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Commentaire de Tarouilan

sur Que sais-je du Tibet ?


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Tarouilan Tarouilan 17 avril 2008 14:23

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Les autorités chinoises reconnaissent "des erreurs", particulièrement pendant la Révolution Culturelle en 1966-76 quand la persécution religieuse a atteint une haute vague tant en Chine qu’au Tibet. Après le soulèvement à la fin des années 1950, des milliers de Tibétains ont été incarcérés. Pendant le Grand bond en avant, la collectivisation obligatoire et l’agriculture de grain ont été imposées à la paysannerie, parfois avec un effet désastreux. À la fin des années 1970, la Chine a commencé à relâcher le contrôle sur le Tibet "et a essayé de réparer certains des dégâts provoqué pendant les deux décennies précédentes."34



En 1980, le gouvernement chinois a amorcé des réformes censément conçues pour accorder au Tibet un degré plus grand d’autonomie et d’auto-administration. Les Tibétains seraient dès lors autorisé à cultiver des parcelles privées, à vendre leurs surplus de moisson, à décider eux-mêmes quel produit cultiver et à garder des yaks et des moutons. La communication avec le monde extérieur était de nouveau permise et les contrôles aux frontières furent facilités pour permettre aux Tibétains de visiter des parents exilés en Inde et au Népal.35



Dans les années 1990, les Hans, le plus grand groupe ethnique comprenant plus de 95 pour cent de la population énorme de la Chine, ont commencé à se déplacer en nombre substantiel au Tibet et dans diverses provinces occidentales. Dans les rues de Lhassa et de Shigatse, les signes de la prééminence han sont aisément visibles. Les Chinois dirigent les usines et beaucoup des magasins et des stands de vente. De grands immeubles de bureaux et de grands centres commerciaux ont été construits avec des fonds qui auraient été mieux dépensés pour des usines de traitement d’eau et des logements. Les cadres chinois au Tibet ont souvent considéré leurs voisins tibétains comme arriérés et paresseux, ayant besoin d’un développement économique et d’une "éducation patriotique". Pendant les années 1990, des employés du gouvernement tibétain soupçonnés d’entretenir des sympathies nationalistes ont été licenciés et des campagnes ont été lancées pour discréditer le Dalaï-lama. Des Tibétains ont, selon certaines sources, été arrêtés, emprisonnés et soumis au travail obligatoire pour avoir mené des activités séparatistes et s’être engagé dans "la subversion" politique. Certaines des personnes appréhendées ont été retenues en détention administrative sans eau et alimentation adéquates, sans couvertures, sujettes à des menaces, des coups et d’autres mauvais traitements.36



Les règlements de planning familial chinois permettent une limite de trois enfants par familles tibétaines. (Pendant des années, les familles hans étaient soumises à la limite de lenfant unique) Si un couple dépasse la limite, les enfants en excès peuvent être interdits d’accès à la garderie subventionnée, aux services médicaux, au logement et à l’éducation. Ces pénalités ont été appliquées de manière irrégulière et varièrent selon le district. Par ailleurs, l’histoire, la culture et la religion tibétaines sont négligées dans les écoles. Les matériels pédagogiques, quoique traduits en tibétain, se concentrent sur l’histoire et la culture chinoises.37


Élites, émigrés et la C.I.A.


Pour les lamas et les seigneurs riches, l’intervention communiste était une calamité. La plupart d’entre eux se sont enfuis à l’étranger, ainsi fît le Dalaï-lama lui-même, qui a été aidé dans sa fuite par la C.I.A. Certains ont découvert avec horreur qu’ils devraient travailler pour vivre. Pourtant, pendant les années 1960, la communauté tibétaine en exil a secrètement empoché 1,7 millions de $ par an provenant de la C.I.A. selon des documents rendus publics par le Département d’Etat en 1998. Une fois que ce fait a été rendu public, l’organisation du Dalaï-lama lui-même a publié une déclaration admettant qu’il avait reçu des millions de dollars de la C.I.A. pendant les années 1960 pour envoyer des escadrons armés d’exilés au Tibet pour saper la révolution maoïste. Le revenu annuel du Dalaï-lama dispensé par le C.I.A. était de 186.000 $. Les services secrets indiens l’ont aussi financé ainsi que d’autres exilés tibétains. Il a refusé de dire si lui ou ses frères travaillaient pour la C.I.A. L’agence sest aussi abstenue de faire des commentaires.38



En 1995, le News & Observer de Raleigh en Caroline du Nord, a publié en couverture une photographie couleur montrant le Dalaï-lama recevant laccolade du sénateur Républicain réactionnaire Jesse Helms, sous le titre "le Bouddhiste fascine le Héros des droits religieux".39 En avril 1999, avec Margareth Thatcher, le Pape Jean Paul II et George Bush premier, le Dalaï-lama a lancé un appel au gouvernement britannique afin qu’il libère Augusto Pinochet, l’ancien dictateur fasciste du Chili et un client de longue date de la C.I.A. et qui avait été appréhendé alors qu’il était en visite en Angleterre. Il a vivement recommandé que Pinochet ne soit pas forcé d’aller en Espagne où il était requis par un juge espagnol pour passer en justice pour des crimes contre l’humanité.



