandiose. Nous avions cependant encore une quinzaine de kilomètres pour arriver jusqu’à La Charité dont le pont est, lui aussi, un obstacle de taille.

Qu’ils furent longs ces derniers coups de pagaie pour mon collègue qui n’en pouvait plus ! Il trouva réconfort dans un arrêt à Marseilles-les-Aubigny où la boulangère accepta de lui rouler une cigarette : le marchand de tabac étant fermé et le tabac de mon coéquipier trempé. Je complétai la potion par quelques gâteaux de nature à lui remettre un peu de gaz dans le moteur …

Nous sommes devant le pont. L’expérience ou la sagesse, la crainte ou la raison nous font renoncer à le passer ce soir. Demain, nous choisirons les roulettes pour ne pas risquer une autre journée de galère. Je me range à son désir : il faut parfois renoncer à faire les fiers-à-bras. Quelle frayeur à la pensée que les flots auraient pu engloutir également mon cher ordinateur !

Nous sommes seuls ; nous campons au pied du pont et de la cité qui ne doit manifestement pas être reliée à internet. C’est normal, c’est la cité des mots et une fois encore, rendez-vous sera manqué pour moi avec cette ville des livres. Je ne dois pas savoir y faire. Qu’importe, l’eau continuera de couler sous les ponts et demain nous savons que nous recevrons un merveilleux accueil à Saint-Satur près de Sancerre.

Bonne nuit les terriens.

Humidement vôtre.


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4 réactions à cet article    


  • juluch juluch 15 mai 2016 13:03

    Vous déconnez les gars.....vous écoutez pas la raison des gens du cru ?????  smiley


    Vous vous en sortez pas trop mal en tout cas.

    On aimerai pas vous perdre !  smiley

    J’ai bien aimé l’expression« garçon vacher américain »......pour pas dire cowboys !

    Mef’ et à bientôt !  smiley

    • C'est Nabum C’est Nabum 16 mai 2016 07:23

      @juluch

      Nous devons écouter la voix de la sagesse

      La Loire décide


    • air pur air pur 15 mai 2016 16:29

      avant de partir je vous l’avais dit , méfiez vous du barrage d’Apremont et du pont canal, l’expérience est une lanterne qui n’éclaire que le chemin parcouru.....

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