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Commentaire de Roland Verhille

sur Le pouvoir d'acheter


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Roland Verhille Roland Verhille 5 décembre 2007 08:11

Merci pour ce commentaire qui pose clairement la question débattue par les statisticiens des « doubles emplois ». Vous m’ouvrez ainsi la porte de leurs discussions en chambre des années 60, discussions incomplètes, et qu’ils n’ont pas réussi à trancher, parce qu’ils se bornent à des échanges d’arguments, sans mettre les pieds dans le plat de chiffres. (Pour leurs discussions, voyez « Une histoire de la comptabilité nationale », par André Vanoli, page 317 pour l’édition de 2002 à La découverte). Mais je ne soutiens pas que ce soit tous les prélèvements obligatoires qui sont compris deux fois dans le PIB, il s’agit seulement d’une partie d’entre eux, principalement des impôts.

Avant de mettre les pieds dans ce plat, sachez que les comptables se méfient tellement d’eux-mêmes que leur vérification préférée, c’est le contrôle par recoupement. Cela consiste à vérifier une donnée comptable en la confrontant à une donnée extérieure au calcul comptable. C’est ce que j’ai fait dans ma réponse à xa en lui opposant le calcul du taux des prélèvements obligatoires au moyen d’un bulletin de paie. Je vous réponds donc d’abord par une observation simple : si vous croyez que le calcul INSEE du PIB est exact, alors en voyant le taux INSEE des prélèvements obligatoires de 44% du PIB pour 2006, et en le comparant avec le vôtre fait à partir de votre petite comptabilité nationale élémentaire (votre rémunération, charges patronales comprises, c’est bien votre partie du PIB national ?), vous devez vous dire que vous êtes injustement matraqué en payant des prélèvements supérieurs de plus de 50% à cette prétendue moyenne nationale de 44%.

Maintenant, mettons les chiffres sur la table (impossible ou trop difficile de les présenter ici en tableau, construisez le pour vous, cela ira mieux) :

PIB 2006 : 1792 milliards d’euros. Dont impôts sur les produits moins subventions aux produits (cad ajoutés aux prix de vente hors taxes des entreprises) compris dans les prix de vente des entreprises) : 192 ; * Revenus : valeur ajouté brute : 1600. Composition de cette valeur ajoutée : Rémunération des salariés : 931, dont 235 pour ceux des administrations publiques ; Excédent brut d’exploitation : 617, dont 45 pour les administrations publiques ; Impôts sur la production (compris dans les prix de vente hors taxes des entreprises) : 281, dont 8 payés par les administration publiques à elles-mêmes ; Subventions à la production (aussi comprises dans les prix de vente hors taxes des entreprises) : -36, dont -3 aux administrations publiques. Malheureusement, l’INSEE ne décompose plus la valeur ajoutée en ses parties marchandes et non marchandes. On sait seulement que la VA des administrations comprend 48 de production marchande. * Calcul selon les biens et services utilisés, en prix de marché (TTC) ou en coût : utilisés par le secteur privé (sociétés et ménages, ainsi que reste du monde), 1116 ; Utilisés par les administrations publiques : 439, dont 46 payés avec le produit d’emprunts, soit payés avec leur revenu : 393.

Revenons maintenant à nos doubles emplois. Laissons de côté la consommation de capital fixe (237) qui n’est pas déduite, même les statisticiens de l’INSEE et leurs collègues du monde entier ont maintenant compris qu’il faut la déduire, et ils le font dans leurs comptes. J’espère ne pas vous infliger une migraine, car il faut peut-être lire plusieurs fois ma courte explication !

Vous comprenez que les rémunérations salariales des entreprises sont portées dans les prix de leurs produits. Vous comprenez que ces rémunérations servent à payer les produits marchands achetés. Ces produits contiennent les impôts sur les produits et les impôts sur la production, les rémunérations salariales aussi donc. Mais la partie des prix composée de ces impôts, c’est bien des prélèvements obligatoires, pas des biens et services achetés. Ajouter à ces salaires, ces impôts, soit compris dans les prix hors taxes et dans la valeur ajouté, soit les ajouter à la valeur ajoutée pour calculer le PIB, c’est bien les compter deux fois.

Même chose pour les services non marchands produits par les administrations publiques. Vous comprenez qu’ils sont calculés en additionnant ce qu’ils ont coûté. Ce qu’ils ont coûté est payé par les administrations publiques au moyen des prélèvements obligatoires (les impôts) payés directement ou indirectement au travers des prix par les salariés et les travailleurs indépendants ainsi que les sociétés. Comme pour les impôts travestis dans le prix des produits, les mêmes d’ailleurs en grande partie, ces moyens de payer les coûts des services non marchands des administrations publiques sont compris dans les salaires et autres revenus composant la valeur ajoutée. Pour vous le montrer plus simplement, voyez seulement les rémunérations salariales comprises dans la valeur ajoutée. Celles versée par les administrations publiques (235) sont bien payées avec des prélèvements opérés par ces administrations sur les autres rémunérations salariales (934 - 235 = 696). Ces 696 contiennent bien une partie du nécessaire pour payer ces 235. Les ajouter aux 696 pour les calculs de la valeur ajoutée et du PIB, c’est bien les compter deux fois.

Je demande aux lecteurs d’excusez la longueur de ma réponse ; mais si on veut trancher cette question des doubles emplois sans trop entrer dans de la pure technique et dans une démonstration mathématique, il faut expliquer au moins cela.


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