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Accueil du site > Actualités > Europe > Brexit et discorde, l’urgence d’une Europe des patries

Brexit et discorde, l’urgence d’une Europe des patries

La négociation sur la sortie de la Grande-Bretagne de l'Union européenne qui va bientôt commencer promet d'opposer âprement les intérêts des deux parties, et surtout de conduire à une aggravation de la discorde entre Londres et le Continent. C'est en réalité une opposition structurelle qui menace très fortement de s'installer.

Malgré la disproportion des forces en présence, l'Union européenne est en réalité la partie la plus vulnérable. Le Brexit est à la fois un signe et un facteur d'échec supplémentaire de la tentative d'unification supranationale de l'Europe. Surtout, les discordes que provoquent cette tentative, et qui menacent de s'aggraver de tous côtés, risquent à terme de ruiner la bienveillance réciproque que les peuples européens ont observé l'un envers l'autre depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale.

Le modèle alternatif est connu, une "Europe des patries" regroupant de manière légère par des coopérations l'ensemble des pays entre l'Atlantique et l'Oural. Mais est-il encore possible ?

La notification officielle le 29 mars de la décision britannique d'utiliser l'article 50 pour se retirer de l'Union européenne ouvre une phase de deux ans de négociation sur les modalités de la sortie et l'avenir des relations entre le Royaume-Uni indépendant et l'UE. Le président du Conseil européen Donald Tusk a publié les grandes lignes de la "feuille de route" de l'équipe chargée de négocier le Brexit pour le compte de l'UE.

Il s'agit d'un bouleversement, et pour bien comprendre ses conséquences il est indispensable de prendre un peu de distance et de hauteur par rapport aux détails et aux mécanismes de la négociation et des accords "intérimaire" puis "définitif" qu'il s'agira de définir. Or c'est une image pour le moins troublante qui apparaît lorsqu'on prend cette hauteur...

  • D'une part, à détailler les grandes lignes de la stratégie de négociation UE vis-à-vis de la Grande-Bretagne, il est assez clair que l'essentiel si ce n'est la totalité est à la fois dur du point de vue de ses conséquences sur le RU, et justifié, c'est-à-dire correspondant à la protection d'intérêts réels des pays qui restent membres de l'UE. Avoir une position significativement plus favorable aux intérêts britanniques serait nuire aux intérêts des pays continentaux, cela ne serait pas raisonnable et ce n'est très probablement pas ce qui se passera
  • D'autre part, il faut être conscient de la situation créée par cette opposition des intérêts. Donc l'apprécier sur le très long terme, et à l'échelle de l'Europe toute entière. Et là les conclusions ne peuvent qu'être dérangeantes

L'entente européenne, déjà viciée, subit un nouveau coup très grave...

L'Europe en tant que continent, qu'ensemble humain et que civilisation - je ne parle pas de la structure UE qui n'est pas l'Europe à proprement parler - a été déchirée par plusieurs guerres et guerres froides à partir de 1914. La très sérieuse accalmie résultant du retrait soviétique d'Europe centrale et de la dissociation de l'URSS en 1989 -1991 a été la dernière étape en date vers une pacification complète du continent, mais n'a cependant pas abouti à une entente pan-européenne globale, étant donné que pour diverses raisons l'un des principaux pays européens - et le plus peuplé - restait à l'écart de l'entente qui s'était établie. Il s'agit bien sûr de la Russie.(1)

La situation à ce jour est donc une large entente européenne, cependant partielle et à vrai dire en quelque sorte viciée par l'exclusion de l'un des pays les plus importants - c'est que lorsque une entente exclut l'un des principaux membres potentiels, elle ne peut pas manquer de prendre au moins en filigrane le caractère de groupe rassemblé par la désignation d'un bouc émissaire, mécanisme social dont un anthropologue comme René Girard a pu montrer à quel point il est profondément ancré dans l'esprit humain. Ceci indépendamment de la culpabilité, ou non, du dit bouc émissaire, les analyses sont très diverses concernant les responsabilités respectives de l'Ouest de l'Europe et de son Est - c'est-à-dire de Moscou - dans la situation, mais quoi qu'il en soit le fait de la séparation - qui est une mise à l'écart - demeure.

A partir de là, on aurait pu imaginer une stabilité de la situation stratégique, voire dans le meilleur des cas une accalmie progressive et ultérieurement d'une manière ou d'une autre une entente pan-européenne réellement globale donc intégrant la Russie. Mais. Mais le Brexit.

Le fait est que dès aujourd'hui, alors même que le Royaume-Uni restera encore deux ans en UE, un second grand pays européen est placé hors de l'entente européenne.

