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Être « hôte » d’une compétition sportive n’est pas une sinécure

Alors que les Jeux olympiques de Rio commencent dans deux semaines, l'organisation n'a pas été épargnée par les critiques, qui tournent au dénigrement pur et simple. Si certaines de ces accusations s'avèrent justifiées, le procès médiatique intenté à l'organisation brésilienne, et même à celle de Tokyo-2020, demeure disproportionné et ne doit pas éluder les immenses opportunités qu'offre l'accueil d'un tel événement au pays-hôte.

Football, athlétisme, tennis, cyclisme... Les scandales sportifs se succèdent dans les médias, révélant des dérives qui effraient autant les pratiquants que le grand public. Après le « Fifagate », les matchs de tennis truqués et le chantage de la Fédération internationale d'athlétisme pour couvrir les athlètes russes dopés, la position ambigüe de l'Union cycliste internationale sur le dopage mécanique a porté un nouveau coup dur à l'image du sport. Avec le doute qui grandit à chaque affaire, le moindre fait inhabituel est maintenant considéré comme suspect. À quelques jours du début des Jeux olympiques (JO) de Rio, la ville-hôte n'échappe évidemment pas aux critiques, qui ont commencé à fleurir avant même que la torche n'ait quitté Olympie.

Choisie en 2009 alors que le Brésil était en plein boom économique, la capitale brésilienne a depuis connu le brutal contrecoup de la crise mondiale, plongeant le pays dans l'incertitude la plus totale. La chute de la présidente Dilma Rousseff à trois mois de l'échéance olympique, combinée à la gronde populaire et à la menace Zika, ont donné aux détracteurs plus de grain à moudre qu'ils ne pouvaient l'espérer. « Tous les quatre ans, c'est la même chose : jusqu'à la veille des Jeux, on a de grosses craintes et finalement tout se passe bien, constate Marc Ventouillac, journaliste spécialiste des institutions sportives à l'Equipe, dans une interview publiée sur le site Francs Jeux. On craignait la pollution et les embouteillages tant aux Jeux de Pékin et d'Athènes, et on n'a jamais si bien respiré et circulé dans ces deux villes. Pour Rio, la situation est comparable [...]. Que ce soit au niveau de la sécurité ou de l'organisation, chacun s'attend à d'énormes problèmes. Pour autant que je sache, la Coupe du monde de football s'est bien passée. »

Paris 2024 : l'arrosé arroseur

Au scepticisme ambiant sur la réussite de la compétition s'ajoutent les suspicions autour du choix de la ville-hôte, devenues systématiques depuis les accusations de corruption à l'encontre de Salt Lake City pour l’obtention des Jeux d'hiver en 2002. Dernière victime de ces supputations pour l'instant sans fondement : la ville de Tokyo, désignée en 2013 pour accueillir les Jeux d'été en 2020. Suite aux révélations du versement d'1,8 million d'euros à l'entreprise Black Tidings avant et après l'attribution des Jeux, les attaques ont fusé sur les liens entre la société de consulting et le Sénégalais Papa Massata Diack, l'un des principaux suspects dans un scandale qui touche la Fédération internationale d'athlétisme.

La France, candidate à l'organisation de l'édition 2024 à Paris, s'est d'ailleurs empressée d'ouvrir une enquête judiciaire en décembre 2015 afin de déterminer si la somme d'argent correspondait effectivement à la rémunération d'un prestataire, comme le soutient Tokyo, ou à un dessous-de-table glissé en direction des membres africains du Comité international olympique (CIO). L'excès de zèle des magistrats français, qui vise clairement à faire passer la candidature parisienne pour un élève modèle en matière d'éthique sportive, ne laisse toutefois personne dupe... Faut-il rappeler que l'attribution de la Coupe du monde 98 de football à la France fait elle aussi l'objet d'une enquête sur un trafic présumé de voix ?

Le sans faute de Tokyo 2020

Si les dessous-de-table restent condamnables, l'incroyable enjeu pour les villes et pays-hôtes justifie le lobbying intense effectué par les candidats aux Jeux. Ce combat d'influence auprès des représentants de chacun des 200 et quelques pays-membres est justement ce qui a fait trébucher Paris à trois reprises dans ses tentatives d'accueillir le rendez-vous olympique en 1992, 2008 et 2012. Malgré, de l'aveu général, un dossier plus performant que Londres. Inventé par les anglo-saxons, le lobbying est devenu une condition sine qua none pour obtenir les Jeux, comme l'a démontré la campagne de Tokyo pour l'attribution de l'édition 2020. Pour s'assurer une majorité de voix et effacer ses précédents échecs pour les éditions de 2012 et de 2016, l'équipe nippone a élaboré une stratégie proche de la perfection.

