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Accueil du site > Tribune Libre > Macron et le Discours à l’Université Humboldt : entre KowTow et (...)

Macron et le Discours à l’Université Humboldt : entre KowTow et Montoire économique, l’allégeance de la France à l’ordolibéralisme

Le kowtow (叩頭 en chinois traditionnel, 叩头 en chinois simplifié, Kòu tóu en hanyu pinyin et Kau tàuh en cantonais) est un geste marquant le signe d'un profond respect qui consiste pour la personne qui l'exécute à se mettre à genoux et à s'incliner plus bas que terre...

C'est principalement en réalité un geste de soumission devant l'Empereur et qui obligeait son auteur à s'agenouiller, se relever et se cogner le front violemment au sol à trois reprises pour bien marquer les rôles et situations respectifs du visiteur vassal face à son suzerain.

I- La visite à Berlin comme les déclarations de M. Emmanuel Macron, candidat à la Présidence de la République française, sont une faute politique majeure, un nouveau Montoire diplomatique et économique (une vieille tradition...) si l'on considère la manière, la conduite, le contexte, les circonstances qui les ont entourées.

Nous avons ainsi notre petit Franck Underwood à nous (sans le talent), sorte de Kennedy revisité (en retard d'une époque), une sorte de VRP d'un socialisme qui se voudrait rajeuni et rendu plus présentable que celui de ses ex-patrons, plus germano-compatible dira-t-on, venu offrir à son vieux voisin et prochain nouveau Maître (l'Allemagne) un pays encore un peu riche (la France), tenu par une administration efficace (comme d'habitude) et susceptible de fournir une force de travail docile et bien formée que l'on veillera à bien tenir en laisse pour qu'elle ne se pose pas trop de questions déplacées sur son utilité et son devenir.

Vieille histoire, dira-t-on avec raison, mais dont on refusera la réédition car il serait dommage que cette bonne vieille tradition historique s'amuse une fois de plus à nous repasser les plats d'une cuisine devenue insipide et sans imagination.

La comédie macronesque est tout simplement inadmissible et scandaleuse.

Bizarrement, on gardera en mémoire (mais M. Macron qui est né en 1977, année de sortie du premier Star Wars, est peut-être trop jeune pour s'intéresser à de vieilles actualités cinématographiques en noir et blanc) la visite et le discours du général De Gaulle s'adressant - en Allemand - à la jeunesse allemande enthousiaste. Il est manifeste que l'on change ici de registre !

On prendra en effet le temps de visionner ne serait-ce que le début de cette superbe vidéo du discours de De Gaulle prononcé à Ludwigsbourg en 1962. Die Rede von Charles de Gaulle an die deutsche Jugend. Ludwigsburg, 1962.

On n'hésitera pas non plus à écouter l'extrait de cet autre discours prononcé à Bonn le 4 septembre 1962.

https://www.youtube.com/watch?v=dqQdyKbyRXY

On comparera ensuite ces morceaux d'anthologie, la force et la présence d'un véritable chef politique, avec la prestation honteuse du farfadet venu offrir l'allégeance de son pays à l'Allemagne sous couleur (Verboten zu lachen ! Holen Sie sich ernsthaft, bitte ! Interdit de rire !Un peu de sérieux, s'il vous plaît !) de se « forger une stature d'homme d'Etat ». A croire que les mots ont perdu tout leur sens...

On jugera en effet de la prestation de l'intéressé :

http://www.bfmtv.com/mediaplayer/video/comment-macron-tente-de-se-forger-une-stature-d-homme-d-etat-902147.html

http://www.entreprise.news/emmanuel-macron-sur-la-route-de-la-collaboration-avec-lallemagne/

Il est donc plus que jamais urgent de mettre un terme à cette mauvaise pièce de théâtre jouée par un mauvais acteur prêt à tout et surtout à n'importe quoi.
 

II-Je crois donc nécessaire avec ce billet d'attirer l'attention de tous ceux qui seraient prêts à chavirer et succomber aux charmes macronesques d'une valse-hésitation électorale sur l'impérieuse nécessité de considérer la réalité du monde et de décider de se doter enfin et de toute urgence de gens qui soient réellement faits et dimensionnés pour le poste et les fonctions que représente très exactement l'exercice de la Présidence de la République.

Je parle ici d'un sujet très sérieux.

