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Des séquences de l’Histoire humaine au XXe siècle. Le paradoxe de la dollarisation du pétrole des pays de l’OPEP

2ème Partie

 

 Depuis l’été 2014, les économies des pays de l’OPEP ne cessent de se dégrader. Les conséquences sont particulièrement lourdes pour les pays qui n’ont pas accumulé suffisamment de réserves de change lorsque le prix de l’or noir a atteint des sommets. Comme le Venezuela qui se trouve dans une conjoncture économique très difficile. Le pétrole représente 95 % de ses exportations, et constitue deux tiers de recettes de l’Etat.

La Libye, l’Irak et la Syrie se trouvent dans une situation de guerre. La Syrie est plongée dans une guerre civile sans fin, qui s’est internationalisée. La guerre et la baisse du pétrole portent un coup très dur à leurs économies.

L'Algérie qui retire des hydrocarbures 98% de ses exportations, près de la moitié de son PIB et 60% de l'ensemble des recettes fiscales de l'État a vu sa balance commerciale négative en 2015. Elle ne cesse de se détériorer, eu égard à la tendance baissière du prix du pétrole. Bien que ses réserves de change lui assurent de tenir 3 ou 4 années, à l’horizon 2019-2020, il demeure qu’au fur et à mesure que les réserves de change fondent et l’endettement augmente, l’Algérie va se trouver aussi dans une situation économique complexe et difficile, et se traduira, à moyen terme, par une instabilité politique et sociale difficilement maîtrisable.

La Russie, dépendante pour moitié de ses recettes budgétaires retirées de l'exportation de pétrole, aura à affronter aussi une situation économique difficile dans les deux ou trois années à venir. La forte chute des cours pétrolier, l’effondrement de la monnaie russe suite aux attaques spéculatives au deuxième semestre 2014, et la flambée des prix n’ont cessé de fragiliser le système bancaire russe, et l’économie russe. A l’instar des pays exportateurs de pétrole, elle peut encore compter sur ses réserves de change. Cependant ses réserves de change qui étaient à environ 510,5 milliards de dollars début 2014 sont tombés en novembre 2016 à 390,7 milliards de dollars. (1)

Pour l'Arabie saoudite, La chute des cours du baril a provoqué un déficit budgétaire inédit pour le pays, estimé par le FMI à près de 20% du PIB en 2015. Les autres pétromonarchies du Conseil de coopération du Golfe (CCG), qui réunit l'Arabie saoudite, Oman, le Koweït, Bahreïn, les Émirats arabes unis et le Qatar, sont aussi impactés par la crise pétrolière. Mais comme les autres pays exportateurs de pétrole, ils s’appuient sur leurs réserves de change pour financer leurs déficits budgétaires et courants avec le reste du monde. Même situation pour le Nigéria, l’Angola, l’Iran, qui sont tous touchés par la chute du brut.

Cependant, pour l’Iran, après les accords sur le nucléaire avec les grandes puissances, le 14 juillet 2015, et son retour sur les marchés mondiaux du pétrole depuis juillet 2016, et malgré la faiblesse des prix actuels, et son économie dépendante de l'or noir – d'où proviennent deux tiers des recettes de l'État – sa situation économique est beaucoup moins tendue qu’elle ne l’était avant l’accord sur le nucléaire avec les grandes puissances. Il faut rappeler que son économie a été gravement touchée par les sanctions économiques des Occidentaux. Se trouvant relégué en marge du système financier international, sa monnaie, le rial, a perdu plus des 2/3 de sa valeur face au dollar. Enfin le Kazakhstan, qui retire du pétrole les deux tiers de ses recettes en devises, lui aussi et touché par la crise pétrolière. Sa monnaie, le tenge kazakh, s’est fortement dépréciée depuis août 2015. Touchée durement la crise pétrolière, la monnaie kazakhe s'est effondrée passant de 189,18 KZT pour un dollar, le 19 août 2015, à 341,27 KZT, le 11 novembre 2016. Soit une dévaluation de la monnaie kazakhe de 80 %, en l’espace de 15 mois. (2)

Force de dire que la situation économique qui s’est retournée pour les pays exportateurs de pétrole augure un avenir incertain, et certainement pas serein. Qu’en est-il ? Comment comprendre ce retournement pétrolier ?