Ce sont bientôt deux des cinq plus grandes économies européennes qui seront à l'écart de l'Union européenne, Allemagne, France et Italie seules restant membres. Ce sont bientôt deux des trois pays européens disposant d'une dissuasion nucléaire et d'un siège au Conseil de Sécurité qui seront séparés des autres, seule la France demeurant.

Certes à la différence de la Russie, l'opposition UE - RU n'a pas de dimension militaire. Au contraire, Londres se fait fort de rester pleinement impliqué dans la sécurité européenne, par le biais de l'OTAN. Différence essentielle, mais qui peut croire que la politique militaire résume tout ? L'économie, les intérêts économiques, sont absolument primordiaux pour comprendre la politique internationale d'un pays, ils suffisent largement à motiver appui ou opposition déterminée - voire forcenée.

Ce n'est pas que les pays membres de l'UE soient coupables de cette opposition. Qu'ont-ils fait de mal ? Et les Britanniques non plus. N'ont-ils pas le droit de récupérer leur souveraineté s'ils le souhaitent ? Mais le fait que personne ne soit coupable... n'empêche pas que l'opposition des intérêts existe, et qu'elle pourrait fort bien devenir aussi structurelle voire peut-être aussi profonde que l'opposition des intérêts de la Russie et de l'UE.

Le propre de la tragédie, c'est que les événements sont en quelque sorte en dehors de tout contrôle humain. L'issue négative de l'histoire est fatale, c'est-à-dire littéralement qu'elle est causée par le destin (fatum, qui a donné "fatal"), on pourrait dire aussi causée par la situation, non par les actions ni les fautes des hommes. L'Histoire de l'Union européenne et plus généralement de l'entente entre les peuples européens... va-t-elle devenir tragique ?

... qui pourrait fort bien être désastreux à terme pour l'Union européenne

Les chances que la situation évolue dans le sens d'une meilleure entente pan-européenne ? Elles ne sont pas si convaincantes.

  • Un grand pays qui tente par tous les moyens de desserrer la cohésion d'une entente dont il est exclu - ou s'est exclu - cela peut être inconfortable. Que dire de deux ?
  • Un seul pays placé dans la position du bouc émissaire, c'est parfois quelque peu pratique pour resserrer les rangs de ceux qui restent. Deux, serait-ce toujours aussi pratique ?

Les comparaisons historiques doivent être maniées avec prudence, il est évident que la situation présente ne s'est jamais présentée dans ces mêmes termes exactement. Mais si l'Histoire ne se répète jamais, souvent elle rime. Londres et Moscou mis à l'écart du reste de l'Europe, poussés peut-être ensuite ensemble par les circonstances... oui il y a une rime.

Les quelques nationalistes anglais et russes qui prétendent voir un parallèle exact entre l'époque présente et celles de Napoléon, de la première guerre mondiale ou de Hitler ne font que se ridiculiser. Tout est évidemment différent... sauf une chose tout de même, que ce sont précisément ces deux pays-là qui se retrouvent - se retrouveront peut-être - ensemble. Et ils seront ensemble pour l'action : pour desserrer ce grand ensemble cohérent qui leur est gêne, grave inconvénient voire menace par le simple fait qu'il existe.

Pour éviter le désastre ? La voie à suivre est évidente

Bien sûr, la solution, ou du moins la direction dans laquelle il faudrait aller est assez claire. C'est l'excessive cohésion de l'entente pan-européenne existante - une cohésion forcée par des traités fixés dans le marbre - qui a motivé Londres à s'éloigner, et elle n'est clairement pas non plus sans rapport avec l'opposition progressivement aggravée de l'Union européenne et de la Russie depuis plusieurs années, la crise ukrainienne commencée en 2014 par exemple étant en dernière analyse une lutte d'influence entre UE et Russie qui a - très - mal tourné. Une entente européenne beaucoup plus souple, beaucoup plus lâche quant aux empiétements sur la souveraineté de chaque pays, aurait pu garder le Royaume-Uni en son sein, elle aurait pu établir un partenariat étroit avec la Russie - préservant au passage l'Ukraine qui n'aurait jamais été sommée de choisir entre l'un et l'autre - allant peut-être au final jusqu'à un regroupement pur et simple.

Bref, ce qui s'appelle en français "l'Europe des patries", "l'Europe de l'Atlantique à l'Oural" suivant l'expression de De Gaulle, à la fois plus large en étant véritablement continentale, et plus légère basée seulement sur alliance militaire, échanges culturels, coopération techno-scientifique et tarif extérieur commun, sans empiétement sur la souveraineté de ses membres, c'est-à-dire leur capacité à décider pour ce qui les concerne de leurs lois, de leur budget, de leurs frontières.

