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La cause du peuple, le coup de réparation réussi de Patrick Buisson

Patrick Buisson ! il y a du Léon Daudet dans cet homme-là !

On cherchera cependant en vain les outrances, la démesure dans l’expression qui étaient la marque des libellistes d’avant-guerre mais qui en faisaient aussi tout le sel ; la malveillance ou l’esprit de vindicte quand ils se parent des atours de la syntaxe et de la formule qui tue sont tout simplement stimulants.

Les connaisseurs savent que le persiflage policé o tempora o mores ! s’est substitué aujourd’hui aux sarcasmes vitriolés et aux pamphlets d’autrefois, mais Dieu merci ! chez Patrick Buisson, l’esprit demeure, tempéré par le sirop de l’époque.

Je n’entrerai pas dans la querelle, assez vaine en l’occurrence, de savoir si un malveillant lui a dérobé un enregistrement de ses conférences avec le Président ou si Patrick Buisson a poussé la complaisance à se le laisser dérober.

Après tout qu’importe , le voleur éventuel ( ou l’exécuteur des basses œuvres ) fut au demeurant bien avisé car cela nous vaut cette chronique corrosive au plus près d’un homme de pouvoir assez singulier, Nicolas Sarkozy, un spécimen unique de girouette effervescente.

 

Buisson, le conseiller de l’ombre, fait aussi un plaidoyer pro domo, une défense et illustration pas piquées des hannetons de son influence discrète, insuffisante à ses yeux mais réelle.

 

On regrettera de la part d’un fin lettré une certaine pédanterie dans le vocabulaire et une propension à l’abus des anglicismes.
Un barbarisme savant comme « antépathie « (dont on chercherait en vain l’existence dans le Petit Robert commun ) employé pour définir la nostalgie des Français pour le bon vieux temps ne me semble pas du meilleur goût et quand il est répété, ça craint !

Le mot a, semble-t-il, été forgé par Lucas Fournier , auteur de " C'était tellement mieux avant – Petit précis d'antépathie contemporaine " compilation teintée d’ironie de tous les lieux communs qu’il nous arrive d’entendre voire d’énoncer quand nous nous abandonnons aux regrets du temps qui passe.

D’autres constructions comme médiagogues pour définir les arbitres des élégances mandatés par le complexe politico-médiatique me parlent davantage.

Mais ce ne sont que vétilles devant la charge dévastatrice du texte qui n’épargne personne. 

Buisson chérit manifestement des utopies régressives et c’est un peu aussi sa faiblesse doctrinale : il se projette en arrière.
Néanmoins ce fut aussi sa force de les faire formellement partager par Sarkozy : avec la victoire de 2007, il réussit, le temps d’une campagne présidentielle, à remodeler ce dernier en champion du pays réel. Comme on le définissait avant-guerre dans les milieux réactionnaires.

 

On perçoit bien la filiation maurassienne de Patrick Buisson : il veut restaurer la verticalité du pouvoir ; pour lui, le président doit être en lien organique avec la nation, ce n’est pas un simple « primus inter pares « mais un monarque qui décrète plutôt qu’il n’explique ni ne cherche à convaincre…

Pendant 8 siècles la monarchie de droit divin a rempli ce rôle en faisant corps avec l’état.

La royauté abolie et les choses étant ce qu’elles sont, son espoir ( encore que, au contact du personnage, il avoue avoir assez vite perdu ses illusions ) fut que Sarkozy se transcendât dans l’exercice de sa fonction.

On sait que, passant d’un sujet à l’autre au gré des humeurs antagonistes de ses conseillers ( Buisson et Guaino ne savaient pas se sentir ) , Sarkozy virevolta pour finir par flotter dans le vide.

 

Au-delà de la chronique ironique d’un mandat, c’est peut-être un peu aussi sur ses espoirs déçus que Buisson s’épanche.

Mais soit ! Buisson nous offre un ouvrage bien charpenté qui nous éclaire, quelque soit notre orientation, sur les jeux de masque du pouvoir.

 

La meilleure défense, c’est l’attaque et plutôt que d’assister, résigné, à la divulgation par le presse et accommodée à sa sauce des petites bassesses auxquelles il a prêté la main – d’aucuns plus à cheval sur les principes appelleront cela des turpitudes - , Buisson a choisi d’apporter ses propres commentaires en trempant sa plume dans le fiel de sa rancœur : on perçoit dans ses commentaires comme une histoire d’amour avortée.

Tant il est vrai aussi que dans le genre polémique, il n’y a pas de bonne littérature qui ne soit marquée peu ou prou au sceau de la vengeance.

Buisson en profite pour habiller Carla Bruni pour le restant de sa vie en lui taillant un costard de gourde aussi prétentieuse que farcie de certitudes.