Il s'agit plus simplement de réaliser tant qu'il en est encore temps, i.e. avant l'élection présidentielle de 2017, que les véritables interlocuteurs économiques et financiers de notre jeune ami - malgré ses talents et capacités -, sont d'une trempe et d'une dimension dont lui-même n'a probablement pas vraiment idée. Si l'on considère l'Allemagne actuelle et ses dirigeants, je pense ici à l'actuel ministre des finance M. Wolfgang Schäuble, par exemple, il faut en effet avoir rencontré ne serait-ce que quelques minutes le locataire du bureau n° 4453 de l'immeuble de la Wilhelmstrasse, membre du Bundestag depuis plus de 40 ans, pour comprendre qui est réellement ce loup gris aussi dur avec les autres qu'il l'est avec lui-même, fort d'avoir surmonté avec un courage exceptionnel sa paralysie consécutive à la tentative d'assassinat au poignard dont il fut autrefois victime.

Entre un Emmanuel Macron et un autre ministre des finances tel que M. Wolfgang Schäuble qui a probablement déjà décidé de succéder à Mme Angela Merkel, laquelle a montré qu'elle était capable de tenir la dragée haute à Vladimir Poutine - по-русски - на немецком языке -, il est bien évident que les jeux sont faits. Car face à une telle personnalité que rien n'impressionne sous son air de sympathique fermeté de croquemitaine prêt à tenir en laisse ou à déchiqueter son jeune interlocuteur, face à un homme qui a mis à genoux sans état d'âme la Grèce avec la task force d'une Troïka, sorte de Treuhandanstalt devenue opérationnelle dans un pays qu'elle n'a pas hésité à découper jusqu'à l'os après avoir « restructuré » l'ancienne RDA,( ce qu'elle rêve de faire avec la France), la France, précisément, n'est absolument pas armée avec un candidat tel que le jeune Emmanuel venu à Canossa-Montoire-Berlin et désormais en position de faiblesse avouée et avérée pour dire et faire ce qu'elle doit faire en Europe en 2017 : s'imposer.

Je ne parle même pas de la présence physique de l'intéressé à l'échelle internationale face à un Poutine, un Xi Jinping ou un D. Trump. Il faut en effet un certain gabarit et un certain tonus pour monter sur un ring de la Wrestlemania. Car le Public est connaisseur, voyez-vous, et l'arène internationale exige en effet un lanista et des gladiateurs, pas des martyrs qui, comme chacun sait, servent en prime time de zakouskis et de biscuits d'apéritif pour les lions. I'm sure he'll loose, Mama  ! Baby face ? Mauvais rêve, mauvais choix, mauvaise donne, sauf à vouloir une fois de plus jouer la France perdante pour cinq années de plus.

Je n'accepte pas cette perspective.

Pas de KowTow, de Montoire économique et encore moins d'allégeance de la France à l'ordolibéralisme.

J'ai autre chose à proposer.

 

Références et pièces d'information :

 

http://plus.lefigaro.fr/tag/wolfgang-schauble

http://www.spiegel.de/international/germany/how-german-finance-minister-schaeuble-navigates-the-euro-crisis-a-924526.html

https://www.youtube.com/watch?v=dVxVDDYwNvU

https://www.youtube.com/watch?v=MMKFIHRpe7I

http://www.la-croix.com/France/Politique/Emmanuel-Macron-promet-Berlin-reformes-serieuses-2017-01-11-1200816335

On lira avec intérêt l'éditorial de Lucienne Magalie Pons relatant le voyage à berlin de M. Macron :

http://luciennemagaliepons.blogspot.fr/2017/01/actualites-demmanuel-macron-deplacement.html

 

Documents joints à cet article

Macron et le Discours à l'Université Humboldt : entre KowTow et Montoire économique, l'allégeance de la France à l'ordolibéralisme

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10 réactions à cet article    


  • Abou Antoun Abou Antoun 14 janvier 2017 10:05

    Il y a bien d’autres raisons de ne pas se soumettre au diktat allemand. L’Allemagne joue un jeu dangereux pour l’Europe en fédérant le clan des revanchards, anciens pays satellites de l’URSS intégrés depuis dans l’UE et l’OTAN (c’est la même chose). Il est vrai que certains de ces pays ont fait plus que sympathiser avec le Reich dans le passé. Cela crée des liens ...
    l’axe franco-allemand n’existe plus depuis 25 ans.
    L’Allemagne est le principal artisan de la destruction de la Yougoslavie (toujours pareil il a suffi de ranimer les oustachis), et ces cons de Français ont suivi. L’Allemagne prend la tête d’une ceinture nazie autour de la Russie et fait courir à l’Europe de graves dangers. C’est une politique irresponsable.


    • Jean-Pierre Llabrés Jean-Pierre Llabrés 14 janvier 2017 10:19

      Il conviendrait de faire consensus sur le fait que, contrairement à ce que croient trop de gens, le capitalisme n’est pas paupérisateur : il produit globalement des richesses mais il ne parvient pas à les répartir équitablement. Le but du socialisme est de parvenir à répartir ces richesses équuitablement.

