Loi El Khomri : une loi pour nous pourrir la vie
Le projet de loi El Khomri, en réalité grossièrement rédigé par les équipes de Manuel Valls et validé par le président de la République, réserve certaines surprises aux salariés du pays. Voici les 15 pires mesures, qui nous ramènent directement vers le XIXe siècle.
- Les temps d’astreinte ne seront plus indemnisés
Désormais, les temps d’astreinte (où vous devez rester au service de l’employeur, en-dehors de votre lieu de travail) pourront être comptés comme du temps de repos. Vous pourrez donc passer des nuits blanches à côté du téléphone, à attendre un éventuel coup de fil de votre patron… en vous « reposant » ! Myriam El Khomri parvient ici à être plus libérale encore que le droit européen qui prohibe cette mesure. En outre, il n’est plus obligatoire de prévenir les salariés 15 jours en avance !
- Les heures supplémentaires moins payées…
Une entreprise pourra payer les heures supplémentaires avec seulement 10% d’augmentation par rapport au salaire normal, même si l’accord de branche disait 25% ! Faisons la simulation pour un salarié au SMIC : cela revient à diminuer de 12€ à 10,60€ son heure supplémentaire. On lui vole donc 1,40€ à chaque heure supplémentaire.
- … ou pas du tout !
Certaines heures supplémentaires ne seront même plus payées. En effet, les entreprises pourront avec ce texte compter leur temps de travail sur 3 ans au lieu d’une seule année. Cela signifie que nous pourrons tous effectuer des heures supplémentaires pour un supplément… réduit à néant si nous avons travaillé moins les deux années précédentes !
- Travailler plus pour gagner pareil
Pour l’instant, des salariés peuvent être contraints de travailler jusqu’à 44h hebdomadaires, pendant 12 semaines. Le Medef trouvait que 9h supplémentaires non payées ne suffisaient pas : cadeau, désormais, il est possible par un simple accord d’entreprise de trimer jusqu’à 46h hebdomadaires pendant 12 semaines. Soit 11h de plus que la durée légale du travail – heures qui ne seront bien sûr pas rémunérées plus !
- Les négociations salariales une fois tous les trois ans
Aujourd’hui, les négociations salariales sont obligatoirement annuelles. Chaque année, l’employeur doit discuter d’éventuelles augmentations salariales avec ses salariés, et agir contre les écarts de salaire entre femmes et hommes. Désormais, avec la loi El Khomri, il suffira d’un accord de branche (30%) pour que les « négociations annuelles obligatoires » aient lieu tous les 3 ans seulement ! Comprendre un blocage salarial pendant 2 années sur 3…
- Fin de l’accompagnement médical
Aujourd’hui, les salariés ont le droit à un examen médical avant de prendre leur poste (ou, au plus tard, d’ici la fin de leur période d’essai). C’est fini ! La visite s’effectuera désormais après l’embauche (le salarié pourra être assigné à un poste qui ne correspond pas à ses capacités physiques ou le met en danger), et par « un professionnel de santé » plutôt qu’un médecin du travail.
- Des accords individuels plutôt que collectifs
Le passage au forfait jour se faisait après un accord collectif. Maintenant, chaque salarié peut accepter dans son coin. Si seuls des cadres sans enfant veulent le forfait jour mais sont minoritaires, ils pourront être les seuls à adopter ce statut… et bon courage aux autres pour progresser dans la carrière !
- Temps d’habillage, de pause, de restauration : plusieurs reculs
Les temps d’habillage ne pourront plus être comptés comme du temps de travail effectif. Considère-t-on que les ouvriers enfilent un bleu de travail pour leur simple plaisir ? De même, les temps de pause ou de restauration pourront ne plus être rémunérés.
- Le licenciement économique pour tous
Un licenciement économique demeurait encadré par la loi, qui prescrivait les cas où il était possible de se séparer des salariés. Désormais, des motifs tout à fait farfelus ou faciles à détourner peuvent être invoqués par un employeur, par exemple pour opérer un licenciement boursier. Des « pertes d’exploitation pendant plusieurs mois », une « importante dégradation de la trésorerie », « tout élément de nature à justifier de ces difficultés » ou une « réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité » justifieront des licenciements économiques. C’est-à-dire que si la compétitivité de l’entreprise baisse, elle peut licencier, et si sa compétitivité s’accroît, c’est parce qu’elle a licencié !