 

1. Prenons la situation du monde avant la décolonisation : des rivalités entre puissances ont fini par provoquer deux guerres mondiales

 

 Dans un article de presse de l’APS-Algérie, on y lit : « L'Algérie (…) a vu sa balance commerciale passer d’un excédent de 4,306 milliards en 2014 à un déficit de 13,71 milliards de dollars pour l’année 2015. (…) L'élan que prenait le niveau du matelas de devises fut freiné à partir de 2014 lorsque le niveau des réserves s'approchait des 195 milliards (mds) de dollars à fin mars 2014 mais amorça, par la suite, une tendance baissière en s'établissant à 193,27 mds de dollars à fin juin de la même année, avant de descendre encore à 179 mds de dollars à fin 2014 puis à 143 mds de dollars à fin 2015.
Auparavant, et particulièrement depuis 2006, les réserves de change montaient à hauteur, parfois, des 20 mds de dollars annuellement en passant de 77,8 mds de dollars en décembre 2006 à 110,2 mds à fin 2007, à 143,1 mds à fin 2008, à 147,2 mds à fin 2009, à 162,2 mds à fin 2010, à 182,2 mds à fin 2011, à 190,6 mds à fin 2012 et à 194 mds à fin 2013.
 » (3)

Ce qu’on retient, au-delà de l’amenuisement des flux financiers alimentant le portefeuille de l’Algérie en réserves de change, c’est cette remarquable envolée a commencé non pas depuis 2006, mais à partir de la fin de l’année 2003. Et il faut rappeler qu’au début 2003, les États-Unis sont entrés en guerre en Irak, pays qu’ils ont occupé ensuite, puis progressivement s’est enclenchée une guérilla contre l’occupant. Et ce conflit armé entre insurgés et forces américaines va porter ses fruits et obliger les États-Unis à signer en décembre 2008, la SOFA, traité par lequel il devait retirer toutes leurs forces au plus tard le 31 décembre 2011. C’est ainsi les hostilités contre les forces étasuniennes ont pratiquement cessé. Mais cette guerre a été coûteuse, et selon les calculs du prix Nobel américain, Joseph Stiglitz, elle s’est élevée à 3000 milliards de dollars. Toute faramineuse qu’elle l’est cette dépense militaire, il reste qu’elle est lié paradoxalement sur un double plan au pétrole. Le premier plan était que les Américains espéraient, par un pays conquis et occupé, imposer un régime politique qui leur soit favorable, et leur assure la prééminence sur les richesses pétrolières du sous-sol irakien. Le deuxième, il n’est pas comptabilisé dans les calculs étasuniens, considéré tout au plus comme moyen de financement de 6 années de guerre, pour atteindre leurs objectifs géostratégiques et économiques, i.e. la domination du Moyen-Orient d’autant plus que le contrepoids à la puissance américain, l’URSS, a disparu de la scène de l’histoire. Et cet objectif n’a pas été atteint. La guerre lancée contre l’Irak a été un échec pour l’armée américaine, elle vient rappeler le syndrome vietnamien.

Ceci étant, pour comprendre cette guerre, il faut parler de la structure logique d’un système financier à l’échelle mondiale. C’est par la compréhension de la structure économique et financière mondiale qu’on peut s’approcher de la vérité sur les causes qui ont engendrées ces fluctuations erratiques du prix du baril de pétrole depuis le début du XXIème siècle, et même avant. Evidemment, l’excès de l’offre de pétrole sur la demande mondiale joue certainement, mais il demeure qu’elle est biaisée par d’autres facteurs que nous aurons précisément à expliciter.

Aussi, pour partir simplement, prenons la situation du monde avant la décolonisation. Le monde était pour ainsi dire partagé en deux blocs. Un dominant et l’autre asservi ou dominé. Le dominant était l’Occident qui avait tous les moyens matériels et institutionnels pour dominer, à savoir une industrie très avancée, une armée puissante, un système financier et monétaire très évolué, le tout encadré par des institutions fortes. Les colonisés sont les pays d’Afrique et d’Asie qui faisaient partie des empires coloniaux occidentaux et les dominés qui n’étaient pas colonisés mais néanmoins restaient assujettis aux puissances occidentales. L’économie mondiale était pour ainsi dire à sens unique, i.e. l’Occident régnait en maître sur le reste du monde. Toutes les économies du monde dépendaient d’un même pouvoir financier et monétaire mondial. Combien même ce pouvoir financier n’était pas unifié, il demeure que cinq grandes puissances monétaires, les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne et le Japon se partageaient le monde. Et leurs monnaies régissaient les économies de leurs empires. Quant à l’URSS, cette puissance était un cas à part, une économie socialiste fermée aux empires capitalistes occidentaux, et le rouble soviétique non convertible agissait en défenseur du système économique soviétique.

