Tirer la couverture à soi
Coup de chaud dans le pays.
Nous ne mesurons pas encore les dégâts que va faire la fragmentation idéologique de notre nation. Si les urnes, dans leur implacable logique numérique, vont finir par désigner un camp vainqueur, la grande perdante sera l’unité nationale. Il apparaît de plus en plus clairement que la victoire suppose des propos et des postures radicales qui, immanquablement, laisseront des traces dans la population.
Je ne vais pas tirer sur les ambulances : les seuls à vouloir donner dans le consensus mou, le politiquement convenable et humainement acceptable sont les sortants, ceux-là même qui vont prendre la porte avec pertes et fracas. Les autres, peu ou prou, donnent dans la surenchère, l’excès et les solutions sans demi-mesure. Chacun peut aisément juger de la chose.
Dans ce contexte, il n’est pas surprenant d’entendre que des policiers (et non la Police) tombent dans l’ignoble en retirant les couvertures de survie, les duvets que des organisations caritatives ont distribués aux gens de la rue. Le débat actuel autorise implicitement de telles dérives, de tels comportements qui, non seulement, ne s’accompagnent plus d’aucun sentiment de culpabilité, mais pire encore, héritent de l’assentiment de bon nombres de personnes.
Bien sûr, en premier lieu, il convient de s’inquiéter des ravages de certaines idéologies dans les institutions. Chacun peut émettre les plus grandes réserves devant l’épidémie massive de xénophobie qui touche nos policiers. Il est clair qu’ils se trouvent en première ligne et que de leur côté, ils ont quotidiennement à essuyer insultes et coups, crachats et mépris de la part d'une frange de la population,elle-même tombée dans le plus effroyable ostracisme. Nous sommes dans une impasse et grands sont les risques d’explosion à ce petit jeu qui ne va ne faire que s’amplifier les mois prochains.
Les policiers ne sont, hélas, pas les seuls à être atteints du syndrome radical. Allez donc sur les marchés et vous serez effrayés, si vous avez encore conservé une once de fraternité, des propos haineux qui sont désormais tenus sans honte ni retenue. Il est non seulement possible de dire sa haine et de proposer des solutions radicales, mais pire encore, vous allez trouver écho favorable et approbation sans restriction.
Les bonnes âmes qui commentent l’état de notre société font les sourdes, feignent de ne pas entendre le bruit odieux de la discrimination, de la stigmatisation et de l’anathème. Il est vrai que le vernis persiste dans les beaux quartiers, qu’on pense ainsi mais que, pour l’instant, on ne s’affiche pas encore comme supporters de la pensée brune. Mais gare, que le vent tourne, que le pouvoir vienne à tendre les bras à dame Marine et à ses sbires, et vous aurez la bourgeoisie qui leur emboîtera joyeusement le pas.
Alors chacun cherche à se couvrir, à préserver ses intérêts. Il convient de ne pas voir plus loin que le bout de son nez. La société se fragmente, se disloque, menace d’exploser et beaucoup vont continuer de participer à un débat qui est justement cause du prochain cataclysme. Je redoute qu’il ne soit plus temps d’entraver la machine infernale qui fonce dans le mur. Ce n’est certes pas par les urnes que se réglera ce terrible problème, bien au contraire.
Pour sauver la face, faites en sorte, individuellement, de ne plus laisser faire. Il convient d’exprimer votre indignation, de dénoncer ce qui relève de l’inhumanité, du délit, de l’abjection. Il faut l’exprimer d’une voix ferme et calme. Dénoncez, intervenez, opposez-vous à cette vague de racisme qui submerge la population et faites-le sans exclusive, sans vous soucier de savoir qui a failli.
Et d’abord, redonnez des couvertures aux miséreux. Il n’est pas acceptable qu’en notre nom, quelques fonctionnaires, influencés par un discours de haine, sombrent dans une telle ignominie. Merci.
Couvertement leur.
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