Victoire de Macron, changement profond ou piège à c… ? Ah ça ira ça ira ça ira !
Elu à la présidence de la République dimanche 7 mai, avec 65,5% des suffrages au second tour de l‘élection présidentielle, Emmanuel Macron dit-on, a réussi son pari. Il aurait ringardiser la classe politique, fait table rase du passé, annoncé une grande recomposition politique, tel un nouveau prophète. Une idée fausse peut devenir un fait vrai si on n’y regarde pas de plus près, au risque d’une indigestion de balivernes. La victoire du nouveau président, ne doit-elle pas plus son succès à un alignement improbable de circonstances, qu’à cette prétention au bouleversement du tout ? Les électeurs se portant sur lui pour assurer sa victoire, ne l’ont-ils pas fait après un premier tour où ils furent déjà rabattus d’un côté sur l’autre, pour finalement voter par défaut à son endroit pour faire barrage au pire ? Revenons sur les faits.
Acte I : L’adoubement.
François Hollande mis d’abord sur orbite le candidat d’en Marche, qui n'avait jamais été élu, par son onction présidentiele, faisant de l’enfant prodigue le secrétaire général-adjoint de son cabinet et en réalité, son premier conseiller puis, son ministre de l’économie. Il n’en fallait pas plus pour qu’il puisse rêver d’un conte présidentiel.
Acte II : Les primaires, le piège.
A l’aune d’un pouvoir médiatique tendant à définir les règles du jeu et d’un mimétisme d’influence outre-Atlantique, on a voulu faire des primaires, dont le parti socialiste en 2012 avait donné l’exemple. Mais il ne fallait pas confondre concours de circonstances et opportunité. Ce qui vaut un moment ne vaut pas tout le temps. Prendre pour modèle un système américain de présélection des candidats à la présidentielle par des primaires, qui participe du mécanisme d’une démocratique bloquée entre une droite démocrate et une droite républicaine clientélistes, au président élu de façon indirecte avec une participation faible, autour de cinquante pour cent du corps électoral, était plus qu’un risque. Rien qui ne ressemble à notre République au système des partis bien plus ouvert, quoi qu’on en pense, un président de la République élu au suffrage universel direct et une forte participation autour des quatre vingts pour cent.
La logique des primaires s’est imposée à droite et à gauche comme un piège. Des primaires ouvertes à tout le corps électoral, en forme de pré-présidentielle, brouillant totalement les cartes, où le vote des adhérents des partis n’avait plus aucune prépondérance, effaçant jusqu’à leur référence. Au lieu de projets défendus par des candidats choisis par chaque parti, on se retrouvait dans une arène fratricide de compétiteurs portant chacun son projet, proposé à l’ensemble des Français, au risque de la surenchère et d'en dévoyer le sens et l’issue. C’est bien ce qui en est advenu. Pour les primaires de la droite, les quatre millions d’électeurs, selon un sondage Opinionway, se répartissaient du coup ainsi : 51% de sympathisants LR, 15% de centristes, pour un total de 66%, de 12% d'électeurs de gauche, 6% de soutiens FN, 11% sans préférence partisane. Il s’est passé le même phénomène de mélange des genres aux primaires de la gauche. Autrement dit, on a ouvert ces primaires à ceux de l’autre camp qui sont venus choisir le plus mauvais candidat à affronter par le leur. Ce qui n’a constitué rien de moins qu’un holdup sur la démocratie, qui s’est traduit par le fait de « se tirer une balle dans le pied », à la fois pour la gauche et la droite gouvernementales.
Il en est ressorti un Fillon, candidat « à droite toute » façon Monsieur Plus, avec pour proposition la suppression de 500.000 fonctionnaires, d’en finir avec la République sociale, et un projet d’ouverture de son futur gouvernement à « Sens commun » pour couronner le tout. Ceci, lorsque pour gagner l’élection présidentielle, il faut rassembler bien au-delà de sa famille politique et d’un vote partisan, en proposant un projet susceptible de transcender les sensibilités des uns et des autres. Comme si cela ne suffisait pas, celui qui avait été choisi pour sa qualité d’incorruptible se trouvait soudain pris dans un déferlement de mises en cause, donnant à la campagne une tournure qui devait nuire à tout débat des projets sur le fond. Il en allait aussi d’un climat délétère, de lynchage médiatique piteux, les journalistes n’hésitant pas à tirer sur l‘ambulance au nom d’une leçon de morale, alimentant à fonds perdus leur bonne conscience, pour rajouter une couche de dégoût à cette débâcle.
