Gabon : Les urnes ou les armes
Pour peu qu’ils aient l’appui des militaires, les tyrans et leurs représentants bien communicants, dans tous les domaines, sont toujours présentés comme les victimes. Ils disent avoir raison. Ce sont les autres qui ont tort. L’émotion est de leur côté, ils ont été meurtris par l’injustice ou par la bassesse humaine. Quels sont les braves gens qui ne se trouveraient pas spontanément à leurs côtés pour réclamer justice, réparation et, a minima, demande de pardon ? Voilà en quelque sorte la position des tyrans et des antis démocratiques. Telle semble être la posture adoptée par le candidat Bongo et sa clique.
C’est pour avoir oublié, négligé ou méprisé l’opposition et le désir profond du peuple gabonais, que l’élection du 27 Août débouche sur un enchaînement d’incompréhension, d’amateurisme, voire d’impréparation. Ali Bongo a sans doute eu une certaine condescendance à l’égard de ceux qui ont fait la force d’antan de son défunt de père ; en effet, ceux qui étaient les artificiers de la fraude au Gabon. Ceux qui connaissent ce système comme un récital d’opéra.
L’onde de choc des élections provoque toute une actualité dramatique, notamment autour des procès verbaux d’une province. La province natale du candidat Bongo. L’Afrique et ses représentants sont –ils restés ancrés dans un nombrilisme coutumier et tribal ? Même dans son rêve le plus badin, Ali Bongo n’imaginait pas se trouver, malgré lui, au centre d’un tumulte qui s’apparente à la fin d’une chasse au sanglier dans les forêts équatoriales. Jusqu’au secrétaire du parti au pouvoir qui mêle sa voix à l’hallali et réclame que la proclamation des résultats respecte la volonté du peuple, et qu’Ali Bongo prenne ses responsabilités. Même son de cloche de la communauté internationale.
L’impréparation
Face à l’attaque des opposants et des charges pour le moins évidentes, Ali Bongo a exercé la raideur qu’on lui connaît. Il s’est un peu défilé, renvoyant ses interlocuteurs à la Cour constitutionnelle pour gérer le contentieux électoral (la présidente serait une maîtresse du défunt papa) ou à la simple proclamation du ministère de l’intérieur. Que nenni.
Dans la chronologie : Selon l’entourage du candidat- président, il n’est pas de sa responsabilité la confection des procès verbaux dans sa province natale, et du retard constaté lors de l’acheminement des résultats. Mais plutôt d’un souci de vérification et de comptage des bulletins de vote. D’un autre côté, il semblait au vu des événements qu’un conseiller de Ouattara avait couvert les crimes électoraux de Jean Ping. En Côte d’Ivoire, Ouattara a pris des mesures d’éloignement qui convenaient pour ne pas s’attirer les foudres d’Ali Bongo. Tout ce conspirationnisme, laisse transparaître une certaine fébrilité du parti au pouvoir.
Donc, sur le plan judiciaire, il semble que le dossier de Jean Ping soit bon et qu’on lui fasse un mauvais procès avec tout ce tintouin où se mêle le fumet de la provenderie à celui doucereux d’agent des puissances occidentales de basse volée.
Les vrais adversaires de Bongo
Ali Bongo a deux adversaires principaux. Les victimes son papa sorties de leur secret pour libérer la parole et, derrière eux, tous ceux qui, animés d’une arrière-pensée de revanche et de ressentiment alimentant ce que les Gabonais appellent le (court bouillon).Ils se frottent les mains devant les nouvelles difficultés dans lesquelles il se trouve. Sans oublier ses frères Bateke qui ne lui pardonneront pas d’avoir exposé leur province, et parmi ces Bateke, la plupart ne considèrent pas Ali Bongo comme étant des leurs.
L’autre adversaire est plus intime, il s’agit d’Ali Bongo lui-même, de son tempérament de donneur de leçons qui s’est souvent manifesté dans la société gabonaise, de cette manière mi-sirupeuse mi-autoritaire avec laquelle il assène dans les médias les vérités philosophiques qui sous-tendent sa politique. Ali Bongo a toujours eu l’autorité du verbe fougueuse, spontanée et sans aptitude marquée au dialogue pacifié. Il vous dépose le paquet, vous met les choses et les principes sur la table, sous le nez, débrouillez-vous avec.
La dénégation outrée, drapée dans les arts de la rhétorique est vraiment une spécialité d’Ali, au sens d’une politique hiérarchique, basée sur sa culture et son intellectualisme. Avec cette crise post électorale, Il a cette attitude qui consiste à se montrer indifférent à certaines souffrances humaines quand la réputation de l’institution politique est en cause.
Le mal d’un système
Le mal est fait sur plusieurs plans. Il est fait pour les jeunes victimes des années 1990 ou des années 2000, victimes de chômage et de précarité. Il est fait pour la réputation et l’avenir des politiques (gouvernement) et leurs familles dont les noms ont été fournis aux médias et à toutes les chancelleries. Il est fait pour Ali Bongo qui ne pourra pas décoller les crachats de la calomnie ou les effets collatéraux de ses imprudences. Par pitié pour les coupables et pour les innocents qui n’ont qu’exercé leur droit de vote : Tout mensonge est à proscrire.
Au point où nous en sommes, il est temps qu’un silence propice à l’étude de la transition pacifique se fasse. Que les médias d’Etat cessent leur ronde gourmande autour du candidat Bongo, car pour être président, on n’en est pas moins homme et sujet aux émotions. N’ajoutons pas aux victimes de la pauvreté, un déni démocratique.
La République idéale confie le pouvoir aux citoyens. Elle rejette la personnalisation ou l'accaparement durable du pouvoir. Celui-ci est impersonnel au sens où il n'existe pas de détenteur nominatif permanent de l'autorité.
AIME MATHURIN MOUSSY
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