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Armer les Kurdes syriens : stratégie ou tactique américaine ?

La décision du président Trump de fournir des armes aux Kurdes syriens, qui combattent Isis, marque un changement déterminant dans la géographie politique du Moyen-Orient : les États-Unis choisissent de soutenir leur allié kurde en Syrie, faisant fi de la Turquie qui veut à tout prix empêcher l'établissement d'un État kurde indépendant.

Lundi, Trump a approuvé un plan consistant à armer directement les Kurdes pour leur permettre de reprendre Raqqa, la capitale de fait d'Isis en Syrie. Les États-Unis enverront des mitrailleuses lourdes, des armes antichars, des mortiers, des voitures blindées et des équipements d'ingénierie pour renforcer et intensifier l'attaque.

 

La Turquie a cherché en vain à persuader les États-Unis de rompre leur alliance avec les Kurdes syriens, accusant le YPG (la branche armée du Parti de l'union démocratique) d'être le bras syrien du PKK qui mène une guerre de guérilla contre l'Etat turc depuis 1984. " Le PKK et le YPG sont des organisations terroristes et ils ne sont différents que par leur nom ", a déclaré samedi le ministre turc des Affaires étrangères Mevlut Cavasoglu. "Toute arme saisie par eux est une menace pour la Turquie".

Les Etats-Unis veulent infliger une double défaite à Isis en capturant à la fois Raqqa et Mossoul en Irak au cours des prochains mois. Les combattants d’Isis se trouvent encore dans la vieille ville de Mossoul après un siège de forces gouvernementales irakiennes qui a duré près de sept mois. La majeure partie de la ville est pourtant déjà tombée avec de lourdes pertes humaines de tous côtés et de graves destructions matérielles. La perte de Raqqa et de Mossoul ne serait pas la fin d'Isis, qui est une organisation de guérilla, mais le « califat autodéclaré » n'existerait plus en tant qu’état avec une administration et un vaste territoire.

Raqqa, une ville qui comptait 300 000 habitants, sur la rive nord de la rivière Euphrate, est déjà isolée de la rive sud par des attaques aériennes qui détruisent les ponts. La route du sud à Deir Ezzor, la plus grande ville de l'est de la Syrie, a été coupée par les Kurdes. Les combattants d’Isis ne peuvent sortir de Raqqa qu'en bateau, mais ils ont démontré à Mossoul qu'ils étaient capables d’utiliser des tireurs d'élite, des kamikazes et des pièges pour résister et infliger des pertes à un ennemi armé plus nombreux et mieux armé.

Mais le sort de Raqqa n'est pas le seul problème à résoudre dans les combats dans le nord de la Syrie. La Turquie est confrontée à un résultat désastreux des guerres qu'elle a menées pour étendre son influence dans le nord du Moyen-Orient. Depuis 2011, elle a cherché à renverser le président Bashar al-Assad et à empêcher les deux millions de kurdes syriens de prendre le contrôle d'une large bande de territoire le long de la frontière sud de la Turquie.

Les efforts turcs pour arrêter l'avance kurde ont largement échoué et l'intervention des troupes terrestres turques à l'ouest de l'Euphrate en août 2016 n'a été qu'un demi-succès. Ses alliés locaux arabes et turkmènes n’ont pas pu prendre le bastion d'Isis d'Al-Bab sans l’intervention de l'armée turque. Or, si la Turquie a offert ses services aux États-Unis en tant qu'alliée capable de remplacer le YPG dans la bataille contre Isis, cela a toujours été avec une arrière-pensée évidente : le président Recep Tayyip Erdogan s'intéresse davantage aux Kurdes qu'à Isis.

La réponse de la Turquie aux succès du YPG et du SDF a été d'intensifier l'engagement militaire dans le nord de la Syrie et de menacer d’une action beaucoup plus sévère. Le 25 avril, des avions turcs ont lancé des frappes aériennes ont tué 20 combattants, dont la moitié étaient des femmes. Erdogan a alors menacé de la possibilité d’une action similaire "à tout moment". Les États-Unis avaient alors déclaré que l'action turque était "inacceptable", mais ils étaient tellement préoccupés par une intervention turque qu'ils ont envoyé des patrouilles de forces spéciales américaines dans des véhicules pour surveiller le côté syrien de la frontière. Pour leur part, les dirigeants kurdes syriens ont déclaré qu'ils ne prendraient pas Raqqa si l'action militaire turque continuait.

La décision publique de Trump d'envoyer des armes plus lourdes au YPG est donc importante, principalement comme un signe que les États-Unis ignorent les menaces turques et maintiennent leur son alliance militaire avec les Kurdes syriens, ce qui leur a bien servi. Cela rend difficile pour l'armée turque et ses forces aériennes d'intensifier ses attaques contre le YPG.