Acte III : Hollande, le renoncement et le choix de Macron.
Autre épisode mémorable, lorsque le président de la République, à trop se livrer au jeu des devinettes avec des journalistes, s’est pris incidemment les pieds dans le tapis, ceux-ci rapportant des propos qui n’auraient pas été meilleurs pour lui glisser sous le pied, la planche à savonner, comme un fait exprès. Il ne devait finalement pas se présenter et soutenir un certain Emmanuel Macron.
Au PS, cela devait donner la victoire à un Benoît Hamon inattendu autant que surpris, expression marginale de son parti, les frondeurs, propulsé à front renversé représentant de la majorité présidentielle sortante, à laquelle il avait participé avant de s’y opposer pour la rendre impuissante. N’insistons pas sur la proposition inaudible d’un revenu universel, équivalent à « on rase gratis demain », dont on entend encore l’écho des ricanements, du côté de ses propre bancs.
Acte IV : Macron révélé au service du système. Rien que du vieux et du carton pâte.
De ce concours de circonstances Macron a su tirer profit, comme le moins disant, se présentant face à cet imbroglio sans précédent, comme un recours par son statut de hors système, ou plutôt en réalité, plus simplement, hors parti. Suffisant pour donner le change de meilleur rassembleur contre un FN annoncé d’emblée comme présent au second tour, dans le contexte de partis de gouvernements à la dérive.
Hors système ? Il bénéficiait pourtant très tôt du soutien de nombreux institutionnels, et combien ! D’un Alain Minc ou un Alain Madelin ultralibéraux, sans oublier Laurence Parisot ex-présidente du Medef ou Bernard Arnaud première fortune de France, BHL, à un Cohn Bendit, révolutionnaire à la retraite ou encore, un Gérard Collomb transfuge du PS, un Patrick Braouezec, ancien maire communiste de Saint-Denis et communautariste notoire, jusqu’à un Bayrou, centre droit, pour faire la soudure. En lieu et place d’un renouveau politique, le candidat d’En marche Président, dit déjà ouvrir ses listes pour les législatives à de nombreux élus de droite et de gauche. Il montre bien par là, que son credo n’était finalement pas le « ni droite ni gauche », mais le « droite plus gauche » libérales. Ce n’était rien que le recyclage annoncé d’un système en crise et à bout de souffle, qui a trouvé le candidat capable de remettre au goût du jour une formule déjà largement consacrée : « le changement dans la continuité ».
Il voudrait être l’homme de la troisième voie, à la façon d’un Tony Blair, mais peut-être plus encore d’un Gerhard Schröder, qui a réalisé comme social-démocrate en Allemagne des réformes structurelles d’une rare violence, que la droite ni la gauche n’avaient jusque-là pu ou su faire, avec la libéralisation du marché du travail, la baisse des prestations sociales et la réforme des retraites à pas d’âge. En Allemagne après cela, le nombre de personnes vivant au-dessous du seuil de pauvreté est bien plus élevé qu’en France, portant avec « Zéro chômage »… Il est aussi l’homme de la mondialisation et de la fin des frontières. Européen convaincu, le multiculturalisme ne lui fait pas peur, il est d’une France qui n’a d’identité que les velléités du marché et du diviser pour régner. La laïcité et cette faculté à nous mélanger qui en découle, à savoir vivre ensemble sans nous séparer, à tout à craindre de cet adepte de la discrimination positive.
