Perdu, le combat contre le terrorisme ?
La France a connu depuis un an et demi des épreuves terribles avec deux massacres de grande ampleur, au Bataclan puis à Nice, et deux autres attentats tout aussi horribles accompagnés d’une valeur symbolique précise. La liberté assassiné avec Charlie et la chrétienté tuée avec le prêtre Hamel égorgé. Sans oublier les autres épisodes de terreur, l’hyper casher et le couple de policiers assassinés dans leur domicile en banlieue parisienne. Difficile de trouver des enseignements précis à part cette terrible conclusion, la terreur peut frapper partout et n’importe qui. C’est cette crainte qui a incité les autorités locales à sécuriser des événements estivaux avec un déploiement de forces policières, militaires et privées sans précédent. Un sociologue averti comme le fut Luhmann saura interpréter cette réaction de l’Etat français. Mais le plus important ce serait de comprendre les processus conduisant certains individus du stade de « gens normaux » au stade de terroristes prêts à passer à l’acte.
Mais au fait, ces terroristes étaient-ils des « gens normaux » ? Sans doute que non. Ils avaient un grain pour parler communément, ou étaient borderline pour parler comme les psy. C’est notamment le cas du conducteur du camion fou dont une vieille prescription médicale fut divulguée dans les médias par le père. Sur l’ordonnance on pouvait lire haldol. Ce qui laisse penser à des troubles schizophréniques. Les cliniciens savent que ce type d’individu constitue une menace pour lui-même mais aussi pour les autres. Néanmoins, la piste psychotique ne résiste pas à l’examen. Ce qui caractérise ces terroristes, c’est dans un premier temps la haine de notre société. Une haine qui, alimentée par les réseaux sociaux et souvent dans des environnements particuliers comme une cellule carcérale, ne cesse de grandir à l’instar d’une fixation obsessionnelle ou bien d’un virus compulsif s’insinuant dans le psychisme. Cette haine s’intensifie et finit par devenir une menace pour ce type d’individu qui, ne trouvant pas ses marques ni son issue dans une vie ordinaire s’oriente vers des idéologies mortifères comme l’est le djihadisme. Le fond terroriste devient alors un moyen de sauvegarde pour ces individus tourmentés par la haine et lorsque l’intensité franchit un seuil, le processus de terrorisme se met en place et l’acte de vengeance devient une sorte de catharsis libératrice morbide exécutée en croyant obéir à un Dieu.
Si cette analyse se tient, alors on peut penser que tant qu’il y aura cette haine diffuse se mélangeant aux injonctions du groupe état islamique et aux paroles virales de la radicalisation, il se trouvera des individus disposés à sacrifier leur « existence déviée » dans des actes de terreur. On doit également craindre les actes pouvant répondre au concept de terrorisme par mimétisme. La médiatisation de la terreur peut en effet inciter des individus perturbés à passer à l’acte.
La France n’est visiblement pas préparée à cette nouvelle forme de terrorisme qui ne peut se concevoir dans le cadre d’une guerre conventionnelle. Ce terrorisme résulte de la conjonction entre une confrontation géopolitique opposant des pays islamiques et un fond psychosocial local marqué par les haines et les ressentiments. Et c’est bien le cœur du problème. Un conflit classique entre pays pourvu d’un Etat fort s’achève lorsque les belligérants décident d’arrêter les hostilités. Ce fut le cas en 1918 ou en 1945. Le terrorisme des années 2010 ne peut pas s’achever de la même manière. Il faudrait pour cela mettre tout le monde autour de la table et régler les antagonismes des pays islamiques en Asie, Afrique et Moyen-Orient. Un défi quasiment impossible au niveau diplomatique. L’autre défi étant de contenir la haine qui s’insinue dans une partie de la population. Ce qui suppose une intégration par le travail et un travail éducatif qui, eux aussi, semblent hors de portée.
Au final, le terrorisme se combat autant par des moyens de police que par une résilience citoyenne consistant à ne pas se mettre à genoux et continuer à vivre presque normalement. Ces actes sont isolés et peuvent s’interpréter comme des accidents de la société, à l’image des accidents de la route. Il ne faut pas croiser un chauffard et il faut espérer éviter d’être au mauvais endroit quand la haine a décidé de frapper.
Sans vouloir être trop sévère, on peut penser que la France s’est affaissée depuis ces terribles événements avec une réaction excessive dans la sécurité et les annulations de festivités mais aussi une sorte de panique politicienne traduite dans les mots qui perdent leur sens ainsi que les valeurs et principes. NKM parle d’une asymétrie en hommes et femmes causée par le burkini. Une asymétrie ? C’est quoi cette novlangue ? Bruno Le Maire suggère la prison préventive pour les individus suspectés de radicalisation. Le concept de prison préventive est contraire au principe de l’Etat de droit. La prison sert à purger une peine après des actes sanctionnés par la justice. Dans un autre registre, l’encadrement de l’Islam par une fondation issue de l’Etat est contraire au principe de laïcité qui fonctionne dans les deux sens et ne permet pas non plus une taxe dite halal si chère à une NKM qui bien que polytechnicienne, ne sait plus où elle habite. L’Etat français est certainement assez robuste sur le plan policier mais il semble vaciller au niveau de la pensée, des paroles et de l’usage de mots précis pour agir avec pertinence et comprendre avec intelligence le cours du monde.
La France ne va pas bien, certes à cause de la terreur mais aussi de nos erreurs dans de nombreux domaines. Etre au pouvoir n’est pas une chose facile. Nous avons besoin d’analyses plutôt que de polémiques pour sortir la tête haute de cette situation inédite après janvier 2015.
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