Erdogan doit rencontrer Trump pour la première fois à Washington les 16 et 17 mai. Il tentera de le persuader de renverser sa politique envers les Kurdes syriens, mais il est peu probable qu'il réussisse. Au cours de ses derniers jours de présidence, Obama avait déjà décidé d'envoyer des équipements plus lourds au YPG, ce qui indique que la politique pro-kurde a un large soutien aux États-Unis.

En même temps, les Américains essaient de rassurer les Turcs en leur garantissant que les nouvelles armes ne seront utilisées que contre Isis et que la quantité de munitions livrées sera limitée à ce qui est nécessaire pour cette opération. Et en effet, les Turcs craignent que les armes soient remises au PKK et utilisées contre leur armée.

Les Kurdes syriens, eux, craignent qu’après la défaite d’Isis les États-Unis n'aient plus besoin d’eux et reviennent à leur ancienne alliance avec la Turquie, une grande puissance qui reste membre de l'OTAN. Cela les laisserait vulnérables dans le cas d’une attaque terrestre turque visant à détruire leur demi-indépendance.

Mais, pour l'instant, les Kurdes en Syrie sont soulagés que les États-Unis aient décidé de maintenir leur alliance avec eux. Ils ne pensent pas que Trump soit capable d’un coup tordu…


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20 réactions à cet article    



    • Clark Kent Jeussey de Sourcesûre 11 mai 2017 21:26

      @lejules

      merci pour le lien
      c’est très intéressant et recoupe dautres sources d’informations
      mais ça n’a rien à voir avec l’article


    • vesjem vesjem 12 mai 2017 10:40

      @lejules
      Excellent article qui prouve bien que la démocratie est morte, et le pouvoir aux mains d’une oligarchie financière
      Que les gens soient assez couillons pour croire qu’ils ont un « libre-arbitre », même devant l’évidence de cette dictature, me désespère ;
      Cette mafia a de beau jours devant elle


    • wawa wawa 11 mai 2017 19:29

      Donc si j’ai bien compris, les Kurdes vont faire semblant de se battre à raqqa, pour recevoir le maximum d’arme, le plus longtemps possible et limiter au maximum leur perte humaines( c’est ce que je ferai si j’etait un ypg). La politique au moyen Orient est pleine de surprises. Isis va être volontairement​ maintenu en vie car sa fonction d’épouvantail arrange beaucoup de monde ( y compris les Russes ?)


      • Olivier Perriet Olivier Perriet 11 mai 2017 19:49

        Bonjour,
        vous dites que la Turquie est confrontée à un résultat désastreux des guerres qu’elle a menées pour étendre son influence dans le nord du Moyen-Orient.

        Je sais qu’on ne prête qu’aux riches, mais enfin ce n’est pas la Turquie qui a livré l’irak à L’iran, cause réelle de l’émergence de l’Etat islamique en Irak.

        Et ce n’est pas elle toute seule qui a fait pêter la Syrie.

        Qu’elle cherche ou ait cherché à en tirer parti c’est une chose. Qu’elle soit bien emmerdée avec les Kurdes c’est une autre chose.

        Mais je ne pense pas que le grand manoeuvrier (qui n’existe d’ailleurs pas plus ici qu’ailleurs) de toute cette affaire soit à Ankara.


        • Clark Kent Jeussey de Sourcesûre 11 mai 2017 21:23

          @Olivier Perriet

          Je suis d’accord avec vous.

        • devphil devphil 12 mai 2017 08:17

          @Olivier Perriet

          Merci pour votre article.

          Il n’est pas facile de s’y retrouver dans cette nébuleuse manipulation au moyen orient.

          Tout le monde sait que les USA sont à l’origine du déclenchement de cette guerre par de
          nombreuses autres.

          Aujourd’hui peux ton penser que Trump fait tout pour arrêter cette guerre , je n’en suis pas certain.

          A partir du moment où des forces ont été mises en action , où des actes de guerre ont déclenché la haine réciproque il n’est pas simple d’arrêter le processus de revanche.

          Le rôle de la Turquie est pour le moins double.

          Je constate que seule la Russie tient un discours cohérent et poursuit la même ligne de conduite , une attitude que les occidentaux devraient intégrés et prend re comme modèle.

          Philippe


        • Olivier Perriet Olivier Perriet 12 mai 2017 09:07

          @devphil
          Je constate que seule la Russie tient un discours cohérent et poursuit la même ligne de conduite

          Bof, jusqu’à présent la Russie n’a pas démontré grand chose.

