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Commentaire de Philippe Vassé

sur Russie : réalités, apparences, tensions et contradictions


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Philippe Vassé Philippe Vassé 27 décembre 2007 16:09

Yannick,

Je partage tout à fait votre dernier point, à la fois dans la forme et dans le fond constitutif. La démocratie ne s’importe pas, ne se décrète pas, ne s’exporte pas non plus.

Mais, les peuples et les citoyens peuvent librement échanger leurs expériences lorsqu’ils peuvent tout aussi librement communiquer entre eux afin de concourir à un épanouissement commun et concerté entre eux.

Sur le problème des installations militaires américaines, effectivement, l’UE en tant que telle se tait, faisant ainsi la vérification du dicton selon lequel « qui ne dit mot consent ».

Officiellement, l’explication en serait que les pays en question ont des responsabilités souveraines qui les regardent, au niveau des accords extérieurs de nature militaire. En clair, la Pologne et la Tchéquie ont le droit de devenir des problèmes internationaux, donc aussi pour l’UE, sans que Bruxelles ne puisse rien dire sur le genèse du dossier.

La tartufferie de la bureaucratie UE a ici une extension originale qui confine au ridicule burlesque.

Cette position de tartuffe s’explique par la soumission de la direction politique générale de l’UE aux intérêts américains face à la Russie. En d’autres termes, l’UE manifeste son accord tacite à une immixtion manifeste d’un Etat non-membre de l’UE -les Etats-Unis- dans les rapports entre l’UE, ses 27 Etats membres et la Russie.

Il n’est pas sûr que la « ligne de conduite » plutôt fuyante et inconsistante de la Commission Européenne sur le sujet soit constitutive d’une politique claire et compréhensible par tous les acteurs concernés.

Ce dossier des installations militaires aux frontières de la Russie forme, avec celui du Kosovo, les deux grands dangers potentiels de crise entre d’un côté, une Russie qui a retrouvé sa confiance en elle, sa force militaire et une force de frappe économique, une Serbie qui a tiré les leçons de son isolement de 1999 et su se lier à Moscou pour défendre des intérêts vus comme communs, et de l’autre une direction de l’UE qui croit que les problèmes disparaissent quand on n’en parle plus, ce qui relève de l’absence de réalisme la plus absurde.

Comme vous le notez non sans humour, les dirigeants de Bruxelles vont devoir faire le constat que l’UE n’est qu’un petit appendice de l’immense continent asiatique, sans vrai pouvoir international et sans réelle politique d’ensemble.

La problématique, ramenée à des données plus mesurables, est la suivante : quelle place pourrait-il y avoir pour l’UE entre la Russie qui reprend sa place de superpuissance mondiale, la montée de l’Inde et de la Chine, la solidité maintenue du Japon, et les Etats-Unis ?

Soit l’UE existe dans une relation équilibrée et pacifiée entre les grands Etats mondiaux, soit elle privilégie des choix « continentaux » pragmatiques.

Dans les deux hypothèses, sa nature même et la variété des intérêts contradictoires mèneront à des crises répétées et incessantes car il ne peut y avoir UNE politique étrangère globale de l’UE quand les situations nationales sont si diverses et de logiques contradictoires.

La réponse peut donc générer des contradictions internes flagrantes et menacer de facto l’UE d’implosion.

On commence à voir les premiers signes avant-coureurs de cette « implosion » possible dans les louvoiements de la Lithuanie face à la Russie et dans les processus en cours en Ukraine. Et ce n’est pas fini car la Pologne ne peut non plus faire l’impasse sur son voisin géant à l’Est....

Peut-être tout simplement l’UE va-t-elle payer par cette implosion sa volonté d’être trop « grande », donc d’agréger des environnements géo-politiques et économiques par trop différents, ce qui nourrit par essence des tensions nouvelles entre des intérêts parfois très (trop ?) divergents.

Bien cordialement,


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