      De plus, la concurrence est la meilleure des choses à condition qu’elle soit loyale, non faussée.

      Les libéraux ( de Droite ?) croient que le marché est naturel et qu’une « grande main invisible » régule naturellement les dysfonctionnements du marché, de l’offre et de la demande.

      Au contraire, les ordolibéraux (de Gauche ?) ne croient pas que le marché soit naturel et ils pensent qu’il est impératif que l’État mette en œuvre des lois propres à restaurer et maintenir une concurrence libre et non faussée.

      En toute immodestie, concernant les ordolibéraux, j’apporterai une nuance.
      Au lieu de dire : « Le marché n’est pas naturel », je proposerais : « Le marché est naturel mais il n’est pas naturellement équitable ».
      D’où la nécessité de réguler transitoirement le marché par l’État.

      Le jour où une majorité de Français aura intégré ces concepts fondamentaux, le pays sera prêt a adopter un nouveau paradigme en matière de socio-économie qui permettra la 

      Refondation du Capitalisme & Instauration d’un Dividende Universel par l’Épargne.

      http://www.sincerites.org/article-le-dividende-universel-83909790.html

      Je suis candidat à l’élection présidentielle de 2017.


      • Jean-Pierre Llabrés Jean-Pierre Llabrés 15 janvier 2017 18:07
        Renaud Bouchard 15 janvier 16:37

        Un lecteur qui se reconnaîtra ici m’a posé une très bonne question à laquelle je réponds ici.

        « Je m’étonne, m’écrit-il, que vous soyez opposé à l’ordolibéralisme qui me paraît être un concept fondamental à adopter pour remettre d’aplomb la pensée socio-économique ce qui est très loin d’être la cas en France : les candidats « reconnus » à l’élection présidentielle 2017 en apportent la preuve chaque jour » 
        Je crains malheureusement que les candidats dit « reconnus » n’aient qu’une approche biaisée sinon radicalement erronée de cette approche économique (l’ordolibéralisme) qui a fait son temps.

        Il n’est qu’à voir de quelle manière des « candidats reconnus » tels que MM. Fillon et Macron sont enlisés dans un Euro dont ils ne maîtrisent en réalité rien du tout.

        Comme l’explique très justement l’économiste J-C. Werrebrouck, le programme Fillon(le propos est tout autant valable pour le« programme Macron ») est très discret. 

        Évacuant toute volonté de renégocier les Traités, le volet Politique Industrielle de l’Europe n’existe pas vraiment et se contente d’exhortations sur le numérique, la médecine, les transports ou l’énergie, autant de branches dont on aimerait qu’elle se transforment en « nouveaux AIRBUS ». Les paragraphes consacrés aux normes et la volonté de ne pas accepter le projet de libre-échange avec les USA sont plus crédibles.

        (Mais) beaucoup de discrétion, voire d’erreurs concernent l’Euro.

        Ainsi parle-t-on d’un Euro qui deviendrait monnaie de réserve sans savoir que le statut de monnaie de réserve repose aussi sur des réalités qui sont loin d’exister en Europe : domination politique et militaire avec déficit extérieur constitutifs de balances euros.

        On évoque aussi des souhaits ou utopies : la création d’une direction politique de l’euro, avec un secrétariat général de la zone qui serait indépendante de la Commission ; la coordination à imaginer avec la BCE en vue d’une stratégie économique globale ; la mise en commun des dettes couronnant l’achèvement d’une convergence fiscale ; etc. 

        Il n’y a donc aucune prise de conscience de taux de change entre pays dont l’inadaptation s’aggrave avec le temps. 

        On ne parle pas du passager clandestin allemand qui bénéficie d’un taux de 25% inférieur à ce qu’il devrait être. 

        On ne parle pas non plus de l’armée d’occupation qui accompagne nécessairement le paquebot euro : finance dérégulée, Banque centrale Indépendante, liberté de circulation des capitaux, etc. 

        On ne prend pas conscience que le rétablissement de la compétitivité passe plus facilement par une dévaluation (baisse de prix externes) que par une attaque frontale du coût complet du travail (baisse des prix internes) et ce même si durablement les élasticités prix ont été anéanties par l’allongement des chaines de la valeur.

        Libérer l’offre passe par un premier non-respect de la réglementation européenne en réquisitionnant le gouverneur de la banque, lequel aura pour mission de monétiser la dette et de permettre les investissements massifs donnant accès dans un premier temps au rétablissement du bon fonctionnement des infrastructures de base ( 55milliards d’euros pour EDF, 30 milliards pour le rail, etc., mais aussi l’équipement militaire, et surtout la lutte contre le dérèglement climatique) . 