Cependant, les pays occidentaux, régi par un système impérialiste puisque détenteurs de grands empires territoriaux, étaient mus en permanence par une volonté de puissance. Et cette situation de forte instabilité entre les puissances impérialistes européennes, et les rivalités qui s’exacerbaient entre grandes puissances pour le partage du monde, ont fini par provoquer deux guerres mondiales.

 

2. Le paradoxe de la gouvernance impérialiste qui fait qu’elle ne gagne pas à tous les coups

 

 Ce qui est intéressant dans ces deux guerres mondiales est comment le monde a été reconstruit ? Comment les pays sortis des empires, comme les pays balkaniques dans les années 1920 et les pays d’Afrique et d’Asie sorties de la colonisation, après 1945, ont édifié leurs pays ? Si nous prenons les grands pays d’Europe, dont la France, l’Angleterre, l’Allemagne, après les deux après-guerres mondiales – l’Italie pour le second conflit –, force pour nous de dire que ces pays sont sortis meurtris, dévastés par des années de guerre, de destructions, de millions de morts. De plus, ils étaient terriblement endettés auprès de la seule puissance occidentale, restée encore debout, et ce grâce à son éloignement à des milliers de kms. Et encore grâce aux États-Unis, les pays d’Europe ont pansé leurs blessures de guerre, se sont reconstruits, remis à niveau leurs industries, rendu convertibles internationalement leurs monnaies, repris leurs parts dans le marché mondial, et donc ont commencé à compter dans le commerce mondial.

La question qui se pose est comment ce processus s’est opéré. Comment les grands pays d’Europe, détruits, endettés, ont réussi ce prodige ? Redevenus de grandes puissances, ils sont allés jusqu’à remettre en question le dollar, la monnaie-centre du système monétaire international dominé par les Américains, en 1971. En particulier le deutschemark qui rivalisait avec le dollar et devenait une valeur-refuge pour les investisseurs internationaux.

Il y a une certaine énigme dans ce processus économico-financier monétaire à l’échelle mondiale. Commençons par le Premier Conflit mondial. Trois éléments majeurs ont joué. Le premier qui est principal parmi les trois a été, à la fin de la guerre, la nécessité pour les États-Unis de financer à tout prix l’Europe. Le véritable moteur de l’économie mondiale n’était pas les États-Unis – qui étaient devenus l’atelier du monde – mais bien l’Europe dévastée par la guerre, qui, par la demande mondiale qu’elle représentait – elle était à la tête de grands empires coloniaux –, boostait l’économie américaine. Sans l’Europe, les États-Unis allaient périclités, allaient faire face à la plus grave crise économique de leur histoire. Ce sont des pans entiers de leurs industries qui seraient condamnés à arrêter leur production. L’agriculture américaine dopée par la mécanisation aurait vécu une situation d’agriculture sinistrée. Des millions d’emplois seraient détruits aux États-Unis, dans les années d’après-guerre. Dès lors, on comprend que l’Europe constituait réellement une opportunité pour les États-Unis, en devenant paradoxalement un moteur, par la demande, pour tirer l’économie américaine, pour maintenir sa croissance, ou du moins lui éviter lui éviter un désinvestissement violent néfaste pour son économie.

Le deuxième élément a été de créer une ligne de défense contre l’idéologie communiste de l’Union soviétique. La Russie tsariste a cessé d’exister, et la Russie bolchevique s’active à réveiller les peuples oppressés par l’impérialisme occidental. A l’époque, plus les deux tiers de l’humanité étaient colonisés ou dominés.

Le troisième élément est le corolaire du second. Les plus des deux tiers de l’humanité comptaient très peu dans l’absorption mondiale.

Par ces trois facteurs, on comprend dès lors que l’Europe a bénéficié d’un plan Marshall officieux, dont la nécessité a été dictée non pas par le gouvernement américain – qui n’aurait certainement pas accepté pour des raisons évidentes – mais par la conjoncture économique mondiale. Celle-ci ne laissait aucune alternative aux États-Unis, sinon d’obtempérer aux forces de l’histoire.

