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Commentaire de odile

sur Les révisions prévues par le projet de loi sur la Constitution sont-elles légales ?


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odile 21 mai 2008 22:05

A Forest : désolé pour le titre. Il parait en effet trompeur. Mea culpa. Celui que j’avais initialement proposé était trop long. Le terme "légal" s’applique à la au texte de loi...Et non à la révision en elle même. Mon but était en effet, comme l’a souligné Djanel, de me poser la question de la cohérence des articles proposés par le projet de loi gouvernemental avec la Constitution, et particulièrement avec les limites constitutionnelles posées par celle ci.

Ces limites s’appliquent au Parlement, qui est de part la Constitution, le pouvoir constituant dérivé ou secondaire...Comme l’a reconnu le Conseil Constitutionnel dans sa décision datant de 1999. Seul le Peuple, parce qu’il est Souverain, n’a pas de limites qui lui sont imposées. Etant placé au dessus de la Constitution, puisqu’il peut la "violer" (cas en 1962) en légalisant une transformation de celle ci non conforme aux limites imposées par la Loi Fondamentale, les trois limites que la Constitution pose ne lui sont pas applicables.

Le Conseil Constitutionnel a refusé, il est vrai, de vérifier la conformité de la loi constitutionnelle référendaire...A priori...Et à posteriori. Et cela est normal, puisque les "Sages" partent du principe républicain "le gouvernement du Peuple, pour le Peuple, et par le Peuple". Si le Souverain existe avant la Constitution, il est normal que le pouvoir constituant originaire fasse un peu ce qu’il veut avec sa propre Constitution.

En revanche, le Parlement, lui, est un pouvoir constitué. Il n’a d’existence que dans le cadre que le Peuple Souverain a choisi pour lui. Autrement dit, son pouvoir n’a de réalité que par rapport à la Constitution. Il lui est donc impossible de supprimer, par ex, l’article 16 de la Déclaration...Premièrement parce que celui ci dispose ou stipule, peu importe, qu’en l’absence de séparation des pouvoirs, et de respects des droits énoncés dans la Déclaration, la France n’a plus d’Etat de Droit...Mais aussi, parce qu’en reconnaissant que le préambule de la Constitution a valeur constitutionnelle, le Conseil des Sages, en 1973 (si je me souviens bien) à de fait garantie aux citoyens le caractère inalinéable des droits prescrits dans le "bloc de constitutionnalité".

En ce qui concerne la souveraineté nationale, celle ci existe toujours. Pour une raison très simple : la Constitution est toujours révisable...Et le Parlement européen, selon les dires mêmes du Conseil Constitutionnel, ne représente aucune souveraineté. Ajoutons à cela que les traités ne peuvent pas entrer en contradiction des ordres internes, propres à chaque Etat membre. Sinon, par ex, les Irlandais ne pourraient pas voter, par référendum, le traité constitutionnel de 2007.

L’Union Européenne est rigoureuse, au moins sur un point : le respect de ses traités. Si l’UE accepte les limites posées par la Constitution irlandaise, elle doit aussi accepter celle posée par notre propre Constitution.

Autrement dit, si par ex demain, l’Union Européenne voulait faire valoir un droit des "minorités" elle ne le pourrait pas, en France. Pourquoi ? Parce que les articles de la Déclaration, dont l’article 1 dispose, stipule, déclare, etc. Que les Hommes sont libres et égaux en droit, et qu’aucune différence de traitement ne peut être faites, parce que la France ne reconnait dans ses "enfants" que la particularité d’être Français, interdit la mise en oeuvre de ce genre de droit. En effet, "toiletter" un des articles de la Déclaration, revient à toucher à l’article 16, lequel est non révisable, car il implique, ipso facto, la destruction de la Constitution française.

Les "directives" sont transposables, dans le droit national. Mais rien n’obligent les parlementaires à les transposer dans l’immédiat, ni même à altérer une directive pour la rendre conforme au droit français. En soit, les directives européennes ne sont pas contraignantes. Elles ne le sont que par rapport à l’interprétation que l’on fait des articles de la Constitution.

Ainsi en est il justement de l’article 89 alinéa 5. Celui ci, et cela est dit justement, a été, à l’origine, créé pour empêcher le retour de la Monarchie ou de l’Empire. A cela rien d’étonnant. Sa création date de la III République, la très "républicaine" III République...Qui se considérait comme l’héritière de 1789. Mais qu’est ce qu’une Monarchie ou un Empire...Sinon un régime où les pouvoirs sont concentrés ? Où les pouvoirs ne sont donc pas séparés ? Et qu’est ce, en contradiction, une République démocratique...Sinon un régime qui fonctionne sur le postulat que le Peuple est Souverain, et que l’Homme possède un certain nombre de droits inaliénables ?

L’interprétation d’un article n’est pas figée. En effet, à lire la Déclaration, on pourrait penser qu’il s’agit d’une déclaration "démocratique". Alors qu’à l’époque des faits...Louis XVI était toujours roi de France. Partir du principe que les Hommes sont égaux en droit était donc un acte de lèse majesté. Mais on pouvait aussi interpréter cet article comme visant à créer une Monarchie constitutionnelle, sur le mode anglais, où les Hommes seraient égaux en droit...Mais où le roi serait le 1er citoyen du Royaume. 

Cette interprétation de la Déclaration a bien sur été modifiée au cours du temps. Il en est de même de l’idée que l’on peut se faire de l’article 89 alinéa 5. A l’époque, le danger s’appelait l’Empire, la Monarchie. Et l’espoir résidait dans un régime fondé sur la philosophie des Lumières, donc garantissant la séparation des pouvoirs, et le respect des articles de la Déclaration. 

A l’époque de la V République, pourquoi conserver cet article ? Et le renforcer, par rapport à l’article 95 de la IV République ? Peut être parce que le fondateur de la V République, voulait empêcher le retour au coup d’Etat, en imposant une règle d’or, qui n’a l’air de rien, mais qui en réalité a une très grande portée  : l’impossibilité de réviser la forme républicaine du Gouvernement. C’est à dire empêcher concrètement le Président d’obtenir l’aide de l’armée, de faire tout et n’importe quoi, et de signer des traités "vendant" la France a autrui.

Pour arriver à cela : le Premier Ministre. Le Président a un grand pouvoir dans notre pays...Mais il est limité par les prérogatives du Premier Ministre, lequel est seul à pouvoir "gouverner". En effet, sans le Premier Ministre, le Président ne peut pas signer de traités, donner d’ordre à ses Ministres, donner son approbation à l’idée d’un référendum, solliciter la tenue d’un Congrès, etc. Autrement dit, le Président a tout intérêt à avoir de bonnes relations avec son Premier Ministre. Sinon...Il est coincé.

Cela signifie concrètement, que même si (et je sais bien ce qu’on va dire) le Premier Ministre, généralement, n’est pas trop poussé, pour faire ce que le Président désire...Le Parlement peut lui faire sauter le Premier Ministre, si cela s’avère nécessaire. Il y a un responsable, controlable, qu’on peut faire sauter.

C’est très certainement en se souvenant de "Pétain" que le Général a voulu conserver cet article. Aujourd’hui, cette limite constitutionnelle, garantie à la France l’impossibilité d’un coup d’Etat, au sens de l’époque, car le Président n’a pas de pouvoir sur l’armée, sur l’administration, ou sur l’extérieur. Sans le Premier Ministre, il ne peut rien.

L’article 89 alinéa 5 s’impose, non pas au Peuple (article 11) mais au Parlement, régit par l’article 89 dans le cadre révisionnel. Cette interdiction, cette limite, est en lien direct avec le Congrès. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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