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Commentaire de Philou017

sur Téléthon 2008 : 96 millions d'euros


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Philou017 Philou017 12 décembre 2007 22:56

Gilles-Eric Séralini, professeur des universités en biologie moléculaire à Caen, est l’un des grands spécialistes des OGM. L’auteur de « Génétiquement incorrect » (Flammarion, février 2004) est en effet expert depuis 1998 dans deux commissions gouvernementales françaises chargées d’évaluer les OGM avant et après leur commercialisation. Il préside également le conseil scientifique du Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique (CRII-GEN).

Télérama : Alors que le Téléthon célèbre sa dix-septième année d’existence, quel bilan peut-on dresser de la recherche en thérapie génique ? Gilles-Eric Seralini : Il faut bien avouer que les promesses n’ont pas été tenues et que les résultats ne sont pas à la hauteur des attentes des malades et de leurs familles. Quasiment aucune maladie génétique rare n’a pu être soignée. Un des seuls exemples de réussite concerne les bébés-bulles, ces enfants atteints d’un grave déficit immunitaire qui les condamne à vivre en milieu stérile. Grâce à l’injection de cellules corrigées avec le gène normal qui leur faisait défaut, dix enfants ont pu rentrer chez eux. Mais, quelque temps après le traitement, deux d’entre eux ont développé, contre toute attente, une forme de leucémie. En fait, le concept même de thérapie génique ne fonctionne pas. On sait aujourd’hui qu’il ne suffit pas de remplacer un gène défectueux par un autre pour que tout s’arrange. Nous découvrons grâce au décryptage du génome humain que les gènes sont imprévisibles, qu’ils agissent en réseau, que la fonction de chacun peut en cacher une autre, qu’ils peuvent « se taire », c’est-à-dire ne pas développer la maladie dont ils sont éventuellement porteurs. Nous savons aussi qu’ils vieillissent, mutent, se réveillent, sont parfois mobiles... Bref, leur fonctionnement est multiple et complexe.

Télérama : La thérapie génique n’offre-t-elle donc aucune perspective ? Gilles-Eric Seralini : Soyons optimistes. Elle reste toujours un espoir, mais seulement pour une petite minorité de maladies génétiques rares. C’est-à-dire celles dont le mécanisme est relativement simple et facilement identifiable. C’est le cas de certains bébés-bulles puisqu’ils semblent souffrir de l’absence d’une seule protéine. La France, qui avait suspendu ses expériences, les a reprises parce que les avantages du traitement ont été jugés supérieurs aux inconvénients. Dans d’autres pays, les recherches se poursuivent également. Mais, sur près de quatre mille malades, les succès sont extrêmement rares. Les laboratoires et les industries privées, en gardant leurs protocoles confidentiels, ne font que nuire aux avancées.

Télérama : Depuis le décryptage du génome humain, qu’est-ce qui a changé dans la manière d’appréhender les maladies génétiques ? Gilles-Eric Seralini : Pendant longtemps, on a répandu l’idée trop simple qu’à chaque maladie correspondait un gène. Par exemple : tel gène défectueux égale une myopathie. Or l’équation est autrement plus compliquée. Ce n’est pas un mais plusieurs dizaines de gènes qui doivent agir en même temps. Les différentes myopathies dépendent d’une centaine de gènes ! Imaginer soigner une maladie avec un seul gène équivaut à vouloir arrêter des balles avec un sabre, les yeux bandés ! D’autant plus que lorsqu’on implante un gène dans le génome on ne sait pas maîtriser l’endroit où il va s’installer, ni sa régulation. Or, selon la place qu’il va prendre, les effets seront très différents. Et, de fait, médecins et chercheurs jouent à l’aveuglette. C’est en ce sens que la thérapie génique est un concept réducteur qui fait naître des espoirs démesurés lors des grandes collectes auprès du public.

Télérama : Si la population y croit, c’est que médecins et chercheurs y croyaient eux aussi. Avez-vous le sentiment que beaucoup aujourd’hui partagent votre scepticisme ? Gilles-Eric Seralini : La plupart des spécialistes savent que la thérapie génique ne pourra être une solution simple ni généraliste, l’Académie des Sciences a d’ailleurs mis en garde sur ses limites. Elle a fait bien moins de progrès que la radiothérapie, la chimiothérapie, la chirurgie ou les études sur les cellules souches.

Télérama : Vous mettez à mal une autre certitude : que les maladies génétiques ne sont que le fait du hasard et de l’hérédité. Gilles-Eric Seralini : En effet, la pollution aussi peut favoriser des mutations et être à l’origine de nombreuses maladies génétiques. La qualité de l’air, de l’eau et des aliments est donc très importante. Prenons le cancer du sein, qui est l’objet de nombreuses études. On sait aujourd’hui que plus de 90% des cas dépendent de facteurs environnementaux. La période la plus sensible est la vie fœtale, On a bien vu les effets de la pollution à Bhopâl, Tchernobyl, Seveso et autour de la mer d’Aral, par exemple. Les polluants sont ingérés par la mère puis transmis au fœtus, qui concentre ces substances, lesquelles vont aller se coller sur des gènes et créer des mutations. Vingt ans plus tard, ils peuvent provoquer des cancers. Et, de fait, les cancers augmentent chez les enfants dans les pays industrialisés. Selon nos recherches avec un professeur de Toulouse, Annie Leszkowicz, les fœtus humains peuvent emmagasiner plusieurs centaines de polluants sur leurs gènes. Ces résidus industriels, pesticides, toxines, gaz toxiques et cancérigènes se fixent sur les gènes les plus utilisés, ce qui va empoisonner en douce l’ensemble des fonctions de notre organisme, sans que l’on puisse prévoir quel organe ils vont toucher. C’est en cela qu’on peut parler de hasard. Mon collègue Charles Sultan, pédiatre au CHU de Montpellier, montre que les malformations sexuelles chez les nouveau-nés augmentent notablement chez les agriculteurs qui utilisent certains pesticides. Donc, arrêtons de culpabiliser les parents, de souligner l’hérédité des familles, et occupons-nous de l’environnement. On aurait sauvé des millions d’enfants si on avait mieux prévenu la pollution.

Télérama : Pourquoi ce lien entre les maladies génétiques et l’environnement n’est-il jamais révélé publiquement ? G. E. Seralini : Parce qu’on ne l’a établi que très récemment. Les premières études remontent aux années 1980 et nous ne disposons d’analyses plus étendues que depuis dix ans. On commence à admettre la nocivité des hydrocarbures et des pics de pollution sur la santé publique (asthme, problèmes respiratoires, morbidité des enfants et mortalité des personnes âgées). Tant mieux, mais on passe sous silence tous les effets chroniques qui vont provoquer des maladies dans vingt ans, tout simplement à cause de certains gaz de voiture ou de pesticides. Des automobilistes qui respirent chaque jour dans les embouteillages vont développer des maladies sans qu’aucun médecin ne puisse dire quelle en est l’origine.

http://www.decharge34.com/pages/page3t.html


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