- Au marché des multinationales
Aujourd’hui, pour juger du bien-fondé d’un licenciement économique ou d’un plan social, la justice se fonde sur la situation de l’entreprise mais aussi du groupe auquel elle appartient y compris ses filiales dans d’autres pays. Demain, avec la loi El Khomri, les licenciements économiques seront jugés valables ou non seulement au regard des filiales en France. C’est une aubaine pour les multinationales. Elles organisent déjà leur évasion fiscale en transférant leurs bénéfices dans les pays où les impôts sont les plus faibles. Elles n’auront qu’à faire la même chose, par exemple en organisant artificiellement une baisse dans la trésorerie de leur filiale française, pour pouvoir licencier en toute légalité !
- Les salariés paieront les choix de la direction
En cas de « passage à vide économique » ou de « conquête de nouveaux marchés », l’employeur pourra diminuer le temps de travail et le salaire pour 5 ans. Les salariés ont le choix entre accepter, ou être licenciés pour « cause réelle et sérieuse ». Par exemple, si une grande entreprise a investi n’importe comment et ne vend plus, l’employeur peut retirer 200€ par mois à ses salariés. Ces derniers sont privés de tout pouvoir dans les conseils d’administration, mais doivent en payer toutes les erreurs.
- Des accords défavorables pour les salariés
Constitution « d’accords majoritaires pour l’emploi », qui permettent au patronat de s’appuyer sur le chantage à l’emploi pour modifier des clauses du contrat de travail, par exemple sa durée ou son organisation. Le gouvernement se fiche du monde lorsqu’il explique qu’on ne « pourra pas baisser la rémunération des salariés sans leur accord » : travailler 39 heures pour un salaire de 35 heures, c’est bien une baisse de revenus ! Seules des personnes n’ayant jamais connu un véritable contrat de travail dans toute leur vie, comme El Khomri ou Badinter, peuvent croire à ces inepties. De plus, nouveauté complètement délirante, tout salarié qui refuserait cet accord sera immédiatement licencié pour faute et interdit de saisie des prud’hommes.
- Des votes de chantage
Un accord d’entreprise pourra être validé par un vote direct des salariés, en contournant les représentants élus. De cette manière, le patronat pourra consulter les employés sur les sujets qu’il souhaite. Si seuls deux salariés se déplacent pour voter comme le souhaite l’employeur, tous les représentants des salariés seront écartés ! Ainsi, à Smart France, les cadres se sont rendus aux urnes pour imposer aux ouvriers le retour aux 39 heures hebdomadaires. Plus généralement, un plébiscite en entreprise est comme un vote organisé par le propriétaire de votre appartement, ou par le banquier qui gère votre crédit, c’est un vote sous menace. Nous refusons les votes de chantage, que ce soit contre un peuple (comme à Chypre ou en Grèce) ou que ce soit contre un collectif de travail dans les entreprises de France.
- Les congés au bon vouloir du patron
Le congé de formation économique, sociale et syndicale disparaît des droits. Actuellement de 12 jours par an, ou 18 pour les animateurs, sa durée et l’éligibilité des salariés sont désormais laissées à la liberté des accords d’entreprise ! Plus grave encore, il pourra être refusé par l’employeur, sans que le comité d’entreprise n’ait plus son mot à dire (son avis est nécessaire, mais en aucun cas son avis conforme). En outre, la durée de plusieurs congés devient négociable, au lieu d’être définie par la loi : les trois mois du congé de proche aidant (si un membre de la famille perd son autonomie), les trois mois du congé de solidarité familiale (si un membre de la famille a son pronostic vital engagé par une maladie), les vingt jours congé de catastrophe naturelle (pour aider les autorités en cas de crise majeure)… sont désormais à discuter, entreprise par entreprise ! Le projet de loi invente le « droit aux congés sous condition de ne pas déplaire à l’employeur ».
- Le Medef maître des choix judiciaires
Le Medef pourra choisir ses juges et arbitres, afin d’exploiter au mieux ses salariés. En effet, lorsque les directions départementales prendront une décision, il pourra se tourner vers le juge judiciaire et non plus les tribunaux administratifs, histoire de choisir sa juridiction, au mépris de toute égalité devant la loi.
32 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON