« Aujourd’hui, il semble que l’atout du Maroc réside dans le fait qu’il ait déjà préparé le terrain en obtenant un accord de principe des pays qui seront traversés par le gazoduc, notamment les pays ouest-africains. De même, des bailleurs de fonds auraient également été sondés dans cette perspective. »
Une vue du chantier du gazoduc devant relier le Nigeria au Bénin, Togo et Ghana.
Beaucoup d’encre a coulé sur le projet d’un gazoduc reliant le Nigéria à l’Europe via l’Algérie depuis sa conception jusqu’à son enterrement en 2002 faute de financements nécessaires. «
En 2002, l’Algérie avait entamé des négociations avec le gouvernement nigérian en vue d’un projet similaire, mais qui traverserait le Sahel et l’Algérie pour atteindre les portes de l’Europe sur un tracé de 4.000 kilomètres. Sauf que les pays clients ont affiché des réticences face au risque sécuritaire qui mine la région et qui pourrait être à l’origine d’interruptions intempestives d’approvisionnement. En raison de ce facteur d’incertitude, l’Algérie a échoué à réunir les financements nécessaires, condamnant ce projet à un report sine die, voire à une paralysie permanente. Aucune convention n’a donc pur être signée pour le moment. » La même quantité d’encre a coulé sur la résurrection de ce méga projet, il y a 3 jours, à l’ occasion de la visite historique du Roi du Maroc Mohammed VI à ce grand pays anglophone enclavé entre quatre pays francophone et gazier. Le Maroc que ce gazoduc devra, cette fois, traverser, réussira-t-il là où son voisin arabe avait échoué en raison des menaces sécuritaires qui pesaient sur les infrastructures ? Peut-être que oui. Néanmoins cela ne signifie pas que les conditions d’il y a 15 ans ont totalement disparu. Loin s’en faut !
Un incident datant de quelques mois nous le rappelle brutalement : « Des rebelles présumés de la région pétrolière du delta du Niger au Nigeria ont fait exploser un gazoduc appartenant à une filiale de la compagnie pétrolière italienne ENI, a annoncé mercredi 18 mai 2016 un porte-parole de la compagnie. » Et même l’Algérie n’y échappe pas à la malédiction terroriste. Pour ne citer que
deux exemples , rappelons qu’ « en novembre 2011, le gazoduc de Hassi R’Mel qui alimente les régions du centre et du nord du pays avait été attaqué par des terroristes dans la commune de Djebahia, daïra de Kadiria, 30 km au nord de Bouira, au lieu-dit Oued Chhimi. La conduite de gaz avait été sabotée par l’explosion d’une bombe de fabrication artisanale et subi d’énormes dégâts. » Mieux : « Début décembre de la même année 2011, un attentat terroriste à la bombe avait ciblé, dans la commune de Aomar, à 20 kilomètres de Bouira, un groupe de surveillants chargé de la sécurité du gazoduc Hassi R’mel-Cap Djinet. Bilan : un mort et deux blessés parmi les gardiens. » Mais le besoin sans cesse grandissant de l’Europe en gaz dans un contexte de montée de l’économie verte et de guerre sourde avec la Russie grand pourvoyeur du vieux continent en cette énergie propre lui dicte d’explorer d’autres solutions pour ne pas lier son sort à la seule Algérie et Russie. Surtout que l’Algérie ne dispose plus de réserves qui lui permettent d’exporter un gaz qui suffirait à peine de combler ses besoins internes.
En effet ce pays maghrébin « n'a pas pu pallier le manque à produire néerlandais, la production algérienne de gaz a également chuté et elle est de plus en plus consommée localement » au moment ou
le géant russe Gazprom« se lance dans une bataille pour les consommateurs européens de gaz et augmente ses ventes à l’Union européenne. » D’où le fait que samedi 3 décembre dernier, à l’occasion de la visite du Roi du Maroc Mohammed VI au Nigéria, grand pays gazier anglophone se trouvant « enclavé » entre des pays francophones : le Bénin, le Niger, le Tchad et le Cameroun, les deux pays ont signé un accord pour un gazoduc géant devant alimenter des pays voisins en gaz tout en l’acheminant jusqu’au portes de l’Europe
Ce deal « prévoit l’extension du West African Gas Pipeline (WAGP) du Nigeria jusqu'à l'Europe via le Maroc. Il s'agirait du plus grand projet gazier en Afrique de l'Ouest. » Le Maroc réussira-t-il là où l’Algérie a échoué qui plus est à un moment où elle ne connaissait pas les difficultés financières d’aujourd’hui ? D’autant que si le gazoduc voit le jour il devra absolument contourner l’Algérie et le Niger (à moins d’un miracle) en passant par des pays instables comme le Mali et la Mauritanie. En tout cas selon le site
le site le360.ma « Aujourd’hui, il semble que l’atout du Maroc réside dans le fait qu’il ait déjà préparé le terrain en obtenant un accord de principe des pays qui seront traversés par le gazoduc, notamment les pays ouest-africains. De même, des bailleurs de fonds auraient également été sondés dans cette perspective. »
STRATEGIE RUSSE
Mais ce n’est pas la vraie question. Presque tous les médias nationaux et internationaux qui ont traité ce projet de gazoduc Nigéria-Europe via le Maroc se sont intéresse aux problèmes du terrorisme qui minent la région la région du delta du Niger. En oubliant une autre question non moins grave. Celle de savoir quelle sera
la réaction de Moscou si ledit projet voit le jour et contrarie sa stratégie gazière en Europe. «
L'Europe est de plus en plus dépendante de la Russie de la Russie pour se fournir en gaz. Gazprom vient d'annoncer avoir vendu l'an dernier [2015] 8 % de gaz supplémentaires à ses partenaires européens. Une façon de démontrer que l'Europe a beau se fâcher au sujet de l'Ukraine, elle ne peut échapper à son voisin russe pour son approvisionnement gazier. Les analystes confirment cette évolution (…) et Gazprom a partiellement récupéré les parts perdues par l’Algérie et la Lybie. La production africaine est en baisse, car les investissements se contractent sur fond de prix faibles et de situation politique instable. Actuellement, on y produit 30% de moins qu’il y a cinq ans », décrypte Gueorgui Vachtchenko, chef du département des opérations à la bourse russe chez Freedom Finance. Il précise que la part de Gazprom sur le marché européen a atteint son plus haut niveau en dix ans. Par ailleurs, la Norvège n’est pas en mesure d’accroître considérablement ses volumes, ajoute M. Vachtchenko. Espérons en tout cas que les relations entre les excellentes Russie et le Maroc ne pâtissent pas d’un projet où Rabat n’est que le maillon d’une chaîne euro-africaine. Surtout que la Russie qui tient à son amitié avec le Maroc ne manque pas de dire son mécontentement à Rabat quand cette amitié est mise à l’épreuve économiquement ou verbalement par des officiels. Pas plus tôt qu’hier lundi 5
l’ambassadeur de Moscou à Rabat Valery Vorobiev a exprimé « la préoccupation de Moscou, suite à des déclarations médiatiques attribuées à un très haut responsable du gouvernement marocain [le chef du gouvernement Benkirane : Ndlr] accusant la Russie d'être responsable de la destruction de la Syrie. »