La vision du Général De Gaulle

(ni les territoires russes hors d'Europe -20% de la population- ni les territoires français -4% de la population- ne sont représentés)

Alors, ne pourrait-on réorienter tout cela, faisant la paix avec la Russie tout en gardant la Grande-Bretagne dans la famille, et apaisant par la même occasion toutes les tensions internes en train de s'intensifier - Pologne et Hongrie auraient après tout le droit de se gouverner comme elles l'entendent même si leurs dirigeants déplaisent à Bruxelles, la Grèce de faire défaut sur sa dette si elle s'y voit réduite, Italie et France de relancer leur économie, tandis que l'Allemagne pourrait conserver une monnaie aussi solide que le deutschemark, etc. ? Finalement, à regarder les devoirs que nous imposent et le passé de l'Europe, et son avenir, ne vaudrait-il pas mieux être tous ensemble dans une équipe plus ou moins lâche et un "village gaulois" où chacun fait un peu ce qu'il entend, plutôt qu'un groupe très cohérent... mais de plus en plus intérieurement tendu, et de plus en plus réduit ?

Village gaulois - fortes individualités, chacun s'occupe de ses affaires... mais coopère volontiers avec les autres et resserre les rangs en cas de pépin

Un meilleur modèle pour la bonne entente des Européens ?

Une jolie histoire... mais les obstacles sont sévèresC'est qu'il y a un traité, le traité de Lisbonne, qui fut signé et ratifié (2). Et ce traité est pratiquement impossible à modifier de manière un tant soit peu souple et réactive, car il y faudrait l'unanimité de tous les pays, fort douteuse en tous les cas et de toutes façons impossible dans un délai moindre que de nombreuses années, vu la lourdeur effroyable que prendrait toute renégociation. C'est qu'il y a une monnaie, et qu'en sortir par une autre voie que la négociation de bonne foi pourrait risquer pas mal de bruit et de fureur - tandis que ne pas en sortir signifie la nécessité de faire marcher toutes les économies diverses des pays membres à la schlague, ce qui plait de moins en moins - voir les conséquences de tout cela par exemple en Italie ou en Espagne, extension démesurée du chômage notamment des jeunes, alourdissement de la dette etc. - et contribue plus qu'un peu aux tensions internes croissantes.

On peut imaginer tenter de forcer à la fois la sortie de la logique actuelle et son remplacement par une logique "Europe des patries". Une opération visant non à modifier le traité existant puisque c'est pratiquement exclu, mais à le remplacer purement et simplement. C'est même la seule voie possible.

Et sans doute une tentative est-elle envisageable, certes sans garantie de succès, puisque c'est ce que proposent plusieurs candidats à la présidentielle notamment Marine Le Pen et Nicolas Dupont-Aignan, tandis que Jean-Luc Mélenchon propose plutôt de conserver l'Union européenne mais d'y imposer la volonté de la France, en somme de se saisir du fouet et de mettre Paris du bon côté du manche - ce qui n'est pas forcément très réaliste.

Mais il pourrait fort bien aussi n'y avoir aucune tentative, si aucun de ces candidats n'est élu... et l'Histoire, qui n'attend pas, pourrait très bien accélérer.

Si l'Union européenne éclate du fait de la logique supranationale aveugle, qu'est-ce qui sera encore détruit sous les décombres ?

C'est qu'à reculer devant la nécessité d'une restructuration, à renoncer à forcer le destin, on s'y soumet.

Le destin, encore ? Il est depuis longtemps déjà écrit sur le mur que l'Europe en version fédérale est condamnée, car trop contraire aux réalités de la diversité des peuples européens, de leurs Histoires, de leurs manières de faire et de leurs intérêts.

Mais l'inscription... concernera-t-elle toute tentative d'entente pan-européenne ... même la voie "Europe des patries" ?

Le Festin de Balthazar (Rembrandt)

"Compté, pesé et divisé en deux"

Dit autrement, lorsque l'Europe version fédérale aura échoué pour de bon, la bonne entente et les sentiments mutuellement positifs au niveau des peuples eux-mêmes auront-ils été tellement abîmés que même la version lâche, débonnaire et légère d'une entente pan-européenne sera encore trop proche pour être acceptée ?

