2017. Une France en souffrance avec un avenir incertain
Le suspense est terminé. Les résultats n’ont rien d’étonnant. Ils ne sont qu’une clarification, pour reprendre une idée développée par Peter Sloterdijk selon lequel il n’y a pas de montée soudaine du populisme mais tout simplement une tendance qui est parvenue à une émergence et une visibilité en terme d’orientation politique exprimée dans les urnes. Cet épisode électoral présente des traits significatifs. Avec un étrange ballet sémantique au cours duquel les mots sont employés dans des sens paradoxaux. Le qualificatif le plus significatif, c’est anti-système. Trois des gros candidats se sont déclarés comme anti-système, Mélenchon, Le Pen et même Fillon. Quant à Macron, certains analystes y ont vu une mouvance elle aussi anti-système.
En vérité, être anti-système du point de vue d’une stratégie politicienne ou électorale n’a aucun sens. Toutes ces candidats sont l’émanation d’un même et unique système composé d’une population possédant une nationalité, centrée sur un territoire, avec des relations sociales et culturelles prolongées par les connexions technologiques et influencées par les diffusions médiatiques de masse. Tout cela, c’est un système qui, comme l’humanité depuis les débuts de l’ère historique, n’a rien d’homogène et se trouve fragmenté. Il y a bien souvent un côté immature à se déclarer anti-système. Cette posture signale en réalité que l’on n’est pas satisfait du sort qui nous a été réservé par le système et que si le système était plus avantageux, on n’y serait pas tant opposé.
Les résultats des élections traduisent les différentes orientations que prennent les têtes gouvernantes (ou prétendant gouverner) ayant émergé à partir du système et voulant le conduire dans une direction ou une autre. Les attentes des électeurs sont souvent des idées implantées par les médias de masse et parfois les idéologies virales qui hantent les cerveaux et se propagent.
(Pour faire simple au risque de simplisme, Macron représente le camp de l’ouverture du système et Le Pen celui de la fermeture du système. Fillon voulait réformer le système, le redresser, Mélenchon voulait secouer le système en fustigeant une Allemagne trop rigoureuse dans la gestion des finances)
La situation de la France ne sera pas clarifiée par des élections qui en principe, devraient servir à pacifier les démocraties. Les principaux problèmes ne seront pas résolus et la France ne sera pas apaisée par l’arrivée quasi-certaine de Macron à l’Elysée. Une bonne partie de l’électorat risque d’être en colère et en désespérance. Les frontistes nationaux, les insoumis, les « catholistes » frustrés après l’échec de Fillon, quant aux socialistes, ils sont atterrés et iront pour certains se consoler en marchant. La France est divisée, fracturée, comme l’est du reste l’Amérique de Trump et la Turquie de Erdogan pour ne prendre que deux pays emblématique de la crise de civilisation galopante. Il faudra attendre les législatives avec l’hypothèse d’une majorité improbable à dessiner alors que 4 électeurs sur 10 risquent de finir avec une représentation nationale extrêmement réduite, à gauche avec les insoumis, à droite avec les frontistes, ce qui ne peut que renforcer les frustrations et les ressentiments. C’est donc l’immense défi pour Macron que de façonner les conditions pour une France apaisée dans un contexte où la France agitée trace ses ressorts souterrains pour une éventuelle fronde sur les réseaux sociaux puis dans la rue.
Première mi-temps à l’Elysée, deuxième mi-temps à l’Assemblée, troisième mi-temps dans la rue. C’est ainsi que fonctionne la France. Il faudrait être imprudent pour ne pas voir dans les résultats la couleur des passions politiques livrées par les urnes. Passions funestes chez les frontistes et les insoumis, passion tristes au LR et au PS, passions volubiles et positives chez En marche. Cette élection très personnalisée n’engage pas l’avenir à long terme mais représente un thermomètre de l’opinion publique avec une division des Français et au risque de me répéter, des tensions et des colères à venir car il n’y a pas de solution pour résoudre les graves problèmes de ce pays.
Je me demande si une psychothérapie collective ne serait pas utile. Ou mieux encore, une grande conversation orchestrée pour œuvrer à la manière d’une maïeutique philosophique. Ce qui inquiète, ce n’est pas ce qui sort des urnes mais ce qui est caché dans les boîtes grises des cerveaux. Je n’ai pas le désir de m’illusionner sur ce qui attend la France, même si le candidat arrivé en tête est celui pour qui j’ai voté.
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