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Accueil du site > Tribune Libre > Faut-il supprimer le poste de Premier Ministre ?

Faut-il supprimer le poste de Premier Ministre ?

Le président de la République et le Premier ministre exercent deux missions totalement distinctes. Le premier, élu au suffrage universel, incarne l’unité de la Nation. Le second représente la majorité parlementaire. L’un a en charge l’avenir du pays. L’autre est plongé dans le présent. Le président ne doit rendre de compte à personne, le premier ministre est responsable devant l’Assemblée nationale. Tel est la logique de la Vème République.

Le quinquennat a changé la donne. L’élection présidentielle ayant lieu en même temps que celle des députés, a affaibli la fonction présidentielle. Elu en même temps que sa majorité, il devenait, de fait, le chef de celle-ci (rôle dévolu normalement au premier ministre). Depuis 2002 (date de la première élection quinquennale), les présidents qui se sont succédés ont cherché à conserver leur pouvoir en affaiblissant leur premier ministre (en nommant des fidèles – Raffarin, De Villepin, Ayrault, Cazeneuve ; ou en créant des contre-pouvoirs face aux « personnalités » - Fillon, Valls). Jacques Chirac (2002-2007) a multiplié les interventions directes dans la conduite de la politique nationale bénéficiant d’une part d’un réel charisme personnel et d’autre part en nommant à Matignon des fidèles et loyaux serviteurs. Nicolas Sarkozy (2007-2012) a transformé la fonction présidentielle par une activité sans précédent (l’hyper-président) empêchant toute initiative de son premier ministre. Celui-ci n’est plus qu’un collaborateur. Aucun doute, la politique du pays se décide dans les salons de l’Elysée (le secrétariat de l’Elysée ayant un rôle prépondérant). Avec François Hollande (2012-2017), la présidentialisation du régime se poursuit. Moins actif que son prédécesseur, il s’adjoint des fidèles à Matignon (Ayrault, Cazeneuve) ou crée des contre-pouvoirs face à Manuel Valls en imposant ses fidèles aux postes régaliens (Cazeneuve, Le Drian, Urvoas, Le Fol au porte-parolat) ou d’anciens premiers ministres (Fabius, Ayrault) ou des « opposants » au chef du gouvernement (Taubira, Hamon, Montebourg).

La « dérive narcissique » (sic Maxime Tandonnet) participe à cette présidentialisation du régime, le locataire de l’Elysée cherchant à vivre médiatiquement au dépend de son premier ministre. Cet dérive est d’autant plus marquée qu’un éventuel renouvellement de bail se profile à l’horizon.

Dès lors que la politique intérieure est conduite par le président de la République, deux questions légitimes se posent :

- A quoi sert le premier ministre ?

- Le président peut-il rester « irresponsable » ?

La présidentialisation du régime rend le premier ministre inutile. Le poste peut donc être supprimé.

La disparition du premier ministre rend le président de la République responsable devant l’Assemblée Nationale. Celui-ci peut être destitué par la représentation nationale en cas de censure. Par contre, en cas d’échec de la motion, l’Assemblée Nationale est dissoute. Dans tous les cas, une motion de censure entraîne soit une élection présidentielle, soit des élections législatives.

Afin d’accomplir complètement sa mission, le président de la République est élu pour dix ans au suffrage universel direct. Cette durée paraît être un bon compromis : elle offre du temps aux grands projets et limite les périodes électorales (aujourd’hui allongées par la tenue des primaires). Il peut gouverner par ordonnances dans les conditions définis par l’actuelle constitution. Il cumule les postes de Chef de l‘Etat et de Chef du gouvernement. Il reste bien sur Chef des Armées.

Pour limiter les pouvoirs du chef de l’Etat, il perd la possibilité de dissoudre l’Assemblée Nationale, de recourir à la procédure des pleins pouvoirs (article 16 actuel) et ne peut plus exercer qu’un seul mandat (ce qui le libère de la pression d’une éventuelle réélection).

Responsable devant l’Assemblée Nationale, il l’est également pénalement, même pendant la durée de son mandat. Justiciable comme tous les citoyens, la Haute Cour est supprimée.

Bref, il s’agit là d’une réforme en profondeur de nos institutions et de notre manière de concevoir la politique. Il s’agit de responsabiliser les représentants mais également les électeurs. En cours de mandat présidentiel se tiendront des élections législatives. L’électeur aura l’occasion de renouveler sa confiance au Chef de l’Etat en fonction en lieu accordant une majorité favorable ou de le sanctionner au risque de créer une crise de régime.

Cette nouvelle approche de la fonction présidentielle accompagne l’évolution de la société et la mutation politique de la Vème République. La suppression du premier ministre entérine cette évolution. Dès lors il convient de repenser l’équilibre des pouvoirs.


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13 réactions à cet article    


  • Clark Kent Jeussey de Sourcesûre 18 janvier 2017 08:26

    On pourrait aussi supprimer l’« indépendance » de la justice.Et on fusionnerait avec la Turquie : 

    Turquie : vote des pleins pouvoirs à Erdogan en cours

    • doctorix, complotiste doctorix 18 janvier 2017 08:40

      A propos de premier Sinistre..

      Ce matin sur France Inter, direct avec Valls.
      A 8h32, un auditeur que Cohen n’avait pas vu venir :
      « La claque, on était 66 millions à vouloir te la mettre, c’est juste trop beau, quoi ! »

      Ah, que ça fait du bien d’entendre ça !

      • kalachnikov lermontov 18 janvier 2017 08:58

        @ doctorix

        Manu révise les fondamentaux ; il fait connaissance avec le peuple régicide.


      • doctorix, complotiste doctorix 18 janvier 2017 09:11

        @lermontov

        Après avoir participé directement au massacre de 300.000 Syriens, on peut estimer qu’il s’en tire bien.
        Le TPI sera peut-être moins indulgent.