Sans être encore à un niveau véritablement dangereux, les sentiments négatifs entre Européens sont clairement en phase ascendante depuis en gros une décennie :

  • Il y a dix ans, insulter les Latins et autres Européens du sud en les traitant de paresseux et de voleurs, ce que même des eurocrates se permettent maintenant, quand ce n'est pas de "cochons" ("PIGS" sigle anglais pour Portugal, Italie, Grèce et Espagne... les intéressés apprécieront) aurait été impensable
  • On n'insultait pas non plus les Allemands en les traitant de "nazis", ce que des journaux en Grèce, en Italie et en Pologne ne se privent pas de faire à chaque tour de chauffe et moment d'irritation
  • On ne reprochait pas aux Européens du Centre les gouvernements qu'ils se choisissent
  • Ne parlons pas des sentiments anti-Russes à l'ouest, de la propagande anti-européenne dans les médias d'Etat en Russie
  • Quant à la direction que menacent de prendre les sentiments réciproques entre Britanniques et Continentaux, elle est suffisamment claire

François Heisbourg, écrivant en 2013 dans "la Fin du Rêve européen", exprimait la crainte qu'une dislocation de l'euro désordonnée - c'est là le point crucial - et ses gigantesques pertes financières potentielles ne fasse naître des Dolchstoßlegende ("légende du coup de poignard dans le dos", en référence au mythe post-première guerre mondiale en Allemagne, utilisé par la suite de manière dévastatrice par Hitler) c'est-à-dire des fausses croyances dans tel et tel pays que ce serait le voisin qui serait responsable - c'est un complot ! - des souffrances subies. Processus qui a clairement déjà commencé, qui n'en est sans doute pas encore arrivé à un stade irréparable, mais pourrait accélérer gravement si justement la dislocation de la zone euro n'est pas négociée mais forcée par les événements, d'où des pertes et des dégâts multipliés.

La solution de Heisbourg était d'imaginer Merkel et Hollande convenant en secret puis annonçant par surprise le démantèlement express de l'euro, un sacrifice du point de vue des convictions européistes de l'auteur, mais un sacrifice indispensable pour du moins sauver quelque chose de l'UE et de la bonne entente entre Européens.

Naturellement, cette "solution" était et reste très peu réaliste politiquement parlant. La foi européiste du plus clair des élites gouvernementales européennes atteint presque le degré d'une religion, et en tout cas celui d'une idéologie. Comme l'écrivait Dupont-Aignan en 2004 "l'Europe va dans le mur, elle accélère et elle klaxonne !"

Si aucune tentative déterminée n'est faite pour infléchir le destin et restructurer l'UE comme une "Europe des patries" ce qui supposerait d'abord de réécrire complètement le traité existantla question de la survie des sentiments positifs de bonne volonté entre Européens qui nous semblent aujourd'hui si naturels - ou du moins qui l'étaient tout à fait il y a encore dix ans - sera posée.

L'enjeu de l'élection présidentielle française est véritablement historique.

 

1 - Rappelons :

  • que la Russie, dont le territoire s'étend certes jusqu'au Pacifique, rassemble environ 80% de sa population en Europe géographique, c'est-à-dire à l'ouest des montagnes de l'Oural,
  • que son Histoire est au plus tard depuis le XVIIème siècle indissolublement liée à celle de l'Europe, dont malgré ses fortes originalités elle partage les principaux paramètres civilisationnels,
  • qu'elle est depuis plusieurs siècles une puissance européenne, reconnue tout naturellement comme telle, ce qui ne fut mis sous le boisseau que pour raison politique durant la Guerre Froide laquelle, faut-il le rappeler, est terminée,
  • qu'elle a participé de manière active à l'Histoire européenne, que ce soit par les arts, par la science, par le mouvement des idées ou par la guerre
  • que plus de la moitié du commerce extérieur de la Russie est avec l'Union européenne, et au total environ les deux tiers avec les pays d'Europe géographique - proportions similaires à celles du Royaume-Uni

2 - Traité certes qui fut ratifié par le parlement français en 2008 en contravention frontale au refus du peuple français clairement exprimé lors du référendum de 2005 sur la Constitution européenne... dont le Traité de Lisbonne reprend l'essentiel des dispositions. Mais cela ne change rien à l'état de fait.


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30 réactions à cet article    


  • howahkan 4 avril 2017 09:41

    Salut, vouloir unir en paix tout le monde tout en gardant la compétition qui élimine est simplement impossible..le maître lui le sait c’est ce qu’il veut mais vous ???


    • Harry Stotte Harry Stotte 4 avril 2017 19:59

      @howahkan

      « ...vouloir unir en paix tout le monde... »


      ...est une chimère absolue, qui ne tient pas une seconde face aux réalités de la nature humaine. En tant que mammifère, l’homme est instinctivement compétiteur, puisqu’il s’oppose, déjà, aux autres mâles pour la possession d’une ou de plusieurs femelles.


