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Accueil du site > Culture & Loisirs > L’été léger > Bréhémont et merveilles

Bréhémont et merveilles

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Bréhémont et merveilles.

La balade continue.

L’arrivée à Tours nous laissa sans point de chute. Que faire dans cette grande ville, qui à l'instar de sa petite rivale ligérienne, n’ouvre guère son cœur aux traîneux et chemineux ? Nous pensions trouver notre bonheur à la guinguette de Rochecorbon. Las, trop de monde, trop de bruit en ce lieu incroyable, voué exclusivement à la danse. Le responsable de l’animation fut très clair quoique fort aimable et disponible : les gens viennent ici en nombre pour guincher et uniquement guincher. Le Bonimenteur ferait tache ici ; je l’avais compris du premier coup d’œil : l’homme avait raison.

Nous allions poser nos cliques et surtout nos fracs au camping de Vouvray. Celui-ci, quoique très agréable, est déserté par les touristes. Serait-il en dehors du désormais mythique parcours de la Loire à vélo ? Point de cyclistes à l’horizon et bien peu de monde ; nul curieux à qui raconter une histoire. Compte tenu de l’état de fatigue de votre serviteur, ce n’était pas plus mal ; la journée avait été longue avec six heures passées sur les flots.

Ce n’est qu’aux alentours de 19 heures que nous avions enfin dressé la Taconnerie. Je n’avais pas écrit mon billet ; le temps pressait car je me dois de remplir ma mission chaque jour : je n'accepterais pas de vous décevoir . C’est au moment où j’étais en pleine rédaction que Clémence survint, chargée de victuailles après avoir lu notre bouteille à la toile. Quel bonheur pour nous qui n’avions plus rien à nous mettre sous la dent !

Elle écouta nos récits ; elle nous réconforta par sa présence en ce lieu de grande solitude. Elle m’émut lorsqu’elle évoqua son premier cours de formation pour devenir enseignante spécialisée où la formatrice lut aux quarante-deux stagiaires un de mes textes sur l’école d’antan. L’enseignante avait dit ignorer l’auteur de ce texte ; Clémence reconnut mon style et se mit à pleurer d’émotion, ce qui intrigua sa formatrice. Ainsi fut découvert celui qui resta toujours un marginal dans sa grande maison. Nous étions fort loin de la Loire … Il convient d’y retourner de ce pas, en passant néanmoins chez Georges Fradin au domaine des Bouvineries pour refaire le plein en bulles de Loire.

C’est enfin le moment du départ. Nous sommes à la cale du Gué Louis XI entre Tours et Saint-Cyr. Une femme observe la Loire juste à côté de nous, elle surveille son chien et admire la rivière ; on dirait qu’elle médite. Elle s’appelle Michelle, avec deux ailes, pour mieux voler, nous dit-elle. Elle est kayakiste ; elle me conseille, compte tenu du niveau d’eau, de prendre la pile de droite. Le pont de Saint -Cosme est redoutable, elle ira surveiller mon passage …

Sophie et sa fille Marie viennent d’Orléans pour m’apporter des effets propres et un grappin. Sophie est marinière au Chemin de l’eau : l’association de Combleux ; elle a profité d’un passage à Tours pour nous faire le cadeau de sa visite. Désormais, nous aurons une bouteille de gaz pour nous faire un café le matin : un luxe dont nous nous sommes passés depuis le début. Tout va bien. J’embarque en direction de Langeais.

Je passe le terrible pont comme une lettre à la poste : les conseils avisés de Michelle m’ont évité bien des déboires. Je quitte l’agglomération tourangelle et de suite, je me retrouve au milieu de nulle part. La rivière est sauvage, elle vous offre immédiatement dépaysement et tranquillité. Je croise deux bateaux à passagers : il y a de l’activité sur ce beau bassin.

Puis c’est une nouvelle Loire, des îles qui se multiplient, qui font des ramifications, qui offrent des parcours étroits avant que de déboucher de nouveau sur le grand lit en majesté. Les peupliers continuent de me régaler de leurs graines, la rivière est couverte de points blanchâtres. Je suis seul sur ce vaste espace. j’ai le sentiment que les oiseaux sont moins nombreux de ce côté-ci.

Soudain, au loin, j’aperçois deux bateaux transportant une multitude d’enfants. Ils ont accosté sur une île. Je pense l’occasion belle d’aller à leur rencontre et de leur proposer une histoire à ma façon, simplement par plaisir du partage et de la rencontre. Quelle déception ! à mon approche, les embarcations se remettent en route. On me salue poliment mais manifestement, personne ne me connaît. Voilà le fruit du silence des journaux : je n’ai pu faire cadeau d’un conte aux enfants. Merci messieurs de la presse peureuse !

J’avance moins vite que les jours précédents. La Loire a fini de gonfler, elle est étale, elle ne pousse plus autant. Des pêcheurs me saluent, tiennent un petit bout de conversation durant mon passage fugace. J’aime ces quelques secondes et déplore l'attitude de ce monsieur respectable qui fuit à mon approche. Plus tard, j’apprendrai que j'étais dans un lieu de rencontres particulières ; manifestement, je n’avais pas la tête de l’emploi.

J’arrive au pont de chemin de fer qui annonce l’embouchure du Cher. Je suis surpris par le courant à cet endroit : il tire mon embarcation par le travers. Sous le pont, le canoë se met à surfer sur quelques mètres. J’ai le cœur qui bat. Je ne profite guère du plaisir de la glisse. Le Cher arrive, puissant, il se refuse à moi. J’aurais aimé le remonter un peu mais le courant est trop fort. Je suis surpris aussi de l’absence d’odeur. Quand j’étais passé là à l’étiage, j’avais été frappé par son parfum musqué entêtant. Les hautes eaux suppriment le plaisir olfactif.

Je fais halte quelques minutes à Langeais, sous ce pont enfin débarrassé des reliquats de celui qui avait été bombardé lors de la seconde guerre. Cette fois, le passage est plus facile ; il ne pose du reste aucun problème. J’envoie un message sur la toile pour rassurer ceux qui me suivent sur ma page facebook : « C’est Nabum » avant que d’achever mon périple du jour.

Bréhémont m’attend. Avant de voir ce magnifique petit village lové contre la rivière, je passe au-dessus d’un cite archéologique. Un train de bateaux de l’époque napoléonienne a sombré par ici avec armes et munitions. Laissons ces vestiges dans les secrets de notre rivière et allons de l’avant. Le clocher de Bréhémont semble me montrer le chemin. L’ombre portée de sa flèche se reflète sur la proue de mon esquif. Je suis ce signe du destin.

À Bréhémont, Alexis m’attend. Il a déjà récupéré Georges et, c’est à bord de La Ritournelle, cette grande toue à passagers, qu'ils viennent à ma rencontre. Ce soir, quatre sorties sont prévues afin que je conte la rivière à son bord. Les demandes affluent. Quelle récompense ! Je suis comblé et notre ami joue le jeu : la sortie sera gratuite. Chapeau, Monsieur le marinier, c’est la grande classe !

Pour que je sois présentable, Alexis me propose d’aller me doucher chez son ami Romain, le pêcheur professionnel. Bien qu’il doive bientôt partir, Romain m’accueille avec plaisir. Je visite son atelier et j’observe ses engins, ses filets et son matériel. Sa boutique domine la rivière ; on y trouve soupe de poisson, rillettes et poissons fumés de Loire. Si vous passez par Bréhémont, n’hésitez pas à lui rendre visite, juste en aval de l’église, et profitez-en pour admirer ce village typique, jadis célèbre pour ses pissotières, cela ne s’invente pas !

 

Bonne soirée les terriens, la mienne s’annonce plaisante.

Conteusement vôtre.

 


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4 réactions à cet article    


  • juluch juluch 28 mai 2016 14:40

    Je suis toujours étonné par le nombre de personne qui vous connaisse sur la Loire. Des gens sympathiques te d’autres un petit peu moins.....c’est la vie.  smiley


    Toujours à vous suivre !  smiley

    • C'est Nabum C’est Nabum 28 mai 2016 16:50

      @juluch

      Je suis Le Bonimenteur de Loire

      Les uns m’apprécient, les autres me détestent
      C’est la rançon de la Loire


    • LOKERINO LOKERINO 29 mai 2016 09:38

      « admire la rivière ; on dirait qu’elle médite »"

      allons allons, le plus long fleuve de France réduit au qualificatif de rivière .. !l

      Sinon, merci du récit, je m’y retrouve presque , j’’ai fais le même parcours que cet épisode fin des années 70, mais en planche à voile

      Je ne vous connais pas non pus ! mon inculture sans doute !

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