L’Europe reconstruite, pesant désormais sur le marché mondial, et de surcroît à la tête de grands empires en Afrique et en Asie, a cessé ce qu’elle a été après la guerre. Bien plus, elle est devenue une compétitrice redoutable pour l’industrie américaine. Dès 1927, ce qui a été évité aux États-Unis a commencé à produire ses effets. L’Amérique se retournait à elle-même, et, au lieu de désinvestir, a continué à produire des richesses et à stocker en espérant un retournement de conjoncture qui ne pouvait apparaître puisque deux acteurs seulement, l’Europe et les États-Unis, « régnaient » sur le monde. Tant la Bourse que la Réserve fédérale américaine, aucune mesure préventive n’a été prise, et laissé les banques américaines octroyer des crédits à tout va, durant cette expansion financière qui masquait une situation très grave de l’économie américaine. L’euphorie de faire des bénéfices rapides par les banques, les entreprises et les petits porteurs, va engendrer une spéculation financière catastrophique telle que le cours des valeurs boursières (actions, obligations, etc.) portés à des cours fous va provoquer la plus grave crise économique de l’histoire humaine, la crise de 1929. Evidemment, ce sont les autorités monétaires de la Fed qui ont commencé à fermer le robinet monétaire dès 1928, en augmentant le taux d’intérêt.

Donc, ce qui a été évité en 1919 n’a été au final que reporté. On comprend dès lors le paradoxe de la gouvernance impérialiste qui fait qu’elle ne gagne pas à tous les coups.

 

3. Les Quatre éléments qui régissent l’humanité après 1945

 

 Après la crise de 1929, l’histoire s’accélère. On fait état dans les médias occidentaux de 15 ou 18 millions de chômeurs aux États-Unis. Sur une population de 124,8 millions d’habitants (données Banque mondiale) en 1932, le taux de chômage est passé de 3,1% à 24%. (4) Toujours est-il, la crise de 1929 partie des États-Unis, se diffusera dans le monde entier. Uniquement pour l’Allemagne, 6 millions de chômeurs et les réparations de guerre qui n’en finissaient pas ouvriront la porte du pouvoir à Hitler. De nouveau, un Deuxième Conflit mondial sauf que cette fois-ci la situation va se décanter et s’améliorer sur le plan économique mondial de l’après-guerre.

Ce n’est plus un plan Marshall officieux mais un plan Marshall officiel du nom du général américain George Marshall qui l’a piloté qui va être mis en œuvre. Là encore, le plan Marshall qui visait à apporter une aide économique à l’Europe pour se reconstruire est aussi une aide économique pour l’Amérique qui, il faut rappeler, a supplée à la production de l’Europe en guerre. Par conséquent, la demande de reconstruction de l’Europe permettait de maintenir l’activité industrielle ou du moins limiter la chute de production américaine, ce qui évitait aux États-Unis un atterrissage économique brutal si l’Europe n’avait pas agi comme moteur boostant l’économie américaine.

A la fin du Deuxième conflit mondial, le monde va complètement changer. Les pays d’Afrique et d’Asie se sont libérés de la colonisation. Indépendants, ces pays participent non seulement dans l’absorption mondiale mais, pour certains, deviendront des concurrents redoutables pour les puissances occidentales. L’Occident aura donc fini de « régner » sur le monde et doit désormais composer avec les anciens pays colonisés ou dominés. Une page de l’histoire est tournée.

On peut cerner quatre éléments majeurs qui ont joué dans cette nouvelle architecture du monde. Le premier qui est le principal, comme on l’a dit, concerne cette aide à l’Europe et donc le plan Marshall découle de l’évolution du monde, i.e. de la nécessité historique qui ne permet aucune alternative à la puissance américaine sinon d’apporter un soutien économique à l’Europe. Sauf que ce premier élément concerne aussi les pays du tiers monde qui sont devenues des nations indépendantes et qui sont confrontés à l’édification de leurs États. Mais comme ils n’ont pas de structures étatiques et économiques que celles qu’a laissées l’occupant colonial, ces pays doivent, à l’instar de l’Europe dévastée par la guerre, se reconstruire et donc édifier leurs États.

Evidemment, il est hors de question pour eux de plan Marshall. Et comme ils n’ont pas de monnaies, ce qui est fondamental pour toute économie qui veut s’édifier et octroyer aux nationaux une sécurité dans les échanges tant intérieurs qu’extérieurs, ils doivent solliciter des emprunts auprès des puissances extérieures, principalement occidentales. Car détentrices des principales monnaies internationales. L’Europe dès 1958 a rendu convertible ses monnaies. Cette situation traduit évidemment le début d’endettement pour le tiers monde. Un point à rappeler, l’Algérie sous Ben Bella a fait appel à l’or des femmes algériennes pour aider à l’édification de la nation algérienne sur le plan monétaire. C’était ce qu’on a appelé le fond « Tadamoun », qui exprime là un formidable élan de solidarité féminin nationale, exprimant cet amour pour la patrie retrouvée, après la libération de la tutelle coloniale.