          Elle a mis à distance les délires occidentaux, c’est vrai. Il y a des négociation accords avec l’Iran et la Turquie, et c’est plutôt bien

          Mais à part maintenir à flot son homme lige Bachar el Assad, lui même inféodé à l’Iran et au Hezbollah, je ne vois pas vraiment de résultat. Faire de la Syrie « officielle » un protectorat iranien n’aboutira qu’à susciter de nouveaux Daesh.

          En gros, il n’y a rien de probant jusqu’à maintenant.


        • edouard 12 mai 2017 11:13

          Comme le disait l’autre : « il faut savoir terminer une guerre »
          Talleyrand au congrès de Vienne avait permis à la France de sauver les meubles, le dictateur corse vaincu , exilé , en revenant de l’île d’ Elbe a tout détruit et nous avons dû payer le prix fort.
          En Syrie, Irak, Yemen.... , le système a perdu la guerre et il refuse de l’admettre.
          Il continue malgré tout à poser des actes insensés , pour une chimère : Le Grand Israël.
          Incapable de reconnaitre sa défaite, il poursuit sa route criminelle.
          Des pays détruits, dévastés, des populations martyrisées, le Monde au bord d’une conflagration ultime.
          Qui va payer l’addition ?
          Nous et tous ceux qui ont collaboré a cette folie et en premier lieu : les Kurdes syriens .
          Ils ont eu le tort de croire aux promesses des néocons et ils seront les premiers lâchés.
          Pourront-ils rester sur la terre syrienne qui les a accueillis , protégés ?
          La politique de réconciliation nationale a des limites et la Rojava est un rêve brisé.


          • devphil devphil 12 mai 2017 12:10

            @edouard

            Les USA ont l’habitude de faire faire la guerre par d’autres en les incitant , en leur mentant , en les achetant.

            Les USA ont l’habitude de perdre des guerres depuis 1945 depuis qu’ils ont en face d’eux les Russes par pays interposés.

            La dernière guerre que les USA ont pu gagner ce fût en 1945 grâce aux troupes soviétiques qui ont repoussé les nazis jusqu’à Berlin.

            Les USA n’ont pas voulu prendre Berlin par peur de perdre trop de soldats , les Russes ont pris Berlin avec des pertes juste pour cette ville supérieure à celle des USA sur tous les fronts de 1941 à 1945.

            Aujourd’hui dans les livres d’histoires des occidentaux , Qui a permis de gagné la deuxième guerre mondiale ???

            Je vous laisse deviner ....

            Philippe

             


          • titi titi 12 mai 2017 12:44

            @devphil

            Si les USA étaient si peu doués dans l’art de la guerre, alors la question ne serait pas posée.

            IL n’y a que sur AV où l’on considère que les USA ont perdu leurs guerres depuis 1945.

            Le nombre de vies sacrifiées n’est pas du tout un critère d’efficacité.
            L’URSS poussaient ses soldats dans les champs de mines pour pas perdre de temps à les déminer, et a exécuté ses prisonniers de guerre à leur retour.

            En agissant de la sorte la France aurait eu presque deux millions de soldats de morts, puisque toute l’armée a quasiment été internée en Allemagne. Pour autant peut on dire que l’action de la France a été déterminante ?


          • edouard 12 mai 2017 16:07

            @devphil

            Vous avez raison les ricains sont des fiottes et leur machine à rêves « Hollywwood » les transforment en superhéros, leur défaites en triomphes....
            Quand on sait qu’une victoire est seulement à 20% militaire que le reste c’est de la com, de la propagande on comprend que tout peut basculer sur le plan des médias et être récupéré par les politiques....T’as gagné sur le terrain mais au final t’as perdu.
            En Syrie c’est un peu différent car il y a l’internet et l’intox passe de moins en moins :Bachar le boucher qui gaze son peuple...ça eu marché mais c’est fini.
            Les Russes et les Syriens ont parfaitement décrypté le truc et les terroristes dits modérés même oscarisés sont vu pour ce qu’ils sont : des barbares.
            Les ricains pourront pas rester dans le coin : tout le monde va en vouloir un morceau....


          • devphil devphil 12 mai 2017 17:31

            @titi

            Allez on fait une petite leçon d’histoire pour titi
             Vainqueur
             - Guerre de Corée au début des années 50 ?
             - Baie des cochons à Cuba ?
             - Vietnam fin des années 60 ?
             - Irak 90 ?
             - Afghanistan 2000 ?

             Ils n’ont jamais gagné , ce fût un déluge de bombes et de morts civils pour des guerres capitaliste et financière.