        Simultanément le reprise en mains du système financier dont les dirigeants seront aussi réquisitionnés, permettrait avec la monétisation assurée par la banque centrale d’envisager des investissements eux-mêmes massifs pour la mise à niveau d’un système productif (surtout industriel et agricole) devenu très en retard en termes de productivité, de diversité, ou de simple adaptation aux demandes nouvelles. C’est dans ce cadre porteur que l’offre nouvelle pourra se libérer et assurer ce qu’on appelle la montée en gamme du système productif français.

        Maintenant, parce qu’il faut que les investissements gigantesques capables de redresser le pays ne débouchent pas sur un non moins gigantesque accroissement des importations assurant la relance à l’étranger….il faudra profiter de la probable disparition de l’euro, (dont le fonctionnement était lié à l’indépendance de la banque centrale….devenue organe financier dirigé par un gouverneur réquisitionné), pour procéder à une dévaluation massive.

        Bien évidemment, tout cela ne pourra se déployer sans effets pervers qu’il faudra savoir maitriser : élasticités/prix à l’importation et à l’exportation beaucoup trop faibles, contrôle des mouvements de capitaux, risques d’inflation, pénurie de devises, etc. Et bien au-delà l’exigence d’une certaine patience, le rétablissement de la puissance du pays ne pouvant s’opérer que dans le cadre d’une dizaine d’années.

        De tout cela ni M. Fillon ni M. Macron n’ont vraiment conscience de telle sorte que, une fois confrontés à l’implacable réalité qui leur sautera au visage, ils n’auront pas plus qu’aujourd’hui les capacités et les moyens de réagir à un événement dont ils n’auront pas même compris la genèse.

        L’ordolibéralisme était sans doute parfaitement adapté à la reconstruction économique de l’Allemagne après-guerre, mais ne l’a rapidement plus été lorsqu’il a été imposé comme modèle incontournable à la construction économique de l’UE par cette même Allemagne.

        On voit d’ailleurs à cette aune l’importance de l’échec et de l’inadaptation de l’ordolibéralisme qui, après avoir conduit l’Europe dans le mur, fait de même avec l’Allemagne elle-même ( avec l’exemple de la DeutscheBank, pourtant bras séculier de la finance-industrie allemande, et qui a achevé de perdre son âme dans cet avatar ordolibéral que représente la finance spéculative hors-sol qui a tout détruit).

        Vous trouverez ci-après un lien vers un article très intéressant de Serge Le Quéau paru en...2005 et toujours d’actualité sur le fond.

        https://r-eveillez-vous.fr/il-ne-faudra-jamais-oublier-ce-qui-se-cache-derriere-ce-terme/


      • Jean-Pierre Llabrés Jean-Pierre Llabrés 15 janvier 2017 18:18

        Monsieur Bouchard,
        Je suis étonné que vous soyez opposé à l’ordolibéralisme qui me paraît être un concept fondamental à adopter pour remettre d’aplomb la pensée socio-économique ce qui est très loin d’être la cas en France : les candidats « reconnus » à l’élection présidentielle 2017 en apportent la preuve chaque jour.
        Cordialement,
        Jean-Pierre Llabrés

        Monsieur Bouchard,
        Merci pour votre réponse argumentée. (commentaire ci-dessus)
        Permettez-moi simplement de vous dire que l’ordolibéralisme n’est pas obsolète mais que ce sont nos « politicards » qui le dénaturent depuis des dizaines d’années.
        Cordialement,
        Jean-Pierre Llabrés

        P.S. & N.B. :
        Il est extrêmement dangereux de rejeter l’ordolibéralisme, qui demeure la seule philosophie socio-économique garante de la recherche du bien commun du plus grand nombre (hélas, on n’en est pas encore au Capitalisme Solidaire...) pour la seule raison que des générations de « politicards » étaient incapables d’en faire bon usage.

        Avertissement
        En démocratie, vous élisez toujours le personnel politique que vous méritez...



      • Clark Kent Jeussey de Sourcesûre 14 janvier 2017 11:44

        « J’ai autre chose à proposer. »


        QUOI ?

        • Renaud Bouchard Renaud Bouchard 15 janvier 2017 16:37

          Un lecteur qui se reconnaîtra ici m’a posé une très bonne question à laquelle je réponds ici.

          "Je m’étonne, m’écrit-il, que vous soyez opposé à l’ordolibéralisme qui me paraît être un concept fondamental à adopter pour remettre d’aplomb la pensée socio-économique ce qui est très loin d’être la cas en France : les candidats « reconnus » à l’élection présidentielle 2017 en apportent la preuve chaque jour"
          Je crains malheureusement que les candidats dit « reconnus » n’aient qu’une approche biaisée sinon radicalement erronée de cette approche économique (l’ordolibéralisme) qui a fait son temps.