Le deuxième élément est que la structure économique mondiale est plus solide que ce qui a prévalu après le Premier Conflit mondial. Des institutions supranationales ont été fondées, dont l’ONU, la Banque mondiale, le Fond monétaire international, et enfin le système de Bretton Woods qui met le dollar américain, centre du système financier international. Ces structures, en particulier le Bretton Woods issu de la Conférence international en 1944, vont donner ce qu’on appelle les « Trente Glorieuses », une période de croissance pour l’ensemble des économies du monde, excepté bien entendu les pays en guerre pris dans le sillage de la guerre froide mais aussi dans la conquête du pouvoir interne à ces pays nouvellement libérés.

Il est évident que nous ne pouvons pas mettre toutes les guerres sur le compte de la guerre froide, il y a aussi les conflits internes au sein de ces pays que nous pouvons mettre au compte de l’apprentissage de ces peuples et de leurs élites à s’élever en nations qui comptent dans le monde. Comme le furent avant les nations développées. Un processus donc de crises et de conflits armés tout à fait naturel et qui se range dans la dialectique du devenir historique.

Ceci étant, il faut encore préciser que si le dollar américain a été mis au centre du système monétaire international lors de la Conférence internationale qui réunissait 44 pays en 1944, contrairement aux Accords lors de la Conférence internationale de Gênes, en 1922, qui réunissait 34 pays, c’est tout simplement que la plus grande partie de l’or européen fut transférée vers les États-Unis. Cet or a naturellement changé de propriétaire, et ce eu égard aux milliers de bateaux, traversant l’Atlantique, pour acheminer marchandises et d’armements aux pays alliés, dont une partie a été coulée par la marine de guerre allemande. Donc, on comprend très bien que le bancor proposé par l’anglais M.Keynes, lors de cette conférence ne pouvait pas tenir la route.

Le troisième élément est que « les plus des deux tiers de l’humanité ne comptent pas très peu dans l’absorption mondiale comme à ce qui a prévalu après le Premier Conflit mondial, mais vont compter dans l’absorption mondiale au point qu’ils seront pour ainsi dire ceux qui dans un certain sens auront paradoxalement à sauver le système économique mondial tel qu’il a été pensé par l’Occident. » Evidemment, cela peut paraître incroyable, mais c’est un étant sur lequel on aura à revenir.

Enfin, le quatrième élément est le contrepoids soviétique à la puissance occidentale qui a permis non seulement l’équilibre dans la lutte hégémonique des puissances mais aussi, par la neutralisation des grandes puissances par l’« équilibre de la terreur » - une troisième guerre mondiale aurait ramené à l’âge de pierre les grandes puissances –, permis la sécurisation des quelques 80 nations d’Afrique et d’Asie qui venaient de naître.

Donc ces quatre éléments vont marquer positivement l’architecture mondiale. Nous remarquons mis à part le premier élément, les trois éléments que nous venons d’énumérer sont complètement nouveaux. La guerre froide à l’ombre de laquelle devait s’édifiait les nouvelles nations était historiquement nécessaire. Le dollar en tant que centre du SMI a permis une évolution positive de l’économie mondiale. Le problème n’est pas que les États-Unis vivaient au-dessus de leurs moyens, en émettant des dollars adossés aux déficits américains, ce que beaucoup définissent comme de la monnaie de singe, mais cette monnaie de singe est nécessaire pour la bonne marche de l’économie mondiale.

D’autre part, si le dollar était une monnaie de singe, personne n’en voudrait de cette monnaie. Or, tous les pays du monde se disputent pour cette monnaie. Voir les pays exportateurs de pétrole aujourd’hui depuis que le cours du pétrole a baissé, et ce pétrole est libellé en dollars, comme d’ailleurs pour la plupart des matières premières. Ceci nous fait dire que souvent la dollarisation du système économique mondial n’est pas très bien comprise, et les défauts que l’on relève, en réalité, ne sont que dans l’apparence, on leur fait dire que ce qu’on veut bien leur faire dire.