 

Il nous dresse ainsi une manière de chronique nécrologique de l’avant-dernier quinquennat ainsi que la notice qui pourrait édifier les générations futures sur le rôle de Sarkozy dans l’histoire : " Tout le temps où il avait été au pouvoir, Nicolas Sarkozy n’avait jamais eu pour conviction que son intérêt instantané et, son intérêt changeant, il n’a jamais cessé de changer d’idées en y mettant toute l’énergie de ses insincérités successives " ! Mon Dieu, que c’est beau !

On trouvera la confirmation du caractère manipulateur de Sarkozy chez qui l’intrigue est à la manœuvre ce que la caricature est au portrait mais combinée à un cynisme qui tranche avec la façade que quelques fidèles s’éreintent à vouloir conserver intacte.

Patrick Buisson nous convie à un voyage dans les arrière-cuisines du pouvoir et il en ramène un constat accablant.

Je ne résiste pas au plaisir de vous conter une anecdote savoureuse du moins telle qu’il la rapporte pour notre plus grand bonheur : il nous entraîne à sa suite à l’occasion de la mémorable visite vaticane d’intronisation du chanoine de Saint Jean du Latran.

Les pages de Buisson sont délicieuses qui nous montrent l’audience papale de Sarkozy et de sa délégation amputée de la mère de Carla Bruni interdite de visite ( ? ) dans les appartements privés du pape et abandonnée à l’ombre d’un pin parasol dans les jardins du Vatican.

Il nous dépeint Sarkozy jouant avec son portable à lire ses textos pendant l’homélie de Benoît XVI, il nous entraîne dans la cavale insensée du petit nerveux à la découverte de la basilique Saint Pierre avec sa suite ensoutanée de dignitaires papaux qui, étouffés par son train d’enfer, se prennent les pieds dans les plis de leur aube, il nous conte l’humoriste Bigard qui s’autoproclame le plus bête et le plus vulgaire de France ( au moins un qui pratique le «  connais-toi toi-même «  socratique ) qui justifie benoîtement sa présence dans la délégation par sa croyance en Dieu et il immortalise ce grand moment où Sarkozy, écrasé par la munificence des lieux, rentre dans son personnage de chanoine plein de componction ecclésiastique, à Saint-Jean de Latran : du grand Fellini !

Et des anecdotes aussi savoureuses il y en a plein...

Patrick Buisson se pose en mémorialiste, mélange de Jean Froissart et Philippe de Commines pour la chronique, de Bossuet et Fénelon pour l’indignation feinte et de Saint Simon pour le jugement politique, le tout assaisonné de la Bruyère pour les caractères et de Courteline pour les effets comiques.
Tout cela est bien troussé et j’en ai fait mon petit cinéma comique…

On aurait évidemment tort de ne voir dans ce livre qu’une charge féroce contre Sarkozy, ce dernier a été remercié comme un malpropre mais d’autres qui triomphent aujourd'hui n’échappent pas à son venin.

Buisson y développe aussi ses analyses de l’état de la France à son estime inquiétant et développe avec plus de pertinence doctrinale qu’un Zemmour les moyens d’y remédier.

On est cependant en plein dénigrement de la marche inexorable de l’histoire : vouloir gouverner la France comme rêvèrent de le faire sans succès les maurrassiens est extravagant mais le tout participe au moins d’une cohérence qui fait défaut à tant d’autres qui se posent en pragmatiques mais se laissent guider en réalité par leurs caprices et les événements : " Puisque ces mystères nous dépassent, feignons d'en être les organisateurs« comme l’écrivait Jean Cocteau dans «  Les mariés de la tour Eiffel " 

Peut-on mieux dire pour recouvrir l’impuissance dans l’action du vernis de la compétence ?

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M le Maudit

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3 réactions à cet article    


  • leypanou 19 décembre 2016 10:02

    Du beau texte comme d’habitude, qui n’a rien à voir avec les sujets bidons de quelques uns sur ce site, bidons inutiles d’être précisés.

    Il faut aussi avoir une certaine culture littéraire pour apprécier.


    • Francis, agnotologue JL 19 décembre 2016 10:11

      Bonjour Elliot,

       
      j’ai lu cet article aussi passionnant que bien écrit.
       
      Dommage que le titre prête à confusion : j’ai d’abord cru à une faute d’orthographe, chose qu’on ne trouve guère chez vous.

      • Victor 19 décembre 2016 10:54

        J’imagine bien Buisson maurassien, mais je ne sais pas si son bouquin est orienté juste polémique sarcastique (genre celui De Villiers) où plus théorie des idées. (anté avant pathos sentimentalisme, juste évident ...)
         
        Mais on ne remonte pas le fleuve de l’Histoire, Maurras était un « halluciné du passé » (Berth)
         
        « L’autorité en haut, les libertés en bas » Maurras
         

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