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  • lilas 6 décembre 2007 11:09
    À propos du « Cahier des charges » établi en vu de l’élargissement des compétences des universités prévu par la loi du 10 août 2007, relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU)."Si vous croyez que la clé de la liberté se trouve derrière une loi injuste qu’il suffit d’abolir, dites-vous que cette loi a été inscrite de votre propre main sur votre propre front". (Khalil Gibran)Voici un document plus important que le texte de la loi car il permet de nous imprégner de l’esprit même de la contre-réforme et concrètement, de savoir de quoi l’avenir sera fait.On trouve le Cahier des charges à l’adresse suivante :https://www.igf.minefi.gouv.fr/sections/les_rapports_par_ann/2007/Ce texte est signé conjointement par des hauts fonctionnaires de l’inspection générale des finances et par des hauts fonctionnaires del’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche.Ces éminences, dont le statut est, pour le moment, en béton, ont donc rédigé un document qui vise à privatiser, à financiariser l’université.Ce qui est très frappant, au premier abord, c’est que ce document ne parle jamais d’enseignement, mais de « gestion budgétaire et financière », de gestion des ressources humaines (l’expression " ressources humaines " vient de l’entreprise privée et n’avait pas cours il y a trente ans dans l’administration publique), de « gestion immobilière » (les universités vont devenir des agences immobilières stricto sensu et certains de nos collègues - contre primes sonnantes et trébuchantes - ont déjà enfilé l’habit d’agent immobilier), et enfin de « pilotage et de relation avec la tutelle ».Alors que Madame Pécresse, et les médias qui la relaient, parlent d’« autonomie » des universités, ce document prouve que d’autonomie,il n’y en aura jamais plus. Tous les établissements seront en effet surveillés, en temps réel, par le panopticon du ministère, dansun constant mouvement d’action et de rétroaction. Le Cahier des charges permettra « d’apprécier la capacité des universités à assumer les nouvellescompétences prévues par la loi et à en tirer le plus grand parti ». Chaque université devra donc s’auto-évaluer en permanence, s’évaluer parrapport aux autres, tandis qu’elle sera, comme toutes les autres, évaluée par l’administration centrale en fonction de critères qui seront, onva le voir, de moins en moins universitaire. Toute décision du conseil d’administration sera « approuvée par arrêté conjoint du ministre chargédu budget et du ministre chargé de l’enseignement supérieur ».Les personnels universitaires (enseignants, administratifs et techniques) ne seront plus rétribués par l’État, mais par les établissements eux-mêmes. Le document présente ce changement comme une « liberté » puisque le fléchage central des crédits diminuera. Le hic, c’est que la « fongibilité » des crédits sera « asymétrique » (il faut être au moins inspecteur général des finances pour inventer une expression aussi naturaliste qu’opaque). En aucun cas, en effet, l’enveloppe accordée aux personnels ne pourra être majorée. Elle pourra, en revanche, être diminuée au profit des crédits de fonctionnement et d’investissement. Vous pouvez faire toute confiance aux trois-quarts des présidents de la CPU, qui réclamaient cette loi depuis des années,et qui l’ont largement inspirée (ils ont donc toute l’objectivité nécessaire pour en parler),pour faire des économies « inévitables » (aucuneironie de ma part : elles seront inévitables) aux dépens de la rétribution des personnels. En clair, les personnels en place risqueront d’être moins payés, tandis que les personnels à recruter, dans la mesure où l’emploi sera « librement déterminé » par les établissements, se verront offrir des contrats (ce sera le cas, dès l’année prochaine, pour les personnels BIATOSS de rang B voulant passer rang A) " personnalisés ",globalement à la baisse dans la mesure où les avancements de carrière ne seront plus du toutgarantis. Si cette catégorie de personnel a tout de suite fait l’objet d’un traitement de faveur,c’est parce qu’elle sera au centre de la "gouvernance " (autre vocable de l’entreprise privée), et donc d’une nécessaire docilité. Les universités devront recruter - aux dépens du personnel enseignant, par exemple - de nombreux personnels de gestion. En effet, la « fonction financière » des établissements sera tellement importante et délicate que des cadres nombreux et de bon niveau seront nécessaires. Ce n’est pas dans le texte, mais ces personnels auront pris le pouvoir dans les universités avant dix ans. La tâche de ces experts sera ardue. Il leur faudra prendre en compte l’exécution budgétaire passée et la répartition des crédits entre unités budgétaires. Ils devront suivre pas à pas le déroulement de l’exécution budgétaire, effectuer un bilan annuel, maîtriser l’exécution budgétaire,optimiser celle-ci en réorientant les crédits encours d’année et en limitant les reports de crédits. Les universités disposant, en principe,d’une masse budgétaire double de celle actuellement à leur disposition, elles devront éviter de voter des budgets en déséquilibre,négocier sur des bases objectives le volet financier de leurs contrats pluriannuels, et « apprécier si elles sont capables de supporterdans la durée le coût de leurs décisions de gestion, notamment en