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Commentaire de Marc Bruxman

sur Une possible stratégie du président Sarkozy au Grenelle de l'environnement ?


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Marc Bruxman 4 octobre 2007 23:48

Et ne pensez vous pas surtout que nous sommes face a un phénoméne de « trivialisation » ?

On emploie le terme « grenelle » pour faire référence à des négociations vues comme glorieuses par une partie des 68ards. Ces mêmes 68ards dont on souhaite aujourd’hui (dixit Sarkozy) faire une chose du passé.

En ce sens créer une mascarade pour l’écologie dont vraissemblablement rien de concret ne sortira et l’appeler grenelle est un bon coup politique. Car on associe alors le mot grenelle a quelque chose de moins glorieux. Demain chacun fera son grenelle, celui du logement, du sida, ... Et comme ils n’apporteront rien de concret on aura effectivement aidé à trivialiser la notion de grenelle en lui otant tout son sens. Et les premiers accords de grenelle iront aux égouts avec le reste...

C’est Neil Postman dans son très bon livre « The Technopoly » qui a brillamment analysé le role de la trivialisation dans la société. Je l’ai relu récemment et un exemple m’a frappé. Il fait remarquer que par exemple, l’utilisation de l’image de jesus dans une pub est largement pire qu’un blasphéme pour la religion. Car lorsque l’on blasphéme, on reconnait de facto le caractère sacré de la religion dans la société. Et on utilise la force de l’image du blasphéme pour choquer. D’une certaine facon, un blasphéme n’attaquerait donc pas la religion de façon si violente car cet acte en reconnait implicitement l’autorité. A l’inverse, la trivialisation ne semble pas s’attaquer à la religion. d’une certaine façon, un jesus qui vend des hot dogs a quelque chose de cool. Cet pub n’émet également pas de jugement vis à vis du caractére sacré du personnage. Il n’est ni bon ni mauvais mais il vend des hot dogs. Mais ce faisant, on sort justement Jesus de son caractère sacré, de son importance, ce que même le blasphème ne fesait pas. Et une telle publicité est donc beaucoup plus dangereuse qu’une attaque frontale directement insultante.

Ici on fait de même. Lorsque Sarkozy dit qu’il en a marre des 68ards, il y a une levée de bouclier, mais il reconnait leur influence d’une certaine façon. Lorsque le « grenelle » devient une mascarade, il s’attaque silencieusement à un symbole sans créer de levée de bouclier. C’est une attaque extrémement puissante sur un symbole sociale.

N’y voyez d’ailleurs pas forcément un complot. Beaucoup de publicitaires qui utilisent des symboles religieux dans leur pub ne sont pas forcément anti-religieux. Il est plus probable qu’il ne sache pas ce qu’ils font. Par exemple, tous les cocos qui vendent des t-shirts « che-guevara » ont ils conscience que ce faisant ils font de leur idole une valeur marchande ? Certainement pas... Et pourtant l’abus de ces symboles réduit bel et bien l’influence réelle du ché. J’ai même croisé un inculte qui (a 23 ans !) m’a un jour demandé qui était déja ce chanteur qu’il y avait sur le tshirt du mec devant lui et qu’on voyait partout. J’étais plié de rire. Mais ceux qui défendent cette cause la auraient été très triste...

Alors derriére le « grenelle » de l’environnement, posez vous la question de ce que l’on détruit réelement. L’environnement on continuera malheureusement à le détruire après le grenelle. Mais le symbole des luttes sociales va partager le tout.... (Je ne suis pas super fan de ce symbole donc ce ne me géne pas, mais c’est drole quand même de le remarquer).

Pour plus sur le sujet et bien d’autres choses, les anglophones pourront lire « The Technopoly » par Neil Postman (ainsi que ses autres livres). Et si une édition française existait, cela serait super de faire partager cela au plus grand nombre.


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