          Il n’est qu’à voir de quelle manière des « candidats reconnus » tels que MM. Fillon et Macron sont enlisés dans un Euro dont ils ne maîtrisent en réalité rien du tout.

          Comme l’explique très justement l’économiste J-C. Werrebrouck, le programme Fillon (le propos est tout autant valable pour le« programme Macron ») est très discret.

          Évacuant toute volonté de renégocier les Traités, le volet Politique Industrielle de l’Europe n’existe pas vraiment et se contente d’exhortations sur le numérique, la médecine, les transports ou l’énergie, autant de branches dont on aimerait qu’elle se transforment en « nouveaux AIRBUS ». Les paragraphes consacrés aux normes et la volonté de ne pas accepter le projet de libre-échange avec les USA sont plus crédibles.

          (Mais) beaucoup de discrétion, voire d’erreurs concernent l’Euro.

          Ainsi parle-t-on d’un Euro qui deviendrait monnaie de réserve sans savoir que le statut de monnaie de réserve repose aussi sur des réalités qui sont loin d’exister en Europe : domination politique et militaire avec déficit extérieur constitutifs de balances euros.

          On évoque aussi des souhaits ou utopies : la création d’une direction politique de l’euro, avec un secrétariat général de la zone qui serait indépendante de la Commission ; la coordination à imaginer avec la BCE en vue d’une stratégie économique globale ; la mise en commun des dettes couronnant l’achèvement d’une convergence fiscale ; etc.

          Il n’y a donc aucune prise de conscience de taux de change entre pays dont l’inadaptation s’aggrave avec le temps.

          On ne parle pas du passager clandestin allemand qui bénéficie d’un taux de 25% inférieur à ce qu’il devrait être.

          On ne parle pas non plus de l’armée d’occupation qui accompagne nécessairement le paquebot euro : finance dérégulée, Banque centrale Indépendante, liberté de circulation des capitaux, etc.

          On ne prend pas conscience que le rétablissement de la compétitivité passe plus facilement par une dévaluation (baisse de prix externes) que par une attaque frontale du coût complet du travail (baisse des prix internes) et ce même si durablement les élasticités prix ont été anéanties par l’allongement des chaines de la valeur.

          Libérer l’offre passe par un premier non-respect de la réglementation européenne en réquisitionnant le gouverneur de la banque, lequel aura pour mission de monétiser la dette et de permettre les investissements massifs donnant accès dans un premier temps au rétablissement du bon fonctionnement des infrastructures de base ( 55milliards d’euros pour EDF, 30 milliards pour le rail, etc., mais aussi l’équipement militaire, et surtout la lutte contre le dérèglement climatique) .

          Simultanément le reprise en mains du système financier dont les dirigeants seront aussi réquisitionnés, permettrait avec la monétisation assurée par la banque centrale d’envisager des investissements eux-mêmes massifs pour la mise à niveau d’un système productif (surtout industriel et agricole) devenu très en retard en termes de productivité, de diversité, ou de simple adaptation aux demandes nouvelles. C’est dans ce cadre porteur que l’offre nouvelle pourra se libérer et assurer ce qu’on appelle la montée en gamme du système productif français.

          Maintenant, parce qu’il faut que les investissements gigantesques capables de redresser le pays ne débouchent pas sur un non moins gigantesque accroissement des importations assurant la relance à l’étranger….il faudra profiter de la probable disparition de l’euro, (dont le fonctionnement était lié à l’indépendance de la banque centrale….devenue organe financier dirigé par un gouverneur réquisitionné), pour procéder à une dévaluation massive.

          Bien évidemment, tout cela ne pourra se déployer sans effets pervers qu’il faudra savoir maitriser : élasticités/prix à l’importation et à l’exportation beaucoup trop faibles, contrôle des mouvements de capitaux, risques d’inflation, pénurie de devises, etc. Et bien au-delà l’exigence d’une certaine patience, le rétablissement de la puissance du pays ne pouvant s’opérer que dans le cadre d’une dizaine d’années.

          De tout cela ni M. Fillon ni M. Macron n’ont vraiment conscience de telle sorte que, une fois confrontés à l’implacable réalité qui leur sautera au visage, ils n’auront pas plus qu’aujourd’hui les capacités et les moyens de réagir à un événement dont ils n’auront pas même compris la genèse.

          L’ordolibéralisme était sans doute parfaitement adapté à la reconstruction économique de l’Allemagne après-guerre, mais ne l’a rapidement plus été lorsqu’il a été imposé comme modèle incontournable à la construction économique de l’UE par cette même Allemagne.

