Lituanie : la corruption menace l’indépendance énergétique
En 2004, la Lituanie devenait membre de l’Union européenne. Cette adhésion était synonyme d’une certaine reconnaissance et d’une crédibilité accordée au pays, qui s’était battu de manière exemplaire afin de s’intégrer. Aujourd’hui, le petit Etat balte fait figure de bon élève au sein de l’Union. Fin 2014, il affichait un taux de croissance parmi les plus élevés d’Europe et, malgré les tensions avec la Russie, cette dynamique devrait perdurer en 2016. Reste que Vilnius se bat toujours contre le fléau de la corruption, qui demeure notamment tenace dans le secteur de l’énergie.
L’aisance du passage à l’euro et la stabilisation de la situation en Ukraine ont accru la confiance des ménages. La Lituanie bénéficie par ailleurs d’une baisse du prix de l’électricité, d’une augmentation des salaires dans le secteur public et d’une augmentation du salaire minimum. Mais la menace russe continue de hanter les esprits. En janvier 2015, l’annexion de la Crimée par la Russie et les opérations russes dans l’Est de l’Ukraine ont éveillé les craintes de Vilnius. Le ministère de la Défense avait alors publié un manuel de survie… en cas d’invasion russe et de guerre sur son territoire.
Ainsi, plus de 20 ans après avoir brisé les chaînes soviétiques, la Lituanie continue de se battre pour son autonomie, y compris énergétique. Cela explique l’enthousiasme avec lequel les Lituaniens ont accueilli le méthanier baptisé « Independence », qui est arrivé fin 2014 à Klaipeda, le principal port maritime lituanien. Il incarnait la fin du monopole du géant russe Gazprom et l’amélioration de la sécurité énergétique dans la région.
Depuis 2015, le pays peut importer jusqu’à 4 milliards de mètres cubes de gaz, soit bien plus que les 2,7 milliards achetés à la Russie en 2013. Mais la dépendance énergétique de la Lituanie reste un problème. Son approvisionnement en électricité n’est pas suffisamment diversifié, 63 % de ses importations provenant de Russie, loin devant l’Estonie (26 %), la Lettonie (7 %) ou la Biélorussie (4 %).
Certes, la Lituanie vise à atteindre l’indépendance énergétique d’ici 2020 grâce à la mise en œuvre d’une série de projets, notamment une éventuelle nouvelle centrale nucléaire et l’établissement d’interconnexions électriques avec l’Union européenne. Mais afin de renforcer ses liens avec le reste de l’Europe, le pays devra continuer de mener un combat implacable contre la corruption, héritage tenace de la période communiste.
Comme d’autres anciens pays du bloc soviétique, la Lituanie a fait d’importants progrès salués par la communauté internationale, en particulier lors de son adhésion à l’Union européenne. En 2015, le Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO) du Conseil de l’Europe reconnaissait que « le cadre normatif et institutionnel développé par la Lituanie pour prévenir et combattre la corruption est complet ». Cependant, la perception de la corruption en Lituanie reste supérieure à la moyenne des membres de l’UE, et le GRECO invite particulièrement le pays à « contrôler avec rigueur » et « prendre des mesures coercitives » afin de faire respecter les règles relatives aux conflits d’intérêts.
Un conseil particulièrement pertinent en matière d’énergie. Car si les Lituaniens bénéficient aujourd’hui d’une électricité bon marché, ils devront continuer de se battre contre les efforts d’une minorité riche et puissante qui aimerait voir augmenter les tarifs. La société française Veolia réclame ainsi 100 millions de dommages et intérêts à la Lituanie, le pays ayant décidé de ne pas reconduire le contrat de 15 ans passé en 2002 avec la société Dalkia (filiale de Veolia) pour gérer le chauffage de la capitale et de neuf autres municipalités de l’Etat balte. La raison de cette non-reconduction ? Le ministre lituanien de l’Energie, Rokas Masiulis, reproche à la filiale de Veolia de pratiquer des tarifs trop élevés.
Mais ce n’est pas tout. Le contrat signé en 2002 serait entaché de corruption. Rolandas Paksas, maire de Vilnius au moment de la signature du contrat, est accusé d’avoir reçu de l’argent de Dalkia ainsi que du groupe de construction Rubicon, sous-traitant de cette dernière. Appartenant à une puissante oligarchie, le groupement rassemblait une série de fournisseurs locaux de chauffage et eau chaude pratiquant des tarifs prohibitifs.
Décrié par ses administrés, Rolandas Paksas a été remplacé en 2015 par Remigijus Simasius, qui a donc logiquement décidé de ne pas reconduire le contrat avec la filiale de Veolia. Mais le petit Etat balte devra se battre contre la multinationale, qui dénonce une instrumentalisation politique de l’affaire. Pour les Lituaniens, cependant, le problème est bien plus concret que cela. Il s’agit pour eux de conquérir enfin leur indépendance énergétique sans sacrifier leur autonomie politique. Et de pouvoir se chauffer à des tarifs raisonnables et justes. Pour montrer sa volonté de ne pas se laisser faire, Vilnius envisagerait de porter à son tour plainte contre Veolia.
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