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Commentaire de Jean-Michel B.

sur Aide au développement ! Comment changer ?


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Jean-Michel B. 5 octobre 2007 17:58

Je ne voudrais pas que le dialogue se circoncrive à mes réponses à ACT car je me rends compte que plus réponds à ce groupe, plus cela lui permet de renvoyer sur son site, en fait, mes réponses servent à lui faire de la publicité !!! (je plaisante). Je voudrais remercier Chems pour son intervention et dire que je trouve la réponse d’Act « sympathique ». Au demeurant, pour éclairer les personnes et groupes qui suivent ce débat, certaines remarques ne peuvent pas rester sans réponse. Dans la seconde réponse d’Act, en ce qui concerne le premier point, on ne peut que déplorer la vision négative à l’extrême sur les pays en développement et cette caricature qui permet de dire « tous pourris » : les dirigeants africains et les dirigeants occidentaux qui les soutiennent et les instrumentalisent. Ce point de vue est hélas assez répandu et sert tout à fait les personnes un peu xénophobes qui préfèrent que les moyens financiers pour aider ne sortent pas des frontières de l’hexagone. Comme quoi il y a de curieux rapprochements entre des points de vu teintés de nationalisme voir d’hyper nationalisme (on dirait en gros d’extrême droite) et eux des altermondialistes (en gros on dirait d’extrême gauche). La réalité est plus nuancée et la lutte contre la corruption gagne des points dans les pays africains à la fois à l’instigation de ses dirigeants (des exemples ont été faits récemment au Cameroun, mais il y a un MR anti-corruption qui est très craint au Mali...) mais aussi par le jeu de l’engagement personnel de certains cadres des administrations africaines qui prennent conscience du danger que représente la corruption. S’il ne fait pas dresser un tableau particulièrement sombre des Etats africains, il ne faut pas non plus noircir le tableau de l’action des autres bailleurs de fonds et de la France en particulier qui seraient complices de la déliquescence des Etats africains. Les procédures ont bien changé au fil des ans et les « éléphants blancs » des années 60 ont disparu au profit de projets mieux ciblés et plus efficaces. Sur le deuxième point, on sent une certaine hypocrisie d’ACT par rapport à l’argent quand il cite à plusieurs reprises les 20 passés en Afrique par l’auteur de l’article. D’une simple remarque dans la première remarque ça devient déjà dans sa seconde intervention un point qui mérite plusieurs lignes : on est pas loin de l’argent mal gagné et de l’enrichissement sans cause. Mais plus sérieux, la question est celle de la professionnalisation des personnes qui interviennent en faveur du développement. Appuyer le développement est un métier à part entière qui demande du professionnalisme. Au lieu de 20 ans passés en Afrique par une personne, peut-on penser que 20 personnes intervenant chacune 1 an auraient été plus ou aussi efficaces ? C’est comme si on disait qu’un cardiologue doit changer chaque année de spécialité ! De fait, on assiste dans l’appui au développement à une rotation trop rapide des intervenants qui sautent d’avion en avion et qui viennent donner des leçons après une semaine passée dans un pays, sans prendre le temps de partager, toutes choses égales par ailleurs, la vie des administrations nationales. On assiste aussi à la venue de jeunes diplômés, un peu comme des jeunes du Corps de la Paix américain, qui ont avant tout à donner leur bonne volonté alors qu’une personne plus expérimentée serait plus productive. C’est un peu comme si on disait aux africains, « finalement des jeunes qui viennent apprendre le métier chez vous, ça vous suffit largement ». En fait, bien souvent ces jeunes gagneraient, y compris pour eux-mêmes à être encadrés par des experts plus chevronnés. Enfin, on assiste à la venue de personnes d’ONG, souvent très motivées mais qui découvrent un peu chaque fois les pays e comme elles viennent souvent de manière bénévole, c’est bien difficile d’être exigeants à leur endroit. Bien sûr, avec des jeunes et des bénévoles l’aide au développement coûte moins cher qu’avec des professionnels. Quand on veut faire appel à des professionnels, ce sont des bureaux d’études qui interviennent que ce soit dans le cadre de coopérations bilatérales ou multilatérales comme celle de l’Union Européenne et là le bureau d’étude commence par se prendre une marge de 50% sur la rémunération qu’il donne à l’intervenant pour faire vivre ses frais de structure. En réalité, le système français des assistants techniques qui restaient un certain nombre d’années dans un pays avait ses avantages mais il a disparu victime de la réduction drastique de l’aide au développement sous des gouvernements de droite comme de gauche au cours de ces quinze dernières années. Quant à la « juste rémunération » des produits africains, autant discuter du sexe des anges. En attendant, on laisse faire les choses. En effet, mis à part un marché pour fixer les prix, on n’a pas inventé quelque chose de mieux. La caricature de la personne qui va voler des produits chez un épicier m’a fait sourire mais la différence c’est que le coton qui quitte le Burkina Faso par exemple a bien été payé à un prix donné, insuffisant, peut-être mais le paysan n’a pas cédé sa marchandise sous la contrainte. Les paysans savent très bien faire des arbitrages quand la vente d’un produit ne les rémunère pas : il arrêtent de produire et se tournent vers autre chose. Qu’Act arrête de vouloir faire croire que les paysans africains sont des gamins qui ne comprennent rien. Pour illustrer la différence entre une démarche utopique et une autre, réaliste, je prendrai deux faits tirés de l’actualité de ce jour. Le Sénégal vient d’obtenir des partenaires au développement 1,8 milliard de dollars pour mettre en œuvre son programme de lutte contre la pauvreté. Dans le même temps, sans doute conseillés par des partisans de la théorie prônée par ACT de la « rémunération au juste prix », les pays d’Afrique de l’Ouest refusent de signer l’Accord de Partenariat Economique - APE avec l’Union Européenne espérant des conditions plus avantageuses que celles qui leur sont offertes actuellement alors que si rien n’est signé avant le 31 décembre 2007, ils passeront au régime général des transactions régies par l’OMC et qui sont moins favorables que celles proposées par l’UE. Ils attendent un « plan B » qui viendra ou peut-être ne viendra pas !!! Eta la rémunération au « juste prix », ils pourront certainement la demander aux chinois qui achètent le maximum de matières premières sur la planète et particulièrement en Afrique ! Les journaux nationaux au Niger, au Gabon et autres RDC regorgent d’exemples où les travailleurs de ces pays se révoltent carrément quand ils travaillent pour des entreprises chinoises, tellement ils sont mal traités. Comment imaginer que ce entreprises payent les matières premières à leur juste prix. J’entends déjà Act crier que ce qui est écrit dans ces journaux n’est que manipulation. Cela dit, je pense que cet article a déjà suscité un débat assez riche et contrasté et j’arrêterai donc avec ces lignes mes apports.


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