matière de ressources humaines ou en matière immobilières ». Ces deux ressources figurant dans la même phrase, on sent bien que, dans l’esprit de nos éminences, les cerveaux ne compteront pas plus que les briques. C’est pourquoi les universités devront réaliser chaque année des « analyses financières rétrospectives et prospectives », en évaluant « le coût à court et moyen terme » de leurs décisions importantes. La comptabilité des établissements aura été « remise à plat ». Le diagnostic des comptes devraêtre « de qualité », en particulier dans le domaine patrimonial. Pour « tirer le plus grand bénéfice de la réforme » (on ne parle toujours nid’étudiants, ni d’enseignants, ni de recherche),les établissements devront limiter au maximum la part des crédits considérés comme fléchés,c’est-à-dire (à noter que les auteurs n’utilisent jamais " c’est-à-dire ", mais " i.e. ") dont l’emploi « n’est pas fixé par l’université mais par le financeur ». Une part des crédits sera évaluée en fonction « d’une appréciation de la performance des composantes », et pas seulement en fonction « du nombre d’étudiants ». Ouf ! Nous sommes à la page 6 du Cahier. Nos hauts fonctionnaires se souviennent brutalement qu’il existe des étudiants, mais ils en parlent de manière négative. Qu’en sera-t-il, dans les faits, de la gestion des ressources humaines ? Trois articles du « nouveau Code de l’éducation » (954 1, 2 et 3)sont capitaux. Le conseil d’administration définira la répartition de service des personnels enseignants et de recherche. Le conseil d’administration pourra créer des « dispositifs d’intéressements permettant d’améliorer la rémunération des personnels ». Le Président de l’Université (lui seul) pourra recruter « pour une durée déterminée, des agents contractuels pour occuper des fonctions techniques ou administratives de catégorie A » ou « pour assurer par dérogation [Š] des fonctions d’enseignement et de recherche ». Les articles que je viens de citer ont été pensés pour faire disparaître la fonction publique de l’enseignement supérieur, comme c’est le cas dans de nombreux pays. Tout président pourra, dans le secret de sa conscience, récompenser « le mérite et l’implication des personnels ».Chaque fin de mois, les personnels seront rétribués par un établissement qui devra « sécuriser le processus de paye ». Le payement pourra faire l’objet d’une « procédure de paye à façon », « prestation payante proposée par le Trésor Public », ou d’une « paye interne », qui serait une « solution prudente ». Comme pour toute entreprise privée, le « pilotage » de la masse salariale va « devenir un enjeu essentiel pour les universités ». Les universités devront se doter d’un « logiciel de pilotage » (avec un pilote pour piloter, j’imagine). Les auteurs du Cahier sachant pertinemment que les universités risquent de n’avoir ni les compétences financières ni les compétences techniques pour accomplir ce travail, ils suggèrent qu’elles « mutualisent » cet effort, car « il serait dommage que les universités se préparent en ordre dispersé à affronter un défi (je suis déçu : j’attendais "challenge ") qui se présentera partout dans les mêmes termes. Il existe d’ailleurs un Guide pratique du pilotage de la masse salariale (voir le site performance-publique.gouv).Il faut attendre la page 10 pour que les auteurs du Cahier abordent la dimension « qualitative » de la réforme. Pour les inspecteurs, qualité signifie avant toute chose « redéploiement ». En fonction des « besoins », bien sûr, en recrutant largement, à l’extérieur, des personnels enseignants titulaires (tant qu’il en restera, il suffit d’aller voir ce qui s’est passé à France Télécom, à La Poste ou à EDF), ainsi que des personnels non enseignants non titulaires, chaque université pouvant jouer « sur les modalités et les volumes de recrutement, sur les modalités de rémunération, de promotion et de carrière, de représentation, de régime horaire et de congés ».Tiens, tiens, pourra-t-on nous expliquer ce que les congés (de maternité, par exemple) ont à voir avec la rémunération et la promotion despersonnels ? Les présidents pourront récompenser les plus méritants. Ils pourront « concentrer les primes [Š] sur un nombre raisonnable [sic] debénéficiaires ». Ce qui permettra d’« élever » le montant des primes. Les primes pourront être modulées « en fonction de la manière de servir ».Vous avez bien lu : " servir ". Oui, il conviendra d’être les fidèles serviteurs de l’Université rénovée. Concernant la gestion immobilière, lesuniversités pourront « aliéner tout ou partie de leur patrimoine ». Elles seront forcément conduites à le faire. Elles auront besoin de cache-flot (je m’initie au langage de l’Inspection Générale). Elles se retrouverontdans la situation, par exemple, de France Télécom qui vend ses bâtiments pour avoir du cache-flot et qui, l’instant d’après, les loue car il fautbien se loger. Avant de vendre, les universités pourront faire appel à des expertises privées pour évaluer leurs biens. Pour les universités, connaître en temps réel leur valeur patrimoniale impliquera un suivi de tous les instants, et l’obligation d’entrer dans une logique capitalistique et marchande afin de faire fructifier leurs biens. Mais il est clair que, dans l’esprit des rédacteurs du Cahier des charges, les établissements finiront, à terme,par vendre leur immobilier (« traduire