Assistée par des professionnels de la communication sportive et olympique, elle a su capitaliser sur la catastrophe de Fukushima en 2011 pour émouvoir les électeurs du CIO. Grâce aux techniques de « story-telling », plusieurs champions japonais ont ainsi raconté leur expérience du tsunami et expliqué comment les Jeux pouvaient servir à la reconstruction de la région. Et pour remédier au manque de passion reproché lors des précédentes candidatures, Tokyo a mis en scène son amour des Jeux en invitant plus de 500 000 personnes dans les rues de la capitale pendant les JO de 2012. À un an du vote, cette démonstration d'engouement populaire a produit l'effet escompté, d'autant que la capitale japonaise a apporté la preuve de sa capacité technique à organiser la compétition avec 85 % des sites concentrés sur 8 km et des infrastructures déjà en place suite à la Coupe du monde de rugby qu'elle organisera en 2019. Preuve de l'importance de plaire au-delà de la solidité du dossier, le choix du slogan « Safe pair of hands » a été souligné par Jacques Rogge, alors président du CIO, lors de son discours de félicitations. « Tokyo s'est distinguée par l'excellente qualité d'une candidature très bien construite, a-t-il déclaré. Vous vous êtes décrits comme une paire de mains sûre. En tant que chirurgien, c'est quelque chose qui me plaît. »

Fédération internationale

Pour Tokyo, la reconstruction post-tsunami par le sport n'était pas seulement un argument de persuasion. Car en dehors des sites de compétition, l'accueil des JO demeure une opportunité exceptionnelle pour un pays de développer ses infrastructures, avec d'immenses retombées sociales et économiques. Au Brésil, le ministre brésilien des finances, Guido Mantega, estime que les Jeux ont permis de créer 120 000 emplois et renforcé la croissance du pays d'au moins 1 %. Autant de perspectives qui ont motivé Lula, l'ancien président brésilien, à pousser la candidature du Brésil pour la Coupe du monde de football 2014 et de Rio pour les Jeux 2016.

« Pour autant qu'on leur trouve des défauts, ces compétitions sont l'occasion de faire la publicité du pays, même si elles ouvrent aussi les yeux sur nos problèmes, a expliqué Lula au journal Libération. La tenue des JO et du Mondial ne peut pas être l'exclusivité des pays riches. Ceux-ci sont l'occasion de développer un pays, de recevoir des investissements, de mettre en route de nouveaux projets. Conquérir les JO a été extraordinaire pour le Brésil, justement parce qu'il reste beaucoup à faire. Nous avons pu enclencher des investissements qui n'auraient pas été réalisés autrement. Ils vont laisser un legs extraordinaire pour Rio, un legs sportif et en infrastructures de transports. Il est important qu'une fois la compétition terminée, les gouvernants fassent en sorte que le patrimoine édifié profite à toute la population. »

Comme pour le Japon et Fukushima, l'organisation des JO au Brésil constitue une chance pour sortir de la crise globale dans laquelle a sombré le pays. Et comme lors de la Coupe du monde de football en 2014, nul doute que Rio 2016 réveillera l'enthousiasme de toute une nation et émerveillera le monde entier pendant plus de deux semaines. Bien que dénué de sa spontanéité passée, l'organisation de tels événements continue de sublimer la beauté du sport et de fédérer plus qu'elle ne divise. L'Euro 2016 l'a encore démontré en France où, pendant un mois, les matchs ont redonné le sourire aux Français plus qu'aucun autre événement depuis la Coupe du monde 98...


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2 réactions à cet article    


  • Jean 21 juillet 2016 14:55

    Cela doit cesser.


    • tashrin 21 juillet 2016 17:39

      ben oui c’est sur, c’est completement incomprehensible que la population d’un pays dans lequel on est pas sur d’arriver au boulot le matin à cause des balles perdues, dont le systeme educatif est à la derive, dont le systeme de soin n’est pas suffisant, et dont la population ne dispose pas des revenus suffisant à vivre, ne voit pas d’un tres bon oeil le fait de consacrer des milliards à l’organisation d’un evenement qui va rapporter des milliards... à quelques happy few au detriment de tous les autres
      Complement incomprehensible... Ou alors contrairement aux français la population bresilienne a conservé un minimum de sens commun

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