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Commentaire de Pierre R. - Montréal

sur Irak - « Ici, l'interprète est l'homme à abattre » !


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Pierre R. Chantelois Pierre R. - Montréal 10 août 2007 22:32

@ Romain

Permettez-moi d’apporter modestement deux volets de réponses à vos questions.

a) Je crois en toute sincérité que si les États-Unis, au point de départ, avaient fondé leur démarche sur une réalité, et non sur des mensonges, la situation serait peut-être différente aujourd’hui. Le cas de l’Afghanistan le démontre bien. En accord avec beaucoup de pays, en raison du 11 septembre, l’invasion de l’Afghanistan avaient pour buts de pourchasser Oussama Ben Laden et de chasser les taliban. Cette « guerre contre le terrorisme » sera longue, prévenait le président Bush.

b) S’agissant de l’Irak, là où le bât blesse, c’est le mensonge sur lequel s’est fondé l’ensemble de la stratégie américaine. En quoi Saddam Hussein était-il terroriste ? Despote, oui. Terroriste avec des armes de destruction massive, non. Le travail des inspecteurs des Nations unies avait permis de réduire considérablement ses capacités de nuisance. Oui les États-Unis sont arrivés victorieux en Irak. Mais les erreurs de Paul Bremmer ont été nombreuses. La première grave erreur a été de mettre tous les fonctionnaires, policiers et militaires au chômage. Et de vouloir repartir le tout à zéro. Ne l’oublions pas. Que peut un peuple au chômage, affamé, sans eau ni nourriture, dans un pays rendu exsangue par les forces d’occupation ? Bien évidemment, ce désespoir du peuple a exacerbé toutes les rivalités inter-tribales, inter-religieuses, inter-ethniques. Il faut enfin se rappeler cette théorie complètement hystérique de Rumsfeld qui voulait démontrer que la victoire en Irak serait rapide, technologique et peu engageante en termes de forces humaines.

Je ne pourrai pas réécrire l’histoire de l’Irak.

L’Irak comptait une population de quelque 25 millions d’habitants dont 75 % d’arabophones. Ceux-ci parlent des idiomes différents de la famille chamito-sémitique : l’arabe mésopotamien (51,3 %), l’arabe nadji (4 %), l’arabe égyptien (2 %), l’arabe du Golfe (0,18 %) et d’autres dialectes arabes (env.15 %). Bref, pour les Irakiens arabophones, l’arabe classique constitue une langue seconde qu’ils apprenaient à l’école. Les nombreuses minorités non arabophones parlent le kurde (18 %, soit quatre millions de locuteurs), l’azéri (4 %), l’assyrien appelé généralement syriaque (1,3 %), le farsi (1,2 %), le turkmène (1 %), l’arménien (0,27 %), le circassien ou adyguéen (0,08 %), etc. La plupart de ces minorités (sauf le farsi) résident dans le nord du pays, c’est-à-dire dans la région kurde au nord-est, notamment autour des villes de Mossoul, Erbil et Kirkouk. Le kurde et le farsi appartiennent au groupe indo-iranien de la famille indo-européenne. L’azéri (ou azerbaïdjanais), le turkmène et le turc anatolien font partie de la famille altaïque. On parle en Irak différentes langues chamito-sémitiques telles que l’assyrien, l’arabe des Bédouins, l’arabe mésopotamien, l’arabe du Golfe, l’arabe palestinien, l’arabe égyptien, l’arabe syrien, l’arabe judéo-irakien, etc. ; l’arménien est un isolat parmi les langues indo-européennes ; le circassien ou adyguéen est une langue caucasienne.

Tout est là. Que faire maintenant ? Pourquoi les États-Unis allument autant de feux et n’arrivent plus à les éteindre ? Après avoir manifesté un souverain mépris à l’égard des Nations-Unies, Georges W. Bush, qui n’a jamais voulu suivre les conseils de son père, se retournent maintenant du côté de l’Organisation pour qu’elle renforce sa présence en Irak.

Ce qui se passe en Irak actuellement découle de la folie d’un groupuscule d’idéologues que n’a jamais voulu suivre Georges Bush, le père ainsi que Bill Clinton. La question n’était pas d’envahir l’Irak, mais comment et quand en sortir. Inutile de vous préciser que les États-Unis ont très largement compromis le capital de compassion et d’amitié d’après les événements du 11 septembre.

« Il n’est pas suffisant que les Américains croient dans leurs bonnes intentions, reconnaît Fukuyama ; encore faut-il que les non-Américains en soient convaincus ! » Surtout quand les États-Unis n’arrivent pas à démontrer ex post la légitimité de leurs interventions, et que la compétence du « pouvoir hégémonique » n’est pas à la hauteur de ses prétentions. Bref, l’administration Bush aurait tout faux, comme l’écrit, vu d’en face, dans Foreign Affairs, l’expert démocrate Philip Gordon (« The end of the Bush revolution ») - Hubert Védrine, Le Monde diplomatique

La vision d’un Irak pacifique et démocratique qui succèderait à la dictature de M. Saddam Hussein n’est plus une réalité mais un cauchemar.

Je n’ai pas certes répondu à vos questions. Il faudrait un jour une analyse rétrospective des événements pour comprendre le cheminement de cette catastrophe. En attendant, 2 millions de personnes ont quitté l’Irak et se cherchent une terre d’asile. Ce n’est pas rien. Pierre R.


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