Aujourd’hui, surtout via la National Endowment for Democracy (NED) et d’autres canaux qui sonnent plus respectablement que la C.I.A., le Congrès US continue d’allouer 2 millions de $ par an aux Tibétains en Inde, plus quelques millions complémentaires pour "des activités démocratiques" dans la communauté d’exil tibétaine. Le Dalaï-lama obtient aussi de l’argent du financier George Soros, qui dirige Radio Free Europe/Radio Liberty, la radio créée par la C.I.A., ainsi que d’autres instituts.40


La question de la culture


On nous a dit que quand le Dalaï-lama gouvernait le Tibet, le peuple vivait dans une symbiose satisfaisante et tranquille avec leurs seigneurs monastiques et séculiers, selon un ordre social fondé sur une culture profondément spirituelle et non violente inspirée par des enseignements religieux humains et pacifiques. La culture religieuse tibétaine était le ciment social et le baume réconfortant qui maintenaient les lamas riches et les paysans pauvres liés spirituellement et pour soutenir ces prosélytes qui considèrent le vieux Tibet comme un modèle de pureté culturelle, un paradis terrestre.



On peut se rappeler les images idéalisées de l’Europe féodale présentées par des catholiques conservateurs contemporains comme G. K. Chesterton et Hilaire Belloc. Pour eux, la chrétienté médiévale était un monde de paysans satisfaits vivant dans un lien spirituel profond avec leur Église, sous la protection de leurs seigneurs.41 A nouveau, nous sommes invités à accepter une culture particulière selon ses propres canons, qui signifie l’accepter tel qu’elle est présentée par sa classe privilégiée, par ceux du sommet qui en ont profité le plus. L’image du Shangri-La du Tibet n’a pas plus de ressemblance avec la réalité historique que ne l’a l’image idéalisée de l’Europe médiévale.



Quand il est vu dans toute son effroyable réalité, le vieux Tibet confirme que la culture nest absolument pas neutre. La culture peut faire office de couverture de légitimation à une foule de graves injustices, bénéficiant à une portion de la population dune société au grave détriment dautres segments de cette population. Dans le Tibet théocratique, les intérêts dominants manipulaient la culture traditionnelle pour consolider leur richesse et leur pouvoir. La théocratie assimilait les pensées et les actions rebelles à des influences sataniques. Elle propageait la supposition générale de la supériorité du seigneur et de linfériorité du paysan. Le riche était représenté comme méritant sa belle vie et le pauvre comme méritant sa misérable existence, le tout codifié en enseignements à propos de la succession karmique des vertus et des vices issus de vies passées et présenté comme lexpression de la volonté de Dieu.



Il pourrait être dit que nous, citoyens du monde laïc moderne, ne pouvons pas saisir les équations du bonheur et de la douleur, le contentement et la coutume qui caractérisent des sociétés plus traditionnellement spirituelles. Cela peut être vrai et cela peut expliquer pourquoi certains d’entre nous idéalisent de telles sociétés. Mais tout de même, un il énucléé est un il énucléé, une flagellation est une flagellation, et l’exploitation oppressante des serfs et des esclaves est toujours une injustice de classe brutale quels que soient ses emballages culturels. Il y a une différence entre un lien spirituel et un esclavage humain, même quand tous les deux existent côte à côte.



Bon nombre de Tibétains ordinaires souhaitent le retour du Dalaï-lama dans leur pays mais il apparaît que relativement peu souhaite un retour à lordre ancien quil représente. Une histoire publiée en 1999 dans le "Washington Post" note quil continue à être révéré au Tibet, mais



... peu de Tibétains accueilleraient un retour des clans aristocratiques corrompus qui se sont enfuis avec lui en 1959, et cela comprend la plus grande partie de ses conseillers. Beaucoup de fermiers tibétains, par exemple, n’ont aucun intérêt à recéder la terre qu’ils ont gagnée pendant la réforme agraire que la Chine a imposée aux clans. Les anciens esclaves du Tibet disent qu’ils, eux aussi, ne veulent pas que leurs anciens maîtres reviennent au pouvoir.