          On voit d’ailleurs à cette aune l’importance de l’échec et de l’inadaptation de l’ordolibéralisme qui, après avoir conduit l’Europe dans le mur, fait de même avec l’Allemagne elle-même ( avec l’exemple de la DeutscheBank, pourtant bras séculier de la finance-industrie allemande, et qui a achevé de perdre son âme dans cet avatar ordolibéral que représente la finance spéculative hors-sol qui a tout détruit).

          Vous trouverez ci-après un lien vers un article très intéressant de Serge Le Quéau paru en...2005 et toujours d’actualité sur le fond.

          https://r-eveillez-vous.fr/il-ne-faudra-jamais-oublier-ce-qui-se-cache-derriere-ce-terme/


          • Renaud Bouchard Renaud Bouchard 16 janvier 2017 15:51


            Aux Lecteurs.
            Ce billet de D. Desgouille. Entretien avec es auteurs de « La fin de l’Union Européenne », un ouvrage dont je vous recommande la lecture : http://blog.causeur.fr/antidote/category/les-entretiens-dantidote

            « L’Union européenne s’apparente de plus en plus à un projet d’intégration continentale sous férule allemande »
            Posted on 12 Janvier 2017
            Entretien avec Coralie Delaume et David Cayla

            Dans le prologue de votre livre, vous dévoilez un secret de fabrication. Le titre de l’essai a été décidé à l’achèvement de vos travaux. Ces derniers vous ont donc convaincus que l’agonie de l’Union européenne est proche ?

            A suivre...

            Coralie Delaume : Non, mais ils nous ont très largement confirmés dans notre hypothèse initiale. Et si cela n’avait pas suffi, ce qui s’est passé en Belgique alors que nous mettions la touche finale, à savoir la révolte du social-démocrate wallon Paul Magnette contre la signature du traité de libre-échange euro-canadien CETA, aurait achevé de nous convaincre que l’Europe était définitivement entrée en phase d’agonie. Évidemment – et pour tout dire on n’en doutait guère – les Belges ont fini par rentrer dans le rang. Pour autant, on sent que désormais, les départs de flamme peuvent se produire n’importe quand et provenir de n’importe où. Jusqu’au jour où l’un d’entre eux, moins maîtrisable que les autres, fera s’embraser l’ensemble. Sera-ce une sortie inopinée de l’Italie de la zone euro, ainsi que l’ont prévue tout à la fois Joseph Stiglitz et le patron du célèbre institut économique allemand Ifo ? Ou une victoire du PVV ( Parti pour la liberté) aux législatives néerlandaises de mars 2017 ? Difficile à anticiper. Mais l’épisode «  Wallonie contre CETA » n’était pas prévisible non plus.

            David Cayla : Quoi qu’il en soit, le « combo » crise grecque de 2015 / vote sur le Brexit de 2016, signe vraiment – ça on le savait déjà avant de prendre la plume – la mise en route d’un processus de désagrégation. Celui-ci commence, pour des raisons qu’on développe dans l’ouvrage, par les périphéries. Périphérie Sud pour la Grèce, car même si elle n’a pas quitté la zone euro, le simple fait que cela ait été envisagé – pas par elle-même d’ailleurs mais surtout par les Allemands – a enfoncé un coin dans le mythe de l’irréversibilité de l’euro. Périphérie Ouest pour la Grande-Bretagne, avec une décision de sortir qui change considérablement les perspectives d’avenir. L’Europe n’avait fait jusque là que s’élargir. Pour la première fois, elle se rétracte. C’est un événement décisif, quoique certains aient pu dire pour en minimiser la portée.

            Coralie Delaume : Et puis, la Grande-Bretagne reste la plus vieille démocratie du monde. Le fait qu’elle décide d’assumer pleinement sa souveraineté nationale a valeur d’exemple.

            Vous démontrez qu’il est finalement assez facile de désobéir à l’Union européenne, citant notamment le couple Chirac-Schroeder sur les déficits excessifs ou un petit pays comme la Hongrie aujourd’hui. Finalement, n’est-ce pas une solution plus commode que l’activation de l’article 50 que les électeurs britanniques ont décidée ?