      Ceux qui croient pouvoir changer cela sont soit d’aimables rêveurs, soit de redoutables assassins potentiels, comme beaucoup de ceux qui ont essayé de s’attaquer à la nature humaine.

    • Parrhesia Parrhesia 6 avril 2017 17:29
      @howahkan
      Absolument, howakhan !!!

      Tout simplement impossible dans l’état actuel des choses !!!
      On est mal, mais, bonne soirée quand même !!!

    • Parrhesia Parrhesia 6 avril 2017 17:33
      @Harry Stotte
      Tout-à-fait d’accord !!!
      Bonne soirée !

    • Descartes Descartes 4 avril 2017 09:59

      Bref, ce qui s’appelle en français « l’Europe des patries », « l’Europe de l’Atlantique à l’Oural » suivant l’expression de De Gaulle, à la fois plus large en étant véritablement continentale, et plus légère basée seulement sur alliance militaire, échanges culturels, coopération techno-scientifique et tarif extérieur commun, sans empiétement sur la souveraineté de ses membres, c’est-à-dire leur capacité à décider pour ce qui les concerne de leurs lois, de leur budget, de leurs frontières.

      Bonjour
      Au nom de quoi devrions-nous former une alliance militaire avec des pays dont nous ne partageons presque rien (pays Baltes, Ukraine..), qui nous couterait plus qu’autre chose (qui va financer leur modernisation militaire ?) et qui va à l’encontre de nos intérêts géopolitiques à nous (il y a bien plus intérêt à former une alliance avec des pays africains en pleine croissance démographique car les guerres ne se font qu’entre pays à forte croissance démographique contre des pays riches) ?
      En quoi l’ennemi de la Russie est-il nécessairement l’ennemi de la France ?
      Dans votre carte, vous avez éludé la Turquie, d’accord. En cas de conflit entre Grecs et Turcs, pourquoi devrions-nous nous y impliquer absolument ? Car la France s’est déjà impliquée, oui : mais il s’agissait de son intérêt du moment ; ainsi, elle a aidé la Grèce mais a fini par s’allier à l’Empire ottoman pour ensuite la lâcher.
      Donc encore une fois, pourquoi voulez-vous une alliance militaire continentale ?


      • Alexis Toulet Alexis Toulet 4 avril 2017 11:19

        @Descartes

        D’abord il faut lever un malentendu. L’expression « de l’Atlantique à l’Oural » inclut la Russie, dont 80% de la population vit à l’ouest de l’Oural. Une alliance militaire continentale inclurait la Russie. Il ne saurait être question de s’allier aux Baltes et aux Ukrainiens contre la Russie, ce qui n’aurait aucun sens nous sommes bien d’accord.

        Pourquoi une alliance militaire est-elle nécessaire à tout projet d’entente pan-européenne ? Eh bien parce que beaucoup de pays n’accepteront jamais une telle entente s’ils ne se sentent pas protégés.

        Ce n’est pas que la France en ait besoin. Mais si nous voulons une large coopération dans toute l’Europe - j’insiste, Moscou est en Europe ! - il est indispensable d’établir une telle alliance. Sinon, beaucoup de pays préféreront rester dans la dépendance stratégique des Etats-Unis, qui se serviront évidemment de ce levier pour troubler les affaires européennes - cela s’est déjà vu plus d’une fois.

        Si nous ne voulons pas d’alliance pan-européenne, alors il faut aussi faire une croix sur toute entente explicite qui favoriserait les coopérations. Il faut aussi se résoudre à ce que l’Europe reste un champ clos où de nouvelles disputes, et peut-être pire, resurgiront, d’autant que les puissances extérieures ne se feront pas faute d’y pousser - c’est vieux comme le monde. C’est une vision. Mais ce n’est pas celle que je préfère.

        S’engager réciproquement à contribuer à la défense de la Grèce si elle est attaquée par la Turquie, de la Russie si elle est attaquée par la Chine, ou de la France si des djihadistes l’attaquent, ne me paraît pas une si mauvaise idée, qui plus est.



      • Descartes Descartes 4 avril 2017 11:56

        @Alexis Toulet
        alors pourquoi devons-nous faire une alliance avec toute l’Europe ? au nom de quoi ?
        je veux dire, on peut coopérer sans pour autant décréter que l’ennemi de mon allié est automatiquement mon ennemi, non ? La France coopère avec le Japon dans les avions Airbus. Ont-ils besoin d’un pacte militaire ?

        Si des pays veulent être dans le giron américain (comme la Pologne qui semble le faire de très bonne volonté puisque son matériel militaire est plus américain qu’européen), n’en a-t-elle pas le droit ?