 

4. Le paradoxe de la dollarisation du pétrole : « payer » les pays d’OPEP et du tiers monde pour sauver les économies occidentales

 

 Evidemment, l’économie mondiale, à la fin d’un formidable cycle de croissance, qui a duré jusqu’au début des années 1970 – les Trente Glorieuses – va être marquée par une nouvelle crise intra-occidentale. Doit-on dire, « l’histoire se répète ? » Le monde allait-il, sous le couvert d’une grave crise monétaire qui oppose l’Europe aux États-Unis – l’Europe remet en question le dollar – vers une crise économique du type 1929 ? La réponse est oui, si l’Afrique et l’Asie étaient restées colonisées. L’histoire est sans appel. Il faut dire que la dialectique procède selon le principe de réalité, que tout ce qui est ou vient à être est nécessaire pour la réalisation d’un événement, comme pour le fonctionnement du monde. Pour bien situer la pensée dialectique, par exemple, la terre doit absolument tourner pour permettre la succession du jour et de la nuit, et elle le fait en devenir. De même la terre tourne autour du soleil, et cela relève de la nécessité dialectique d’assurer à l’humanité les quatre saisons qui sont essentiels pour l’écosystème terrestre qui faut-il dire n’est pas conçu pour l’écosystème lui-même, qui n’a pas besoin de rotation bien que l’on ne le sait pas en absolu, donc qu’il peut être immobile ou tournant, mais ce que nous relevons est que cette rotation conçue est au service de l’homme et à ce qui l’entoure. L’écosystème terrestre est donc indissocié de l’écosystème humain.

Ceci simplement pour énoncer que l’avènement des pays d’Afrique, du monde arabe, des pays d’Asie ne relève pas d’un accident historique, mais d’une nécessité dialectique historique nécessaire. La différence entre un accident historique qui lui aussi est nécessaire parce qu’il fait partie de la dialectique historique est qu’il n’est pas durable. Il remplit un rôle pour lequel il a existé puis disparaît. Pour l’exemple, Hitler, Staline ou l’avènement de l’URSS ont été des accidents historiques. Houari Boumédiène et Liamine Zéroual ont été deux présidents historiques pour l’Algérie, s’inscrivant en accidents nécessaires à la bonne marche d’une nation. Le général de Gaulle l’a été pour la France – il n’a pas demandé en 1958 à présider la France, c’est la présidence de la France qui est venue à lui, comme cela a été pour Liamine Zéroual, le président algérien.

Boumédiène, par exemple, l’est devenue à l’occasion d’un coup d’Etat, mais c’est son action ultérieure qui définit s’il a été un accident nécessaire à l’histoire de l’Algérie ou non, i.e. en simple homme historique qui s’accomplit dans la marche courante de l’histoire. Et, par accident, on doit regarder l’étrangeté de la situation, l’opiniâtreté et la volonté, une vision haute de la nation de l’homme historique, et peu importe si celle-ci est positive ou négative comme elle l’a été avec Hitler. C’est l’Histoire qui se réalise par l’apport de l’homme, en tant qu’accident de l’histoire, et apporte à la nation, et à l’humanité parce que cette nation fait partout d’un tout qui est indissociable, et il s’appelle « humanité ». Sans Hitler, par exemple, il n’y aurait pas eu de deuxième conflit mondial, et les pays du tiers monde seraient restés encore colonisés. C’est indirectement et l’après-histoire que l’on comprend l’apport de l’homme à l’humanité, et cela au-delà des crises et des guerres.

Hitler n’aurait pu provoquer la guerre si les puissances européennes étaient solides à l’époque, et suffisantes pour dissuader l’Allemagne à s’engager dans un conflit qui est devenu ensuite mondial. C’est l’histoire de la situation mondiale, et leur corolaire, les conjonctures historiques – et souvent elles sont iniques pour les peuples – qui ont tranché entre les hommes.

Djamel Abdel Nasser l’a été pour l’Egypte, Gandhi pour l’Inde, Martin Luther King pour la cause noire aux États-Unis. Ce sont ces accidents historiques, à l’étoffe humaine, qui ont marqué l’histoire de l’Humanité, Abraham Lincoln l’a été pour les États-Unis. Einstein pour la science. Et tant d’autres hommes qui ont marqué par leurs actions le monde. Et c’est ce que l’on doit comprendre entre accident de l’histoire et nécessité de l’histoire.

Les peuples d’Afrique et d’Asie par contre ne le sont pas, ils sont constamment existants et leur avènement après 1945, dans le concert des nations, s’inscrit dans la marche dialectique de l’histoire. Ils resteront toujours les peuples d’Afrique et d’Asie et évolueront dans la marche globale de l’histoire. Comme les autres peuples, en Europe, en Asie et ailleurs.

