L’action de lobbying ou d’influence
« Jamais dans l'histoire de la République, un candidat aux plus hautes fonctions, à la présidence de la République, n'a été ainsi sous l'influence des puissances d'argent. (...) De très grandes sociétés multinationales se paient des hommes politiques [...] pour qu'ils les aident à ouvrir des portes, à se servir de leurs relations pour leurs intérêts », propos tenus par François Bayrou suite aux nouvelles révélations sur François Fillon qui aurait reçu 200.000 euros via sa société « 2F Conseil » (un seul salarié, l'ancien Premier ministre), d'un groupe d'assurance entre 2012 et 2014, faits de nature à constituer : « Un conflit d'intérêts caractérisé [...], une pratique impossible à défendre ». François Fillon avait déposé les statuts de 2F Conseil dix jours avant son élection (2e circonscription de Paris) alors que la loi interdit à un parlementaire de travailler en tant que consultant, sauf s'il exerçait l'activité avant le début de son mandat... Le groupe des députés écologistes a remis une lettre au déontologue de l'Assemblée nationale : « au sujet du potentiel conflit d'intérêts de François Fillon ». Pour le candidat d'EELV à la présidentielle : « Quand on travaille pour la société Axa et qu'on commence sa campagne en disant qu'on va dérembourser une partie des soins, je suis désolé, là aussi je considère qu'il y a des conflits d'intérêts ».
Si on veut connaître les orientations des projets de loi afin d'en tirer profit, il est préférable d'avoir une « oreille » bienveillante au plus proches des groupes ministériels, parlementaires, ou mieux, auprès de la présidence... L'« intox », la désinformation, voire la rumeur, sont des outils que l'on rencontre souvent au travers d'organismes ou d'instituts écrans créés destinés à favoriser la dissémination de publi-information (publicité déguisée) justifiant l'approche des marionnettistes. L'activité de lobbying représente les intérêts d'un groupe et/ou d'un secteur d'activité afin de lui permettre d'étendre son influence en s'appuyant sur un réseau capable de démultiplier leurs actions et maximaliser leurs interventions auprès des décideurs ou d'une partie de l'opinion qui, à son tour, fera pression sur les décideurs par effet de feed back (boucle de rétroaction). Pour les pro-lobbies, l'influence exercée vise à légitimer la démocratie en contribuant à l'équilibre des pouvoirs et servir de contre pouvoir. Ne soyons pas dupes, aucune action de lobbying n'a de caractère philanthropique.
Le mot lobbying reste attaché à Ulysse Grant et apparaît en 1870 aux Etats-Unis, mais ce qu'il est de coutume d'appeler le trafic d'influence a existé de tout temps. Le lobbying apparaît en France à la libération mais il ne va véritablement prendre son essor qu'avec la construction européenne. La technocratie va devenir rapidement une véritable aubaine pour les lobbymen. Les groupes d'influence ont pesé et continuent de peser sur la construction européenne. Les 23 commissions au parlement européen, le conseil des ministres européens, la cour de justice de la communauté, auxquels on peut ajouter : la confédération européenne des syndicats, Unice (patronat européen), les associations de multinationales et d'élus ont de quoi attirer les cabinets de lobbying, on en recenserait quelques milliers !
« l'objet du lobbying consiste à créer une situation ou à intervenir sur elle dans le but d'obtenir son évolution ou sa disparition et ce qu'il s'agisse d'une loi, d'un règlement déjà en application ou seulement projeté, d'une attitude collective, d'un dossier économique, financier ou industriel. Pour parvenir à ses fins, le lobbying organise des groupes de pression qui existent ou qu'il a crée et qu'il utilise comme leviers auprès des décideurs. Ses activités peuvent bien entendu s'exercer à l'intérieur d'un pays ou internationalement. Les actions qu'il lance répondent à ce que j'appelle la règle des "cinq fois vingt pour-cent" : 20% de droit, 20% politique, 20% économique, 20% diplomatique, 20% de communication » (B. Degrelle).
Si l'opération consiste bien souvent à sensibiliser et de mobiliser les indécis, cela n'est pas toujours le cas. Il y a toujours eu des hommes et des femmes capables de s'infiltrer dans les rouages politiques, administratifs, médiatiques, afin de faire valoir leurs opinions personnelles ou celles d'autrui dans le but d'orienter et infléchir les décisions des décideurs. Chaque individu opportuniste ou en mal de représentativité veut faire entendre sa voix et percevoir des subventions ou autres subsides. Chacun d'entre-nous fait ou fera du lobbying : syndicat, fédération, association de quartier, anciens élèves de grandes écoles, PDG influents, organisations professionnelles, patronales, ordres professionnels , etc., et qui faussent les jeux des contre-pouvoirs.
Le rôle de ces groupes d'influences est d'attirer l'attention des citoyens sur un problème particulier à une corporation : finances, clubs patronaux, BTP, nucléaire, la pêche, l'agriculture, l'environnement, l'éducation, la santé, l'industrie, le commerce, etc. Même si certains groupes d'influences ne sont qu'éphémères, leur rôle est bien plus efficace qu'une campagne publicitaire. Souvenez-vous de l'irruption sur les plateaux télé des intermittents du spectacle auxquels les présentateurs cédaient volontiers le micro ? Aucun domaine d'action, d'influence n'est étranger aux lobbymen et le lobbiyng doit souvent être décodée au deuxième, voire au troisième degré ; un exemple récent, Alston Belfort...