Il avait dit vouloir la simplicité, être dans l’humilité, on aura vu un président élu arrivé au rassemblement de ses partisans, dans une mise en scène éloquente, traversant la cour du Louvres seul, longuement, mimant un Mitterrand entrant seul dans le Panthéon en 1981, avec il faut le dire, une toute autre stature. Il fait donner l’hymne Européen pour son entrée sur la scène où il s’adresse à ses partisans, la Marseillaise pour sa sortie, en reflet d’un ordre des pouvoirs où l’Europe commande aujourd’hui à une France de plus en plus soumise, malgré elle, à son diktat. Sa femme le rejoint sur scène à la fin du discours à ses soutiens, après que le couple ait occupé la Une des journaux people pendant toute la campagne, avec la complicité des groupes de presse. On se croirait le jeu de l’une de ces séries américaines de mauvais goût, où tout sent le carton pâte.
Acte V : Retour à la réalité et questionnements du résultat. Les jeux ne sont pas faits !
Selon un sondage Ipsos/Sopra Steria, on apprend dans la soirée que 61% des électeurs considèrent qu’Emmanuel Macron ne doit pas avoir de majorité présidentielle à l’Assemblée. Dans le détail, 30% des électeurs interrogés ne souhaitent "pas du tout" voir une majorité En marche ! à l'Assemblée, et 31% ne le souhaitent "plutôt pas". Seuls 15% sont "tout à fait" favorables à ce que le mouvement du futur président puisse gouverner sans l'aide de députés d'autres formations politiques. Chez ses électeurs du 1er tour, 12% ne veulent pas qu'il ait une majorité…
Tout cela donne des arguments à ceux qui voient-là une Ve République finissante, sans rien proposer de sérieux à la place, au risque des mésaventures du temps, alors qu’elle est simplement en mal de projet, d’une incarnation qui parle au peuple et à la Nation, parce qu’elle les représente. D’un autre côté, ceux qui cherchent à la dévoyer, et qu’on a empêché de la prendre en otage, restent en embuscade en attendant le faux-pas de l’apprenti sorcier, à qui on a confié les clés. On voudrait prendre les choses le cœur léger, mais cela risque de nous préparer des lendemains noirs, par-delà les paillettes et les studios télé où on fabrique, on démonte et on remonte, à sa guise les idées. Il règne déjà dans l’air, de cette victoire d’un soir en forme de canular, une odeur de bataille, au risque dommageable de la poudre et du sang.
Conclusion et perspectives : le devoir d'être révolutionnaire.
Macron élu des patrons et des médias, cela s’étonnera personne. Un programme indéchiffrable qui reste ouvert à tout et à tous, le règne de l’opportunisme, de l’improvisation, pas plus. A l’image d’un alignement de planètes imprévisible, sur un mode sidéral sinon sidérant, pour une mise en orbite unique, qui à la façon de l’éclipse crée l’illusion d’un changement magique lorsque seulement la lumière se voile. Un événement qu’on résumera par une formule célèbre : « élections piège à c… ? », ou comme le chantait Boby Lapointe à la fin de l’une de ses chansons, pour réveiller son héros d’un mauvais rêve[1] : « c’est une belle çonnerie… » poum poum !
Il ne faut pas sous-estimer la colère de ceux qui ont voté Macron contraints et forcés, à l’envers de leurs convictions, en se tordant le bras, pour sauver simplement le pays de la banqueroute d’une présidence d’extrême droite. La France a voté au premier tour à 40% contre le système, et ce qui gronde n’est pas retombé avec cette victoire obtenue par un concours malheureux de circonstances. Des indignés aux insoumis, il faut maintenant franchir le pas, et devenir révolutionnaires !
Coup de balai, et vive les législatives ! En attendant le réveil des forces vives d’une France qui n’a pas dit son dernier mot, surtout si on lui donne l’occasion de se rassembler autour d’une grande cause, telle cette belle République laïque et sociale à pousser jusqu’au bout, on sait qu’elle peut faire bouger des montagnes. D’autant, semble-t-il, qu’elle connait déjà la chanson. Ah ça ira ça ira ça ira…
Guylain Chevrier
[1] Boby Lapointe, « Ta Katie t’a quitté ». http://www.paroles.net/boby-lapointe/paroles-ta-katie-t-a-quitte
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