            Coralie Delaume : Les Britanniques ont fait les choses très proprement. Leur choix a d’ailleurs surpris car n’étant pas ni dans l’euro ni dans Schengen, ayant obtenu des « opt-out » (des dérogations) dans plusieurs domaines, ayant refusé de signer le Pacte budgétaire européen introduisant une règle d’or dans le domaine des finances publiques, ils semblaient avoir une situation très privilégiée au sein de l’Union. Du coup, Hubert Védrine va jusqu’à dire que le vote sur le Brexit de juin 2016 était « un vote absurde ». Nous pensons que c’est minorer deux choses. D’une part l’attachement très fort de la Grande-Bretagne au principe de la « souveraineté parlementaire », qui l’a conduite à envisager l’idée même de supranationalité avec une très grande défiance. Dans les débats préalables au référendum, la question de la soumission du pays à la jurisprudence de la CJUE (la Cour de justice de l’Union), et de la primauté du droit communautaire sur les droits nationaux, a tenu une place importante. Le droit de l’Union, le caractère « quasi-constitutionnel » des traités, la production incessante de jurisprudence par la Cour, sont moins bien connus que les questions économiques. C’est pourtant décisif car ça pose la question même de la démocratie. C’est pourquoi nous y consacrons un chapitre entier dans notre livre. Des trois institutions communautaires supranationales (Commission, Banque centrale européenne, CJUE), la dernière est entourée de la plus épaisse « cape d’invisibilité » selon les mots de sociologue Antoine Vauchez. Nous avons essayé de lever une partie du voile….

            David Cayla : L’Union européenne s’apparente de plus en plus à un projet d’intégration continentale sous férule allemande. Son centre de gravité n’a de cesse de se déplacer vers l’Est. C’est flagrant économiquement, tous les pays méditerranéens étant en train de décrocher, sous les effets de la « polarisation » générés par le fonctionnement du Marché unique. La France, si nous n’y prenons garde et si les choses continuent sur cette trajectoire, finira elle-même par devenir un pays périphérique. C’est vrai aussi politiquement, et les représentants de l’Europe de l’Est et du Nord sont de plus en plus présents au sein des institutions communautaires. Quant au « couple franco-allemand », on est en droit de se demander s’il a encore la moindre réalité. Dès 2012, la politiste allemande Ulrike Guerot expliquait que la Pologne était « la nouvelle France pour l’Allemagne ». Le spécialiste américain de l’Europe Tony Corn explique par ailleurs dans Le Débat : « Pour Berlin comme pour Varsovie, la stratégie non déclarée est de substituer au « Big Three » (Allemagne, France, Angleterre), un «  triangle de Weimar » (Allemagne, France, Pologne) dans lequel l’Allemagne serait primus inter pares ». On peut sans doute comprendre, dans ses conditions, que la Grande-Bretagne ait éprouvé le désir de céder à l’appel du grand large…



            • Renaud Bouchard Renaud Bouchard 16 janvier 2017 15:54

              Suite

              Selon vous, la prochaine crise de l’euro sera-t-elle fatale à la monnaie unique européenne ? Finalement, cette dernière n’a-t-elle pas montré qu’elle était capable de survivre à la plus grande crise financière depuis quatre-vingts ans ?

              David Cayla : La Banque centrale européenne s’est montrée capable d’un grand pragmatisme en plusieurs occasions. Elle a su se prêter à une interprétation hétérodoxe des traités et mener une politique accommodante visant à éviter l’entrée de l’eurozone en déflation. Cela n’a pas manqué d’ailleurs de provoquer des tensions avec les dirigeants allemands de la Bundesbank, qui ont résisté à toute force. La BCE s’est également montrée féroce pendant toute la durée de la crise grecque de janvier à juillet 2015. C’est son action, pour une large part, qui a provoqué la reddition de Tsipras après que les banques hellènes ont été délibérément mises à genoux. Le problème c’est qu’en prenant de sa propre initiative des décisions aussi lourdes, la Banque centrale européenne sort du champ technique et se transforme en acteur politique à part entière. Or une Banque centrale qui n’est soumise à personne (puisqu’elle n’est adossée à aucun État), qui ne rend de comptes à personne….ça pose quand même un problème démocratique majeur. Dans un futur proche et pour répondre à votre question, il est probable que l’efficacité de la politique monétaire finisse par atteindre ses limites. La BCE ne peut pas tout. Les taux d’intérêt sur les dettes souveraines sont en train de remonter, les phénomènes de polarisation conduisent à une divergence de plus en plus grande des trajectoires économiques des pays. Tous les économistes le savent : l’euro en l’état n’est pas viable. Certains, comme Michel Aglietta, proposent des transferts budgétaires massifs. D’autres, comme Olivier Passet, proposent de renégocier les traités. Nous nous attachons pour notre part à démontrer pourquoi il est illusoire d’espérer que de telles solutions soient jamais mises en œuvre….

              Constater que la crise des migrants a davantage fait que l’austérité pour précipiter l’agonie de l’Union européenne ne titille pas les essayistes classés à gauche que vous êtes ?

