• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


Commentaire de slashbin

sur Projet de loi sur l'identité québécoise


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

slashbin 5 décembre 2007 22:47

Il fallait s’y attendre, suite aux derniers chiffres de statistiques Canada, les esprits s’échauffent et les craintes réapparaissent. Reste à les décrypter et à ne pas tomber dans les raccourcis péquistes faciles.

Premier point. La chute est surtout traduite par l’utilisation de chiffres sur la langue maternelle. A ce jeu, le français ET l’anglais perdent du terrain. Au Québec, l’immigration nord-africaine pousse la francophonie, mais le français n’est pas la langue maternelle, d’où des chiffres plus alarmistes que la réalité du terrain. Là où je rejoins l’auteur, c’est que si au Québec, on veut inciter les gens à apprendre le français, il faut leur en donner les moyens, mais aussi voir l’intérêt pour eux à le faire. Cet intérêt ne se crée pas par décret, mais par le contexte économique et culturel. Or la situation économique du Québec n’est pas la meilleure au Canada, et ce n’est pas un projet d’identité québécoise qui réglera ce problème d’un coup de baguette magique. Guère surprenant que les provinces anglophones paient mieux. Ce n’est pas de la discrimination, jusque de la logique économique. Ni Harper, ni Charest n’y changeront rien, excepté dans le dernier cas en reconcentrant le travail sur le développements d’activités et non les perfusions diverses, notamment avec une fonction publique occupant un pourcentage de la population active bien plus grand qu’ailleurs. Ce qui explique aussi l’importance de la taxe provinciale, alors que la taxe fédérale est sur le point de baisser.

De plus, peut-on imposer une identité par une loi ? L’identité n’est-elle pas la résultante des gens qui compose la population, et face a l’étendue du Québec, est-il raisonnable de parler d’identité québécoise ? On peut déjà rire des oppositions de principes entre Montréal et Québec, mais que dire du mode de vie sur l’Ile de Montréal face à Gaspé ? Sans parler de la question de citoyenneté québécoise... Un immigrant francophone vient au Québec pour la facilité de la langue et l’ouverture que le Québec représente en Amérique du Nord, et au Canada en particulier. Mais le Québec n’est qu’une province, il n’y a pas de sens à parler de citoyenneté, autre que la citoyenneté canadienne. Mais contrairement à ce que dit l’auteur, l’ouverture et le respect mutuel ne sont pas de mise, comme le prouvent de nombreuses dérives au sein de la commission sur les accomodements raisonnables. Le projet du PQ risque fort de décourager les candidats à l’immigration, et vu le problème de natalité que rencontre le Québec, à terme, un tel projet risque surtout à accélérer le déclin du français en Amérique du Nord.

Et stoppons l’amalgame Canada, Québec et Canada français. Si on parle de pays, on parle du Canada. Le Québec n’est pas un pays, juste une province. S’il le devient, il cessera de bénéficier du système de péréquation et s’appauvrira. De là, l’immigration choisie organisée par le gouvernement québécois, et qui favorise fortement les francophones, risque fort de ralentir, car l’intérêt d’émigrer serait nettement moindre pour les candidats intéressants. Déjà dans la situation actuelle, on en voit pas mal quitter le Québec pour partir plus à l’ouest (bref du côté anglophone)... Un Québec indépendant signifierait aussi l’isolement des autres communautés francophones canadiennes, du côté d’Ottawa mais surtout au Nouveau Brunswick. Cet isolement risque d’accentuer le déclin du français dans ses régions et de là, l’affaiblissement du Québec, et donc une situation linguistique encore plus intenable.

Alors avant de s’autocongratuler en parlant d’ouverture, certains Québécois feraient bien de stopper leur guerre de clochers (notamment en matière de laïcité... comme souligner par certains, il y a 2 générations à peine, on aurait pu alors mettre dans la "constitution" québécoise la prévalence de la religion catholique), et de réfléchir comment inciter les immigrants francophones à s’installer chez eux pour renforcer le poids de la langue française. Et voyons les choses en face : les structures d’accueil, l’allègement de certaines lourdeurs administratives, les perspectives économiques, la reconnaissance des diplômes (pourquoi par exemple un diplôme d’infirmier/ère européen est-il insuffisant pour exercer au Québec par exemple ?),... A eux aussi d’organiser plus de liens et d’échange avec les autres francophones canadiens. Le Canada français n’est pas réduit au Québec, et unis, les francophones pourraient mieux peser dans la balance. A eux aussi de revoir l’éducation en favorisant le bilinguisme anglais/français, en n’oubliant qu’un francophone bilingue aura toujours plus d’impact en réclamant des droits sur sa langue qu’un francophone unilingue.

Vincent San Seb le sous-entend dans son commentaire. Le projet d’identité québécoise est perçu surtout comme un repli sur soi, de nature à décourager l’immigration, y compris francophone, pourtant nécessaire face au problème démographique bien présent, et renforcé par l’immigration dans les provinces anglophones. De même, le désir d’indépendance est un désir émotionnel, mais non viable, qui diviserait les francophones d’Amérique du Nord et ruinerait le Québec, rendant son assimilation d’autant plus facile pour les anglophones, car la suprématie économique et scientifique est souvent un, sinon l’élément majeure dans l’imposition d’une langue. C’est déjà le cas aujourd’hui, l’anglais est devenu un outil important dans nombre de profession, et le repli sur soi ne changera rien à ce constat.

Le problème de la sauvegarde de la francophonie est un vrai problème, mais à plus d’un titre, je considère le projet péquiste comme une solution contre-productive.


Voir ce commentaire dans son contexte





Palmarès