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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > L’Antigone de Sophocle a inauguré La Manufacture des Œillets

L’Antigone de Sophocle a inauguré La Manufacture des Œillets

Le Théâtre des Quartiers d'Ivry, créé en 1971 et portant la mémoire de son fondateur Antoine Vitez, vient de s'enrichir d'un nouveau bâtiment historique, une grande halle en brique meulière supportée par une charpente métallique dont l’entrée est surmontée d’un fronton sculpté pourvu d’une grosse horloge.

Il s'agit de la Manufacture des Œillets qui avait vu le jour en 1890 et dont la restructuration a permis de maintenir son esthétique architecturale et la rendre adéquate à l’activité théâtrale.

Cet établissement emblématique est devenu aujourd'hui, avec ces verrières lumineuses, un magnifique espace de la parole d'auteurs de grands textes du passé ou d'aujourd'hui.

Aussi, le Directeur du Théâtre des Quartiers d'Ivry depuis 1992, Adel Hakim, a choisi d' inaugurer la grande salle de la Manufacture des Œillets, la Fabrique, avec la reprise d' Antigone de Sophocle, dont il est le metteur en scène et qui est jouée par des acteurs du Théâtre National Palestinien.

 

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ANTIGONE
Sophocle - Adel Hakim
© Nabil Boutros

 

Antigone est la tragédie de l'affrontement. L'héroïne refuse de se soumettre à l'ordre royal, en accomplissant les rites funéraires interdits par Créon. Cette figure de la rébellion a servi de modèle pour ce spectacle interprété entièrement en arabe surtitré en français mais ici pas question de démonstrations emphatiques et de fioriture.

L’intime y est mis en rapport avec la société et le monde. La rigueur ascétique de la mise en scène valorise la langue et la parole incandescente du texte antique, les mots déchirants qui font entendre les contradictions des points de vue :

Créon défend son pouvoir, non pour lui-même, mais pour l'unité de la cité donc de la patrie. Antigone se place dans un rapport immédiat avec l’absolu. Elle a la volonté d’être sous la loi des dieux et défend sa fratrie.

La pièce se déroule ici devant le mur doré d'un palais, constellé d'alvéoles rectilignes tel le maillage d'un moucharabieh moderne symbolisant l'enfermement des protagonistes dans leurs convictions opposées. Le prologue s'ouvre sur le transport, au devant de la scène, de deux cadavres recouverts de linceuls, accompagné par une musique lancinante et poignante.

Au son de cette envoûtante mélodie, Antigone et sa sœur, Ismène, vêtues de blanc, vont, tels des derviches tourneurs, se mettre à tournoyer sur elles-mêmes, bras levés vers le ciel, dans une supplication éperdue et muette aux divinités car il s'agit de la mort de leurs frères jumeaux Polynice et Etéocle alors qu’Antigone sait déjà que Polynice ne sera pas enterré mais jeté en pâture aux chiens. Le conflit est déclaré entre morts et vivants. La tragédie peut éclater.

 

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ANTIGONE
Sophocle - Adel Hakim
© Nabil Boutros

 

Antigone est prête au sacrifice de son individualité, prête à mourir au nom du respect absolu de la loi divine. Elle est incarnée, ici, avec une violence contenue par Shadem Salim, remplie d'une force toute intériorisée érigée contre le tyran qui, lui, est prêt au sacrifice humain pour le bien-être de l'état.

En condamnant Antigone, il condamne la fiancée de son fils Hémon, il condamne son fils, il se condamne lui-même. Créon est interprété par Hussam Abu Eisheh dont le jeu dépouillé exprime tous les tourments des décisions à prendre et toutes les douleurs intimes.

Le choeur est représenté par quatre hommes qui chantent et dansent de façon parfois cocasse sur cette musique entêtante composée par le trio Joubran venu de Nazareth et la complicité du poète palestinien Mahmoud Darwich dont on entend la voix pendant le spectacle.

Dans une somptueuse scénographie d'Yves Collet, une troupe de comédiens audacieux de Jérusalem s'est emparée intimement et en profondeur de la tragédie de Sophocle pour en restituer, de façon sobre et intense, la substantifique moelle. La peur de la mort chez Créon vient trop tard. Il n'y a pas de réconciliation possible.

L'Antique et le Contemporain se répondent en de vibrants échos dans l'émouvante mise en scène d'Adel Hakim qui réitère, de suite, en enchaînant par la création de "Des Roses et du Jasmin" avec cette même troupe toujours à La Manufacture des Œillets.

 

photos 1 & 2 © Nabil Boutros

photo 3 © Theothea.com 

 

ANTIGONE - ***. Cat's / Theothea.com - de Sophocle - mise en scène Adel Hakim - avec Hussam Abu Eisheh, Alaa Abu Garbieh, Kamel Al Basha, Yasmin Hamaar, Mahmoud Awad, Shaden Salim & Daoud Toutah - Manufacture des Oeillets TQI

 

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ANTIGONE
Sophocle - Adel Hakim
© Theothea.com

  

 


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3 réactions à cet article    


  • Taverne Taverne 25 janvier 2017 14:13

    Avez-vous remarqué combien l’Antigone de Sophocle est bien moins admirable que celle de Jean Anouilh ? En effet, elle accuse sa soeur de lâcheté d’emblée sans attendre sa réponse à la question de savoir si elle la soutient pour la sépulture de Polynice. Et quand la soeur Ismène expose posément ses raisons (peur des gens de la cité, de Créon), Antigone lui déclare sa haine à laquelle Ismène répond qu’elle lui garde, elle, tout son amour.

    Cette histoire est celle de plusieurs oppositions : loi des hommes / volonté des dieux, fratrie / patrie, monde des vivants / monde des morts, femmes / hommes (Sophocle fustige les comportements féminins).


    •  
       
      Sophocle dans la colonie multiethniquée de Valls où y a pas assez de blancos ?
       
      Mieux du rap à putes et Masérati et Rolex... vraiment du gaspillage de l’argent du contribuable ...
       
      Pas de Cité, pas de dieux, que Caddie au Boobaland ... pas de tragédie !
       
      Pas de tragédie, sauf l’Iped qui tombe en panne ... où le RSA qui arrive pas ...
       
      Branlette de gogocho qui pontifie à la culture populaire ... industrie culturelle où prébendiers snobs se masturbent à la culture du Passé dans le crépuscule de la décadence bobo, pas création de culture, juste consommation immédiatement vomie pour réingurgitation ...
      ( voir Adorno )
       

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