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Commentaire de Marsupilami

sur Corps augmenté : rêve bionique ou cauchemar prométhéen ?


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Marsupilami (---.---.225.239) 20 juillet 2006 13:43

Excellent papier. Grâce ou à cause de la science, nous sommes entrés, non pas dans l’ère des Golems, mais plutôt dans celle des cyborgs.

Le Golem, si l’on en croit Harry Collins et Trevor Pinch, auteurs de Tout ce que vous devez savoir sur la science (Ed. Seuil Points-Sciences), ce serait plutôt la science elle-même.

Je rappelle d’abord ce qu’est un Golem : dans la tradition magique juive et des légendes d’Europe orientale, le golem (mot hébreu qui signifie « masse informe, embryon ») est une créature artificielle, au corps d’argile et à forme humaine. Voici comment le décrit le kabbaliste Scholem : « Sur son front est écrit emeth (vérité), il grossit chaque jour et devient facilement plus grand et plus fort que tous ceux qui vivent dans la maison, alors qu’au début il était si petit. Par peur de lui ils effacent la première lettre afin qu’il ne reste que meth (mort), sur ce, il s’écroule et redevient de l’argile. Un homme avait laissé par insouciance grandir son Golem ; il était devenu si grand qu’on ne pouvait même plus atteindre son front. Alors il ordonna, par peur, au valet de lui enlever ses bottes, avec l’idée qu’étant baissé, il pourrait lui atteindre le front. Cela réussit, la première lettre fut enlevée mais tout le poids d’argile tomba sur le juif et l’écrasa ».

Revenons à Harry Collins et Trevor Pinch qui opposent les pro-science et les anti-science. Selon les premiers, elle est « un croisé assiégé par les apôtres de mystiques obscurantistes tandis que d’autres individus plus sinistres encore attendent leur heure pour fonder un nouveau fascisme sur les décombres du savoir scientifique » ; selon les seconds, c’est « l’ennemi public n° 1 : notre douce planète, notre sentiment de justice, notre sens du beau et du poétique sont offusqués par des technocrates - incarnant l’antithèse de la culture - inféodés à des capitalistes avides de profit ».

Les auteurs récusent cet antagonisme manichéen, caricatural et simpliste. Ils rappellent que la science n’est qu’une activité humaine comme les autres, faite par et pour des hommes : « la science ne ressemble ni à un preux chevalier ni à un monstre sans pitié. Qu’est-elle alors ? La science est un golem ».

Relisez sa description selon le kabbaliste Scholem : la ressemblance avec la science est saisissante. Comme elle, « le golem est puissant et le devient chaque jour un peu plus » ; comme elle, « il obéit aux ordres de son créateur, travaille à sa place et le protège de l’ennemi sans cesse menaçant » ; et comme elle aussi, « il est maladroit et dangereux. Si ses maîtres ne le surveillent pas, il risque de les détruire par maladresse dans le déchaînement de sa force ».

Pour le meilleur et pour le pire, le Golem a créé le premier cyborg.


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