La constitution de 1958 et le règlement de l'Assemblée interdisent aux élus d'accepter un quelconque mandat pour défendre un intérêt particulier. Qu'à cela ne tienne, on contourne la loi en empruntant le chemin du relationnel, celui des éminences grises, de la création de groupes d'études. Pour faire pression sur les politiques ou percer le secret des délibérations, le lobbyiste dispose de procédés d'interventions pluridisciplinaires directs et indirects : communiqué de presse - collecte de signatures - pétitions - livre blanc - sondage d'opinion - conférences et campagnes de presse - lettre ouverte - colloque - parrainage - sponsoring - cadeaux sous forme de voyage d'étude - mise à disposition d'un véhicule - complément de salaire (jetons de présence dans une société). Il s'agit parfois de véritables techniques de déstabilisation dont le outing n'en est qu'un exemple, voire le chantage à l'emploi présenté sous un angle fallacieux en omettant certains détails. Un événement local, national ou international est parfois mis en scène pour servir de point de départ à une manipulation destinée à attirer l'attention de journalistes " naïfs " qui vont s'empresser de relayer une information qui pourra se révéler fausse par la suite vraie.
Dans le triangle Bruxelles, Luxembourg et Strasbourg, l'acquisition de l'information (loi, norme, etc.) est reine. Informations que l'on s'échange au gré des contacts et des rencontres pour se tenir réciproquement informé et qui offrent un formidable relais d'information. La veille législative, le monitoring ou gathering d'intentions ont encore de beaux jours devant eux. Qu'il s'agisse d'orienter la jurisprudence pour obtenir un précèdent qui sera ensuite exploité (affaire virgin), d'obtenir une dérogation (TVA à 5.5 % pour les fleuristes, un label), ou s'opposer à un projet de loi (les avocats voyaient d'un " mauvais œil " le divorce en mairie), etc. les circuits de décisions sont devenus de plus en plus longs et de plus en plus complexes. Le lobbyman doit identifier la chaîne directe et indirecte de tous les acteurs (décideurs, complémenteurs, prescripteurs) impliqués à un titre quelconque dans l'élaboration d'une décision. Plus l'action de lobbying est précoce, plus grandes sont ses chances d'aboutir.
Le lobbying désireux d'accroître son influence se doit de se rapprocher de l'exécutif. Il tisse sa toile, lance ses tentacules et s'appuie sur un relationnel et des réseaux d'influence dans les coulisses du pouvoir afin d'être en mesure d'influencer (manipuler) les hommes capables de peser sur les décisions qui seront prises. Il faut donc s'attendre à les rencontrer dans les cercles parlementaires, nationaux, européens et auprès de tout élu pouvant jouir d'une certaine influence. Étant donné les origines socioprofessionnelles des parlementaires, si celui-ci est choisi parmi la bonne corporation, il va se faire le porte-parole de cette corporation et chercher à influencer son groupe pour ensuite le rallier à sa ligne directrice personnelle. Il suffit parfois au lobbyman de s'appuyer sur l'incompétence et/ou la paresse de l'élu, dont certains se sont retrouvés propulsés dans la vie politique par leurs administrés ou parti, sans grandes compétences. Le lobbyman va décortiquer le projet et rédiger un dossier, un amendement qu'il remettra à l'élu qui n'a pas la compétence, pardon, le temps de le rédiger...
L'idéal étant pour le groupe de parvenir à s'imposer comme l'unique interlocuteur auprès des pouvoirs publics et à faire valider des règlements qui auront pour effet bloquer la concurrence tout en favorisant les intérêts du groupe d'influence. Si une telle approche est impossible, le groupe va établir des synergies avec des groupes consultatifs et des lobbies passerelles avec l'espoir de déboucher sur des solutions d'arbitrage, arbitrage qu'il pourra accepter ou refuser. Le lobbyiste pourra encore décider de la nécessité d'une contre-expertise et faire appel devant la cour européenne. Si la procédure lui est défavorable, rien n'est encore perdu, le groupe pourra mobiliser l'opinion publique pour faire surseoir à l'application de la décision (stratégie des zadistes de Notre-Dame-des-Landes). Le parlementaire futé pourra poser sa question à l'assemblée le mercredi, jour de la retransmission des débats parlementaires à la télévision. Dès lors, il est assuré de voir son intervention relayée dans la presse et auprès des auditeurs, qui à leur tour se feront partisans, (ou détracteurs) de cette position. Aussi a-t-il été prévu des mesures afin de limiter l'influence des lobbies : la collégialité de décision, l'opposition du cumul des mandats, la primauté de l'exécutif sur le législatif, mais il n'est pas prêt de disparaitre totalement.
Une opération d'influence ne saurait s'improviser. La stratégie et l'action doivent être soigneusement préparées : qui aborder - facteurs d'influence - où, quand et comment agir - méthodes - coûts, etc. Comme tout cela nécessite beaucoup d'argent, on fait appel à toutes sortes d'astuces : fausse étude de marché - recherche de marchés - filiale à l'étranger - étude fictive pour laquelle on se contente de recopier quelques lignes et d'y faire des ajouts visant à en accroître la valeur ajoutée, prestation rémunérée par une société relais, etc. La libre concurrence n'est que très rarement loyale. Septembre 2016, le magazine Internal Medicine a rapporté que la Fondation pour la recherche sur le sucre avait décidé en 1964 de commander à trois scientifiques de Harvard, une étude visant à impliquer le cholestérol dans les maladies cardiovasculaires et non le sucre ! Chaque chercheur aurait perçu 50.000 dollars (45 000 euros actuels) pour modifier leurs conclusions. Pendant des décennies, l'implication du sucre sera minimisée dans l'obésité de masse et finir par représenter un problème de santé publique.
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