Ceci précisé, l’histoire ne va pas se répéter en 1971, avec la crise monétaire entre l’Europe et les États-Unis. Il n’y aura pas de nouvelle crise économique comme celle qui a prévalu en 1929. En effet, parce que la dollarisation du pétrole qui est un produit de l’histoire avant d’être le produit des hommes, va au-delà des conciliabules entre l’Arabie Saoudite et les États-Unis pour facturer le pétrole arabe. De même, pour les innombrables voyages d’Henri Kissinger pour instaurer le système pétro-dollar, et par ce biais pétro-monétaire, sauver les États-Unis d’une crise économique certaine, qui va ensuite déteindre sur l’Europe qui refusait les dollars, et avec eux, le reste du monde.

Précisément, l’histoire du monde va se répéter mais autrement. L’Europe a joué le rôle de moteur après le premier et le deuxième conflit mondial pour l’économie américaine. Et sans cette Europe dévastée par la guerre, les États-Unis auraient été confrontés à une pire crise comparable à ce qui a prévalu en 1929 car ils seraient obligés de fermer des pans entiers de production et mettre en congé non payé des millions d’Américains.

Le même processus allait survenir entre 1971 et 1973, malgré les innombrables tractations, sur la crise monétaire, entre les pays d’Europe et les États-Unis. Il n’y avait pas de solution. L’Europe est passée au flottement des monnaies, et ne soutenait plus le dollar. Et aucun système monétaire (serpent monétaire européen, etc.) n’a réglé ni ne pouvait régler le problème des étalons monétaires par lesquels s’opèrent les échanges commerciaux entre l’Europe, les États-Unis et le Japon. Le monde se dirigeait donc vers une grave crise économique. Et ce qui est antinomique, c’est que ces trois pôles de puissances sont tous de grands exportateurs de biens et services dans le monde. Il était évident que leurs échanges commerciaux internationaux s’opéraient d’une manière ou d’une autre à somme nulle. Même les déficits américains s’assimilaient comme contrepartie de la protection américaine pour l’Europe et le Japon contre le camp adverse, i.e. l’URSS et la Chine. Sans oublier aussi que les États-Unis, malgré leurs déficits commerciaux, demeurent toujours une grande puissance industrielle. Donc on peut considérer que les excédents et déficits entre les pays occidentaux, malgré les différences, s’équilibrent.

Cette situation ne nous rappelle-t-elle pas la situation de l’Europe sortie de la guerre, après le Premier et Deuxième Conflit mondial, et qui devait se reconstruire ? Elle a, en absorbant le surplus de production industrielle, évité aux États-Unis une grave crise économique. La conjoncture économique des années 1970 va imposer le même processus. En effet, l’Occident va devoir « payer » les pays du tiers monde pour qu’ils absorbent le surplus de production des pays occidentaux dont l’objectif n’a pas été les capitaux mis à la disposition des pays d’Afrique et d’Asie, et ceux-ci n’ont été qu’un moyen dont l’objectif visé a été de maintenir l’industrie occidentale fonctionnelle. Une industrie dont dépendent des millions d’Européens, d’Américains et de Japonais, pour assurer leur existence, pour conserver leurs emplois qui les fait vivre. Et cela passait par les pays d’Afrique et d’Asie. Se rappeler qu’en 1929, on jetait la production industrielle, agricole à la mer. Et, à l’époque, il n’y avait pas de tiers monde, il existait dans les empires coloniaux.

Evidemment, le moyen utilisé dans les années 1970 par la dollarisation du pétrole n’était pas sincère, car diffus, mensonger par l’élite occidentale puisqu’il fallait procéder ce sauvetage des économies occidentales, en le mettant sur le compte des Arabes et des pays d’OPEP les krachs pétroliers qui ont vu le prix du pétrole tripler et quadrupler en 1973 et 1979. Les Arabes étaient mal vu par les peuples occidentaux parce qu’ils ont augmenté le prix du pétrole, et donc mis à mal les économies occidentales. Alors que ce sont les élites occidentales, à travers le pouvoir financier mondial, qui l’ont opéré. Car si cela eut été vrai que les Arabes ont augmenté unilatéralement le prix du pétrole, les États-Unis n’auraient qu’à restreindre les émissions monétaires en dollars comme ils l’ont opéré aujourd’hui, depuis l’été 2014, et les cours du prix de pétrole retomberaient d’eux-mêmes. Ce ne sont pas les Arabes qui émettent les dollars mais les Américains. Et les pays arabes sont conditionnés économiquement par les dollars américains. Si la Fed émet moins de dollars, c’est la catastrophe pour les pays arabes. Les transactions pétrolières vont s’effectuer avec moins de dollars, conséquence : les prix du pétrole vont forcément tomber. Donc le cours du pétrole est lié à la politique expansionniste ou restrictive de la Fed, elle-même liée au niveau des déficits commerciaux américains avec le reste du monde.