      • Descartes Descartes 5 avril 2017 11:40

        @Descartes
        eh oui.. c’est bien beau d’appeler à une « Autre Europe » mais encore faut-il justifier votre point de vue..


      • riff_r@ff.93 [email protected] 4 avril 2017 10:23

        L’euro est fait de telle façon que quand des capitaux en provenance d’Italie ou de Grèce par exemple sont transférés en Allemagne, ils se transforment instantanément : de créances sur la banque centrale italienne ou grecque ils deviennent juridiquement créances sur la Bundesbank. De par l’attractivité économique de l’Allemagne qui occasionne de nombreux transfères de capitaux vers ses banques en provenance de toute la zone euro, la Bundesbank est en train de se gorger de centaines de milliards de créances pourries. Si l’euro s’effondrait maintenant, ce serait comme quand on jouait au pouilleux à l’école : l’Allemagne se retrouverait avec le valet de pique. La seule solution pour les Allemands d’éviter de boire la tasse est de prolonger la partie et dans le cadre de l’euro de continuer à imposer des politiques d’austérité à l’Europe du sud pour rééquilibrer ses comptes. Voilà pourquoi Merkel ne renégociera jamais les traités.


        • riff_r@ff.93 [email protected] 4 avril 2017 10:36

          @[email protected]

          J’oubliais d’expliquer une chose : quand des capitaux sont transférés par ex. de Grèce en Allemagne ils deviennent donc créance sur la banque centrale allemande ET la contrepartie comptable de ce transfert est que la Bundesbank acquiert l’équivalent en créances pourries sur la banque centrale grecque d’où le problème pour les Allemands.


        • Descartes Descartes 4 avril 2017 10:39

          @[email protected]
          salut
          pourquoi s’agit-il de créances pourries ?


        • riff_r@ff.93 [email protected] 4 avril 2017 10:42

          @Descartes
          C’est ce que j’explique dans la deuxième partie du commentaire.


        • riff_r@ff.93 [email protected] 4 avril 2017 10:47

          @Descartes
          La Bundesbank récupère dans ses comptes des créances insolvables sur la banque nationale grecque ou italienne. Elle en a aussi sur la banque de France mais beaucoup moins. La banque de France pourrait payer. La banque centrale grecque, non. La banque italienne non plus.
          Voilà pourquoi il serait très judicieux de sortir de l’euro maintenant, de payer notre ardoise aux allemands en bon voisins que nous sommes.


        • Descartes Descartes 4 avril 2017 11:58

          @[email protected]
          oui mais en quoi il s’agit de créances insolvables ? c’est ce point que je ne saisis pas.
          car de l’argent en Grèce existe.. et si il est transféré en Allemagne, bah je ne vois pas pourquoi et par quel tour de magie, la créance deviendrait pourrie.
          surtout qu’à ma connaissance, la planche à billets est du rôle exclusif de la BCE.


        • howahkan 4 avril 2017 13:30

          @Descartes

          Salut

          parce que l’argent de la Grèce est de la dette suite a des emprunts dans des banques privées qui elles non plus n’ont pas cet argent....il n’existe pas..déjà que l’argent n’existe pas car il n’a jamais rien fait du tout , même pas une baguette, ce sont des humains qui collectivement ont tout fabriqué, , là il n’existe pas deux fois..


        • riff_r@ff.93 [email protected] 4 avril 2017 12:59

          @Descartes

          Les montants sont astronomiques ! Ce système d’équilibre des comptes de la zone euro s’appelle le système Target 2. La dette italienne vis-à-vis de Target 2 s’élève à plus de 350 milliards d’euros. L’Allemagne est créancière envers la périphérie de la zone euro de plus de 750 milliards et cela ne fait que s’accroître.

          Quand la BCE a fait marché la planche à billet sur décision de Draghi, les déséquilibres se sont réduits momentanément du fait de l’arrivée d’argent dans les différentes banques centrales nationales ( BCN ). Et puis le mécanisme naturel a repris et les déséquilibres Target 2 ont augmenté de plus belle. Cela est dû à un vice de constitution de l’euro qui à la fois a conservé les BCN tout en n’admettant pas de limite aux transferts de capitaux. Ce système est totalement absurde et voué à l’échec. Et il faut préciser qu’il a été initialement voulu par les Allemands qui autrement n’aurait pas accepté de renoncer au Deutsche Mark. Mais aujourd’hui ils s’en mordent les doigts car au final ils ont l’impression que leurs performances économiques sont mangées par les ’’PIGS’’.


