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Commentaire de Vilain petit canard

sur Pertinence de l'argument de géographie physique sur l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne


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Vilain petit canard Vilain petit canard 26 avril 2007 16:01

Merci pour cette analyse approfondie, dont je rejoins les conclusions : l’Europe, ça se fait plus avec les hommes qu’avec la tectonique et la géophysique.

Le cas de Chypre est exemplaire de ce qui se passe quand on ne réfléchit pas au sujet avant de se lancer : voilà un pays proche géographiquement de la Turquie, donc plutôt dans cette fameuse Asie Mineure, qui est divisé en deux parties, dont une est occupée militairement par un gouvernement qui sollicite son entrée dans l’UE (la Turquie). Pas de problème, on le fait rentrer. Après, il a fallu faire un référendum, zut on avait oublié ce détail, vous comprenez, vu de Bruxelles, c’est loi, Chypre, et puis les Membres de la Commission ne connaissent rien à l’Histoire, alors résultat : le pays est donc à la fois dans l’UE et hors UE.

Sarkozy répète comme un mantra : « la-Turquie-ne-peut-pas-rentrer-dans-l’Europe-parce-que-la-Turquie-c’est-l’Asie Mineure ». Aha. Bon. M. Sarkozy a lu au moins un livre de géographie niveau 6e, voilà déjà une conclusion. Mais est-ce un argument ? Non, l’utilisation de critères d’appellation (européens, qui plus est) n’est pas pertinente pour décider du destin des peuples. Quand ça s’appelait la Grande Grèce (y a longtemps), ça faisait partie de la Grèce, point final. Si on appelait ça à nouveau la Lydie (c’était il y a longtemps aussi, le roi Midas et ses orielles d’âne, l’invention de la monnaie, et quelques autres broutilles, etc.), ça ferait plus européen.

A ce sujet, « de l’Atlantique à l’Oural » provient d’une citation tronquée du Général de Gaulle, des années cinquante, connu pour ses talents oratoires, dont personne n’a pu me citer ni le reste, ni les références (j« en profite pour faire un appel auprès des lecteurs, au passage, si vous avez ces fichues références....). Mais tout le monde fait comme siDe Gaulle avait comme projet réel une Europe »de l’Atlantique...« etc. On peut s’interroger sur ces limites légendaires. Sans compter qu’au Sud de cette bande européenne »de l’Atlantique ...etc. ", je vous signale qu’on se taperait la Tchétchénie à gérer. Faites bien attention à votre réponse.

Ajoutons pour le plaisir une autre subtilité turque : une partie du territoire turc est en Asie mineure (appellation adoptée par les géographes des siècles passés, soucieux de bien séparer l’Europe chrétienne des masses musulmanes), et une autre partie réellement en Europe, de l’autre côté du détroit du Bosphore (l’Hellespont des chroniqueurs antiques). Même si on se cramponne à cette appellation désuète d’Asie Mineure, il faudra bien admettre que la partie occidentale de la Turquie est bien en Europe.

Mais alors, comment définir les limites de l’Europe ? Faut-il se pencher sur l’origine des peuples ? A première vue, c’est simple : les Européens sont des gentils blancs caucasiens, et les Turcs des Asiates, qui comme chacun sait, sont jaunes, cruels et fourbes.

Mais manque de bol, « nos » Turcs n’ont plus grand’chose à voir avec ceux de Gengis Khan et de la Horde d’Or, c’est dommage : la région était largement occupée par des indo-européens avant l’arrivée de Soliman le Magnifique. Byzance, les Empereurs d’Orient, la Rome d’Orient, même le Liban faisait partir de l’Empire... romain ! Et puis, enfin, réfléchissez, depuis 6 ou 700 ans, il y a prescription « d’asiatitude », je crois.

Si vous refusez cette « assimilation », attention, il faudra dans la foulée revoir le statut : des Français, qui ont eu la visite des Huns dans les années 400, des Autrichiens, envahis par les Turcs depuis le début, des Hongrois magyars (tiens !), descendants des Huns (et donc la langue est un dialecte ouro-altaïque), les Finnois (même motif, eh oui, la Finlande, terre d’accueil des Turco-Mongols, vous ne vous en doutiez pas, hein...), et des Bulgares, autres tribus turques ayant adopté le slavon comme langue vernaculaire leur arrivée, je ne sais plus quand. Sans parler des Roumains, et tant qu’on y est, mais la question de l’entrée dans Union ne se pose pas, des Valaches, Albanais et autres Bosniaques.

Bon, alors, l’Histoire et les alliances militaires ? Ah non zut, la Turquie, malgré un court passage auprès des Prussiens en 14-18, a toujours été l’alliée fidèle de la France depuis... Louis XIV !

Et c’est là que je vous rejoins : le critère géophysique n’est pas d’une grande utilité pour définir les limites de l’Europe. J’ajoute que le critère historique est également sujet à caution, de même que le critère ethnographique. Alors, comment on fait ?

Et bien tout simplement, en se demandant ce qu’on veut faire en faisant l’Europe (en gros : à quoi sert l’Europe ?), ce que personne ne fait.

- si on veut une zone de libre-échange, pas de problème, on y va franchement à l’Est et au Sud, autant intégrer également le Maghreb, la Russie, le Liban et tiens, aussi, Israël, comme à l’Eurovision.

- si on veut en faire un ensemble fort de contrepoids aux USA aux Chinois, et aux Russes, militairement et industriellement, il faut intégrer la Turquie, et créer une espèce d’OTAN européen.

- si on veut faire une zone occidentale aux origines chrétiennes, rempart de la lutte contre l’Islamisme, il faut refuser la Turquie et intégrer l’Ukraine, le Bélarus et la Russie. Ou au contraire intégrer la Turquie et l’aider activement à confirmer sa laïcité, après tout.

- si on veut faire n’importe quoi (comme avec Chypre), il faut se cramponner à une position du genre « gnagnagna c’est en Asie Mineure même pas européen », et on vexe un puissant pays allié, sans aucun avantage pour nous, en lui refusant l’entrée sans prétexte valable.

Je trouve désolant qu’en 50 ans, la question du pourquoi de l’Europe en soit arrivée à ce point de décrépitude. Et il est sidérant qu’aucun de nos politiciens n’aborde franchement le sujet (sauf parfois Bayrou, hors campagne électorale, et sous la pression de questions insistantes).

Voilà, j’ai été un peu long, mais votre article m’a inspiré.


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