"J’ai déjà vécu cette vie une fois auparavant", a dit Wangchuk, un ancien esclave de 67 ans qui portait ses meilleurs vêtements pour son pèlerinage annuel vers Shigatse, un des sites les plus saints du Bouddhisme tibétain. Il a dit qu’il vénérait le Dalaï-lama, mais a ajouté, "je ne peux pas être libre sous le communisme chinois, mais je suis dans de meilleures conditions que quand j’étais un esclave."42



Kim Lewis qui a étudié les méthodes de guérison avec un moine bouddhiste à Berkeley en Californie a eu loccasion de parler longuement avec plus dune dizaine de femmes tibétaines qui vivaient dans le bâtiment du moine. Quand elle demanda comment elles se sentaient à lidée de retourner dans leur pays dorigine, le sentiment était unanimement négatif. Au début, Lewis pensait que leur répugnance avait un rapport avec loccupation chinoise mais elles linformèrent vite quil en était tout autrement. Elles dirent quelles étaient extrêmement reconnaissante "de ne pas avoir du se marier à 4 ou 5 hommes, de ne pas devoir être enceinte presque tout le temps", ou de devoir supporter des maladies sexuellement transmissibles contractées par un mari errant. Les plus jeunes femmes "étaient enchantées de recevoir une éducation et ne voulaient absolument rien à voir avec une quelconque religion, et se demandaient pourquoi les Américains étaient si naïfs". Elles racontèrent les histoires des épreuves de leur grand-mère avec des moines qui les utilisaient comme "épouses de sagesse", leur disant "quelles gagneraient énormément de mérites en fournissant les moyens de léblouissement après tout, Buddha avait besoin dêtre avec une femme pour atteindre lillumination".



Les femmes interviewées par Lewis parlèrent avec amertume au sujet de la confiscation de leurs jeunes garçons par les monastères au Tibet. Quand un enfant criait après sa mère, il lui était dit "Pourquoi la réclames-tu, elle ta abandonné elle est juste une femme." Parmi les autres problèmes, il y avait notamment "lhomosexualité endémique dans la secte Gelugpa. Tout nétait pas parfait au Shangri-la", opine Lewis."43



Les moines qui ont obtenu lasile politique en Californie ont fait une demande pour obtenir la sécurité sociale. Lewis, elle-même une partisane pendant un temps, les a aidé pour les documents administratifs. Elle observe quils continuent à recevoir des chèques de la sécurité sociale dun montant de 550 à 700 dollars par mois avec Medicare et MediCal. En plus, les moines résident sans payer de loyer dans dagréables appartements équipés. "Ils ne paient aucune charge, ils ont laccès gratuit à internet avec des ordinateurs mis à leur disposition, ainsi que des fax, des téléphones fixes et portables et la télévision câblée." En plus, ils reçoivent un traitement mensuel de leur ordre. Et le centre dharma prend une collection spéciale de ses membres (tous américains), distinct de leurs devoirs de membres. Certains membres effectuent avec passion les tâches ménagères pour les moines, notamment les courses chez lépicier, lentretien de leurs appartements et leurs toilettes. Ces même saints hommes "ne voient aucun problème à critiquer lobsession des Américains pour les choses matérielles".44



Soutenir le renversement de la vieille théocratie féodale par la Chine ne signifie pas applaudir à tout ce que fait l’autorité chinoise au Tibet. Ce point est rarement compris par les adhérents du Shangri-La aujourd’hui à l’Ouest.



L’inverse est aussi vrai. Dénoncer l’occupation chinoise ne signifie pas que nous devons idéaliser l’ancien régime féodal. Une complainte commune parmi les prosélytes bouddhistes à l’Ouest est que la culture religieuse du Tibet est sapée par loccupation. Cela semble vraiment être le cas. Nombre de monastères sont fermés et la théocratie est passée dans lhistoire. Ce que je mets en doute ici est la nature soi-disant admirable et essentiellement spirituelle de cette culture d’avant l’invasion. En bref, nous pouvons préconiser la liberté religieuse et l’indépendance pour le Tibet sans devoir embrasser la mythologie d’un Paradis Perdu.



Finalement, il devrait être noté que la critique posée ici ne doit pas être considérée comme une attaque personnelle contre le Dalaï-lama. Quel que soit ses associations passées avec la C.I.A. et certains réactionnaires, il parle souvent de paix, d’amour et de non-violence. Et il ne peut lui-même être réellement blâmé pour les abus de lancien régime, nayant que 15 ans quand il senfuit en exil. En 1994, dans une interview avec Melvyn Goldstein, il dit en privé qu’il était depuis sa jeunesse en faveur de la construction d’écoles, "de machines" et de routes dans son pays. Il prétend qu’il pensait que la corvée (travail forcé non payé dun serf au profit du seigneur) et certains impôts imposés aux paysans étaient "extrêmement mauvais". Et il n’aimait pas la façon dont les gens étaient surchargés avec des vieilles dettes parfois transmises de génération en génération.45 En outre, il propose maintenant la démocratie pour le Tibet, caractérisée par une constitution écrite, une assemblée représentative et d’autres attributs démocratiques essentiels.46

 


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