          • riff_r@ff.93 [email protected] 4 avril 2017 13:34

            @[email protected]
            Si l’euro s’écroule aujourd’hui les Allemands se retrouvent avec 750 milliards de créances qu’ils vont devoir aller chercher auprès de gens qui seront très peu enclins à leur rembourser. Je peux vous dire qu’ils s’en passeraient bien surtout qu’ils n’ont jamais demandé à ce que ces transferts de capitaux se fassent vers la Bundesbank et qu’ils n’ont rien à y gagner. Ce sera un gros gros merdier et vous savez comment ça sera réglé : ’on demandera encore aux contribuables de payer les pertes ( qui auront été créées par les flux de capitaux venant des riches armateurs grecs ou des millionnaires italiens parce qu’évidemment ce n’est pas M et Mme Tuttiquanti qui transfèrent leur argent d’un pays à l’autre ). C’est pour ça qu’il faut sortir du système avant qu’il ne se casse la figure.


          • Descartes Descartes 4 avril 2017 15:25

            @[email protected]
            étant donné que ces créances sont l’effet de CONTRATS, il ne peut y avoir réticence à rembourser.
            mais il peut y avoir impossibilité à rembourser. mais alors, en quoi ? et pourquoi ?


          • riff_r@ff.93 [email protected] 4 avril 2017 16:31

            @Descartes

            Il s’agit de dettes de banque centrale à banque centrale. Du coup le problème n’est pas seulement financier, il est aussi éminemment politique.

            ’’Nous ne savons simplement pas ce qui se passerait dans un tel cas, celui de la répudiation définitive de l’Union monétaire. L’Histoire des crises de dettes nous enseigne que la répartition définitive des pertes serait réglée par des négociations entre gouvernements ’’ ( Ph. König, économiste à l’institut allemand de prévisions économiques cité dans cet article de Vincent Brousseau ).

            Il faudra fixer le montant des pertes, décider comment seront réparties les pertes entre les différentes BCN, prévoir comment sera échelonné le remboursement du reste, dans quelle monnaie il sera remboursé ( imaginez comme les Allemands sont propices à voir le bilan de la Bundesbank se gonfler de lires italiennes fraîchement imprimées dans la cave de la banque centrale italienne smiley ). Bref ce sera un gros bordel mais certains pensent que les Allemands sont résolus à enterrer d’une manière où d’une autre l’union monétaire parce que de toute façon plus on attend pire seront les problèmes à régler.


          • Descartes Descartes 4 avril 2017 16:46

            @[email protected]
            donc il n’y aura pas impossibilité de rembourser mais plutôt que le remboursement risque d’être en une monnaie dépréciée, ce qui explique que les créances de la Bundesbank soient pourries ?
            ceci, parce que l’euro est surévalué pour toutes les économies de la zone euro, hormis l’Allemagne, est-ce bien cela ?

            j’ai encore une petite question : que cause une dépréciation monétaire quant au prêteur ?
            et maintenant que je commence à comprendre, je me dis comment les Allemands ont-ils pu être cons au point d’accepter ce système !?

            Je vous remercie sincèrement de prendre votre temps pour m’expliquer la chose car je l’avais écoutée mais pas bien assimilée.


          • riff_r@ff.93 [email protected] 4 avril 2017 18:13

            @Descartes

            Que ce soit en cas de sortie de l’Italie seule ou en cas d’explosion du système entier il y aura impossibilité de rembourser la totalité des dettes : les sommes sont trop importantes. Le montant des pertes sera à négocier et les européistes voudront certainement qu’elles soient réparties entre les BCN en fonction de leurs taux de participation au capital de la BCE ( ce qu’on appelle les ’’capital keys’’ des BCN ). C’est à dire que ces pertes seront in fine payées par les contribuables européens sur le bon vieux principe de privatisation des gains et de socialisation des pertes.

            Vous avez raison l’euro est surévalué pour les pays de l’Europe du sud donc en sortant de l’euro ils reviendront à une monnaie nationale qui sera dépréciée par rapport à l’euro. Si le remboursement d’une dette est échelonné toute dépréciation de la monnaie dans laquelle elle est remboursée rogne la rente du créancier. C’est pour ça qu’en décembre quand il a été beaucoup question d’Italexit, les allemands ont martelé que les italiens devraient payer leur ’’prime de sortie’’ avant de partir. C’était une pure menace visant à inciter les Italiens à bien voter, parce que comme je disais c’est impossible de rembourser comme ça 500 milliards !

            ’’Comment les allemands ont-ils pu être cons au point d’accepter ce système ? ’’. C’est qu’en acceptant d’abandonner leur Deutch mark pour l’euro ils voulaient avant tout un système facilement réversible. L’idée était qu’en conservant les BCN on pourrait revenir au système monétaire d’avant l’euro. Ils n’ont pas anticipé le problème des déséquilibres de Target 2.