dans les comptes la diminution progressive de la valeur des biens de l’université »). Ils vendront, simplement parce que l’université française possède un formidable patrimoine que le privé convoite depuis longtemps (mais il y a loin de lapoubelle de Toulouse le Mirail - invendable en l’état - à l’ancienne faculté de droit de Poitiers), et qu’elle ne pourra pas garder éternellement parce que les établissements devront désormais « supporter les charges budgétaires liées aux amortissements », jusqu’à présent à la charge de la collectivité nationale. Restent le pilotage et les relations avec la tutelle. On a beau être autonome, on n’en est pas moins tenu de fournir une « information régulière », après s’être doté « d’instruments d’audit interne et de pilotage financier et patrimonial selon des modalités fixées par décret ». Pour être efficace, il conviendra d’élaborer « unschéma directeur des systèmes d’information »,accompagné d’un « renforcement des fonctions techniques et politiques dédiées [sic] au système d’information ». Dans la mesure où les établissements seront surveillés en temps réel,il sera possible « d’adapter les objectifs et leprogramme de travail de l’Agence de mutualisation des universités et établissements ». Comme on sait, par ailleurs, que la recherche sera elleaussi pilotée par Paris, les conséquences de la nouvelle loi seront la disparition d’un grand nombre d’établissements ou, à tout le moins, departies d’entre eux, le regroupement autoritaire d’universités qui auront réussi à préserver provisoirement leur intégrité, et la constitution d’énormes pôles, non pas d’excellence, mais de rentabilité. Cette masse considérable d’informations à fournir (nos hauts fonctionnaires, nourris de culture française, utilisent le terme reporting, trouvé, j’imagine,dans leur lecture du Financial Times) au ministère impliquera, je l’ai dit, le recrutement d’une armée de clercs, des contractuels. Les universités joueront leur existence dans une sorte de Bourse (aussi rationnelle que les "Stock Exchanges " que nous connaissons déjà).Elles ne s’en sortiront que si elles offrent une « sécurisation juridique et financière » de leurfonctionnement. Il aurait suffi, il y a quelques mois, qu’une poignée de conseils d’administration se sabordent et boycottent la Loi Pécresse (un seul vient de le faire tout récemment). L’histoire aurait basculé en faveur des défenseurs du service public, de la vraie mission de l’Université quin’est pas de faire des affaires, de coller au train du patronat en fournissant, loin de tout projet humaniste, des compétences sans aucuneréflexion critique, de marchandiser le savoir et de précariser tous ses personnels. Nos présidents ne pouvaient prendre cette initiative. Ils veulent être réélus. Un coup de pied dans la fourmilière, et ils auraient dû faire une croix sur des lendemains qu’ils croient enchanteurs et qui ne le seront pas. Maîtres en leur demeure, recevant des émoluments assurémentplus élevés qu’aujourd’hui, ils devront cependant filer doux devant les vrais détenteurs du pouvoir. Il y a beaucoup plus préoccupant que les calculs tactiques des présidents d’université. Les universités européennes sont entrées dans un processus d’« économie de la connaissance », pourreprendre une expression officielle de Bruxelles. Qui dit économie dit compétition, raréfaction, renchérissement de ces connaissances. Le premierchapitre du Cahier des charges, celui qui commande le reste, s’intitule, je le rappelle, « la gestion budgétaire et financière ». Ce qui sous-entend clairement que les universités vont devenir des entreprises, mais non des entreprises industrielles vendant (ou achetant) des brevets ou des diplômes, ce qui serait déjà un pur scandale : elles seront des entreprisesfinancières, ce qui est une horreur. À très court terme, les droits d’inscription des étudiants vont exploser. Lorsque la loi était encore en discussion, les responsables des syndicats étudiants s’étaient polarisés sur ces droits, sans regarder plus loin que le bout de leur nez. Madame Pécresse leur avait donné momentanément satisfaction pour obtenir leurneutralité bienveillante. Que ces responsables aillent observer ce qui se passe actuellement aux Etats-Unis : comme leurs parents victimes destaux de crédit immobiliers, des milliers d’étudiants ne peuvent plus rembourser les sommes considérables empruntées pour financer leursétudes. Concluons : l’objectif de cette loi et de son Cahier des charges est de détruire l’université française en tant qu’outil de formation etd’émancipation afin de la soumettre - classement de Shanghai oblige - aux desiderata du CAC 40.Pour faire entrer en application un projet, uneloi aussi réactionnaires, il fallait interdire tout espace de contestation en réduisant le poids du conseil d’administration, en introduisant deschefs d’entreprise en tant que tels dans les instances dirigeantes, en réduisant l’influence des personnels et des étudiants. Ce déni dedémocratie coupera à jamais l’Université de la citoyenneté, du politique au sens noble du terme. Les marchés apprécient déjà. ----------Voici les occurrences de quelques termes (pris au hasard...) dans le cahier des charges (18 pages) :enseignement : 12 occurrencesétudiant(s) : 2professeur : 1cours : 0faculté : 0ressources humaines : 11gestion : 67

     


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