      • Francis, agnotologue JL 18 janvier 2017 09:36

        Bonjour Mr l’auteur,

         
        vous écrivez : ’’Le président ne doit rendre de compte à personne’’
         
         Quelle erreur : il ne faut pas confondre souveraineté, autorité et pouvoir.
         
         Dans notre république, c’est le peuple qui est souverain. L’élection présidentielle a pour effet d’investir le président choisi de l’autorité et du pouvoir ... pour cinq ans !
         
         
         La Cinquième République est une forme de synarchie en cela que le Président est investi de l’autorité et délègue le pouvoir à un premier ministre. 
         
         Dans l’UE, les présidents successifs ont violé une règle non écrite quand ils ont consenti des abandons de souveraineté, puisque le président n’est pas souverain. J’appelle ça une haute trahison, puisque ces abandons engagent la France devant l’UE. 
         
         Pour en revenir au sujet de l’article : l’UE a affaibli l’autorité du président et sapé le pouvoir du premier ministre. Notre Cinquième est une république zombie.
         
         La question n’est plus de savoir s’il y a encore de la place pour une séparation des deux figures : l’autorité et le pouvoir, mais si l’on peut continuer avec cette république zombie et ses institutions archaïques. A ce sujet, je propose aux personnes qui voudraient approfondir ce sujet de lire Gouvernance et médiocratie
         
         A mon humble avis, il nous faut une république adaptée au monde actuel : la Septième République. Septième, comme la si belle Symphonie Pastorale de Beethoven.
         
         
         
         
         
         

        • Francis, agnotologue JL 18 janvier 2017 12:19

          à noter que l’auteur ne poste jamais aucun commentaires.

           
           
          Articles publiés : 10
          Commentaires reçus : 202
          Commentaires postés : 0


        • mursili mursili 19 janvier 2017 07:40

          @JL
          Il est intéressant de noter que selon Saint-Yves d’Alveydre ce sont les grands-parents et la mère qui exercent l’autorité tandis que le père exerce le pouvoir. Les grands-parents sont en quelque sorte les « Anciens » tandis que la mère détient une autorité naturelle sur ses enfants. Il est également intéressant d’imaginer que les auteurs de la constitution de la Cinquième République aient pu être influencés par les conceptions ésotériques de Saint-Yves d’Alveydre. Dans l’Ancien Régime, l’autorité était détenue par l’Église catholique apostolique romaine, d’où le sacre des rois, et était donc d’origine métaphysique. On voit bien que cette question de l’autorité pose problème. Hollande par exemple semble en manquer singulièrement, alors que n’importe quel ectoplasme politicien peut faire semblant de gouverner. Ubu n’a pas besoin de faire preuve d’autorité, l’arbitraire suffit.
          On peut aussi déplorer que les troisième et quatrième républiques françaises aient échoué et s’interroger sur les raisons de l’echec en France d’un système qui a pu se maintenir dans d’autres pays : une personnalité respectée et au dessus de la mêlée pour inaugurer les chrysanthèmes et assurer la continuité des institutions, et un chef du gouvernement à la tête de l’exécutif, au lieu d’un système bancal avec un exécutif bicéphale et déresponsabilisé.

          PS : quelle symphonie de Beethoven avez-vous en tête ? la sixième ou la septième ? Elles sont belles toutes les deux...  
           


        • Francis, agnotologue JL 19 janvier 2017 09:03

          @mursili, bonjour,

           
           oui, j’avais censuré cette comparaison pour ne pas alourdir mon commentaire.
           
          vous ajoutez : ’’On voit bien que cette question de l’autorité pose problème. Hollande par exemple semble en manquer singulièrement,’’
           
           Il ne faut évidemment pas confondre l’Autorité de la fonction, du rôle, avec l’autorité naturelle de la personne qui en est investie. 
           
          PS : je pensais bien à la Septième, et pour une raison absurde peut-être : les République portant un numéro pair n’ont jamais été pérennes (ce n’est pas moi qui l’ai dit le premier). Je verrais assez bien une Sixième pour installer une Constituante, puis la Septième dans la foulée. Mais je l’avoue, c’est idiot : Sixième, pourquoi pas.
           


        • mursili mursili 19 janvier 2017 10:28

          bonjour JL,

          Vous écrivez :

           Il ne faut évidemment pas confondre l’Autorité de la fonction, du rôle, avec l’autorité naturelle de la personne qui en est investie.

          Je suis d’accord, mais ne pensez-vous pas que si seules des personnes incompétentes se succèdent dans la fonction, celle-ci finit par dépérir ? On aboutit à Romulus Augustule ou aux derniers rois mérovingiens.


        • Francis, agnotologue JL 19 janvier 2017 10:36

          @mursili
           

           la question est : pourquoi, seules des personnes incompétentes se succèdent dans la fonction ? 
           
           La réponse est à mon avis, dans cette interview : Gouvernance et médiocratie.

        • Abou Antoun Abou Antoun 18 janvier 2017 12:31

          Le premier, élu au suffrage universel, incarne l’unité de la Nation.
          Ah oui, comme Chirac élu avec 80% des voix et ayant fait 20% au premier tour ...


          • rogal 18 janvier 2017 14:30

            Le Premier Ministre gouverne – il détermine et conduit la politique de la Nation – lorsque le Peuple impose une « cohabitation » conflictuelle au Président. Qui nous dit que ce n’est pas là ce que le Peuple décidera en juin ?


            • Ruut Ruut 20 janvier 2017 07:55

              Oui cette Fonction n’as aucun sens si nous avons un Président.
              Le premier ministre n’est viable que dans les monarchies qui elles n’ont pas de président.

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