              Coralie Delaume : Pourquoi ? Il y aurait des questions politiques classées à gauche comme l’économie, et d’autres classées à droite comme les migrations ? La crise migratoire est une crise majeure qui a joué un rôle de révélateur. Comme nous l’expliquons, elle a montré que le principe intangible de la libre circulation des personnes, l’une des « quatre libertés » garanties par le Marché unique, pose des problèmes auxquels l’Europe n’a pas forcément réfléchi, obnubilée justement par l’objectif de s’intégrer économiquement, et ne voyant dans la circulation sans entrave des hommes qu’une manière de faire circuler le facteur de production « travail ». De plus la crise des migrants a souligné avec une intensité inédite l’incapacité des pays européens à coopérer, alors qu’ils sont engagés depuis plusieurs décennies dans un processus d’intégration supranationale qui génère en lui-même de la divergence et fabrique de la compétition. Il faut dire que cette crise a eu la particularité de se déclencher brutalement et de toucher tous les pays en même temps, alors que les politiques d’austérité sont plus lentes à produire leurs effets, et les produisent de manière très différenciées selon les pays. Il ne faut pas minorer pour autant l’impact de l’austérité et la manière dont celle-ci a contribué à rendre le problème insoluble. Les deux principaux pays d’entrée des flux migratoires sont la Grèce et l’Italie. En somme, il s’agit d’un pays dont l’économie a été volontairement pulvérisée et d’un autre pays, l’Italie, dont la croissance n’a pas bougé d’un pouce depuis 2000, c’est à dire depuis la mise en place de l’euro. C’est à eux qu’on demande prioritairement de faire face. Et on s’attend à ce qu’ils y parviennent ?

              Angela Merkel demeure encore très populaire dans son pays malgré la montée de l’AfD et de Pegida. Sa réélection probable n’est-elle pas porteuse du statut quo pour quelques années encore ?

              Coralie Delaume : Difficile à dire. D’abord parce qu’il y a d’autres élections importantes en 2017 comme les législatives aux Pays-Bas et la présidentielle française. Dès 2018 se tiendront également les législatives italiennes (si elles n’ont pas lieu en anticipé d’ici-là). L’Allemagne se positionnera forcément par rapport à ce qui se passera dans son voisinage. D’ailleurs, elle peut tout à fait durcir encore ses positions… Sur le plan intérieur, il faut aussi savoir que le parti de la chancelière, la CDU, devra trouver des partenaires de coalition pour former un gouvernement. Or là comme ailleurs, le paysage politique se fragmente. Les alliances seront peut-être difficiles à nouer, la question européenne étant évidemment appelée à jouer un rôle important dans les marchandages entre formations. La Fin de l’Union européenne – Editions Michalon


              • Renaud Bouchard Renaud Bouchard 24 janvier 2017 10:00

                Question :

                Après le vote sur le Brexit et la victoire de Donal Trump, est-ce donc vraiment d’un président « social-libéral » dont la France a besoin ?

                Excellent article sur « l’illusion Macron », ci-après :

                http://www.latribune.fr/opinions/blogs/le-blog-des-arvernes/dissiper-l-illusion-emmanuel-macron-631301.html

                Pour refaire de la France une économie puissante dans le monde qui vient, nul besoin des certitudes passées d’une génération qui a échoué. Nul besoin d’un programme vague, teinté de jeunisme et d’optimisme naïf. Nul besoin d’une ambition qui esquive un discours de vérité sur les efforts à consentir. Pour réformer il faut de l’endurance, de l’expérience et des convictions chevillées au corps. Toutes choses dont Emmanuel Macron est dépourvu.


                • Renaud Bouchard Renaud Bouchard 14 avril 2017 10:34

                  Pour compléter mon billet du 14 janvier 2017 à propos des relations susceptibles d’exister entre MM. Macron et Schaüble.

                  J’invite les Lecteurs à prendre connaissance de l’intéressante analyse proposée par Edouard Husson, historien et ancien vice-chancelier des universités de Paris :

                  http://www.atlantico.fr/decryptage/arrieres-pensees-redoutable-docteur-schauble-derriere-soutien-emmanuel-macron-3018004.html

                  Dans un débat organisé par la presse allemande, le ministre des Finances Wolfgang Schaüble a déclaré qu’il aurait probablement voté Macron s’il avait été Français. Ce que en dit long sur la façon dont les Allemands perçoivent l’ancien ministre des Finances.

                  E. Macron, candidat de convenance, est une baudruche, incapable de faire front à l’Allemagne.

                  Personnellement je suis mois aussi persuadé que l’euro ne tiendra pas au-delà du prochain quinquennat. Mais je préfèrerais avoir à la barre, pour traverser la crise politique nationale et européenne qui nous attend un interlocuteur exigeant vis-à-vis de Berlin, qui nous rouvre le marché russe, qui nous réconcilie avec la Grande-Bretagne et qui tienne debout quand la tempête se déchaînera.

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