Ce payement des pays du tiers monde passait d’abord par le payement des pays de l’OPEP qui facturaient leurs exportations pétrolières en dollars. Et cette hausse du prix du pétrole impactaient ensuite les prix des autres matières premières. Justement, grâce la dollarisation du pétrole et le transfert de pouvoir d’achat par la hausse des prix des matières premières que le Tiers monde, en particulier les pays d’OPEP, est devenu, par la demande de biens et services, à l’instar de l’Europe sortie de la guerre, un véritable moteur, aux économies occidentales. Au point qu’en 1979, les économies occidentales nécessitaient un deuxième krach pétrolier.

 

5. Conclusion de la deuxième partie

 

 Nous n’avons pas répondu à la question première posée en préambule : « Comment comprendre le retournement de la situation économique pour les pays exportateurs aujourd’hui ? Et qu’augure ce retournement pétrolier qui, à bien d’égard ne peut être serein ? » Il est évident que l’argumentaire à présenter est difficile, et cette deuxième partie du développement commencé dans l’analyse précédente (5) donne déjà une idée des problèmes fondamentaux auxquels font face à la fois les pays exportateurs de pétrole, l’Occident détenteur des principales monnaies internationales (et d’eux dépend la financiarisation de l’économie mondiale), et les pays du BRICS dont les deux puissants, la Chine et l’Inde qui sont en train de rebattre les cartes du monde.

Par conséquent, nous y reviendrons dans les nouvelles forces qui se jouent aujourd’hui, comme d’ailleurs de l’avènement du nouveau président américain, Donald Trump, et sa politique qu’il veut de rupture avec celles menées jusqu’à présent par ses prédécesseurs et les élites occidentales. Comme le regard porté sur les tractations de l’Algérie entre l’Arabie saoudite et l’Iran pour influer sur le cours du pétrole qui sont à maints égards positives, mais cependant insuffisantes puisque d’autres forces sont en jeu, et qui ne sont pas pris en compte. Et c’est ce qui fait la faiblesse des pays d’OPEP face au pouvoir financier mondial, dominé par l’Occident.

D’autre part, cette domination par le pouvoir financier mondial ne signifie pas que l’Occident est gagnant, bien, au contraire, lui aussi navigue à vue, au gré des conjonctures historiques, comme cela a existé tant de fois en ce XXe siècle passé, et son prolongement, en ce début de XXIe siècle qui commence mal, par les guerres et les crises, comme le siècle passé. Qui d’ailleurs ont donné Donald Trump, un président qui se targue d’être un anti-système, un signe que l’architecture mondiale a atteint des limites et a besoin d’être rénovée.

La question reste à savoir comment ? Et pour cela, il faut tenter de comprendre l’essence des forces historiques qui sont difficiles à décrypter par les moyens classiques de la science aujourd’hui.

 

Medjdoub Hamed
Auteur et Chercheur indépendant en Economie mondiale,
Relations internationales et Prospective

www.sens-du-monde.com

 

Notes :

 

1. Russie – Réserves de change
 http://fr.tradingeconomics.com/russia/foreign-exchange-reserves

2. Kazakhstan – monnaie

http://fr.tradingeconomics.com/kazakhstan/currency

3. « L’Algérie a enregistré un déficit commercial de 13,71 milliards de dollars en 2015 », APS. 18 janvier 2016

http://www.aps.dz/economie/35065-l-alg%C3%A9rie-a-enregistr%C3%A9-un-d%C3%A9ficit-commercial-de-13,71-milliards-usd-en-2015

4. FACILECO-La crise de 1929 et la « grande dépression »
www.economie.gouv.fr › FACILECO › Culture économique › 120 000 ans d'histoire

5. « Pourquoi les guerres et les crises poussent les peuples à briser les chaînes de l’humiliation et de la servitude ? Le sens de l’islamisme », par Medjdoub Hamed. 20 octobre 2016
http://www.lequotidien-oran.com
http://www.agoravox.fr

 


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