            Le nombre de vies sacrifiés n’est pas un critère mais reflète l’attitude des USA qui s’arrangent toujours pour faire avancer les autres en première ligne pour éviter les pertes.

            Le seul engagement important après 1945 fût le Vietnam et l’on sait comment cela à fini politiquement.

            Voyez que l’on trouve ailleurs le même type d’informations que celle que je vous ai indiqué 
            http://info-resistance.org/guerres/liberation-1944-russe-et-non-les-etat-unis/

            Je suis d’accord que les méthodes soviétiques ne faisaient pas dans la finesse par contre il ne faut oublier que leur pays fût envahi sur près de 1.200 Kilomètres , que les usines militaires ont dû être déplacée vers l’arrière dans la hâte.

            La résistance Russe fût héroïque , elle a permis de gagner la guerre , de laisser aux USA le temps de se préparer tranquillement pour ouvrir un nouveau front à l’Ouest au bout de 3 ans ....

            A coté de cela en temps que Français , nous ne pouvons pas être fier de du printemps1940 ....  

            Philippe


          • devphil devphil 12 mai 2017 17:39

            @edouard

            Vous savez que cette méthode US provient des anciennes méthodes Anglaises et Françaises de la colonisation.
            Qui date de bien avant , disons même de « l’art de la guerre » de Sun Tzu avec le précepte diviser pour mieux régner.

            Monter des ethnies avec des antécédents les unes contre les autres , utiliser les attaques sous faux drapeaux et ensuite alimenter les braises pour consumer tous les protagonistes.

            Se poser en arbitre de paix par la négociation ou comme le sauveur de la démocratie.

            Ce précepte a été mis en œuvre en Afghanistan , en Irak , en Libye avec les résultats évident que l’on connait

            Philippe
             


          • macchia 13 mai 2017 13:55

            @devphil
            Corée 1950 : match null, l’agresseur était le nord qui aurai perdu sans l’intervention chinoise


          • Layly Victor Layly Victor 14 mai 2017 10:39

            @devphil

            C’est stupéfiant de voir les efforts désespérés qui sont faits de tous côtés pour masquer la responsabilité d’Israël dans les guerres actuelles. On tape à tours de bras sur les ricains pour détourner l’attention.
            Le malheur des USA, grande nation, est qu’ils sont dans la main des capitaux sionistes, et ce malheur durera tant qu’ils ne se sortiront pas de cette dépendance.
            On a eu un court espoir avec Trump, mais ce fut de courte durée. En quelques jours, le système a rétabli le désordre.

            En France, les candidats à la présidence qui ont manifesté la moindre velléité d’œuvrer en faveur de la paix ont été laminés, écrasés, pulvérisés.


          • titi titi 12 mai 2017 12:35

            C’est très malin de leur part.

            Les Kurdes c’est le poil à gratter de la Turquie et de l’Iran.

            Maintenant que la Turquie s’éloigne de l’occident, y’a pas de raison de s’en priver.

            Les frontières dans cette région n’ont aucune raison d’être.


            • Layly Victor Layly Victor 14 mai 2017 10:43

              @titi

              Le grand jury vous décerne à l’unanimité le prix 100% collabo.
              Dans le genre collabo de l’occident soumis à la finance internationale, on ne peut pas faire mieux.
              Votre maître Macron sera content.

            • epicure 12 mai 2017 20:16

              Apparemment mélange de pragmatisme, et surement de calcul géostratégique, trump n’est pas le gars à agir juste pour la bonne bouille des kurdes et de leurs alliés, surtout que les kurdes c’est pas ses copains idéologiques.

              Ce sont les kurdes et leur alliance qui font le meilleur travail contre daesh en syrie. Ce sont les plus motivés dans leur combat, et c’est ça qui fait la différence, et ils ne veulent juste mettre un autre calife à la place du calife de daesh.
              En plus au niveau géographique ce sont eux qui sont aux première loges poour attaquer les secteurs clés de daesh.
              Si trump veut vraiment mettre daesh par terre, il ne peut que passer par une aide à l’alliance démocratique avec les kurdes.

              Les kurdes avec les bonnes armes ont pratiquement été toujours vainqueurs contre daesh. Surtout que ces crétins d’islamistes ont peur des femmes kurdes combattantes, car ils « seraient » privés du paradis si elles les tuent.

              Et trump n’aidera jamais le régime syrien pour combattre daesh.

              Dans les bandeaux de news j’avais vu que les américains n’avaient pas l’air de céder aux pression de Her Dogan.

              L’état major américain a dû faire le même calcul, et trump ayant apparemment la volonté de finir la guerre contre daesh, ils n’ont pas beaucoup de choix pour atteindre leurs buts.

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