          • Descartes Descartes 4 avril 2017 18:38

            @[email protected]
            merci pour votre réponse, je commence à mieux comprendre la chose.

            toutefois, opter pour un système réversible, c’est déjà anticiper des problèmes, non ?
            Asselineau dit que ce sont les Américains qui le maintien de l’euro. d’ailleurs, on a vu Geithner venir quand il y avait la crise de l’euro (comme si ça le regardait directement). peut-être ont-ils obligé les Allemands à y entrer, car franchement, je ne vois pas d’autre possibilité.

            ainsi, la dépréciation du nouveau franc promu par Asselineau risque donc de pénaliser les détenteurs de la dette française, n’est-il pas ?


          • riff_r@ff.93 [email protected] 4 avril 2017 19:11

            @Descartes
            la dépréciation du nouveau franc promu par Asselineau risque donc de pénaliser les détenteurs de la dette française, n’est-il pas ?
            Oui c’est vrai mais attendez. Vous vous êtes déjà demandé pourquoi la France paie des intérêts plus élevés que les Allemands quand elle emprunte sur les marchés ? Normalement les taux devraient être les mêmes pour tous dans une monnaie ’’unique’’.
            Si la France, l’Italie, l’Espagne, paient plus cher c’est que les pretteurs anticipent le risque d’une sortie de l’euro de ces pays suivie d’une dévaluation. Donc il ne faut pas qu’ils viennent pleurer en cas de sortie et de dévaluation du franc puisqu’ils seront alors jusque confrontés au risque qu’ils nous ont facturé.
            Sur la création de l’euro on peut penser que les Americains ont influencé les Allemands oui. On peut aussi dire qu’il y a eu une part d’amateurisme chez les concepteurs de l’euro. Je pense aussi que certains d’entre eux savaient que l’euro dans sa première mouture ne fonctionnerait pas et qu’ils comptaient se servir de ça pour dire ’’si ça ne marche pas c’est qu’il faut plus d’intégration européenne’’. Vous savez c’est ce qu’on appelle la méthode Monnet : on avance masqué, par ’’petits pas’’, et chaque nouvelle ’’avancée’’ rend inéluctable le pas suivant.


          • Descartes Descartes 4 avril 2017 21:29

            @[email protected]
            Merci, beacoup ; la discussion est très intelligente et enrichissante.
            J’imagine que vous avez été sensibilisé au sujet grâce à Asselineau..
            Maintenant, j’abonde dans votre sens.

            Mais aussi, si nos créanciers considèrent que la rentabilité de leur investissement pourrait se réduire, on peut se demander ce qui va advenir d’Asselineau un jour que les sondages le mettraient très haut.. car ce ne sont pas des bisounours, eux non plus !


          • kalachnikov lermontov 4 avril 2017 21:43

            @ [email protected] & Descartes

            Merci pour cet échange, oui, enrichissant, c’est bien le mot.


          • riff_r@ff.93 [email protected] 5 avril 2017 00:39

            @Descartes
            on peut se demander ce qui va advenir d’Asselineau un jour que les sondages le mettraient très haut..
            Je crois qu’il a conscience du risque et qu’il l’assume. C’est un homme opiniâtre et courageux. Merci à vous aussi pour l’échange.


          • zygzornifle zygzornifle 4 avril 2017 13:24

            l’Angleterre est comme un gigot entre les dents d’un Pitt-bull , l’UE ne la lâcheras pas quitte a la saigner histoire de se venger , cette Europe c’est la destruction assurée quand on on fait partie et quand on en sort , c’est un cancer généralisé ..... 


            • howahkan 4 avril 2017 13:31

              @zygzornifle

              Salut, mon avis c’est non, le royaume uni ne peut que s’en sortir....


            • Coriosolite 5 avril 2017 18:43

              Excellent article et commentaires intéressants.

              Rare sur ce forum.


              • Descartes Descartes 6 avril 2017 01:08

                @Coriosolite
                attends qu’il expliquât le pourquoi de sa théorie.
                pour lui, parce qu’on est sur le même continent, on doit tous coopérer et faire que l’ennemi d’un des pays de sa nouvelle Europe serait l’ennemi de tous...
                ceci, alors qu’on coopère avec le Japon sur Airbus et qu’il n’y a pas de traité militaire.
                donc si il s’agit d’une construction racialiste, qu’il le dise.

                A. Toulet ou comment en revenir à la Première Guerre Mondiale avec la logique de blocs...

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